Novembre 2015
Celui de sortir de la spirale du terrorisme.
Celui-là d'arrêter de nous entre-tuer d'une rive de la méditerranée à l'autre.
Celui-là d'arrêter de provoquer une multitude de gens à se sauver de l'enfer-mement causé en partie par le déluge de feu déversé sur eux de toutes parts.
Dans quel état d'urgence sommes-nous ?
Celui-là de nous défaire et démunir de nos violences, de celles qui nous sont faites, mais aussi de celles que nous faisons aux autres.
Christian de Chergé, prieur des moines de Tibhirine durant le déchirement du peuple algérien, vécu pendant les années noires, priait le Christ Jésus en lui disant : « Désarme-les, ceux qui nous font violence, mais désarme-moi d'abord, parce que moi aussi je suis violent »
En cherchant à prendre une part dans mon cœur et dans ma chair de ce qui est fait de violence à notre humanité en plein Paris, particulièrement depuis le 13 novembre, je refuse et je fais objection à certaines paroles et attitudes du président de notre république et de ceux qui veulent nous gouverner en entraînant notre pays dans la guerre. Certainement qu'il est très dur d'assumer de telles responsabilités politiques dans des circonstances comme celles que nous traversons actuellement. Mais justement, ne laissons pas nos élus isolés et seuls devant de tels choix et décisions.
Ce qui est urgent, ce n'est pas de partir en guerre, mais c'est de chercher comment désamorcer la guerre. Mercredi dernier je me trouvais dans une famille où les petits enfants de 12 et 8 ans arrivaient de l'école. La télévision donnait en boucle les informations. Je n'ai pas du tout adhéré et me suis opposé à l'élan altier et guerrier de notre président de la république déclarant devant les députés et sénateurs de la France, puis en présence de tous les maires de notre pays, et devant ces enfants de la patrie chez qui je me trouvais : « La France est en guerre », puis entonnant la Marseillaise voulant nous faire chanter : » Aux armes, citoyens … le jour de gloire est arrivé »
ce n'est pas vrai que c'est un jour de gloire qui arrive. Alors ne le disons pas et ne forçons pas les gens à chanter : « qu'un sang impur, abreuve nos sillons » Il n'y a pas de sang impur. C'est raciste et guerrier que de le dire. N'appelons pas les citoyens aux armes, comme nous le faisons chanter aux enfants des écoles.
N'est-on pas en train de chercher à justifier les bombardements sur la Syrie et par là nos fabrications et nos trafics d'armes ?
Dans quel état d'urgence sommes-nous ?
Celui-là d'arrêter le terrorisme de Daesh en particulier, mais est-ce en entraînant les membres de l’Europe et nous-mêmes dans ces bombardements que nous y parviendrons ? Au contraire, je crains que nous soyons en train d'alimenter le terrorisme en continuant à prendre ce chemin-là.
Combien de gens innocents allons-nous continuer de tuer de manière aussi aveugle que celle dont les terroristes de Daesh ont tués les membres de notre jeunesse dans les attentats du 13 novembre. Ne sommes-nous pas en train de sombrer nous aussi dans un terrorisme ?
Dans quel état d'urgence sommes-nous ?
C'est dans la diplomatie qu'il nous faut nous engager. Mais une diplomatie qui consiste dans la recherche d'un désarmement et non pas d'une intensité redoublée de largage de bombes sur une région exsangue où les habitants, enfants, femmes et hommes, devront continuer de se sauver de ce qui reste de leurs habitations, pour prendre le chemin risqué et obstrué de la migration. Ca me rappelle trop l'inanité de l'établissement du plan Challes en Algérie en 1959-1960, opérations aux- quelles hélas, j'ai participé.
Allons enfants de la patrie, arrêtons de faire couler le sang des autres et le nôtre, sur les sillons de notre terre. Au contraire, semons et faisons humblement pousser dans ces sillons, les actes, paroles et graines de la résistance à la violence, de la diplomatie, du respect et de la relation entre les humains quels qu'ils soient. En cela réside l'urgence à laquelle nous sommes tenus.
Comme l'a dit et écrit récemment Jean-Marie Muller : « Face à la violence du terrorisme, les citoyens ne sont pas mis en demeure de répondre à la violence de la guerre. Nous devons certes surmonter toute peur et nous mobiliser, mais pour résister à la logique de la terreur qui est la logique de la violence. L'arme des terroristes est d'abord une arme idéologique et c'est cette arme qu'il faut briser »
« Face à l'inhumanité du terrorisme, l'urgence est d'affirmer les valeurs universelles d'humanité qui fondent la civilisation. Ce sont les mots de notre devise républicaine qui doivent inspirer notre action : Liberté, Égalité, Fraternité »
Afin de réellement nous engager sur les chemins de la défense de notre humanité, « plutôt que de prendre les armes, prenons le livre » comme disaient et vivaient les moines de Tibhirine, ce livre où est écrit notre dignité d'hommes, aux uns et aux autres.
N'est-ce pas sur ce chemin de la résistance et de la résilience qu'il est urgent de nous engager ? !