Dampierre le 31 mars 2020
« OUVREZ … OUVREZ LA CAGE AUX OISEAUX »
(Pierre Perret)
Dans l’HLM qui n’est pas très loin de chez ma sœur à Planoise, il vient de se passer un court instant libérateur. Moment qui peut nous insuffler une attitude libérante, dans les jours douloureux que nous vivons. Un homme, s’obligeant au confinement par la loi qui nous dicte à tous de rester chez nous, prend le temps de se laisser travailler par l’esprit inventif dont nous sommes tous dotés.
Depuis des années cet homme détient dans sa salle de séjour une cage avec des oiseaux au plumage coloré et au gazouillis enchanteur.
Il les soigne chaque jour avec beaucoup d’attention. Plusieurs fois par an il y a des couvées qui se réalisent dans cette cage. De petits oiseaux sortent de leurs coquilles sous les yeux admiratifs de l’homme. Mais c’est dans la cage que tout cela se passe. Il est vrai que notre ami ne garde pas pour lui les oisillons nouveau-nés. Il les offre à des amis voisins. Les oisillons sortent bien de la cage mais c’est pour rentrer dans une autre cage, et perpétuer le confinement.
Est-ce bien à cela que madame nature a destiné la gente ailée ?
Justement voilà que l’autre jour, au lendemain du 22 mars, jour où le Parlement français intensifiait encore davantage la loi de confinement pour nous tous, notre oiselier eût un songe. Il ressentit intensément que « oiseau et cage ne pouvaient pas aller ensemble ». Si le confinement devenait insupportable pour qui avait des jambes, l’encagement perpétuel devait être invivable aussi pour qui avait des ailes.
L’homme se leva d’un bond. Il sortit de sa cuisine. Il entra dans la salle de séjour… saisit promptement la cage aux oiseaux… se dirigea vers la porte-fenêtre du balcon qui était ouverte … et avec une émotion qu’il avait rarement connue il ouvrit la petite porte de la cage et dit aux oiseaux qui devaient se demander ce qui leur arrivait : « Allez les petits… Excusez-nous… on ne savait pas ce que c’était… »
Et les oiseaux s’envolèrent et montèrent tout là-haut dans le ciel.
En même temps que ce message de ma sœur de Besançon, je lisais dans le journal « La Croix » du 26 mars, que la garde des sceaux Nicole Belloubet, présentait plusieurs mesures d’exception pour la justice dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire afin notamment de désengorger les prisons, entre 5000 et 6000 personnes devraient pouvoir bénéficier des dispositifs présentés… » Comme dans le « désengagement » des oiseaux à Planoise, n’aurions-nous pas dû travailler au « désengorgement » des prisons avant que n’arrive le coronavirus ?
Et je ne peux pas ne pas me laisser interpeller par cet article du journal le Progrès de ce mardi 31 Mars. Claude Charbonnier et Jean-Yves Millot qui coordonnent le cercle de silence de Dole nous disent : « La rétention, déjà inadmissible en temps normal pour les migrants, les réfugiés, les demandeurs d’asile et les mineurs isolés laissés à la rue, cet enfermement est encore plus inadmissible en cette période de crise sanitaire… Avec les frontières qui se ferment, il n’existe plus de perspective de renvoi. Dans ce contexte, la rétention ne se justifie plus ». Par conséquent, en nous associant aux défenseurs des Droits de l’homme, toutes les personnes qui voudront continuer à faire cercle de silence afin de clamer le cri des exclus, nous, nous nous tiendrons en silence ce soir de 18h30 à 19h30, dans nos maisons.
En relevant ce appel des défenseurs des droits de l’homme et des militants du cercle de silence, je découvre une sacrée connexion avec ce que Dieu lui-même dit à notre Humanité quand il donne sa parole au prophète Ezéchiel dans la liturgie de dimanche dernier : « Je vais ouvrir vos tombeaux et je vous en ferai remonter, ô mon peuple »(Ez 3 37 13).
Qu’est-ce que la chanson de Pierre Perret ressemble à la parole du prophète… Qu’est-ce que l’attitude de l’homme de Planoise ouvrant la cage aux oiseaux qu’il tenait enfermés est de même sève que la manière dont Dieu s’y prend pour soulever la pierre tombale sous laquelle notre humanité est enfouie.
Le souffle libérateur qui est entré chez les initiateurs et animateurs de mouvements tels que la ligue des Droits de l’homme, le cerce de silence, Emmaüs, ATD Quart Monde, Amnesty International, le CCFD , la coordination des gens de la santé, là présentement, allié à un engagement politique au service du bien commun, tout cela me fait beaucoup penser que l’Esprit de Dieu a dû se lever bien avant l’aube pour en animer la flamme.
Je sens qu’il y a plein de barrières séparatrices qui tombent. Et voilà que j’entends Dieu qui se met à prier les hommes : « En ouvrant la porte de vos êtres, je mets en vous mon esprit… vous n’allez plus pouvoir supporter l’enfer-me-ment qui bouleverse l’existence de beaucoup de mes enfants que vous êtes tous… vous allez avoir envie de libérer et faire sortir de prison vos frères et vos sœurs qui crient leur détresse… vous allez vous rendre compte que vous détenez dans les poches de votre cœur les clefs qui permettent d’ouvrir ces portes de prison envoûtantes. Vous allez entendre votre frère le vent qui chante que la Terre votre mère enfin respire. Et avec François d’Assise, François de Rome, Laurent de Chamole, vous allez vous mettre à entonner des refrains tels que ceux-ci : « Ouvrez, ouvrez la cage aux oiseaux… Laudato si… des profondeurs je crie vers toi… mon âme exalte le Seigneur… que serais-je sans toit… sans toi… Et la vérité avec laquelle vous allez vous mettre à chanter vous rendra libres, libérés, libérants. »
Lulu