Dampierre, le 5 Avril 2020
« C’EST TON SOURIRE QUI M’A SAUVE LORSQU’IL SE DESSINAIT SUR TON VISAGE … »
(Un lépreux africain à sa femme)
C’était durant les années 1953-1954 que j’avais trouvé cette parole dans un livre où étaient racontées les conditions de vie dans une léproserie à la périphérie d’un village africain.
Je ne sais plus si le livre était écrit par Raoul FOLLEREAU ou les Frères JACQUARD. Ce lépreux dont j’ai toujours gardé les paroles avait été reclus, avec plusieurs autres malades du village, dans une léproserie assez loin des habitations pour éviter la contamination. Beaucoup plus tard lorsqu’arriva la guérison, cet homme racontait que ce qui les avait sauvés, certes, c’étaient les soins et le confinement mais c’était aussi beaucoup pour lui « parce que, disait-il à sa femme, tu venais chaque soir. Nous ne pouvions rien nous dire. Nous étions trop éloignés l’un de l’autre. Mais c’est ton sourire qui m’a sauvé, lorsqu’il se dessinait sur ton visage qui m’apparaissait au-dessus du mur derrière lequel nous étions enfermés. »
Dans le confinement que nous vivons il me revient cette page d’un livre qui a marqué mon adolescence. En amitié solidaire, je voudrais ne pas la garder pour moi. Je l’offre à toutes celles et ceux qui sont obligés d’aller soigner les malades au risque d’attraper le coronavirus … ne pouvant pas rejoindre leurs enfants ou leurs parents âgés afin de ne pas les contaminer…
A tous les nombreux amis avec qui nous nous téléphonons, je veux offrir cette page.
A l’amie qui me disait ce matin « Tous les deux jours je vais voir ma maman qui est un peu perdue au milieu de ce qui arrive au monde entier … J’essaye de l’aider à ne pas laisser échapper les points de repère qui lui restent … Mais je veux te parler aussi de la maman d’une de mes amies : sa maman est dans une maison de retraite. Toute visite est interdite à tous les résidents. Et la maman de mon amie dit : Pourquoi plus personne ne vient me voir ? Quel mal je leur ai fait ? Est-ce que je suis punie pour quelque chose que je leur ai fait ? » Comment expliquer à quelqu’un qui est sourd au téléphone ? Demander aux agents hospitaliers est devenu très difficile … Ils ont un emploi du temps impossible … Je voulais te partager tout ça. »
Il va nous falloir beaucoup de délicatesse entre nous tous et laisser souffler l’esprit inventif pour chercher et trouver moyen que nous reconnaissions tous que c’est une grande épreuve que l’on n’a jamais vue à un tel degré et à une telle échelle pour toute notre Humanité.
Si nous peinons d’être astreints au confinement, pensons à ceux qui ont double peine.
Je raconte à mon amie ce qui vient d’arriver aux 14 religieuses de la communauté des sœurs dominicaines des campagnes, en retraite à Orchamps. Leur maison d’habitation a pris feu. Je suis très marqué et touché par ce qui a été cherché et donné pour trouver dans l’immédiat un lieu d’habitation. « La maison familiale d’Amange » à toutes ces personnes en situation très fragile en raison de leur âge et de leur santé. Je suis émerveillé par la solidarité dont nous sommes capables, aussi bien de manière interpersonnelle que de façon intercommunautaire.
Il y en a aussi de l’esprit inventif dans la lutte acharnée que mènent les personnes travaillant dans les hôpitaux, dans les EHPAD comme celui de Neufchâteau où sont nos amis Claude et sœur Thérèse de Falletans ainsi que les sœurs Denise, dans les sous-sols des laboratoires, dans les transports, pour arrêter l’invasion du coronavirus. C’est un travail qui se passe dans les souterrains de la Terre, dans le ventre de notre mère. Il y a vraiment de quoi espérer dans l’Humanité.
Au-dessus des murs de nos confinements la petite fille espérance est venue nous rejoindre.
Avec vous je suis très touché qu’elle nous apparaisse, et que sur son visage, humblement, se dessine un sourire. Comme vous et avec vous je comprends qu’elle nous dit : » Vous verrez… pour toute la Terre ça ne pourra plus être comme avant. »
Lulu