Vendredi 23 Mars 2012
Difficile de partir d’un coin de la terre où avec vous tous amis, nous avons créé des liens d’amitié vitaux, depuis le 7 septembre 1997, date à laquelle j’arrivais dans la cité de SALINS LES BAINS. Vous êtes nombreux à vouloir prendre le temps de me laisser partir tout en m’accompagnant durant le trajet que j’ai souvent réalisé avec vous, en empruntant l’ancienne voie de chemin de fer lorsque nous allions nous promener le mercredi après-midi au pas des ânes.
Cette fois-ci je pars au pas de l’âne Isidore afin d’arriver à Port-Lesney ce soir. Il est 7h en cette levée du jour lorsque avec quelques amis et mes sœurs Elisabeth et Bernadette, nous nous retrouvons au Rayon de Soleil. L’angélus sonne aux différents endroits de Salins. En mon être profond, je suis en train de dire au revoir aux gens de Salins. Je suis en recherche de me détacher, de me déraciner, de me retirer de ce merveilleux lien d’enracinement, tel le petit sauvageon que je suis devenu, à la ressemblance de notre papa lorsqu’il était à la BOULOIE.
Amis de Salins et des environs, je suis resté 14 ans parmi vous ayant fortifié mes racines du côté où les vents nous ont été contraires, afin d’affronter le gros temps grâce à vous, à la manière dont vous avez lutté pour ne pas laisser le monde et la situation comme vous les trouviez, grâce à la façon dont vous avez cherché dans vos mouvements à ajuster votre attitude à celle du « juste ». J’ai transformé mon regard et ma manière de voir, fortifiant ma conscience que « les seuls vrais regards d’amour sont ceux qui nous espèrent » comme dit le poète.
Il me vient alors l’initiative, et c’est aujourd’hui, heureux d’avoir vivifié mon être à votre contact dans nos rencontres sédentaires, « d’aller voir ailleurs », en intensifiant le côté de ma vie de camp volant et nomade. Persuadé qu’en « cet autrement de l’existence », je vais être témoin et artisan que c’est bienfaisant ce qui nous vient d’ailleurs. Conscient que je vais découvrir qu’en ces terres nouvelles, par des chemins tous neufs je vais expérimenter que le soleil ne se lève pas rien qu’à l’est et que la lumière de nos vies vient grâce à des gens et en des temps dont on ne s’y attendait pas.
Au moment de cet arrachement naissent quelques pleurs aux abords de mes yeux. Je les essuie avec le revers de mon bras de chemise.
Les amis de la télé FR3 sont là. Interpellé la veille par une amie dont le fils est en maison d’arrêt , je dis tout en bâtant l’âne Isidore :
« Je pars aujourd’hui pour BETHLEEM, afin de travailler à la réalisation de la paix. Mon départ est le fruit d’un choix. Ma chance de pouvoir m’engager dans ce choix de vous quitter, je le fais en amitié solidaire avec vous amis tombés dans la prison, dans l’enfer-mement, vous qui voudriez « partir », « sortir » de l’enfer où vous êtes tombés, là où vous n’avez pas voulu. Je crois à votre lutte pour vous en sortir. J’offre et donne ma joie de pouvoir et vouloir partir pour qu’ensemble, les uns grâce aux autres nous nous sortions de nos dépendances.
Je dis et j’offre et reçois le même don de votre part à vous malades, « on ne sait pas bien le nom de votre maladie, de votre épreuve. » Ce que l’on sait, c’est qu’à grand peine de vos luttes et des solidarités qui se sont tissés avec vous et grâce à vous, vous êtes en train de donner à notre Humanité un visage neuf, celui-là qui faisait s’écrier par le Christ Jésus à son Père :
« Je te bénis d’avoir caché cela aux sages et aux savants et de l’avoir fait naître et révéler par les tout-petits ».
D’autres tout-petits, je vais, nous allons être accueillis par eux et leurs institutrices dans la cour de l’école d’AIGLEPIERRE. Leurs enfantines questions nous font ouvrir les sacs qui sont sur le bât de l’âne. L’un d’entre eux ayant demandé « Et les charrettes de l’âne ?» Alors en continuant d’inventorier ce qu’il y a au profond de ces sacs du bât, je suis heureux de leur dire que l’association Floriâne continuant, ils vont pouvoir réaliser durant l’automne venu, le jus de pommes et raisins qui a un si profond goût de fraternité. J’essaye de répondre une fois encore aux questions des enfants :
- Où que c’est que tu vas t’arrêter durant ton voyage ?
- Où est-ce que l’âne Isidore va manger ?
- Tu vas dormir où toi Lulu ?
Je réponds que je compte beaucoup sur eux les enfants pour arriver à trouver un lieu d’accueil pour l’âne et pour moi lorsqu’après l’école, je traverserai le village où je ferai étape en fin d’après-midi.
C’est avec beaucoup d’émotion que les enfants, institutrices et moi nous nous disons au revoir, « à la revoyotte », et notre reconnaissance mutuelle pour tout ce qu’ensemble nous avons découvert de la fraternité.
Nous entrons en fin d’après-midi dans le village de Port-Lesney. Heureux de réaliser cette entrée avec Jacques le papa de Rachel. Nous saluons Alexis dans le bar restaurant « l’Edgar » qui a le souci que puissent se réaliser les connexions et correspondances nécessaires à ce que ce cheminement vers BETHLEEM aboutisse et porte du fruit.
Au cours d’un moment intense de densité autour du tombeau où repose le corps de Gaby MAIRE*, Rachel nous partage ce qui la motive d’avoir voulu mettre ses pas dans ceux de Gaby, en allant chez Carlita et Roberto ses grands-parents brésiliens d’adoption, puis de pouvoir y aller réaliser son stage de 2e année d’éducateur spécialisé. Gaby lui fait merveilleusement découvrir qui sont les enfants, tous les enfants du monde et le respect qui nous est demandé à l’égard de chacun.
Belle soirée fraternelle d’une douzaine de personnes chez notre amie Marie-Thérèse, la sœur de Gaby MAIRE.
* pour voir Le blog "Les amis de Gaby Maire"