Bleiben sie hier… Vous pouvez rester ici. #1
Mardi 12 juin 2012, Mercredi 13 juin 2012
Bleiben sie hier… Vous pouvez rester ici.
Oh ! Comme « ce verbe se fait chair ! »
« Vous pouvez rester ici ! » Lorsque la porte à laquelle je viens de frapper s’ouvre, et qu’il sort de la bouche de l’homme et de la femme, à qui je viens de demander si mon âne et moi pouvions passer la nuit dans leur étable, étant donné la pluie qui va encore nous tomber dessus : « Vous pouvez rester ici. » Paroles et mots qui font du bien à toute ma chair, qui mettent mon corps dans la paix et la tranquillité !
Nous venons de quitter DEGENDORF il y a un peu plus d’une heure, ayant eu dans cette ville la joie de vivre une interview télévisée et importante en même temps, animée par une jeune équipe débutante constituée par Manuel, Verena, Ramona et Karina sur le sens, le pour qui et pour quoi de ce voyage à « Bethléem mit ein Esel ». Nous avons repris le chemin de Passau. Nous y arriverons dans 3 ou 4 jours. Où allons-nous pouvoir passer la nuit qui vient avec le temps qui est en train de se charger, justement dans la direction de Passau dans laquelle nous allons, et qui semble vouloir absolument nous tomber dessus.
A peine à l’écart de la véloroute, nous apercevons une ferme aux abords du village d’Oberdorf. Nous n’avons pas fait beaucoup de kilomètres depuis Degendorf. L’interview télévisée nous a pris bien du temps. Mais je crois à ce dont les médias peuvent être porteurs et faiseurs de cette paix à laquelle nous aspirons tous, en ce moment particulièrement : les enfants syriens. Et puis il faisait tellement bon parler avec Verena, Karina, et Ramona, sous l’œil de la caméra tenue par Manuel place Luidpoldplatz. J’ai félicité ces jeunes filles pour la qualité et la profondeur de leurs questionnements en Humanité : « Vous contribuez par votre travail, et je veux unir mon action à la vôtre, à ce que chaque petit de notre Humanité puisse trouver une place, la faire et l’offrir à ceux qui l’aiment et qu’il aime, comme l’oiseau migrateur trouve un avant toit pour y faire son nid » Oh ! comme il était beau le sourire de Verena, Ramona et Karina. Comme il était clair et interpellant en même temps l’œil de la caméra tenue par Manuel.
Ça y est, nous avons dépassé le petit panneau indiquant le village : Oberdorf. Nous entrons dans la cour de la ferme. Ça y est, ça recommence à pleuvoir. Il est 18h. Au bruit que fait la machine à traire les vaches, je comprends que les gens de la ferme sont en plein travail dans leur étable. Je frappe à la porte qu’ils ont fermée en raison du temps pluvieux et froid qu’il fait. Arrive une femme qui me dit d’emblée : « Gruss Gott ! » Je me dis « Voilà des mots qui doivent être annonciateurs d’une parole accueillante en réponse à la question que je vais poser : « Ich bin von Frankreich, ich gehe mit mein Esel nach Bethlehem um Frieden. Ist es möglich ein Platz für mein Esel… Ich schlafe im Stroh Während Nacht ?! »
Alors la femme va à l’autre bout de l’étable parler avec son homme. C’est comme ça que ça se passait à Dampierre dans notre étable, lieu de vie où se réalisait une grande part du travail qui donnait le pain à toute la famille et aussi au passant, la part du pauvre, c’est comme ça que ça se passait. Notre maman allait demander à notre papa ce qu’il en pensait. Et une décision importante comme celle-là : l’accueil du passant, de l’homme sans domicile : c’est ensemble homme et femme qu’ils la prenaient. Oh ! je souris et je pleure en même temps que j’écris ces mots qui sont de notre chair, papa et maman ! C’est de vous que j’ai entendu pour la première fois de ma vie ces mots : « Il y a de la place pour toi, viens notre petit ! Tu peux rester au cœur de nous deux. Nous voilà trois au creux de nous deux. »
Paroles charnelles, verbes faits chair que vous avez dit à l’adresse de chacun de nous vos enfants.
Paul Baudiquey dit : « Trinité de Roublev, Trinité de Rembrandt… » dans son merveilleux poème du retour de l’enfant prodigue. Si tu veux bien Paul, je voudrais ajouter ce couplet à ton poème :
« Trinité de Roublev
Trinité de Rembrandt
Trinité pour chacun des petits de notre Humanité en notre ensemencement,
En votre commencement,
Verbes faits chair. »
Je crois que ça s’origine là, chers parents le fait que je veuille toujours continuer ce que vous avez commencé, qu’au sein de notre Humanité tous les humains soient accueillis. Que nul ne se sente rejeté. Que personne ne soit laissé sur le bord du chemin. « Bleiben Sie Hier ! Vous pouvez rester ».
Je souris et je pleure dessous ce ciel où je marche pour Bethléem. Ce ciel que je regarde si souvent pour savoir le temps qu’il va nous donner. Ce ciel d’où vous nous regardez chers parents avec la même tendresse et le même amour que vous vous êtes donnés en nous recevant nous vos enfants. Ce ciel dans lequel vous vous réjouissez que ce que vous avez fait au plus dépourvu des « routards » qui traversaient notre village de Dampierre en nous apprenant à les accueillir dans notre étable, cela est offert à votre fils Lulu dans l’un et l’autre des villages et villes qu’il traverse « mit sein Esel zu Fuß nach Bethlehem »
Si la pluie qu’il fait tombe mal, l’âne Isidore et moi, nous sommes bien tombés. La femme est revenue de l’autre bout de l’étable avec son homme et tous deux ensemble nous disent en un allemand bavarois exprimé à toute vitesse : « Bleiben sie Hier… Vous pouvez rester ici avec votre âne. » J’ai beaucoup de mal à comprendre leurs mots mais je saisis aussi vite qu’ils ne parlent que nous sommes accueillis. Comment ? Par les gestes et les sourires, que ce couple d’agriculteurs exprime. Ils sont en train de traire leurs vaches dans des conditions difficiles, qui me rappellent celles de nos parents dans les années 1950-1960. Il fait dans cette étable un bruit d’enfer en raison de l’autoroute toute proche. Et ils prennent un peu de temps pour nous faire de la place et nous dire : « Bleiben sie hier… vous pouvez rester ici. »
Suite de la lettre demain