Ardente reconnaissance #2
Mercredi 17 octobre 2012 à Mala Kopašnica
Ardente reconnaissance de notre unification en nos multiples fragilités.
Tout en me montrant où habitent chez CIVOJ, AITAB me dit : « De toutes façons si tu as besoin voilà où tu pourras mettre ton âne… dans cette maison qui est en face de CIVOJ… C’est mon étable... »
AITAB me laisse devant chez CIVOJ : immense maison avec une vaste cour qui est cadenacée et en face, je vois un grand pré et l’étable largement ouverte d’AITAB. Je suis là, dans la rue, entre ces deux espaces, l’un rutilant mais fermé, l’autre en briques mais ouvert. J’attends pendant un très long moment. Heureusement que j’ai pu mettre l’âne dans une abondante luzerne. Voilà une voiture qui arrive. Je me dis c’est sûrement quelqu’un de la famille CIVOJ. Je me présente. A la manière dont cette personne lit les papiers de VRBAS et celui de DANICA que je lui présente, je vois que je ne suis pas du tout attendu et qu’il n’est au courant de rien. Cet homme est probablement le gardien de la maison CIVOJ. Il me dit : « CIVOJ habite à Budapest… Il n’est pas question que vous fassiez entrer votre âne dans la cour… et vous non plus… » J’insiste quelque peu, muni du petit carton : « CIVOJ ». Arrive un véhicule immense. La barrière s’ouvre pour lui. Pas pour nous. Je dis au revoir, peiné de voir ces cœurs cadenacés, des maisons tout autant fermées, immenses où il n’y a aucune place pour l’imprévisible… C’est alors que je suis rattrapé par un jeune homme sur un vélo. C’est le fils d’AITAB qui me dit : « Ne vous sauvez pas… venez avec votre âne dans notre étable : dans la maison en briques, qui est en face », celle-là devant laquelle nous étions passés tout à l’heure, celle-là dont AITAB m’avait dit : « si tu as besoin, viens avec ton âne dans cette maison… c’est mon étable… »
Nous voilà nous installant à la nuit tombante dans l’étable d’AITAB. Pas d’électricité mais la lumière de l’hospitalité. AZCIREP, c’est le nom du fils d’AITAB, monte au grenier et donne de la bonne luzerne sèche à Isidore. AITAB arrive et me dit : « Pas question que tu montes ta tente ! » Il m’ouvre sa caravane qui est à côté et me montre un canapé pour que j’y dorme cette nuit. Puis ces deux hommes m’emmènent chez eux au village. « Tu viens manger chez nous ! » J’y découvre tous les membres de la famille. L’accueil y est très fraternel. ELIM est de la partie. Après ce repas pendant lequel j’explique le but de mon voyage avec l’âne jusqu’à BETHLEEM, je pars dormir dans la caravane. ELIM et AITAB me disent : « à demain dans la scierie. »
Le lendemain matin, levé un peu avant 7h, je crois que je vais avoir du temps pour écrire. Pas du tout. ELIM et AITAB sont là. Ils me tirent de l’étable pour aller boire le café dans l’atelier de ELIM. C’est alors que nous allons vivre un acte de reconnaissance qui va nous élever en Humanité. Comme il fait bon dans ce petit atelier de l’artisan qu’est ELIM. C’est un homme qui a une forte carrure. Il est heureux et nous le montre sur son visage que cet acte de reconnaissance se vive chez lui, dans son humble lieu de travail. Nous sommes tous assis autour de la petite table, où LINO, un 4ème homme, vient de déposer un pain tout chaud, sur un petit linge blanc déplié par ELIM. Et tout à coup ELIM se mettant debout écartant ses grands bras et les dirigeant, l’un à un bout du monde et l’autre ensuite à l’autre bout du monde, il a conscience, et nous en fait part, que ce que nous vivons touche et concerne le monde dans son ensemble. Toute l’Humanité est un seul corps : le nôtre est celui du Christ, celui du Christ est le nôtre. C’est ce qui est en train de lever. Nous en sommes témoins et artisans. Et tout cela se vit en des lieux et des moments de fracture : les gens de ce peuple me racontent ou me font allusion tous les jours (ELIM encore tout à l’heure) au fait qu’ils ont été bombardés par les américains, que leur économie est par terre, qu’ils ne savent pas comment la relever, avec un taux de chômage extrême, obligés qu’ils sont à de petits boulots afin de pouvoir survivre. Combien d’hommes partant aux champs avec de petits tracteurs pétaradants ou encore un cheval tirant la charrette, et les femmes assises dans la remorque bringuebalante, comme j’ai vu ma maman dans les années 50. Ce que nous vivons dans cet atelier est travaillé par un souffle qui tend à passer par les fissures que nous arrivons à faire en nos blindages. C’est ton souffle ami Jésus qui est arrivé à se faufiler jusque là, c’est ton Esprit qui nous fait nous reconnaître frères. C’est par ton souffle que AITAB s’est senti poussé à me rattraper hier sur la route et à me ramener dans cet atelier de son ami ELIM où il m’est signifié : « Toi l’étranger tu ne vas pas passer comme ça devant chez nous sans t’arrêter… Malgré ton allure étrange avec ton âne tu es l’un des nôtres… » Ils me reconnaissent porteur d’un important message et en même temps fragile comme un vase d’argile mais ne me le font sentir qu’en me protégeant. Je les reconnais en leurs merveilleuses attitudes d’accueil, voyant bien aussi certaines de leurs dépendances mais ne les montrant nullement empêchantes en ce moment créateur. (2 Cor 4,7)
Lorsque LINO est arrivé dans l’atelier apportant le pain chaud, ELIM m’a demandé d’aller chercher dans mon sac les papiers signifiants les buts de mon voyage au pas de l’âne en direction de BETHLEEM. LINO demande à ELIM qu’il lui prête ses lunettes pour lire, comme s’il lui demandait : « donne moi ta façon de lire les choses de la vie, ELIM ». Et ELIM lui donne ses lunettes. Et LINO se met à lire en silence. Il se crée un moment de paix et de silence à cet instant en cet atelier. Une bonne nouvelle nous est annoncée à tous. Il n’est pas fatal que les hommes que nous sommes continuent à se casser la figure les uns aux autres. Le pain chaud que LINO a mis sur la table pour que nous le partagions en le fractionnant est porteur de notre unification. Nous sommes les membres de ton corps ami Jésus en train de nous laisser travailler par le ferment unificateur de ton Esprit. Et c’est alors que sort de la bouche de ELIM le mot : MISSION. Au moment où LINO enlève les lunettes parce qu’il a fini la lecture des feuillets. C’est le même mot qui avait jailli de la bouche d’ANITA à APOSTAG, au moment où elle comprenait que je devais quitter et repartir de cet endroit et de ce moment où je me sentais si bien et où j’étais tenté de rester : « oui je comprends que vous repartiez, vous avez une mission à réaliser. »
C’est un même corps unifié que nous formons. C’est un même Esprit unifiant qui nous anime. Et c’est à une mission identique que nous sommes envoyés : désamorcer nos violences, arrêter de fabriquer et vendre les engins de mort. A cet impossible nous devons nous tenir.
Ce pain apporté par LINO, admiré par les yeux de AITAB et par les miens, fractionné par les mains d’ELIM, afin que tous les quatre nous en ayons notre part, ce pain nous ramasse en la traversée de nos fragilités pour réaliser notre unification : « Oh Dieu ! Voici que nous pouvons te dire en ton Fils Jésus : Notre Père…. »