« Ça me fait très mal dans ma pauvre tête d’âne » #2
Vous devinez qu’en recevant une telle lettre, ça a résonné dans ma pauvre tête d’homme. Voilà la lettre que j’ai répondu à l’âne Isidore après avoir appelé nos amis du MANV (Mouvement pour l’Alternative Non-Violente) dans la personne de Jean-Marie MULLER, pour m’aider à écrire ce message. Vous ne serez pas étonnés des longs moments qu’il faut pour que parvienne le courrier.
Kovilj le 24 janvier 2013
Chers Isidore et tous les amis qui t’aident à lire ma lettre,
Je me rends compte en lisant ton message que tous les gens rencontrés le long de notre chemin réalisé ensemble, depuis notre départ de Dampierre il y a 10 mois, nous ont fait avancer dans la recherche de la solution non-violente de nos conflits. Tu nous traduits par tes réflexions et tes questions qu’il existe une stratégie de défense et d’établissement de la paix par une action non-violente. Nous avons beaucoup causé ensemble et nous nous sommes aidés à ne pas sombrer dans une attitude fatalisante. Nous avons eu le souci de nous reprendre les uns les autres et de nous dire : « le départ en guerre n’est pas fatalen. »
Dans le conflit qui sévit au MALI, il était probablement nécessaire et urgent de stopper et arrêter le déferlement des crimes et exactions des groupes armés venus du Nord et envahissant les villes de Sud jusqu’à BAMAKO. Mais attention à la manière dont se réalise actuellement ce qui est appelé reconquête des villes en direction du nord. Il y a une chasse aux fondamentalistes et terroristes qui s’instaure. Mais, qui sont les fondamentalistes et les terroristes ?... Et décréter qu’il faut « tous les détruire et les tuer, émettre un tel jugement, n’est-ce pas traduire que l’on devient soi-même « fondamentaliste et terroriste » ?
Insistons pour que soit première la considération de nos problèmes humains, la protection des populations, la sauvegarde de leurs habitations et de leurs troupeaux, les moyens de se nourrir et leurs outils de travail. On sent bien hélas que les intérêts des financiers, extracteurs d’uranium, fabricants et marchands d’armes se dissimulent sous de faux semblants humanitaires.
Dans le Sermon sur la Montagne (Mt 5-6-7) Jésus appelle à marcher à sa suite : dans un premier temps il nous faut arrêter de nous cramponner à la loi du Talion « œil pour œil, dent pour dent » et nous engager sur les chemins libérants que Jésus est venu ouvrir à notre Humanité. Il nous appelle à ne pas nous laisser dominer par l’injustice et la haine, mais à croire et faire confiance que nous pouvons chercher et trouver des chemins de justice et de paix.
Nous ne pouvons pas nous donner le droit de partir en guerre. Et nous avons à nous empêcher d’accomplir une telle chasse sous prétexte de pacifier le Nord du Mali.
Un appel aux Nations Unies dans les circonstances actuelles est nécessaire et urgent. Dans le Nord du Mali, il y a des Touaregs qui voudraient être reconnus et respectés. Ils demandent leur autonomie. Certains ont fait alliance, ou se sont fait embarquer par les groupes armés. Les voilà en conflit avec l’armée malienne aidée par l’armée française. Nous ne sommes pas d’accord de déclencher une guerre pour reconquérir le Nord du Mali, ni non plus d’engager l’armée française à aider à faire une telle guerre qui engendrera d’autres drames insolubles. Nous avons à travailler à désamorcer le conflit.
Devant ce risque d’enlisement complet et total, il nous faut donc proposer une force d’intervention internationale sous la responsabilité de l’ONU. Les problèmes politiques ne peuvent pas être solutionnés par l’intervention des forces armées. Nous avons à susciter une force internationale de paix et d’interposition et médiation sous l’égide des Nations Unies.
Nous sommes dans un moment de l’Histoire qui me rappelle le drame algérien. Ne repartons pas en guerre comme nous l’avons fait en novembre 1954. Au lieu de chercher à légitimer nos attitudes « va-t-en guerre » faisons confiance à nos capacités inventives pour désamorcer ce conflit et créer en amont des relations de droit et de justice.
J’ai grande confiance dans mon cœur chers amis, qu’en cherchant à désamorcer nos conflits, en croyant à une force internationale de paix, nous offrons notre respect à Damien BOITEUX, et à toutes les personnes tuées dans ce drame, à leurs familles, et en même temps nous œuvrons pour la paix. Tu rappelais Isidore le bel épisode du petit collier d’âne que la famille de Damien nous avait offert. Un jour que nous étions en campement à OYE et PALET vers PONTARLIER, le pays de Manou et de Samuel… Nous cheminions au pas de l’ânesse MONA, et de l’ânon FANFAN… qu'il était beau ce collier sur l’encolure de l’ânesse MONA. Durant ce campement, nous avions vécu une messe très interpellante. Des enfants avaient proposé d’offrir ce collier d’âne, auquel nous tenions, aux amis qui passaient à notre campement pour nous dire au revoir : ils partaient au BURKINA-FASO. Un enfant avait dit : « ce collier sera pour que les enfants de là-bas aient meilleur temps pour atteler leur âne quand ils partent avec la charrette chercher l’eau au puits. » Il me revient que sur initiative des enfants de notre campement nous avions voulu faire ce don en signe de solidarité et de paix entre nos peuples.
Un merveilleux petit livre écrit et offert par nos amis Alain GOY et Rosine ROMAIN vient de nous parvenir à Kovilj, chez Nicole et Bracha par la médiation de Rachel et Nicolas. C’est l’histoire d’un arbre et d’un oiseau : « Le chêne et le billecul » C’est beau comment le vieil arbre abrite le nid de ce petit oiseau mais c’est bouleversant comment au cours d’un orage terrible le feu de la foudre gagne en direction du tronc de l’arbre… le petit oiseau s’en aperçoit… il part au ruisseau pour recueillir dans son bec un petite goutte d’eau, de la valeur d’une goutte de rosée… Il part se placer au-dessus des flammes… lâche sa si précieuse petite goutte pour éteindre l’incendie… il retourne aussi vite qu’il le peut au ruisseau pour reprendre une deuxième petite goutte d’eau, pour la lâcher de nouveau au-dessus de l’incendie. Les oiseaux de la forêt, l’ayant vu agir ainsi, lui disent « arrête Billecul, ton combat est vain. » Tu n’éteindras jamais un tel incendie avec tes petites gouttes d’eau… « Je fais mon devoir. Je fais mon devoir. Je dois sauver mon ami » dit le Billecul en ne relâchant pas son effort. C’est alors qu’un autre oiseau vint prendre lui aussi une goutte d’eau dans son bec. Il la déversa en même temps que le Billecul sur l’incendie. Un troisième, un quatrième, des dizaines, des centaines, des milliers d’oiseaux les imitèrent… au début ce ne fut qu’une simple petite averse… mais elle se transforma vite en une véritable pluie qui se rendit maître de l’incendie… »
Vous l’avez deviné l’ouragan et l’orage, la foudre et le feu, c’est la guerre au MALI et à combien d’autres endroits de notre berceau : la Planète Terre. Les arbres et les oiseaux, c’est notre Humanité… c’est nous qui sommes appelés à nous abriter, et nous sauver les uns les autres… nos petitesses ayant autant d’importance que nos grandeurs, pourvu que chacun et ensemble nous disions :
« Je fais mon devoir
Je fais mon devoir
Nous devons sauver notre Humanité. »
A bientôt Isidore. Qu’à l’image du Billecul et de tous les oiseaux de la Planète, tous les enfants de la Terre des Hommes, au pas de tous les an-imaux de l’UNIVERS, nous apportions notre petite goutte d’eau pour éteindre les guerres et voir pousser l’herbe, les arbres et la Paix. J’espère Isidore que désormais, tu n’auras plus mal du tout dans ta belle tête d’âne.
Lulu
Clic ICI pour lire la lettre de Jean-Marie MULLER :
La France devait-elle partir en guerre au Mali ?