Prix international de la Fondation Jamnalal Bajaj #1
Jean-Marie Muller écrit cette lettre que nous sommes heureux de vous partager en 3 pages...
À L’OCCASION DE LA REMISE DU PRIX INTERNATIONAL 2013 DE LA FONDATION JAMNALAL BAJAJ POUR LA PROMOTION DES VALEURS GANDHIENNES EN-DEHORS DE L’INDE
C’est le 3 septembre 2013 que je reçois un mail de Rahul Bajaj, le Président de la Jamnalal Bajaj Foundation qui « est fier de m’informer que j’ai été choisi comme le lauréat du Prix international de la Fondation Jamnalal Bajaj pour l’année 2013 dans la catégorie de la promotion des valeurs gandhiennes en dehors de l’Inde ». Il me demande d’accepter « ses félicitations les plus cordiales » et de lui faire parvenir au plus tôt mon acceptation.
Je lui réponds que c’est avec reconnaissance que j’accepte de recevoir cette récompense. J’ajoute : « J’ai conscience que ce prix m’oblige à continuer avec davantage encore de détermination à promouvoir les valeurs gandhiennes à travers mes différentes activités. »
Jamnalal Bajaj
Le nom de Jamnalal Bajaj est parfaitement inconnu en France. Il fut cependant l’un des plus proches compagnons de Gandhi qui le considéra comme son fils adoptif. Né le 4 novembre 1889, il rejoint Gandhi dès 1915 et prit une part active dans les différentes campagnes de désobéissance civile en faveur de l’indépendance de l’Inde, notamment dans la « marche du sel » au début des années 30. Cela lui valut d’être emprisonné pendant plus de cinq années. Il mourut brusquement le 11 février 1942 d’un accident vasculaire à l’âge de 53 ans. Gandhi écrit alors à sa veuve : « La mort nous a pris un homme d’envergure. (…) Il possédait une simplicité toute singulière. Il a joué un rôle de Satyagrahi de façon exceptionnelle. Il donnait toujours clairement son opinion dans les discussions politiques. Il savait juger les choses. Où trouverai-je un autre fils tel que lui ? »
La fondation qui porte son nom fut créée le 4 novembre 1977 et fut présidée pendant 17 ans par son fils Ramkrisjna Bajaj. Depuis le 21 septembre 1994, c’est son petit-fils, Rahul Bajaj, qui en assure la présidence. La fondation veut s’efforcer de servir les idéaux auxquels Jamnalal Bajaj a consacré sa vie et à promouvoir les activités constructives gandhiennes dans lesquelles il fut lui-même profondément investi durant sa vie.
En 1978, la fondation créa deux prix : l’un pourrécompenser une contribution exceptionnelle au « travail constructif » en faveur des défavorisés, l’autre pour l’application scientifique en faveur du développement rural. En 1980, un troisième prix fut créé pour récompenser une contribution exceptionnelle en faveur du bien-être des femmes et des enfants. Ces prix sont attribués chaque année à des Indiens. En 1988, un prix international fut créé pour récompenser une contribution en faveur de la promotion des valeurs gandhiennes en dehors de l’Inde. Chacun de ces prix comporte une « Citation » et un « Trophée » (une statuette). L’objectif de ces prix est de « reconnaître et de récompenser comme il convient les efforts de femmes et d’hommes qui ont consacré leur vie au travail constructif et aux idéaux gandhiens qui ont été chers à Jamnalal Bajaj tout au long de sa vie ».
Pour l’année 2013, les prix indiens furent attribués à Subba Rao, Snehlata Nath et Vidhya Das. Le prix international me fut donc attribué. Ces prix ont été remis par le Président de la République Indienne, Shri Pranab Mukhergee, au cours d’une cérémonie qui a eu lieu à Bombay le 15 novembre en fin d’après-midi. (Lorsque j’ai accepté le prix, j’ignorais que ce serait le Président de la République qui me le remettrait personnellement.)
Ma femme, Hélène Roussier, et moi-même arrivons à Bombay au début de la nuit du 14 novembre. Dès le matin, nous rencontrons Mary Baptista, membre du Staff de la Fondation. Elle est mise à notre disposition et nous accompagnera avec un surcroît de gentillesse pendant tout notre séjour à Bombay.
Dans l’après-midi, une rencontre nous permet de faire la connaissance des responsables de la Fondation et des autres lauréats dans une ambiance chaleureuse. Nous faisons alors la connaissance de Sowmya Srikrishna qui est parfaitement bilingue et qui assurera toutes les traductions que notre anglais incertain rend nécessaire. Chacun des lauréats est interviewé à la télévision sur la chaîne CNN/IBN. Puis nous tenons une conférence de presse au cours de laquelle sera projetée une vidéo présentant les lauréats 2013.
Une brochure rédigée en hindi et en anglais dessinant les « profils » des lauréats est offerte aux journalistes. Elle sera largement diffusée, notamment à tous les participants à la cérémonie de la remise des prix. Les quatre pages de mon profil précisent mon itinéraire d’ami de la non-violence et reprennent mes diverses activités en France et, surtout à l’étranger, notamment en Afrique, en Amérique Latine et au Moyen-Orient. Le texte se termine ainsi :
« Deux actions conduites par Jean-Marie Muller et le MAN posent des questions qui ont actuellement un intérêt majeur pour le monde :
- Le désarmement nucléaire et, plus particulièrement, une campagne pour le désarmement nucléaire unilatéral de la France ;
- La lutte pour la paix et la justice au Moyen-Orient et plus particulièrement en Palestine. »
Je dois dire que j’apprécie particulièrement que la campagne du MAN pour le désarmement nucléaire unilatéral de la France soit mentionnée explicitement. J’avoue que j’étais quelque peu contrarié qu’un prix pour la promotion des valeurs gandhienne me soit remis par le chef d’un État qui possède l’arme nucléaire. Il y avait là un « paradoxe », une « ambiguïté », une « équivoque », une « antinomie » que je ressentais comme une réelle contradiction. À vrai dire, le fait que mon engagement en faveur du désarmement nucléaire unilatéral de la France soit explicite pour tout le monde ne supprimait pas la « contradiction », mais cela m’a permis de l’assumer. Au demeurant, je n’ai pas manqué d’interpeller à plusieurs reprises mes interlocuteurs indiens sur l’arme nucléaire indienne. L’argument avancé pour justifier celle-ci est l’arme nucléaire pakistanaise contre laquelle « l’Inde doit bien se défendre ». Il est probable que cet argument soit partagé par une bonne part de l’opinion publique et il n’existe aucune campagne de résistance au sein de la société civile. Là encore, paradoxalement, ce séjour au pays de Gandhi a renforcé ma conviction que le désarmement mondial n’est pas pour demain matin, ni même pour après demain soir. Il m’apparaît davantage encore comme une chimère.
Remise du prix et visite à Wardha dans 2 prochains articles du blog