« Ami Jésus, tu n’arrêtes pas l’œuvre de tes mains » (Ps 137)
Au lendemain de notre arrivée au Monastère de MIDELT avec le frère Benoît de l’Abbaye d’ACEY, le 8 septembre 2015, une profonde joie habite en mon être. C’est celle de trouver ce mot « RESURGENCE » pour signifier la continuité de prière aimante et de travail humble qui existent entre les moines de TIBHIRINE et ceux de MIDELT. En Franche-Comté, nous avons appris à l’école que la Loue est une résurgence du Doubs ; c’est dans le sous-sol de la plaine karstique de Pontarlier, que l’on se rend compte qu’une partie de l’eau du Doubs se perd. Cette eau ressort à OUHANS. C’est la source de la Loue. De même, lors du drame de la disparition des sept moines de Tibhirine, on a pu penser que c’en était fini de la vie des moines, de ce qu’ils avaient initié, de ce ruisseau de la non-violence qui, grâce à leur engagement irriguait notre humanité. Au mieux, on garderait des traces de ce qui s’était vécu à Tibhirine, à travers les écrits de Christian De Chergé, et des autres moines :« Sept vies pour Dieu, Sept vies pour l’Algérie ». On essayerait de se laisser travailler par ce courant étonnant. Mais c’était sans compter sur « L’Invincible espérance », tellement vécue par les moines de Tibhirine. Cette humble espérance cherchait à sourdre ailleurs pour que nous puissions y étancher notre soif, sans cesser de continuer à couler à Tibhirine. C’est alors que les deux moines Amédée et Jean-Pierre, survivants de Tibhirine, sont venus rejoindre les membres du petit monastère marocain de FEZ qui se transféra par la suite à MIDELT. J’avais beaucoup lu les écrits de Christian de Chergé et des autres moines dans le livre de Christine REY. J’avais vu plusieurs fois le film « DES HOMMES ET DES DIEUX ». Et puis, j’étais allé à Tibhirine avec Nelly, Bernard et Claude, en Mars 2014.
Dans l’immédiat de notre arrivée à Midelt avec le frère Benoît de l’Abbaye d’ACEY, le mardi 8 Septembre, je sentis le trait d’union entre Tibhirine et Midelt. Il y a comme un courant souterrain qui se faufile dans le ventre de la terre, d’un lieu à l’autre, sous la chaine de l’ATLAS. Il y a comme un souffle persistant qui anime d’un endroit à l’autre, en traversant les frontières estimées impénétrables. D’où me venait cette impression, au point que je pus dire avec joie à la poignée des moines qui nous accueillaient : « en franc-comtois que je suis, je voudrais vous dire que Midelt est une résurgence de Tibhirine. » ? Fort probablement, ça nous venait du fait de l’habitation d’Amédée et de Jean-Pierre en ce lieu, eux qui ont vécu de nombreuses années à Tibhirine. Ça venait aussi du fait que le Maroc, comme l’Algérie est imprégné de la culture Berbéro-Arabe, et de la religion de l’Islam. Aussi, très vite, j’ai senti à Midelt que, si l’espace du monastère était clos et ramassé, c’était pour être offert et ouvert. Je me rappelai les mots de Jésus à la multiplication des pains : « ramassez les morceaux afin que rien ne se perde » ( Jean, Ch 5). Il me revenait aussi les mots de notre papa sous les pommiers à Dampierre : « on va ramasser les pommes… comme ça elles ne seront pas perdues. On va ramasser sans amasser, on va ramasser pour donner ». Ce que je voyais vivre à Midelt, c’est bien ce que j’avais senti qui s’était vécu à Tibhirine.
Et de fait, je ne tardai pas à me rendre compte que, discrètement, mais efficacement, des liens se sont tissés et continuent de se créer à Midelt entre les membres de la population de la ville et des environs et la petite poignée des moines, comme à Tibhirine. Il ne faut pas oublier non plus qu’aujourd’hui à Tibhirine, entre Jean-Marie LASSAUSSE et les gens qui travaillent à la ferme, ainsi qu’avec les personnes qui assurent la permanence, beaucoup de monde qui passe peut se ressourcer au souffle des « sept vies pour Dieu et sept vies pour l’Algérie ».
Dès notre arrivée le mardi au soir à Midelt, après le repas à l’hôtellerie, je fus marqué durant les complies par le chant des psaumes et du « Salve Regina » … Nous vivions la reconnaissance de ta présence, Ami Jésus, et celle de ta Mère, au cœur de nos vies, comme c’était chanté à Tibhirine, comme c’était traduit dans le film « des hommes et des dieux ».
J’étais aidé dans tout ça par le fait que je voyais le visage du frère Jean-Pierre Schumacher. En vivant ce moment intensément, je me disais, et c’était ma prière : « Ami Jésus, merci de me permettre de rencontrer le frère Jean-Pierre, il est là sous mes yeux, à quelques mètres de moi. Il est le frère qui a vécu avec Amédée, Christian de Chergé, et les autres moines : Christophe, Michel, Célestin, Luc, Bruno et Paul, il y a une vingtaine d’années … J’espère bien qu’il me racontera dans les jours qui viennent ce qu’il a vécu de ton amour dans la non-violence, en compagnie de ces sept hommes sur la tombe de qui je suis allé ramasser ce qui reste de mon être, moi, qui ai malheureusement fait la guerre d’Algérie. Il me racontera ce qu’avec ses frères, ils ont vécu d’amour et de mort, de relations et d’affrontements avec les gens de la région. Tu es notre Espérance, Vierge Marie, et notre Avocate : « Salve Regina …. Spes nostra salve … Advocata nostra … » Avant de m’endormir dans l’Hôtellerie, j’ai voulu relire le testament de Christian de Chergé : « Quand un A-DIEU s’envisage »
Ça ressemblait étonnamment à ton testament, Ami Jésus, que j’allai chercher au chapitre 17 de l’évangile de Jean : « Père, l’heure est venue… ». Toi, Christian de Chergé, et toi, Christ Jésus, qu’est-ce que vous vous ressemblez ! Faites que nous, Chrétiens, nous vous ressemblions.
Lulu le 8 septembre 2015
Testament de Christian de Chergé extrait de l'album "slams mystiques"