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Lulu en camp volant

« ON VA SE TUTOYER »

11 Février 2016, 20:24pm

Publié par luluencampvolant

Alors que Lulu prépare un nouveau voyage à Midelt pour emporter broyeur et pressoir pour presser les pommes de la non-violence voici la suite des textes qu'il a écrit en septembre dernier.

 

MIDELT, le mercredi 9 septembre 2015

 

« ON VA SE TUTOYER »

parole créatrice d'un véritable PASSAGE A NIVEAU

 

Pendant ce merveilleux séjour au Maroc (du 8 au 22 septembre 2015 ) comme le gingko biloba de Dampierre m'avait interpellé à le faire l'an dernier, j'ai ramassé, pour les mettre dans mon sac à dos, une multitude de petites feuilles d'or durant mes rencontres avec les moines du monastère de la KASBAH MERIEM et les habitants de la cité de Midelt. J'en ai fait un cahier. C'est merveilleux ce que je trouve d'écrit en chacune de ces feuilles. Je vais continuer à vous les partager. En voici quelques-unes du 2ème jour.

 

Nous sommes au matin du mercredi 9 septembre. Nous venons de célébrer la messe avec Jean- Pierre Schumacher, survivant de Tibhirine, Jean-Pierre Flachaire, le prieur venant d'Aiguebelle, Antoine qui chante les psaumes comme si ils habitaient tout son être. A certains moments, en voyant Antoine et en l'entendant, on a l'impression qu'il va se mettre à danser, et on a envie de faire de même. Il y a aussi José-Luis qui vient de Valencia en Espagne. C'est dans cette ville que j'étais parti avec ma 2 CV baptiser la petite Estrella Torres en septembre 1973. Et le 5ème moine de ce monastère cystercien est Nuno, novice originaire du Portugal. Il parle beaucoup mais rien qu'avec son sourire. C'est dans cette petite communauté d'hommes, qu'en ce début septembre, je m'entends appeler à entrer avec comme guide le frère Benoit de l'Abbaye d'Acey.

 

 

Lulu et le frère Benoît

Lulu et le frère Benoît

J'ai contemplé hier soir durant le chant des complies le visage de ces 5 hommes, particulièrement celui de Jean-Pierre Shumacher en raison du témoignage qu'il nous donne de Tibhirine. Rien qu'en regardant son visage, je voyais celui des 7 moines de Notre Dame de l'Atlas. Avec une humble audace, celle-là de tout être qui a conscience qu'il est enfant de Dieu, j'avais dit : » Cet homme a beaucoup, beaucoup, beaucoup à m'apprendre de la vie, de la mort, et de la résurrection de nos êtres, du sien, du mien Lucien, de celui de ses compagnons, et aussi de votre être à chacun de vous tous avec qui nous avons la joie de nous rencontrer »
 

Après la messe, le petit déjeuner, l'heure de Tierce, nous nous retrouvons comme convenu entre Jean-Pierre Shumacher et moi, dans une pièce adjacente à la chapelle. Ce « rendez-vous « , surtout à cause d'un petit mot prononcé par Jean-Pierre au tout début de la rencontre, va produire un moment merveilleux, où les deux personnes que nous sommes, vont se tendre l'une vers l'autre et se rendre l'une à l'autre. Un véritable « rendez-vous »

 

En effet, je viens de dire à Jean-Pierre, dans l'immédiat de la rencontre : « Qu'est ce que je suis heureux de vous voir Jean-Pierre, de vous rencontrer et de pouvoir causer avec vous. Je sens que je vais pouvoir vous écouter me raconter ce que vous avez vécu avec les frères de Tibhirine ... » C'est alors que Jean-Pierre me dit, comme ça, d'emblée : « ON VA SE TUTOYER ! »

 

Oh, ce que ta parole m'a touché Jean-Pierre ! Tu venais par tes mots, d'ouvrir toutes grandes des barrières qu'il n'y avait que toi qui pouvais les ouvrir. Tu venais de rendre possible la communication entre nous de manière inouïe, parce que tu en faisais une communication non violente. La manière dont tu me disais ces mots nous rendait frères l'un de l'autre. Ces mots ne pouvaient venir que de toi : « on va se tutoyer » Tu m'ouvrais les barrières comme faisait Madame Orsat la garde barrière du passage à niveau de la voie SNCF à Dampierre, lorsque enfant, je conduisais notre troupeau de vaches dans la pâture qui se trouvait de l'autre côté de la voie. Cette femme m'ouvrait le passage à niveau. Jean-Pierre, tu nous mettais toi et moi à niveau l'un de l'autre. Ça n'arrêtait pas mon regard qui me faisait « te voir supérieur à moi » (Phi. 2, 3.) Tu continuais d'être quelqu'un qui a beaucoup de trésors de non-violence à me faire découvrir. En cela consistait ta supériorité. Ça nous transformait l'un et l'autre. Tu as vécu des choses que je n'ai pas vécues et qui me font t'estimer, te considérer, t'aimer. Mais voilà que ta parole me touchait étonnamment. Elle devenait créatrice, elle me rentrait dans la peau, « Ta parole se faisait chair » (Jo. 1. 14 ), dans ma chair, dans mon être. Jean-Pierre, tu nous mettais à niveau l'un de l'autre. Nous allions pouvoir communiquer tout autrement que s’il n'y avait pas eu cette parole, ces mots : « On va se tutoyer. » Tu te démettais de ton pouvoir. Tu t'en démunissais pour le rendre serviteur« Tu ne retenais pas le rang qui t'égalait à Dieu » (Phi 2, 6) Tu sortais de ce rang où tu te trouvais pour venir me chercher là où j'en étais. Je ne saurais pas dire si tu t'abaissais à mon niveau ou si tu m'élevais au tien. Peut-être un peu des deux.

 

Ça me rappelait ce qui s'était passé de totalement semblable entre André Depierre et moi au printemps de l'année 1966 au tout début où je devenais prêtre. La 1ère fois où j'étais allé voir à Montreuil cet homme, originaire de Vadans dans le Jura, de 15 ans mon ainé. 

Prêtre ouvrier, fondateur de la mission de Paris en janvier 1944, avec Henri Godin né à Audeux dans le Doubs, lui aussi originaire du Jura par ses parents. André m'avait dit « On va se tutoyer » dès le début de notre première rencontre. Déjà à ce moment-là j'avais expérimenté quelque chose de fondamental dans la dimension relationnelle de ma vie d'homme et je m'étais dit : « N'oublies pas ce que t'a donné André par sa parole … et fais de même. » J'avais un jour découvert la source de cette communication de la non-violence dans les psaumes, lorsque celui avec qui nous commençons de nous relier nous permet de nous libérer parce qu'il crée un passage à niveau avec nous : « Mon allié est devenu mon libérateur »(PS 143, 2 )

 

Rien n'avait été enlevé de l'estime que j'éprouvais pour Jean-Pierre. Mais un verrou venait de sauter, une barrière empêchante disparaissait d'entre nos êtres, et elle ne se refermerait jamais : ce qui donnait autorité ne s'était pas effacé, mais allait pouvoir entrer en action et réaliser son œuvre. Il se passait comme sait si bien nous le faire deviner René Girard, quelque chose de semblable à ce qui se passe entre le PERE et le FILS. L'ESPRIT-SAINT peut entrer en action, ça peut souffler entre eux, parce que le Père et le Fils sont à niveau. Ils ont fait de leur POUVOIR, un AMOUR pour TOUJOURS.

 

Comme ce serait libérant de nous débarrasser de tout ce qui est très empêchant dans l'exercice de ce satané pouvoir. Nous y tenons tant les uns par rapport aux autres, qu'il nous joue de vilains tours, parce que nous nous maintenons à l'exercer dans la violence accaparante, au lieu de le vivre de façon servisante. Et comme nous le chantons le dimanche soir aux complies ( il n'est jamais trop tard de le réaliser) : « Nous expérimenterons que plus nous ôterons les barrières entre nous, plus nous nous approcherons les uns des autres, plus nous serons à niveau les uns avec les autres, davantage nous deviendrons libres. » (PS 90, 14)

 

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Histoire d'une rencontre...

9 Février 2016, 09:54am

Publié par luluencampvolant

Caroline a été baptisée le 18 mai 2013. Dans son blog, elle raconte sa rencontre avec Lulu.

 

Suite à mon baptême j'ai eu une autre évidence je devais acheter un terrain pour construire une maison... Une maison, mon refuge notre refuge... Ce terrain qui me fût " donné " se situe à côté du Carmel des petites sœurs à Saint-Maur !!

Ce samedi 21 juin 2014 je travaille sur mon terrain et je dois me rendre à Lons chercher quelques matériaux !! Il fait très très chaud ce jour-là et en descendant la côte de Montaigu, avec mon petit camion benne, je vois un vieux monsieur torse-nu avec son tee-shirt sur la tête, assez maigre marchant, et montant le long de la route... Je me suis sentie attirée par cet homme et je me disais "les gens doivent penser que c'est un "fou" par cette chaleur de marcher ainsi !!

En prenant mon matériel à Lons je ne pensais qu'à lui et j'avais hâte de revenir car je voulais le retrouver sur le chemin...

 

Et il était là sur la petite route menant à Saint-Maur, il était assis sous un arbre et il lisait un livre...J'eus comme une fraîcheur, du bonheur qui venait en moi !!

Je suis allée décharger mes matériaux et bien sûr troublée comme je l'étais j'avais oublié des choses, je devais repartir sur Lons, ce que je fis en me dépêchant !! Je me disais pourquoi je ne me suis pas arrêter lui parler, pourquoi... pourquoi !!! Je suis assez timide et j'avais peur, je ne savais pas comment faire pour l'aborder... Ce n'est pas si simple, mais c'était plus fort que moi il fallait que je lui parle, je me mis à prier pour qu'il n'ait pas disparu à mon retour !!!

 

Et ......Il était là !! Juste devant mon terrain, marchant de retour du Carmel, je me suis arrêtée à sa hauteur avec mon camion et naturellement, tout était simple à ce moment la fenêtre ouverte il vînt vers moi, me serre la main et moi d'une petite voix commence " Bonjour, je vous ai vu marchant depuis Montaigu vous venez d'où comme cela ? "

Et ce vieil homme me regarde et il est heureux de me voir, il est plein d'amour et je le ressens si fort !! Alors il commence une étrange histoire en me parlant d'un âne aux longues oreilles, d'un voyage à pieds jusqu'à Bethlehem!!

Il me demanda mon prénom et si j'habite ici. Il me dit que suis alors la gardienne des petites sœurs et il me dit cette phrase que je n'oublierai jamais " Mon âne m'a dit " n'oublie pas les bienfaits de la marche "

Cette rencontre me bouleversa, je suis allée m'asseoir sous mon arbre sur mon terrain et je me suis mise à pleurer, de joie de tout à la fois... Je venais de rencontrer Dieu à travers cet homme !!

Depuis j'ai appris que ce vieil homme se prénomme Lucien ou Lulu !!

 

Ecrit par Caroline Gardaz et publié sur son blog  le 7 janvier 2016.

 

Photo prise lors de la plantation du Gingko Biloba

Photo prise lors de la plantation du Gingko Biloba

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À propos de la dissuasion nucléaire : Concilier le multilatéralisme et l’unilatéralisme

7 Février 2016, 18:47pm

Publié par luluencampvolant

Jean-Marie Muller lors de sa visite dans le Jura en avril 2015

Jean-Marie Muller lors de sa visite dans le Jura en avril 2015

par Jean-Marie MULLER*

 

Avertissement : Ce texte est une invitation au dialogue entre les partisans français du désarmement nucléaire afin que nous tentions de surmonter nos désaccords. Je prends personnellement parti, comme il est normal, mais je ne prétends pas à avoir le dernier mot sur ce sujet. Mon intention est d’ouvrir le débat et non de le clore. Chacun(e) est donc invité à s’exprimer afin qu’il dise est le dernier mot pour lui.

                                                      13 janvier 2016

 

Ces dernières années, des organisations de la société civile française ont affiché leur détermination à éliminer les armes nucléaires. Elles se rejoignent toutes pour affirmer que ces armes de destruction massive, loin de contribuer à la sécurité de leur pays, constituent en réalité une menace non seulement pour la paix du monde mais pour la survie même de l’humanité. Malheureusement, le mouvement antinucléaire français reste  divisé sur la stratégie à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif d’un monde sans armes nucléaires. Plusieurs organisations pensent que la France doit prendre la décision d’un désarmement unilatéral, tandis que certaines autres estiment que ce renoncement doit s’effectuer dans le cadre d’une négociation internationale qui permette à tous les États dotés de l’arme nucléaire de décider ensemble un désarmement multilatéral. Cette division est fort préjudiciable, car elle est de nature à affaiblir considérablement l’efficacité de l’opposition aux armes nucléaires. La question qui se pose est donc de savoir si les différentes fractions du mouvement français d’opposition aux armes  nucléaires ne pourraient pas parvenir à surmonter leurs désaccords afin d’unir leurs forces dans une même  lutte.

 

Cette division n’est pas une fatalité, car le multilatéralisme et l’unilatéralisme ne sont pas de nature à s’opposer mais à se composer (c’est-à-dire, selon l’étymologie de ce mot à se « poser ensemble ») dans une réelle complémentarité. Les partisans de l’un ne devraient-ils pas être les partisans de l’autre ? Ce serait donc par erreur que les uns s’opposent aux autres.  Il nous faut donc chercher l’erreur. Il semble bien que l’erreur soit l’intégrisme de l’un et/ou de l’autre qui apporte la division. Dès lors, les deux parties sont mises en demeure de refuser tout tentation d’intégrisme afin de privilégier ce qui les unit par rapport à ce qui les divise et de concilier ainsi leurs deux approches. Au demeurant, il existe des différences d’appréciation légitimes, notamment en ce qui concerne les probabilités de succès de chacune des deux approches. Chacun peut ainsi garder sa préférence.

 

 Ce qui caractérise cette discorde, c’est que les désaccords ne sont pas symétriques. De leur côté, les unilatéralistes sont d’accord avec les multilatéralistes pour penser que la meilleure solution serait en effet le désarmement multilatéral de tous les États dotés, que ce soit à travers la signature d’une Convention internationale pour l’élimination des armes nucléaires ou à travers un accord en faveur d’un Traité d’interdictions des armes nucléaires. Ils sont prêts à soutenir les initiatives internationales prises à cet effet. Pour autant, ils ne pensent pas que le désarmement multilatéral soit possible dans un avenir prévisible. Dans l’absolu, le désarmement multilatéral est préférable au désarmement unilatéral, que ce soit pour la France ou pour le monde. Mais le problème ne se pose pas dans l’absolu, il se pose dans la réalité et, dans la réalité, l’objectif du désarmement unilatéral apparaît le plus crédible. Tout particulièrement, d’emblée, en récusant dès aujourd’hui la dissuasion nucléaire, il est mieux armé pour dé-sacraliser, pour dé-légitimer et pour dis-créditer l’arme nucléaire auprès de l’opinion publique. Les unilatéralistes partagent l’idéal d’un monde libéré des armes nucléaires, mais ils pensent devoir relativiser cet idéal, c’est-à-dire le relier à la réalité. C’est la raison pour laquelle ils ont la conviction qu’il est de leur responsabilité indissociablement éthique et politique d’exiger ici et maintenant le désarmement unilatéral de l’État français. L’obligation du désarmement est devenu un impératif catégorique personnel. Elle les oblige aujourd’hui. Elle ne saurait être éludée et remise à demain. Tandis que, pour leur part, nombre de multilatéralistes récusent la pertinence du désarmement unilatéral en faisant valoir à la fois la supériorité et la possibilité d’un désarmement multilatéral.

 

Il faut convenir que cette dissymétrie dans le désaccord se retrouve dans la recherche d’un accord, mais il ne devrait pas le rendre impossible. Au demeurant, nous n’avons d’autre choix que de tenter d’établir un dialogue pour élucider les termes de notre désaccord et nous efforcer de préciser les termes d’un accord possible. Ce dialogue doit au moins nous permettre de nous mettre d’accord sur « l’état des lieux » et cela est déjà appréciable.

 

Au terme de ce dialogue, nous devrions tous convenir qu’un mouvement antinucléaire français qui serait uni pour partager l’objectif du désarmement nucléaire unilatéral de la France serait plus crédible et plus fort pour exiger l’élimination mondiale des armes nucléaires.

 

Les termes de cette conciliation, c’est par principe que les multilatéralistes et les unilatéralistes s’accordent pour demander ensemble et le désarmement mondial et le désarmement national.

 

Il est donc demandé aux multilatéralistes faire le choix du désarmement unilatéral de la France. En ce sens, c’est leur demander de faire le plus grand pas vers un accord des deux parties. Mais paradoxalement, la nature même de la dissymétrie qui caractérise leur désaccord leur permet de faire ce pas. Car il ne leur est pas demandé  de renoncer à l’exigence du désarmement mondial qui fonde leur engagement. En revanche, les unilatéralistes devraient renoncer à l’exigence qui fonde leur engagement s’ils devaient faire le choix unique du désarmement mondial.

 

Un changement de la donne

Les échecs des rencontres internationales qui ont eu lieu en 2015 – qu’il s’agisse de la Conférence d’examen du TNP ou de la Session de l’Assemblée générale des Nations Unies - viennent changer la donne en ce début de l’année 2016. Ceux-là mêmes qui pensaient qu’un désarmement multinational était possible dans un délai raisonnable ne pourraient-ils pas tenir compte de ce changement de donne pour changer leur positionnement et reconnaître la pertinence du désarmement unilatéral ? Ils ne se déjugeraient pas, ils ne renonceraient pas à leur exigence d’un désarmement mondial, mais, comme il convient toujours, ils adapteraient leur stratégie au terrain. Le désarmement unilatéral deviendrait entre leurs mains un élément qui pourrait être décisif pour relancer la dynamique du désarmement mondial. Et, dans le même temps, les unilatéralistes pourraient redoubler leurs efforts pour exiger le désarmement mondial. Ainsi, le multi unilatéralisme s’avérerait plus opérationnel que le multilatéralisme.

 

Le rêve de Barack Obama

Dans le discours qu’il a prononcé à Prague le 5 avril 2009, le Président Barack Obama a « affirmé clairement et avec conviction l’engagement de l’Amérique à rechercher la paix et la sécurité dans un monde sans armes nucléaires. » Soit. Mais il a pris soin de préciser : « Ce but ne pourra être atteint avant longtemps, sans doute pas de mon vivant – not in my lifetime. » Et l’on ne peut que lui souhaiter longue vie… Surtout, il a affirmé : « Ne vous méprenez pas : tant que ces armes existeront, les États-Unis conserveront un arsenal sûr et efficace pour dissuader tout adversaire. » (Make no mistake : As long as these weapons exist, the United States will maintain a safe, secure and effective arsenal to deter any adversary.) Ces quelques mots sont terribles. Ils viennent mettre fin brutalement au rêve d’un monde sans armes nucléaires que le président nous invitait à partager avec lui. Car, enfin, les armes nucléaires existeront tant que les États-Unis en posséderont ! Et dès lors que le Président américain affirme ne pas vouloir renoncer à ses armes nucléaires, de quel droit demande-t-il aux autres États de renoncer à en acquérir ? Ne peuvent-ils pas tenir le même raisonnement : « Tant que ces armes existeront, nous ne renoncerons pas à les acquérir. » C’est ce qu’on appelle un cercle vicieux. Certes, Obama prend soin de préciser aussitôt : « Nous allons cependant commencer à procéder à la réduction de notre arsenal. » (But we will begin the work of reducing our arsenal.) Mais cette phrase n’efface pas la précédente. Elle confirme au contraire que les États-Unis ne sont pas prêts à désarmer. Car la réduction annoncée ne constitue en rien le désarmement. Réduire n’est pas désarmer.

 

Malgré toutes les circonspections dont a fait montre le président américain au cours de son discours de Prague, sa prise de position a fait croire à beaucoup qu’un monde sans armes nucléaires était désormais possible. Certaines organisations des sociétés civiles ont pensé qu’il était possible de parvenir à la signature d’une Convention internationale sur l‘élimination des armes nucléaires. Et, cela, d’autant plus que le 9 octobre 2009, le Comité Nobel norvégien annonce sa décision d’attribuer le Prix Nobel de la Paix au président des États-Unis, Barak Obama. Dans le communiqué rédigé à cet effet, le comité précise qu’il « a attaché une importance particulière à sa vision et à ses efforts pour un monde sans armes nucléaires ». Il est précisé : « La vision d’un monde sans armes nucléaires a fortement encouragé les négociations sur le désarmement et le contrôle des armes. »

 

Mal-heureusement, les faits sont venus contredire l’espoir suscité par le discours de Prague de Barak Obama. Dans un document de travail présenté par les États-Unis et remis le 29 avril 2015 à la  Conférence des États parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) qui s’est tenue à New York du 27 avril au 22 mai 2015, il est affirmé : « Tout en poursuivant [l’objectif du désarmement nucléaire], les États-Unis conserveront un arsenal sûr, sécurisé et efficace, tant pour dissuader leurs adversaires éventuels que pour prouver à leurs alliés et partenaires qu’ils peuvent compter sur les engagements pris par les États-Unis en matière de sécurité. » On ne saurait dire plus clairement que les États-Unis sont fermement décidés à maintenir leur doctrine de défense et qu’ils n’envisagent nullement de « changer leur manière de penser » afin de renoncer à la possession de leurs armes nucléaires.

 

Le même document précise que la dissuasion nucléaire américaine est bien fondée sur une stratégie d’emploi, même s’il est précisé, ou, plus exactement, dès lors qu’il est précisé que les États-Unis « n’envisagent de recours à des armes nucléaires (c’est moi qui souligne) que dans des conditions extrêmes pour défendre les intérêts vitaux du pays ou de ses alliés et partenaires »… Il est donc clairement affirmé que les Etats-Unis sont déterminés à maintenir leur arsenal nucléaire. Le rêve de Barak Obama appartient définitivement au passé. Ces éléments fondent le changement de la donne concernant les conditions du désarmement nucléaire. Ce qui était peut-être probable en 2009 ne l’est plus en 2016.

 

L’échec de la 70e session de l’AG des Nations Unies

À l’initiative de pays non-dotés, trois conférences intergouvernementales sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires (Oslo, Nayarit et Vienne entre 2013 et 2914) s’étaient donné pour objectif de créer un processus permettant de parvenir à un Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) sans attendre l’assentiment des pays dotés.. Ces rencontres sont des initiatives intéressantes et l’objectif recherché ne peut être que soutenu par les unilatéralistes, mais, jusqu’à présent ces conférences n’ont en définitive donné aucun résultat. Au demeurant, un tel traité voulu par des États non dotés, ne pourrait  devenir opérationnel que s’il est signé par les États dotés. Or ceux-ci ont clairement affirmé qu’ils désapprouvaient cet objectif et qu’en tout état de cause, ils ne signeraient pas pareil traité. Sans doute, les multilatéralistes pensent-ils que, s’ils refusaient de signer un tel traité, les pays dotés finiraient par être mis au ban des nations. L’argument mérite d’être retenu, mais la difficulté c’est que nombre de pays non dotés ne sont pas encore convaincus de l’importance d’envisager et de signer un tel traité. Et, là encore, la meilleure contribution que les citoyens français peuvent apporter à l’élaboration de ce traité est d’interdire à leur propre État la possession des armes nucléaires.

 

Après l’échec de la dernière Conférence d’examen du TNP, la 70e session de l’Assemblée générale des Nations Unies a fait apparaître que les États membres sont incapables de surmonter leurs divergences à propos du désarmement nucléaire. Les États dotés ont affirmé leur détermination à refuser tout accord sur l’élimination des armes nucléaires. Ainsi, le texte de la « Couverture » de la réunion de la Première Commission chargée du désarmement et de la sécurité internationale qui a eu lieu le 2 novembre 2015 précise : « Les 13 textes mis aux voix illustrent une fois de plus les divergences de vues sur le désarmement nucléaire entre d’un côté, ceux qui appellent à une accélération du processus et de l’autre, ceux qui estiment que les préalables du désarmement ne sont pas encore réunis. » 

 

Le même texte souligne : « Au nom de la France et des États-Unis, le représentant du Royaume-Uni a annoncé un vote contre les projets de résolution sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires, sur l’engagement humanitaire en faveur de l’interdiction et de l’élimination des armes nucléaires et sur les impératifs éthiques pour un monde exempt d’armes nucléaires, car les objectifs de ces textes sont de forcer les États nucléaires au désarmement nucléaire et de saper le régime du Traité sur la non-prolifération nucléaire, en créant un monde moins sûr.  En tant que puissances nucléaires, nos trois pays sont convaincus que le désarmement nucléaire ne peut se faire que d’une manière progressive, « pas à pas ». » C’est dire on ne peut plus clairement qu’aucune dynamique ne peut être initiée qui crée les conditions de l’élimination mondiale des armes nucléaires.

 

Certes, Le 7 décembre 2015, l’AG des Nations Unies a voté en faveur de la création d’un groupe de travail qui élaborera « des mesures, dispositions et normes juridiques » pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires. Ce groupe  de travail doit se réunir à Genève en 2016. Notons qu’il ne sera pas lié par les règles strictes de consensus. Il présentera un rapport à l’AG d’octobre prochain. Cette initiative est certainement positive et ne peut qu’être soutenue. Cependant, dès lors que les cinq États dotés membres du TNP se sont opposés à la création de ce groupe de travail, il lui sera très difficile de parvenir à ses fins.

 

Pour en finir avec l’arme nucléaire

Dans son livre Pour en finir avec l’arme nucléaire (La Dispute, 2011), Pierre Villard, alors co-président  du Mouvement de la paix, écrit : « Face à des processus qui ne vont pas assez vite et à des puissances nucléaires qui ne montrent pas le bon exemple, l’idée de décision unilatérale de désarmement est avancée. Ainsi Jean-Marie Muller s’interroge : « Les Français peuvent-ils vouloir renoncer à l’arme nucléaire » (Éditions du MAN, 2010). Considérant qu’on a tout essayé, l’auteur propose d’en venir au renoncement unilatéral. Cette proposition mérite respect et réflexion. La France sortirait-elle grandie d’un acte politique de renoncement à l’arme nucléaire ? J’en suis convaincu. Cependant … » Et, à partir de là, Pierre Villard récuse le choix du désarmement unilatéral en faisant valoir que  l’opinion publique française n’est pas prête à soutenir l’exigence d’actes unilatéraux, mais qu’elle est prête à s’engager dans le soutien à une démarche internationale. Il croit dès lors pouvoir affirmer : « Une campagne pour le renoncement unilatéral de la France nous ferait repartir plusieurs années en arrière  ».

 

Ce qui  est vrai, c’est que les citoyens français sont spontanément plus favorables au désarmement multilatéral qu’au désarmement unilatéral. Le consensus apparent qui existerait en faveur de l’arme nucléaire n’est qu’un consensus par défaut, dès lors qu’aucun débat public n’a jamais eu lieu. En outre, cette préférence risque d’être fallacieuse, car  préférer le désarmement multilatéral ne les engage à rien et n’a pas le moindre impact sur la réalité. La proposition d’un désarmement multilatéral n’implique aucune rupture. Elle ne fait pas débat, car elle ne pose aucun problème, mais, précisément parce qu’elle ne pose aucun problème, elle ne peut en résoudre aucun. Laisser croire aux citoyens français qu’un désarmement multilatéral est possible dans un délai raisonnable les dispense de prendre position pour le désarmement unilatéral. Ils se trouvent en réalité dépourvus de moyens d’action pour faire pression sur les États américain, russe chinois, indien, nord-coréen, etc,, alors qu’ils ont de nombreuses possibilités d’agir pour faire pression sur l’État français. Un autre argument doit pris en considération, l’économie de plusieurs milliards d’Euros pas an permettraient à la France de les investir pour d’autres causes.

 

Dire qu’une campagne pour le renoncement unilatéral de la France nous ferait repartir en arrière, c’est préjuger qu’une campagne pour le désarmement multilatéral peut nous permettre d’aller loin en avant dans un avenir proche. Or, aujourd’hui, il est clair que la condition d’un tel succès n’est pas remplie et qu’elle ne le sera pas dans un avenir prévisible. Affirmer cela n’est pas céder au défaitisme, mais faire preuve de réalisme. Il nous faut en effet constater que la voie négociée vers le désarmement mondial est totalement barrée depuis des décennies et que rien ne permet de penser qu’elle puisse s’entrouvrir à l’avenir. Selon la meilleure hypothèse, il faudra encore attendre des décennies, autant dire une « éternité ». Tous les derniers événements apportent la preuve que les États nucléaires sont déterminés, avec la plus parfaite mauvaise foi, à maintenir et à moderniser leur arsenal nucléaire et qu’ils refusent toute négociation pouvant parvenir à l’élimination mondiale des armes nucléaires. Et, cela, alors même que le Traite de Non-prolifération (TNP) dont ils sont membres leur fait obligation de négocier de bonne foi un désarmement nucléaire complet.

 

Tout bien considéré, et cela est également de nature à concilier le multilatéralisme et l’unilatéralisme, le désarmement unilatéral est certainement la meilleure contribution que les citoyens français peuvent apporter au désarmement mondial. Et cela même si nul ne prétend qu’il sera simple d’en convaincre une majorité de nos concitoyens, tant ils sont encore ignorants des données du problème et des leviers dont ils disposent pour le résoudre. Il ne s’agit pas non plus de prétendre que la décision unilatérale de la France aurait une vertu exemplaire qui ferait céder les autres États dotés. Le but n’est pas de se donner en exemple aux autres, il est d’être cohérent avec soi-même.

 

L’exemple britannique

La France ne pourrait-elle pas prendre exemple sur ce qui se passe en Grande-Bretagne. Comme le souligne Marc Morgan (Alternatives non-violentes, décembre 2015), la Campagne pour un désarmement nucléaire (Campaign for nuclear disarmament, CND) fondée en 1958 « s’est très vite affirmée comme une force politique majeure ». « Le désarmement unilatéral du Royaume-Uni a toujours été un des principes de base du mouvement, soutenu par la majorité des militants. En parallèle, la CND a toujours milité activement pour un désarmement général/multilatéral. » Par ailleurs, « En écosse, le parti indépendantiste et une grande majorité de la population appellent au désarmement unilatéral. (…) Une Écosse indépendante serait certainement libre d’armes nucléaires. » Il conclut : « En Angleterre, au Royaume–toujours-uni en général, le désarmement unilatéral est toujours possible. »

 

Un surcroît de prestige pour la France

Alors que d’aucuns sont portés à laisser croire que le renoncement à l’arme nucléaire porterait atteinte à la « grandeur de la France », c’est probablement tout le contraire qui se produirait, comme l’affirmait déjà Théodore Monod lorsqu’il participait aux jeûnes organisés par la Maison de Vigilance. Dans ce monde enténébré, la France contribuerait à entretenir la petite flamme fragile de l’espérance. Comment ne pas croire en effet qu’il en résulterait un surcroît de prestige pour notre pays ? « Le prestige, déclarait M. Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations Unies, lors de l’allocution qu’il prononça à Hiroshima le 6 août 2010, appartient non pas à ceux qui possèdent des armes nucléaires, mais à ceux qui y renoncent. » Sans nul doute la capacité de notre pays de faire entendre sa voix dans les grands débats de la politique internationale ne serait non pas affaiblie mais fortifiée. On peut gager que partout dans le monde des femmes et des hommes salueraient la décision de la France comme un acte de courage qui leur redonne un peu d’espérance.

 

 

* Philosophe et écrivain, auteur notamment de Libérer la France des armes nucléaires, La préméditation d’un crime contre l’humanité, Chronique Sociale, 2014.

www.jean-marie-muller.fr

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Voici qu'un autrement devient possible

1 Février 2016, 11:06am

Publié par luluencampvolant

CITEAUX , le 14 janvier 2016

 

«  VOICI QU'UN AUTREMENT DEVIENT POSSIBLE » 

 

Depuis quelques mois je ne voyais plus rien de mon œil gauche. J'avais du mal de m'y faire. Ne plus rien voir de la gauche ça déséquilibre la vie ! «  Tu devrais aller te faire opérer » me disait-on. Ça y est, j'en reviens. Maintenant que voilà installé dans mon œil gauche un cristallin tout neuf par la doctoresse Catherine Creuzot et son équipe, mon œil droit me dit : «  Qu'est ce que ça va mieux pour la conjugaison. Nous allons à nous deux te faire voir des réalités que tu avais peine de voir ces temps passés. »

 

En effet, le jour de la plantation du Ginkgo Biloba à Dampierre le 9 janvier 2016, il y a des gens que je n'ai pas bien vus, des gestes dont je n'ai pas saisi toute la portée, des faits dont je n'ai perçu qu'une toute petite partie. Je vais être heureux de lire et entendre vos impressions et vos ressentis, chers amis d'ADN et du MAN et de plein d'autres réseaux. Et maintenant que mes deux yeux conjuguent ensemble le verbe être et pas seulement l'acte d'avoir, je vais essayer de réunir ce que j'entendrai de vous en vous disant ce que je vois.

Planter un arbre ensemble, quel bonheur nous a été donné aux uns grâce aux autres.

 

Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible
Voici qu'un autrement devient possible

Ça s'est passé dans un jour déterminé : le 9 janvier 2016, à une heure indiquée : 11 heures. Nous avons planté un arbre qui est d'une variété rare, dont l'histoire familiale est très ancienne à la surface de la planète Terre, et qui remonte dans la nuit des temps. Le Gingko Biloba est un arbre qui a résisté à une double catastrophe, celle qui a fait disparaître les dinosaures, et celle qui en faisant disparaître Hiroshima et Nagasaki a failli faire disparaître l'humanité. Un arbre planté en un endroit on ne peut plus signifiant de la terre, dans le vieux cimetière de Dampierre. Dans un coin du pays où nos ancêtres avaient coutume d'ensevelir ce qu'ils avaient ramassé qui restait d'eux. Cimetière entourant le lieu – dieu qu'est l'église à deux pas, pas trois, de la maison où nos parents nous ont conçus, mes sœurs, mon frère et moi, mis au monde et élevés, en quelque sorte, plantés nous aussi.

 

Endroit fixé avec Alain le garde-champêtre du village quelques jours auparavant, arbre planté dans un trou creusé par des membres de notre association : Alain , François, Gilbert, Pierre etc … Arbre cherché, trouvé et acheté dans une pépinière par François, planté avec plein de gens avec qui nous faisons équipe, association, réseau de solidarité depuis un long temps déjà … et aussi ceux à qui nous avons écrits, envoyé un message, ceux avec qui nous avons dit, de bouche à oreille : «  Veux-tu venir... tu es invité … nous plantons un Gingko Biloba… »

 

Plantation réalisée dans un but très précis : Demander à notre président de la république française qu'il procède dans l'immédiat à l'arrêt de l'armement nucléaire de la France de manière unilatérale, qu'il ne dise pas qu'il est d'accord mais veut attendre que les autres commencent et qu'après il ferait. Nous insistons que ça commence maintenant et non pas dans un temps indéterminé. Nous demandons cela afin d'arrêter de faire saigner notre humanité qui est en train de se vider de sa vitalité. Et que cet arrêt soit donneur de vie et non pas de leçon, que les forces que nous détenons se transforment, se transfusent et se transfèrent immédiatement aux femmes et aux hommes qui portent des enfants dans leur ventre et sur leur dos, en mourant de faim, de paix et de solidarité à l'instant même où nous plantons le Gingko Biloba. Avec, plantée dans le cœur de chacun de nous, la présence d'une petite fille, la petite fille Espérance dont parle Charles Péguy, celle là même d'arrêter le déferlement de la violence folle qui nous fait nous entre tuer. Cela est possible. Nous en sommes sûrs et certains.

 

Il me revient comme ça plusieurs événements fondamentaux. L'arrêt de la guerre d'Algérie par le cessez le feu du 19 mars 1962 et des accords d' Evian. Je les ai vécus. Nous sommes beaucoup à avoir vécu la guerre d'Algérie et l'arrêt de la guerre, le stop aux tueries, aux tortures, aux déportations de populations. Les gens qui ont été déracinés de chez eux peuvent revenir au pays pour s'y réinstaller. L’autrement devenait possible.

 

Il me revient, raconté par mon papa, sa joie de gamin né en 1910, quand à Belmont dans le Doubs, les cloches de la petite église ont sonné l'armistice le 11 novembre 1918. Son papa qui était à la guerre allait pouvoir revenir au pays ; la vie allait pouvoir devenir tout autre. L'autrement devenait possible. Notre grand père et notre grand mère allaient pouvoir s'unir à nouveau et donner une petite sœur à notre papa : Marie-Rose qui naîtra en 1920.

 

Il naît en moi cette petite fille Espérance que dans le « terrain vague » que les vivants et les morts du village nous avaient octroyés sans se concerter et dont nous avions fait notre « terrain de jeux précis » un arbre résiliant et résistant est planté.

 

Il naît en moi cette humble et petite espérance que, dans ce terrain, capturé sous nos yeux d'enfants par l'occupant allemand, puis par le libérateur américain pour y installer l'un et l'autre leurs munitions et leur dépôt de carburant, dans ce terrain un arbre résistant et résiliant est planté.

 

La toute petite Espérance germe en moi que, dans ce terrain que, nous enfants, nous avions récupéré pour y jouer à la guerre, se joue quelque chose de symbolique et d'effectif de la paix.

 

En 1945, après le 8 mai, tout le monde pensait que la guerre était finie. Hélas, dans ce terrain, nous enfants, nous nous mettions à jouer à la petite guerre, parce que nous avions vu et entendu jouer notre sort par les adultes dans les deux grandes guerres. Nous arrivions à tromper le vigilance de nos parents, ce qui nous captivait sur ce terrain, c'était d'y dégoter les munitions délaissées, « de la poudre et des balles » et tous les adultes n'y ont jamais rien vu. Avec mes copains, Yves, Denis et d'autres, nous jouions aux artificiers avec le risque de nous faire blesser ou tuer sur le seuil de la sacristie, là, à 50 mètres où enfin, un arbre résiliant va pousser.

 

Quel bonheur que ce terrain tellement déformé par les guerres, soit redevenu terrain de plantation, qu'il y pousse la paix, la résilience et la résistance à la violence.

 

C'est tout un symbole que de planter un arbre ! C'est l'inverse constructeur de diabol-ique, celui qui divise et démolit, déchiquette les corps, les maisons et les projets. Le symbole rassemble, réunit, réemboite ce qui était boiteux. Le symbole ouvre des horizons.

 

Il me revient quand on a annoncé que les états constituants l'Europe, créaient entre eux un espace, l'espace Schengen. Pour aller depuis le Jura de France, dans la Bavière de l'Allemagne rencontrer des amis, il n'était plus nécessaire de montrer sa carte d'identité nationale à un douanier. Nous prenions conscience que nous étions citoyens du monde. Il est important qu'au moment où arrivent des milliers de migrants obligés de fuir leurs pays pilonnés par nos bombes, nous tenions à cet espace Schengen. Particulièrement en ces temps, où les mêmes pays qui ont créé cet espace essayent d'édicter des lois et des décrets scélérats pour nous enfermer et empêcher l'arrivée des gens dans notre pays.  Alors qu'il n'y a pas très longtemps, nous-mêmes nous nous comportions occupants de ces pays.

 

Qu'est ce que je vais être heureux de recevoir et lire dans la conjugaison de mes deux yeux, ce qui a été dit et écrit ce jour-là de la plantation du Gingko Biloba : le texte de Pierre Jacquin, ce qu'a dit Grégoire Durant le maire de Dampierre, ce qu'a exprimé Antoinette Gillet, Michel Gerbaud, Caroline, la chanson du déserteur par Josette, ce que nous avons entendu de la bouche de Marie-Françoise et de Stéphanie à leur fils et petit-fils Noé. Et ce que nous nous sommes dit les uns aux autres et aussi dans le profond de nos consciences, en plantant ensemble le Gingko Biloba ce samedi 9 janvier 2016 à 11 heures à Dampierre, dans la terre du vieux cimetière.

 

Je suis confiant qu'en plantant le Gingko Biloba, en commun-commune, chacun de nous a senti et pris conscience, que s'implante en lui quelque chose comme des graines de la non violence. Il y a des comportements dont je vais me défaire et me démunir.

  • vis à vis des autres
  • vis à vis de moi-même
  • vis à vis de la Terre,
  • vis à vis de la politique et de l’Écologie,
  • vis à vis des graines, des semences, des arbres, des plantes, des ânes ...

pour adopter d'autres comportements et attitudes qui élèvent notre humanité.

 

Il y a des violences dont je suis en train de me démunir et de me défaire. Ce sont des graines de non violence et de respect qui viennent se loger à leur place.

Voici que l'autrement  possible se réalise.

Lulu

 

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