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Lulu en camp volant

Lettres d'Alice DOMON

31 Mai 2016, 12:50pm

Publié par luluencampvolant

Lettres d'Alice DOMON

Le mercredi 1er juin 2016 à 18 heures

au Foyer Sainte Anne
16 rue d'Avanne
25320 MONTFERRAND LE CHATEAU

en présence de l’auteure.

 

39 ans après la disparition tragique d’Alice DOMON en Argentine,
Diana VIGNOLES, de nationalité argentine,
a relu les lettres envoyées par Alice à sa famille, à ses proches et amis, entre les années 1967 et 1977.

Cette période est celle de la dictature imposée par la junte militaire, entre 1973 et 1985.

Ce livre émouvant nous fait suivre l’itinéraire d’Alice, et nous interpelle par le sens de son engagement et son témoignage de vie auprès des plus pauvres, des paysans sans terre, des familles des disparus, des Mères de la place de Mai, dans la fidélité à la suite du Christ.

Avec ce livre, nous découvrons, combien ses paroles et ses actes son engagement jusqu’à la mort rejoignent l’enseignement exprimé par le Pape François dans son exhortation apostolique Evangelii Gaudium, ‘’pour une église en sortie’’, mais aussi dans sa lettre encyclique Laudato Si, ‘’pour une destination commune des biens’’


La présentation du livre sera suivie d’un débat avec l’auteure

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Rencontre à Neufchâteau (2)

31 Mai 2016, 07:23am

Publié par luluencampvolant

Neufchâteau, mardi 10 mai 2016, suite ...

 

En écoutant les sœurs Denise, je trouve la confirmation que Jean-Marie Lassausse est actuellement dans une situation très grave à Tibhirine en Algérie.

Denise G. : «Voilà l'article dans le journal local Vosges Matin du 7 mai dernier : Le prêtre vosgien de Tibhirine, bloqué au monastère … Les autorités algériennes lui refusent le renouvellement de ses papiers … » C'est le même article que Rosaline m'a communiqué la veille, avant notre départ sur Neufchâteau envoyé par Henryelle de Poligny et Antoinette de Saligney.

Lucien : «Le déplacement de Jean-Marie Lassausse à Milan en mars dernier serait-il un motif du blocage qu'il subit actuellement ? » Je raconte aux sœurs Denise que c'est Jean-Marie qui m'a conduit d'Alger à Tibhirine en mars 2014 avec Nelly, Bernard et Claude Chauvin. Les sœurs m'expliquent comment elles sont allées à Tibhirine en 1974. Elles y sont retournées en 1985 alors qu'Alphonse est le vicaire général de Léon-Etienne Duval archevêque d'Alger… qu'il est curé aussi de la cathédrale d'Alger…

Denise D. «Nous avions fait la petite boucle : Alger, Cherchell, Médéa, Tibhirine, Djelfa, Laghouat, Ghardaïa, Ouargla, Touggourt, Biskra, Bou Saada, Alger... »

Nous avions rencontrés à Tibhirine plusieurs des frères qui ont disparu en 1996. Lorsque mon frère Alphonse a été ordonné évêque en 1998, Jean-Pierre Shumacher est venu à Metz pour son ordination …»

Mgr Alphonse Georger photo partagée sur internet

Mgr Alphonse Georger photo partagée sur internet

Les deux sœurs Denise sont bien en train de continuer à m'aider à chercher et trouver les sentiers de la non-violence. J'évoque alors l'amitié profonde qui me relie à Jean-Marie Muller. Cela fait sourire ces deux femmes car elles connaissent très bien «L' Évangile de la non-violence » et ce que Jean-Marie n'a cessé d'écrire depuis. C'est le signe de la reconnaissance que nous buvons à la même source dans le sillage des gens engagés dans la lutte non-violente.

Je trouve confirmation dans ce que me partage Denise G. aidée par Denise D., qu'Alphonse, né à Sarreguemines en Moselle en 1936, est ordonné prêtre en 1965. Après des études à Fribourg en Suisse, à Echterbach au Luxembourg, il revient en Algérie continuer ses études à Alger-Kouba. Il choisit alors de vivre en Algérie où il sera curé de Cherchell, vicaire général de Léon Etienne Duval puis directeur du centre diocésain d'Alger … C'est là qu'il accueillit en 1996 Jean-Pierre et Amédée au lendemain du rapt des moines de Tibhirine, durant les deux mois d'éprouvantes recherches, du 27 mars au 21 mai 1996. En 1998, il devient évêque d'Oran en remplacement de Pierre Claverie, assassiné avec son chauffeur Mohamed, deux mois et demi après la disparition des frères de Tibhirine. Alphonse sera évêque d'Oran jusqu'en 2012. Il sera remplacé par Jean-Paul Vesco, qui en 2014 nous accueillera dans la maison diocésaine d'Oran, alors que j'arrivais dans cette ville avec Nelly, Bernard, et Claude Chauvin.

Oran mars 2014

Oran mars 2014

Avec beaucoup de limpidité et de clarté, nos deux amies religieuses sortent de leur mémoire de sœurs une multitude de noms et de faits de vie, personnels et collectifs, et me les partagent. Tout cela est confirmé par des documents écrits et bien rangés dans la corbeille en osier … et donc faciles à retrouver. Elles font surgir de merveilleuses photos de manifestations auxquelles elles ont participé durant leurs engagements et leurs partages de vie, ouvrières ou rurales. Parmi les personnes auxquelles elles se réfèrent, je vois la photo d'Henri Godin, d'André Depierre de la Mission de Paris qu'ils ont fondé en janvier 1944 à Lisieux avec le cardinal Suhard... Je raconte à ces deux sœurs comment Henri et André sont des francs-comtois, des gens de chez nous. Henri est né à Audeux, (25) et André, à Vadans (39) Ils ont marqué la vie de l'abbé Jean Jourdain qui lui-même au petit séminaire de Vaux sur Poligny a marqué la vie de Gaby Maire, notre ami prêtre originaire de Port Lesney, assassiné au Brésil à Vittoria, le 23 décembre 1989. Puis j’entends et je lis dans les documents qu'elles mettent sous mes yeux, les noms des Rices, d'Henri Perrin, de Jean Legendre … C'est alors que Denise G. dit «  C'est ce dernier qui est à l'origine de ma demande de passer à la vie de salariée  … Quand je suis allée voir Alphonse en Algérie, j'ai vu des hommes venir embrasser mon frère, tellement ils avaient partagé la vie ensemble »

 

Nous reparlons de sœur Martine Ortigues, venue habiter aux Rousses dans les années 1980-1990 … Je dis aux sœurs que je l'ai connue grâce au C.A.P.C.O.

( Cercle d'Approfondissement pour Prêtres en Classe Ouvrière ) … puis je l'avais retrouvée lorsqu'elle était venue en retraite dans la communauté des sœurs dominicaines d'Orchamps. Sœur Denise D. me dit alors : «  Martine faisait partie des sœurs de notre ordre qui sont allées au boulot … comme elle et avec elle, nous avons eu la chance de pouvoir nous exprimer, de pouvoir nous engager en associations et syndicats, et ainsi, nous avons fait avancer les choses dans l'Eglise et dans la société. »

 

Je repense à Sœur Madeleine d'Orchamps, quand elle s'est engagée comme institutrice de jeunes enfants, puis d'enfants et d'adolescents en difficulté à l'école Jean Bosco de Dole. Si des personnes comme Jean-Luc lisent le journal chaque jour et essayent de ne pas laisser le monde comme ils le trouvent, l'engagement de ces religieuses n'y est pas pour rien.

Nous revenons avec les sœurs Denise sur un des voyages qu'elles ont accompli en Algérie lorsqu'Alphonse était vicaire général du cardinal Duval. « Mon frère nous avait emmenées à Tibhirine, nous avions alors rencontré Christian de Chergé, le frère Luc, le frère Amédée et le frère Jean-Pierre Schumacher. Celui-ci était venu à Metz quand Alphonse a été ordonné évêque. »

En ramassant toutes ces graines d'action non-violente, nous nous redisons combien il est urgent et important de continuer à les semer et planter en nos jardins intérieurs et communaux … Nous pressentons en nous disant Au Revoir que la venue d'Alphonse à Neufchâteau au 12 rue du Moulinot, vers la fin du mois de juillet, va nous permettre d'enfin nous envisager l'un l'autre.

Déjà, nous nous reconnaissons ...

 

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O vous qui donnez tout !

21 Mai 2016, 20:45pm

Publié par luluencampvolant

Il y a 20 ans, le 21 mai 1996, sept moines trappistes étaient assassinés en Algérie. Leur mort a soulevé l’émotion de la communauté internationale. 

 

 

Hymne inspirée par la vie et la mort des moines de Tibhirine

 

O vous qui donnez tout

O vous qui donnez tout

Jusqu’à l’extrême de la vie,

Jusqu’à l’extrême de l’amour,

Dans l’agonie de votre attente,

Vous voici devenus

Les témoins de l’espérance.

 

Martyrs de l’amitié

Sans rien savoir du jour qui vient,

Dans les ténèbres de la foi,

Vous annoncez le Dieu fidèle,

Vous serez dans la nuit

Les témoins de sa présence.

 

Martyrs de Jésus Christ,

Vous le suivrez jusqu’à la croix,

Jusqu’à sa mort dans l’abandon,

Dans l’inconnu de votre épreuve

Vous serez en mourant

Les témoins de son offrande.

 

Martyrs en un pays

Marqué du feu de la douleur,

A lui vos cœurs se sont donnés,

Dans la passion qui vous rassemble

Vous voici devenus

Simplement une semence.

 

CFC (s. Marie-Benoît) 2007 

"Hommage aux sept frères de Tibhirine". Huile de MALEL

"Hommage aux sept frères de Tibhirine". Huile de MALEL

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Pourquoi tant de guerres ?

18 Mai 2016, 13:18pm

Publié par luluencampvolant

Pourquoi tant de guerres ?

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Rencontre à Neufchâteau

18 Mai 2016, 11:33am

Publié par luluencampvolant

Mardi 10 mai 2016

 

 

   SIMPLES ET CLAIRES COMME L'EAU QUI COULE DANS LE

            RUISSEAU DU MOULINOT A NEUFCHATEAU



Nos amies religieuses de la communauté des sœurs dominicaines des campagnes d'Orchamps, m'avaient dit : « Alphonse Georger dont tu présentes le livre intitulé " Journal d'un séminariste en Algérie "  Alphonse !  Mais nous le connaissons ! Sa sœur Denise fait partie de notre congrégation … Elle est à Neufchâteau avec une autre sœur qui s'appelle aussi Denise. Je leur avais dit : « Mais c'est là qu'est la sœur Thérèse Favre avec son frère Claude. » Et les sœurs m'avaient dit: " Tu retrouveras sûrement encore d'autres sœurs … entre autres Mauricette "


Merci Rosaline et Geneviève de m'avoir emmené ce mardi matin 10 mai jusqu'aux portes de Neufchâteau, en allant à Vittel pour vos soins. Merci à vous Pauline et Damien,  jeunes qui m'avez pris en stop dans votre voiture alors que vous vous rendiez à votre travail. Vous m'avez fait entrer dans ce coin de la terre vosgienne, alors que tombaient des sacs d'eau sur nos têtes.

 

Rencontre à Neufchâteau

Me voici devant la maison Justine Pernot, 12 rue du Moulinot. Comme elle est belle et pure l'eau qui coule dans le ruisseau. J'y étais venu il y a une dizaine d'années voir Thérèse et Claude Favre originaires de Falletans, avec qui nous avions réalisé des balades mémorables au pas des ânes. Je sais en appuyant sur la sonnette à l'entrée que je vais les rencontrer tout à l'heure… Je les trouverais éprouvés dans leur santé et mobilité … J'apporte dans un petit sac un petit âne gris en peluche … Ce sera pour Claude, afin d'évoquer et aider à faire mémoire des merveilleux liens créés ensemble durant nos randonnées des années 1995-2000 ... Je me souviens particulièrement de la balade qui s'était réalisée entre Salins et Port-Lesney il y a une quinzaine d'années. Le blog n'existait pas encore. J'avais alors raconté par écrit dans mon cahier,  comme on ramasse dans un panier tout ce qui s'était vécu durant cette randonnée, avec des gosses de Salins, des adultes du CAT d'Arbois, accompagnés par Geneviève, François et mes sœurs Elisabeth et Bernadette. Cette journée avait débouché dans un climat de pardon des offenses et des blessures que nous nous étions faites. « Ne sachant pas toujours ce que nous nous faisions les uns aux autres » et « ne nous connaissant pas encore beaucoup les uns les autres, porteurs de handicaps, traversant des difficultés bien empêchantes ".


Après avoir sonné à la porte d'entrée, je me présente. Tout de suite, je suis invité à entrer et quelqu'un me conduit auprès de la sœur Denise Georger ... Je lui dis en me présentant: " Bien que je n'ai encore jamais rencontré votre frère Alphonse … je le connais déjà un petit peu par son livre : « Journal d'un séminariste en Algérie." Je compte beaucoup sur notre rencontre d'aujourd'hui pour que vous m'aidiez à pouvoir un jour causer avec votre frère de vive voix ...


De manière très belle et fraternelle, une autre religieuse, Denise Desbouis se trouve à nos côtés alors que je balbutie comment, grâce à la médiation du frère Jean-Pierre Shumacher survivant de Tibhirine, je suis en train d'accomplir cette recherche. 

Rencontre à Neufchâteau

Je sors de mon sac à dos les trois livres qui sont comme cousus ensemble avec le même fil, celui-là de l'amour fraternel, de la lutte non-violente pour sortir de l'horreur de la guerre… notamment sortir de la guerre d'Algérie, celle-là qu'Alphonse et moi malheureusement nous avons faite, et de toutes celles que nous continuons à faire subir partout dans le monde. 


Lucien : "C'est Jean-Pierre Shumacher qui m'a offert le livre de votre frère Alphonse, alors que je me trouvais à Midelt au Maroc en septembre de l'année dernière … dans le monastère de Notre Dame de l'Atlas ... Et qu'est-ce que je trouve en dévorant les pages du journal d'Alphonse ! Des citations très importantes du petit livre réalisé avec mes amis Bernard Robe et Jean-Claude Paulay ainsi que notre aumônier Marcel Jégo, que nous avions fait imprimer en 1959. Ce témoignage d'amour cité par Alphonse à la page 128 avait été fait avec les lettres que notre ami Jean-Marie Buisset nous avait envoyées durant les trois mois d'opérations qu'il avait faites en Algérie. Jean-Marie se fit tuer au cours d'une opération dans l'Ouarsenis, pas très loin de Tibhirine. Nous étions alors Bernard, Jean-Claude et moi soldats en France. Nous nous préparions à partir pour l'Algérie, dans le même coin où Alphonse votre frère allait arriver soldat lui aussi en juillet 1960, dans une compagnie de transports à Castiglione. Votre frère m'a peut-être transporté avec mon régiment, quand nous nous déplacions pour des opérations, puisqu'il est arrivé en Algérie en juillet 1960 et que j'y étais déjà depuis septembre 1959 à Sidi-Ferruch. Il y a tellement de faits bouleversants que nous avons vécus !  Ces faits nous appellent à nous rencontrer avec votre frère Alphonse ! Je compte beaucoup sur vous Denise !

 

Et voilà que les deux sœurs Denise s'aident l'une et l'autre, à plonger et dans leur mémoire et dans la corbeille en osier où sont merveilleusement rangées une multitude de documents, qui vont étayer tout ce qu'elles vont vouloir m'offrir et me donner comme trésors d'action non-violente.

Ce n'est pas tous les jours que, dans l'immédiat de la prononciation ou de l'évocation du nom d'un homme, d'une femme, d'un livre, d'un mouvement, d'une date, d'une manifestation, tout de suite, les êtres qui se rencontrent vivent à l'unisson.

Voilà ce qui nous est offert pendant près de deux heures.

 

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Frère Jean-Pierre, sonnez les matines...

14 Mai 2016, 20:29pm

Publié par luluencampvolant

Midelt, mardi 15 septembre 2015

 

FRERE JEAN-PIERRE, SONNEZ LES MATINES …

 

Réveillé à 3 heures et demi, je suis heureux de pouvoir me rendre à la chapelle et participer à l'office de matines. Je revois et je repense à la vie de nos frères de Tibhirine … Je nous sens en communion les uns avec les autres, avec les moines de l'abbaye d'Acey, les moniales de l'abbaye de la Grace Dieu maintenant à Igny, et par là avec tous nos frères et sœurs religieuses et religieux à travers le monde. Et voilà que se met à retentir la voix du muezzin dans un minaret proche dans la ville de Midelt … Quelle merveille que cette reconnaissance que le Dieu clément et miséricordieux est notre Père à tous ... Quel ressourcement pour l'établissement effectif de cette fraternité, dans nos cités, dans nos villages, de pays à pays, d'état à état, de nation à nation …

Quand je sors de l'office, il continue à venir en mon être une multitude de merveilles. Je prends conscience en cette nuit étoilée sous la voûte des cieux, que ces merveilles me sont offertes en permanence. Cela nécessite un travail pour en avoir conscience. Comme il fait bon s'y mettre très tôt le matin, juste au moment où va naître le jour. Est-ce que ce ne serait pas cela prier, contempler ?

 

Frère Jean-Pierre, sonnez les matines...

En entrant dans cette nuit étoilée, je fais ce que j'ai aimé réaliser durant certaines nuits de mon voyage en direction de Bethléem. J'accroche les noms des membres de ma famille à chacune des étoiles que je vois naitre de la nuit. Et je fais de même pour les noms de mes amis. Je les nomme, je les verbalise, je dis le verbe de leurs noms à chacun. A travers l'immensité de l'univers qui paraît-il, ne cesse de cavaler en extension, je ficelle votre prénom à une étoile, mes chéris. Oh, qu'elle est belle cette nuit, où j'entends retentir et résonner vos noms enchanteurs : Suzanne et Marius, mes parents, Christiane, Edwige, Elisabeth et Bernadette mes soeurs, et Georges mon petit frère. Je fais pareil avec les prénoms de ceux que vous aimez et qui vous aiment, de vos enfants et petits-enfants … Et au fur et à mesure, il y a toujours une étoile qui accepte que je lui accroche votre prénom, que j'attache à elle votre nom … Il me revient alors que Jésus disait un jour où plein de choses s'embrouillaient dans l'esprit des apôtres, dans leur rapport au pouvoir : «  Ne vous réjouissez pas de ce que les esprits vous sont soumis, réjouissez-vous de ce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. » (Luc 10, 20)

Sur la route en direction de Bethléem

Sur la route en direction de Bethléem

Je découvre alors que je suis appelé à faire de même pour les membres de la communauté de Tibhirine. J'accroche vos noms à chacun à une étoile : Christian, Christophe, Bruno, Michel, Célestin … Je cherche dans la nuit le nom des deux autres, ça y est, je les vois écrits sur le livre de Jean-Marie Muller dédicacé à Gaby Maire, je trouve Luc et Paul. Je fais quelques pas dans la cour du monastère pour accrocher leur nom à une étoile et je les attache avec le nom d'Amédée à des étoiles qui sont à côté de celle à laquelle est lié le nom de frère Jean-Pierre Shumacher : Vénus. « Jean-Pierre a toujours aimé les étoiles » (L'esprit deTibhirine, page 142)  J'accroche alors les noms des autres frères de la communauté avec lesquels nous venons de chanter matines: l'autre frère Jean-Pierre le jeune, Antoine qui nous aide si bien à chanter, José-Luis qui vient de partir en Allemagne, Nuno très discret mais non moins servisant, Omar et Bahra nos hôtes d'accueil ainsi que Corine, les sœurs de Tatiouine et Benoit grâce à qui j'ai pu venir ici à Midelt. J'accroche alors aussi à une étoile le nom de Daniel* de l'abbaye d'Acey afin qu'il sorte de la maladie qui l'éprouve … Et voilà qu'en continuant d'accrocher les noms des moines d'Acey à une étoile : Jean-Marc, Benjamin, François, Elie, Bernard, Pierre, Albert, Benoit, Marie-Bernard, Emile, Philippe … je tente de faire pareil avec le frère Marie-Bernard de l'abbaye de Latroun en Palestine Israël qui m'avait accueilli là-bas en juin 2013. Je tente dans ma prière de relier à des étoiles le nom des sœurs de la Grace-Dieu : Marcelle, Marie-Ange, elles sont maintenant à Igny avec plein d'autres sœurs … et me voici aussi à Poligny chez les clarisses, en train de ficeler les noms de Marie-Elisabeth, Marie-Monique, Géraldine … Je fais de même avec Odile et les sœurs carmélites de Saint Maur, la sœur de Louis Grillot, la sœur de Bernadette Baudet, la tante de Jean-Yves Pointelin : Denise, la tante de Jean-François David : Thérèse.

Les moines d'Acey, janvier 2016

Les moines d'Acey, janvier 2016

Je prends conscience alors dans cette nuit comblée d'étoiles, toute ruisselante de luminosité, je découvre en essayant d'accrocher à une étoile les prénoms d'Alain, Jean-Marc, Fabrice, Michel, Raymond, Nicole, Caroline, avec qui j'étais venu en campement ici au Maroc il y a une dizaine d'années, que vos noms sont déjà écrits dans le ciel. Une main m'a précédé. En tentant d'accrocher vos prénoms à une étoile, vous tous à qui je vais écrire une carte de Midelt : » Jacques et Elisabeth, Rachel, Maguy et Bernard, vos enfants et petits-enfants … en écoutant que le nom de Jean-Pierre est attaché à l'étoile de Vénus, je vois que quelqu'un bien avant moi a écrit vos noms dans la paume de ses mains au profond de son cœur. C'est ce qu'avait découvert une nuit la petite Thérèse de Lisieux. Dans la configuration d'un groupe d'étoiles, elle voyait se dessiner le T de Thérèse. C'est souvent comme ça dans la prière. Alors que je vous nomme Roberte, Patrice, vos enfants et petits-enfants ainsi que vous Rosaline, Jacques-Henri et vos enfants Anne, Ajay et leur petite Olivia ainsi qu'Elisabeth et Marie, notre amie Rosine, par grâce, ce que je crois faire est déjà en train de se réaliser et s'écrire par la main du Père. Je découvre que vos noms à vous tous mes amis, ceux que je viens de nommer et ceux que je n'ai pas encore prononcés, sont gravés dans le cœur même de Dieu. C'est toi Jésus, ami des femmes et des hommes que nous sommes, c'est toi qui nous le dis. Ce que nous tentons de réaliser est déjà commencé et entrepris : «  Vos noms sont écrits dans les cieux »

Faire ce que je vais essayer de faire, c'est découvrir que «  Ces choses sont cachées depuis le commencement du monde » (Mt, 13, 35 ; Ps,17, 2)

 

Notre travail, c'est de nous les laisser révéler afin que nous les contemplions, et d'entendre, alors que tu es tenté de croire que les choses ne se font que parce que tu es en pleine action : «  Ma grâce te suffit » (2 Cor,12, 9) … et d'entendre aussi cette autre parole que tu adresses à ton Père, ami Jésus : «  Abba, je te bénis, Seigneur du ciel étoilé et de la terre habitée, d'avoir caché cela au sage que je croyais être et de le révéler aux tout-petits que je rencontre ici au Maroc et bientôt à nouveau en France, celles et ceux pour qui tu voudrais que les choses évoluent et changent grâce à ta présence à leur côté . Qu'eux aussi découvrent que ta grâce leur suffit. » (Mt, 11, 25)

C'est probablement quelque chose qui conditionne la façon et la manière d'intensifier la culture de la non-violence. En ne faisant pas violence à Dieu dans la prière, cela me donne la grâce de ne pas faire violence à mes frères, de me démunir de toute violence même par rapport à moi-même.

L'angélus ne va pas tarder de sonner. Je pense à la Vierge Marie, enceinte de Jésus, à Marie une amie résidente ici au Maroc m'ayant confié récemment qu'elle est enceinte d'une petite fille, je pense à ma maman enceinte de moi, puis de mes petites sœurs et de notre petit-frère, sous le regard émerveillé de notre papa. Je pense à toutes les mamans. D'elles, l'Humanité est en perpétuelle extension.

Je comprends un petit peu plus, que prier ça peut être ce que je viens de vivre et d'expérimenter. Sentir en vous nommant amis, en n'arrêtant pas d'évoquer de nouveaux noms qu'il y a longtemps que je n'avais pas nommés, à qui il y a longtemps que je n'avais pas pensé, cette façon de prier, contribue à ce qu'il y ait de la place pour vous tous dans le monde, à la surface de la terre, et jusque dans la voûte des cieux. Cela je le veux un peu comme le Père Joseph Wrezinski, qui dit : «  A gauche et à droite de celles et ceux avec qui tu chemines, il y en a d'autres qui n'ont pas encore senti qu'ils avaient leur place dans la société … »  La découverte que ta grâce nous suffit, se réalise à travers tout le mouvement de l'humanité en perpétuelle extension. Je pense à la lutte tenace, de jour et de nuit, que mènent les migrants depuis tous temps et particulièrement aujourd'hui en traversant la Méditerranée pour trouver une place, essayant de faire tomber les murs de nos indifférences. Je pense à la lutte que nous sommes interpellés à mener, pour vivre notre devoir de les accueillir, de leur faire une place parce qu'ils ne pourront découvrir que leurs noms sont écrits dans le ciel, que si nous écrivons leurs noms sur un papier qui leur signifie, qu'ils ont un logement, du travail, une place sur la terre.

Photo lequotidien.lu

Photo lequotidien.lu

C'est ça ta grâce, ami Jésus, et c'est celle-là qui nous suffit. Voilà le soleil que je vois se lever dans ma conscience, alors qu'il est un peu plus de six heures et demi. Dans le sillage de l'angélus, nous allons célébrer la messe, faire eucharistie. Dans cette part de la pâte humaine, fermente déjà ce levain qui nous vient de toi, ami Jésus, et qui faisait chanter à Dieu par ta maman, alors qu'elle était en train de te concevoir sous l'action du souffle de l'Esprit :

Lever de soleil sur Jérusalem, cliché de Lulu en juin 2013

Lever de soleil sur Jérusalem, cliché de Lulu en juin 2013

« Sa miséricorde s'étend d'âge en âge, sur ceux qui l'aiment ; il a renversé les puissants de leurs trônes et élevé les humbles, il a rassasié de biens les affamés, renvoyé les riches les mains vides. » (Luc 1, 50-54)

 

*frère Daniel est décédé le 25 octobre 2015

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Une eau si limpide et si pûre...

13 Mai 2016, 06:00am

Publié par luluencampvolant

Midelt, dimanche 13 septembre 2015

 

PAR QUELS PETITS CANAUX, NOUS VIENT UNE TELLE ABONDANCE D'EAU SI LIMPIDE ET SI PURE ?

 

Jean-Pierre Schumacher sait me faire comprendre que si nous éprouvons une profonde joie à nous rencontrer lui et moi, il n'est pas le seul à pouvoir alimenter mes batteries. Afin de ramasser ce que j'aurai à donner et à ensemencer comme graines de non-violence à mon retour en France, il me faut aussi aller écouter les autres membres de la communauté monastique, ainsi que les gens qui viennent au monastère.

Je raconterai ce que j'ai découvert en écoutant Jean-Pierre Flachaire le prieur, les sœurs franciscaines de Marie, celles-là qui ont donné la maison Ksar-Meriem aux frères cisterciens en l'an 2000, celles qui vivent avec les nomades des plateaux qui sont au pied du mont Ayachi, à partir de Tatiouine. J'écrirai aussi ce que m'ont fait découvrir Manuela et Estéban, jeune couple, argentins l'un et l'autre, qui se sont connus en Inde, et qui comme moi, sont venus à Midelt pour boire à ce qui coule de Tibhirine. Je serai heureux aussi de continuer à me laisser imprégner du souffle qui habite l'être de Corinne, une française venue habiter le Maroc, vivant dans la pauvreté, mais me disant : «  Même si on vit pauvrement, on ne sait pas ce que c'est que d'être pauvre. On ne peut pas savoir ce que c'est, parce que nous avons une certaine sécurité. On sait de quoi nos lendemains seront faits. »

Alors, quand les frères m'invitent à célébrer la messe de ce dimanche 13 septembre et me disent : «  Tu feras l'homélie », Omar et Benoit m'ayant fait découvrir les canaux de leur jardin, je vais pouvoir dire : «  Chers amis de Midelt ! Je me sens comme un petit arbre dans le grand verger de la création. J'ai envie de laisser pousser en moi et autour de moi tous ces fruits de l'amour, du respect mutuel, de la compréhension, de la situation de l'autre, toutes ces graines de la non-violence. Voulez-vous que nous vivions un moment de paix et de silence, pour laisser trésir, pousser et croitre en nos jardins intérieurs et communaux, ce que nous sentons bien, cela qu'attendent les damnés de la terre, les exclus du travail, les gens arrachés du petit coin de terre où ils avaient pu faire pousser à leurs enfants quelques-unes de leurs racines, obligés de se sauver sur des embarcations de misère, risquant de couler en mer, pas du tout sûrs de parvenir en une terre d'asile. »

 

Soeur Anna et Frère Jean-Pierre Flachaire avec Caroline qui a fêté Pâques avec les soeurs et les frères de Midelt

Soeur Anna et Frère Jean-Pierre Flachaire avec Caroline qui a fêté Pâques avec les soeurs et les frères de Midelt

Nous voici à table chez les sœurs franciscaines de Marie. Nous bénissons la TABLE. Nous n'allons pas arrêter de dire du bien autour de cette table. Monique me tend le plat en me disant : «  Les invités sont toujours servis les premiers. Puis, en rigolant, nous parlons des ANES, de l'âne Isidore et de l'ânesse Joséphine qui m'ont permis de pouvoir entrer dans les territoires occupés palestiniens en juin 2013, de découvrir au cœur de Bethléem, que des massacres d'innocents s'y perpétuent, que nous y pouvons quelque chose pour l'empêcher, qu'à cet impossible nous sommes tenus. Il n'est pas fatal que de tels drames se continuent.

Je me rends compte en écoutant les sœurs, qu'elles ont eu une MULE dans la montagne pour faciliter leurs pérégrinations avec les nomades. Elles connaissent tout ce que peut délier et relier le fait de se mettre à marcher au pas d'un âne, sur les sentiers muletiers.

Bibiane en me présentant une petite corbeille me dit : «  Le PAIN que voici a été fait par notre voisine. »

A plusieurs reprises, au cours du repas, nous causons sur le don qui nous est fait de pouvoir marcher au pas des ânes ou des mules.

Lucien : «  Ce sont eux qui nous permettent et nous aident à déligoter et dénouer des situations très enfermantes, à défaire des noueux fortement oppresseurs. »

Chacune des sœurs raconte son expérience.

Barbara : «  Nous avions une mule dans la montagne. Un jour elle refusa de passer dans un chemin étroit. Elle avait senti que si le bât qu'elle portait buttait contre le rocher, elle-même basculerait dans le vide. Nous l'avons laissé prendre un autre chemin. En bas dans la vallée, nos chemins se sont rejoints. »

Bibiane : «  Il faut passer par l'affect et non par la force. »

Barbara : «  Quand la mule descendait certains chemins, elle les descendait en travers, les pattes disposées comme ça et non pas comme ça. Elle se mettait pour avoir un angle de vue plus grand et plus large. »

Et voilà qu'en continuant notre repas avec ces sœurs mi-nomades, mi-sédentaires, nous parlons du MIEL pour guérir les blessures que nous avons pu nous faire en marchant. Les sœurs sourient à cette évocation, car elles pratiquent ce remède.

Barbara : «  A condition d'avoir du vrai miel. »

Et voilà que nous nous mettons à parler de la PIERRE NOIRE.

Barbara : « Vous connaissez Lucien ? » 

Lucien : « Non »

Barbara : « La pierre noire a été trouvée par les Pères Blancs »

Et voilà que les sœurs se mettent à me raconter toutes les vertus de cette pierre noire.

Barbara : « Vous mettez un os long dans une boite en fer, et vous le passez au feu de bois. »

Marie : «  Et vous prenez l'os, une fois devenu noir. Vous le coupez en petits morceaux, et vous le disposez, si vous avez été piqué par un serpent, sur la veine, en contre-haut, à l'incision pratiquée juste avant la piqure du serpent, et le mauvais s'en va … »

 

 

Marie et Barbara avec Caroline lors du chemin de Croix à Tatiouine

Marie et Barbara avec Caroline lors du chemin de Croix à Tatiouine

Puis Barbara me demande pourquoi je suis venu aujourd'hui à Midelt. Je raconte alors ce qui m'a amené en ce lieu.

Lucien : «  J'ai malheureusement fait la guerre d'Algérie. Toute ma génération, de 1956 à 1962 : 400.000 soldats français en permanence en Algérie, deux millions quatre cent mille en tout durant cette guerre. La méthode de la bataille d'Alger exportée à l'école de guerre de l'Argentine, via celle des Etats-Unis... »

Fidela : «  Et au Chili aussi . »

 

Lucien : «  Quand j'ai entrepris la marche de la paix, de Dampierre à Bethleem, afin de demander l'arrêt de l'armement nucléaire de la France, une fois à Bethleem, je n'ai pas pu passer en Egypte, Lybie, Tunisie, Algérie, comme j'en avais eu le projet ...

Lorsque j'ai pu aller en Algérie, à Tibhirine en 2014, grâce à Nelly, Bernard et Claude Chauvin, à Jean-Marie et Hélène Muller, à Hubert et Anne Ploquin, à Jean-Marie Lasausse, quand j'ai pu aller dans l'Ouarsenis, au barrage de l'Oued Fodda, chez mes amis de la famille Harmel, puis à Oran dans le foyer d'accueil de Pierre Claverie... j'ai compris qu'il me fallait venir rencontrer Jean-Pierre à Midelt ainsi que vous tous, Sœurs et Frères qui demeurez ici avec lui, que vous soyez chrétiens ou musulmans.

Et voilà que je vous rencontre tous, c'est merveilleux. »

 

Nous poursuivons notre partage durant ce repas de midi, le pain et la tajine préparés par nos amies religieuses ont un goût de don et de communication dont la saveur me reste encore dans la bouche, alors que je suis en train d'en ramasser toutes les miettes afin que rien ne se perde «  Qu'il est bon, qu'il est doux d'habiter en frères et sœurs tous ensemble … C'est comme une huile parfumée qui se répand sur nos corps et nos vêtements … » ( Psaume 130 )

J'écoute avec joie et bonheur la vie de nomades expérimentée par nos amies religieuses, partageant la vie des tribus peuplant les pentes du Mont Ayachi (3700 m ) C'est de là que nous vient l'eau que nous buvons à table, que nos amis répandent sur leurs jardins, et qui alimente les canaux d'irrigation permettant la plantation et la culture des pommiers qui font la renommée de Midelt. Je suis témoin en cet endroit merveilleux du Maroc, que la vie des êtres humains que nous sommes, pour être plénière, est appelée à se tendre entre ces deux pôles : la nomadisation et la sédentarisation.  

 

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Dis-nous encore Jean-Pierre...

11 Mai 2016, 19:42pm

Publié par luluencampvolant

Vendredi 11 septembre 2015

 

VEUX-TU NOUS DIRE ENCORE JEAN-PIERRE, CE QUE TU AS VU EN CHEMIN ?

 

Il est dix heures, Omar vient de nous appeler à boire le thé, tous ensemble, les moines et tous les gens présents dans le monastère.

Ayant conscience que c'est un plein panier de trésors de graines de non-violence que je viens de recevoir de la part de Jean-Pierre, et que c'est encore un autre panier qui est en train de se remplir d'autres trésors de partage. Je veille à ce que rien ne se perde. 

Je dis à Jean-Pierre.

Lucien : « Veux-tu nous dire encore Jean-Pierre ce que tu as vu en chemin grâce à Christian ? »

Jean-Pierre : « Le frère Christian nous a accueillis et reconnus tels que nous étions. Nous n'étions pas novices par rapport à l'Islam. Il nous regardait et nous rencontrait sur un plan d'égalité dans notre connaissance de l'Islam, afin de progresser ensemble. Nous avions quelque chose de très important à recevoir de lui. Et lui, voulait beaucoup recevoir de nous. Nous ne voulions pas de la relation maitre-élève. Il avait cette qualité spirituelle et nous aussi. Nous avions à apprendre et à progresser ensemble. Chacun avait sa propre richesse. Il avait la sienne, nous avions la nôtre. Ça  ne veut pas dire que nous n'étions pas unis. Il y a l'image de la roue et du moyeu. Il y a aussi l'image du moteur électrique. S'il n'y a pas de tension dans un moteur électrique, c'est plat, ça ne marche pas. Il faut le positif et le négatif. S'il n'y a pas de différence de potentiel, le moteur ne peut pas tourner.  En présence des capacités de chacun, il ne faut pas que l'un ou l'autre soit éliminé. Pour que le moteur tourne, il faut mettre les capacités ensemble. Coopérer ensemble, avec les capacités de chacun pour faire un tout. C'est à faire ça, qu'est appelé un vrai supérieur. Ce sont Saint Pierre et Saint Paul, s'il n'y avait eu que Saint Pierre ou que Saint Paul, quelle pauvreté ça aurait été. Paul avait le souci de garder le lien avec Jérusalem.

 

Photo du net :  Bruno Zanzottera

Photo du net : Bruno Zanzottera

Lucien : « Veux tu me dire Jean-Pierre comment a été vécu le Ribat es Salam à Tibhirine ? »

Jean-Pierre : « Il y a surtout eu Christian, Christophe et Michel de notre communauté, qui y ont été engagés. J'y étais très ouvert. Je craignais que ce soit un pôle unique. Le Ribat es Salam avait été fondé par Christian et Claude Rault, devenu évêque de Ghardaïa – Sahara. Nous voulions rester des cisterciens, mais aussi continuer d'entrer en devenir. Christian a demandé aux soufis s'ils voulaient bien venir à Tibhirine deux fois par an. Nous ne voulions pas que tout soit tiré dans ce sens-là. Mais ça ne veut pas dire que nous étions fermés. Nous vivions une tension tout en cherchant à garder l'unité. Nous cultivions les deux tendances.

Lucien : « Une sorte de tension créatrice ? »

Jean-Pierre : « C'est ça. »

Lucien : « Et en plein milieu de ces années noires, c'est quoi qui a contribué à ce que vous restiez ? »

Jean-Pierre : « Il fallait chercher l'unanimité sans exclure celui qui n'est pas conforme à la tendance la plus forte. Il a fallu plusieurs séances pour savoir si, unanimement, nous restions ou pas. En 1993, nous avions déjà choisi que si nous partions, nous nous rejoindrions à Fes au Maroc. Si nous ne pouvions pas revenir en Algérie, nous irions ensemble dans un autre pays musulman. Nous voulions rester ensemble, quoi qu'il arrive. Nous avons choisi de rester. Nous voulions ne pas abandonner la population. Il y a eu des pressions pour que nous partions, de la part du gouvernement algérien et de l'ambassade de France. A Rome, les autorités de notre ordre cistercien nous ont laissé libres de choisir, « selon votre conscience commune ». Les autorités algériennes ont poussé très fort pour que nous partions, ainsi que certaines opinions françaises. «  Qu'est-ce que vous fichez là-bas en Algérie ? … Vous êtes fous … » , nous disait-on. Un jour, c'est Christophe qui causait avec un algérien, un habitant de Tibhirine. Il lui disait : « Nous ne sommes pas sûrs de rester, nous sommes comme les oiseaux sur la branche. » Mais l'algérien lui a dit : « En fait, la branche, c'est vous, et les oiseaux, c'est nous. 

« Quelqu'un a dit aussi : » Est ce que le pasteur se sauve lorsque les brebis sont en danger ? » et en plus, nous avions fait un vœu dans la stabilité, celui-là d'être fidèle au peuple algérien. C'est comme dans la vie conjugale. Quand le GIA en 1993 a dit : « Ordre aux européens et étrangers de partir d'Algérie » nous avons dit : «  Est ce que c'est le GIA ou notre maitre Jésus qui nous a envoyé en mission ? »

Lucien : «  Je suis émerveillé et touché ami Jean-Pierre de tout ce que tu rends possible que je puisse ramasser de graines de non-violence en t'écoutant. Tu n'es pas trop fatigué ?

Jean-Pierre : « Non ! J'aime bien parler de tout cela. C'est le Seigneur qui nous porte tous et qui est à l'origine de tout cela. »

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