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Lulu en camp volant

Tibhirine dans les années noires

29 Juin 2016, 17:00pm

Publié par luluencampvolant

MIDELT, mardi 15 septembre 2015

 

TIBHIRINE DANS LES ANNEES NOIRES,

ATELIER DE LA NON-VIOLENCE

 

Très heureux de retrouver Jean-Pierre afin de continuer nos partages et ainsi pouvoir remporter les graines d'action non-violente que tout cela me permet de ramasser.

Lucien : "J'aimerais parler avec toi, Jean-Pierre, de votre relation avec votre prieur Christian, durant ces années fondamentales vécues à Tibhirine en communauté."

Jean-Pierre : "J'ai apporté ce livre de Christine RAY : "Christian de Chergé, prieur de Tibhirine" afin de pouvoir davantage encore répondre à tes questions."

 

 

Tibhirine dans les années noires

Lucien : "J'ai écrit sur mon cahier les questions que je vais essayer de ne pas manquer de te poser Jean-Pierre ! J'ai remarqué beaucoup de délicatesse et de respect entre vous les moines, entre votre prieur et vous-mêmes, mais je suis frappé aussi par toute l'exigence qui règne entre vous. Qu'est-ce qui t'a beaucoup marqué dans l'attitude de Christian pendant que vous étiez à Tibhirine ? Qu'est-ce que tu voudrais qu'en notre humanité nous n'oublions pas de ce que vous avez vécu, vous les moines, avec votre prieur et grâce à lui ? Christian ne nous a-t-il pas appris à nous désarmer, à ressembler à Jésus qui est Dieu désarmé, et non pas dieu des armées ?"

Jean-Pierre : "Le livre de Christine RAY m'a fait beaucoup connaitre Christian, j'ai passé une matinée à parler avec Christine quand elle a écrit son livre en 1998. Elle était journaliste à La Croix, en équipe avec Bruno CHENU. Tu voulais Lulu, qu'on reparle de Christian... de ce qu'il nous avait..."

Lucien : "De ce qu'il vous avait apporté de spécifique ?"

Jean-Pierre : "Ce qui est mauvais dans une communauté, ce sont les divisions, quand on travaille les uns contre les autres. L'échelle double, si nécessaire entre les musulmans et les chrétiens, afin de réaliser la rencontre avec Dieu, cette échelle double est déjà nécessaire et valable entre nous dans la communauté. C'est comme dans un couple, on va vers le même but, on monte chacun de son côté afin de parvenir au même endroit."

 

 

Tibhirine dans les années noires

Lucien : "Oui, le rôle d'un supérieur, d'un prieur, c'est important. Cette importance, vous l'avez trouvée chez Christian, mais pas comme ça d'emblée."

Jean-Pierre : "Son attitude a avancé. C'est venu de plus en plus. Au début, il était désireux de donner tout ce qu'il avait trouvé, ce qui lui donnait force et dynamisme, à cause de ce que Mohamed en mourant l'avait protégé, empêché de mourir. Cette force-là qui était en lui et qui donnait sens à sa vie, il voulait nous la communiquer, ainsi que toute sa relation avec l'Islam et sa connaissance du monde arabe, qu'il avait acquise à Rome par l'I.P.E.A. (Institut Pontifical des Etudes Arabes) pendant les 2 ans que nous l'avions envoyé là-bas. Il voulait nous former selon son modèle à lui. Nous, nous avions nos personnalités et nos expériences personnelles de la relation avec l'Islam. On avait une communauté qui fonctionnait avant que Christian n'arrive. Notre modèle fonctionnait aussi. Il fallait faire un tout avec ça. Au départ, ce n'était pas ça. Christian était très motivé, il voulait nous initier à ce qui le motivait et passionnait. On résistait, on ne voulait pas se laisser faire. On voulait que la relation se fasse entre nous, sur un plan d'égalité par rapport à l'autorité."

Lucien : "Sur le plan comportemental, vous sentiez qu'il y avait des choses sur lesquelles il fallait avancer ?"

Jean-Pierre : "On était désireux de progresser dans la connaissance de l'Islam et de la relation qu'on devait avoir en tant que chrétiens, français, moines, avec la culture musulmane et algérienne. Tous, nous avions à apprendre. Nous étions tous des novices, tout en ayant déjà une expérience. Personne ne pouvait dire : "Je", ou "Voilà ce qu'il faut faire" Nous étions tous assis sur le même banc, dans la même école, chacun devant amener sa part sur un plan d'égalité. C'est ça qui était le nœud de la bonne relation en communauté et dans l'unité. C'était quelque chose de vivant."

Lucien : "Nous l'avons senti dans le film "Des hommes et des dieux", ce que tu es en train de me dire."

 

Jean-Pierre : "Nous n'avions pas choisi Christian pour... on ne t'a pas choisi pour que tu décides seul ! "Ce problème se posait beaucoup au moment de décider si nous partions de Tibhirine ou si nous y restions. Christian a bien compris que ce n'était pas encore l'unanimité, qu'il fallait encore prendre le temps de réfléchir, pour que les plus timides ne se laissent pas influencer par la majorité... "

Lucien : "...ou par ceux qui sont persuasifs !"

Jean-Pierre : "C'est ça !"

Lucien : "Alors, comment Christian a-t-il su et pu coordonner ?"

Jean-Pierre : "Christian a beaucoup évolué, surtout, à partir du moment où il est devenu prieur. Un supérieur ne doit pas être directif, il doit être attentif à la personnalité de chacun, et avec ça, faire l'unité, tendre vers l'unité. Christian l'a très bien réalisé et accompli, au moment où on devait prendre cette décision grave : PARTIR ou RESTER."

Après le 1er échange, il a vu que ce n'était pas mûr, il n'a rien imposé. Il aurait pu dire : "Selon l'avis de la majorité...  Il a voulu l'unanimité. Il a appris à patienter pour écouter ce que chacun avait en lui... Il est parti parler avec Christophe... Je ne sais pas ce qu'ils se sont dit. Peut-être lui a t il dit : "Tu as décidé de donner ta vie... c'est pas le moment de..." Il nous a tous écoutés."

La décision engageait les frères, c'est leur vie qui se jouait. Lui, Christian, ne disait pas qu'il voulait rester. On a levé la main pour s'exprimer. Il y a eu des mains un peu timides à se lever, mais toutes étaient levées...

Lucien : "Vous avez votés à main levée que vous décidiez et vouliez rester à Tibhirine."

Jean-Pierre : "C'est un don de soi qui s'exprimait à travers ça."

Lucien : "Tu as levé la main Jean-Pierre..."

Jean-Pierre : "...A cause de tout mon passé avec le Seigneur, et la présence au peuple algérien. J'avais fait le voeu de stabilité. Cet échange, on l'a vécu en 1993..."

Lucien : "...Après la venue de Satya... Quelle trempe d'homme habitait l'être de Christian !"

Jean-Pierre : "Il était très ... pour faire fonctionner la communauté dans les moments difficiles. On le voit avec les militaires et avec Satya, le chef local du GIA. Il ne voulait pas qu'on s'engage, ni avec les uns (les membres du GIA, Groupe Islamique Armé) ni avec les autres (les militaires) Il les appelait : " Frères de la montagne (les gens du GIA), et frères de la plaine, (les militaires). Christian voulait les réconcilier les deux, et l'armée et les maquisards...

Lucien : "...en les désarmant..."

Jean-Pierre : "...en s'envisageant, en leur montrant qu'ils étaient frères. Le mot ENVISAGER ! On a vu Satya surgir tout bardé d'armes. Christian est arrivé ... C'est là qu'on a vu que Christian était fils d'un général. Christian est arrivé en bas de l'escalier au-dessus duquel il y avait Satya. Il s'est mis à crier : "AH NON ! ON N'ENTRE PAS ICI AVEC DES ARMES !..."

Lucien : "...Tu l'entends encore..."

Jean-Pierre : "Oui, il y avait devant Satya, des hommes armés de coutelas et de mitraillettes. Christian leur a dit : "Si vous voulez qu'on discute, il faut mettre les armes dehors. Jamais personne n'est entré ici avec des armes !"

 

Alors Satya a pris Christian par le bras, ils ont descendu vers une statue de la Sainte Vierge à l'entrée du monastère. Ils se sont envisagés. Christian a dit : "Non" aux 3 choses que demandait Satya :

- Le docteur frère Luc, ne pourra pas aller dans la montagne. Il est âgé et asthmatique... Venez ici, le docteur vous soignera.

(Christian ne jouait pas à celui qui commande. Les membres du GIA auraient réagi... Christian agissait et parlait plus discrètement que ce n'est exprimé dans le film.)

- Satya demandait à emporter des médicaments. Christian lui a dit : "les médicaments, c'est pour les gens qui viennent se faire soigner ici. Si vous avez besoin de vous faire soigner, venez ici !"

- Satya demandait de l'argent. Christian lui a dit : "On n'est pas riches. On gagne notre vie avec le jardin." Satya lui a dit : "Mais si, vous avez de l'argent !" Puis Christian a détourné la conversation et il a dit : "Vous savez quel jour nous sommes ? Vous savez à quel moment vous arrivez ? C'est le jour où nous nous préparons à fêter le prince de la paix : Aïssa. Satya a répondu : "Oh, excusez-nous, on ne savait pas. Mais on reviendra !"

 

Après cet évènement, Christian nous a dit qu'en envisageant cet homme violent qui avait beaucoup de sang sur les mains, en l'envisageant avec douceur et courtoisement, cet homme avait été apaisé parce qu'ils étaient entrés dans une relation d'homme à homme. Christian étant désarmé, il respectait l'homme. On arrivait à un dialogue d'homme à homme. Christian a gardé ce principe de l'importance de s'envisager. Christian est venu à la rencontre de cet homme avec une force non-violente, la volonté de se désarmer soi-même.

Lucien : "Qu'est-ce que tu réponds profondément à mes questions !"

Jean-Pierre : "Le Wali (préfet) voulait que notre maison, le monastère, soit protégé par un groupe de militaires. Alors un jour, un groupe de militaires s'est installé dans la pièce à côté de celle où j'étais portier. Christian arrive : "Non ! on n'entre pas ici avec des armes ! Pour vous coucher, allez dans la salle du dispensaire." Le lendemain, leurs chefs arrivent. Christian les a reçus dans la rue. Il est sorti les attendre dehors et leur a dit : "Si vous voulez vous installer ici, il y a assez de place dans la montagne." Arriver à persuader l'autre de ce qu'on veut en le respectant. C'est dans ce sens que Christian a évolué.

Lucien : "Je suis en recherche de la non-violence, afin de la cultiver en moi, de la laisser travailler, entre les gens que je rencontre et moi. C'est pour ça que je suis venu ici afin de chercher auprès de vous les sentiers de la non-violence. Je suis venu pour te rencontrer et écouter ce que tu es en train de me donner, particulièrement ce que vous avez vécu à Tibhirine, et que vous continuez de vivre ici à Midelt. C'est pour ça, que je vous ai dit l'autre jour en franc-comtois que je suis, que Midelt est comme une résurgence de Tibhirine."

Jean-Pierre : "La non-violence, c'est ça: Dans chacun de nous, il y a une pointe de cristal comme dit Guy Gilbert. Elle n'est pas abimée par la violence. C'est ça qu'il faut considérer, reconnaitre, mettre à jour, ce meilleur de nous-même."

Lucien : "Je t'embrasse Jean-Pierre pour te remercier."

Jean-Pierre : "On n'est pas loin de l'échelle à double battant. Voici le livre de Christine Ray."

Lucien : "Je vais me replonger dedans, même que je l'ai relu avant de venir à Midelt avec le frère Benoit pour vous rencontrer."

Jean- Pierre : "J'avais écrit à Christine pour la remercier de m'avoir fait découvrir et apprendre des choses de l'enfance de Christian de Chergé, que je ne connaissais pas."

 

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Objecteurs de conscience

24 Juin 2016, 16:00pm

Publié par luluencampvolant

Suite des notes prises par Lulu à Midelt, ramassées, méditées et partagées par Lulu...

Cette lettre inspirée des échanges entre Lulu et frère Jean-Pierre Schumacher est dans le dossier à publier depuis février 2016... Il n'est jamais trop tard pour partager des graines d'humanité. La voici !

Pour voir l'ensemble des articles relatifs à la visite de Lulu aux moines de Midelt (résurgence de Tibhirine) Cliquez sur le tag : Midelt.

Jeudi 10 septembre 2015

 

Nous continuons Jean-Pierre Schumacher et moi à nous raconter pourquoi nous sommes si attachés à l'Algérie.

Jean-Pierre : « Tu m'as raconté hier que tu avais été séminariste soldat pendant la guerre d'Algérie, et que tu avais crapahuté avec les camarades de ton régiment dans les djebels du massif de l'Ouarsenis, pas très loin de Tibhirine où l'un de tes grands amis avait été tué »

Lucien : « Au cours de ces opérations et à ce moment-là, on ne parlait pas de Tibhirine. Je n'en connaissais pas l'existence … Tu m'as parlé hier d'Alphonse Georger qui a écrit un livre : « Journal d'un séminariste en Algérie »1960-1962 Editions Cana.

Jean-Pierre : « Je t'ai apporté le livre, le voici. »

Lucien : « Comme ça me touche que tu me le confies ainsi. »

Jean-Pierre : « Cet homme m'a beaucoup marqué par l'accueil qu'il a offert à Amédée et à moi dans la maison des Glycines au lendemain du rapt de nos 7 compagnons. Alphonse est devenu évêque d'Oran après la mort de Pierre Claverie. Pendant la guerre d'Algérie, Alphonse est devenu objecteur de conscience. Maintenant, il est évêque ermite. Il nous avait accueillis aux Glycines, bibliothèque de l'évêché pour les étudiants musulmans. Amédée et moi nous étions en ce lieu comme dans un monastère. Cet accueil a duré pendant les deux mois d'avril et mai 1996, pendant que nous cherchions ce que devenaient nos 7 compagnons. Nous espérions tant, avec beaucoup de gens à travers le monde, que les moines seraient libérés par une intervention de l'état algérien ou de l'état français ou encore de l’Église.

Lucien : « Je suis très touché Jean-Pierre d'être près de toi et de t'entendre me raconter tout cela... »

Jean-Pierre : « On a vécu tellement de choses … »

Lucien : «  C'est en Algérie, en pleine opération, que je suis devenu objecteur de conscience... »

Jean-Pierre : « Alphonse Georger m'a raconté comment il est devenu objecteur de conscience lui aussi … Il avait les officiers sur le dos, car ceux-ci sentaient bien de quel bord était Alphonse... Tu vas découvrir tout cela en lisant ce livre … Une fois qu'il est devenu prêtre ici en Algérie, le cardinal Duval l'a envoyé faire du droit. C'est après cela qu'Alphonse est devenu évêque d'Oran. »

Lucien : « Tu as donc connu le cardinal Duval ? »

Jean-Pierre : « Oui, il venait à Tibhirine chaque année pour la fête du 15 août »

Lucien : « Il tenait beaucoup à vous, membres du monastère de Tibhirine ! »

Jean-Pierre : « Il nous avait dit un jour « Vous resterez ici » ad vitam aeternam » il y a eu un moment où on devait partir dans les 15 jours. L'ordre nous avait été donné, c'était sous Boumédienne en 1976. C'était une question de jalousie entre deux hommes pour la détention du pouvoir. Il y avait un malentendu entre Boumédienne, président de la république algérienne, et Ben Cherif qui était alors responsable de la police nationale. Ben Cherif voulait que 4 lieux soient évacués de la présence d'étrangers :

  • Notre Dame d'Afrique à Alger
  • La maison saint Augustin à Anaba
  • Une maison dont je ne sais plus le nom à Santa Cruz
  • et nous, le monastère de Tibhirine.

On devait s'apprêter à partir dans 15 jours. Notre prieur est allé au cabinet de la sous-préfecture. Ils répondaient qu'ils ne pouvaient pas l'empêcher. On a téléphoné au cardinal Duval qui nous a dit : « Préparez tout comme si vous deviez partir, mais ne bougez pas. » Alors, on faisait les cartons. Des policiers passaient voir ce que nous faisions, afin de se rendre compte si on se préparait. On a su que le cardinal Duval était allé voir Boumédienne qui lui avait dit : « Je ne suis pas seul chef ici, allez voir Ben Cherif. » Il est allé voir Ben Cherif, il a été reçu avec les honneurs militaires. Ben Cherif a fait publier la venue du cardinal dans le journal El Moujahid, et les menaces d'expulsions ont été terminées.

Lucien : «  C'est formidable Jean-Pierre ce que tu as vécu avec tes frères de Notre Dame de l'Atlas à Tibhirine. Je suis très touché par l'histoire qui est reprise et racontée dans le film « Des hommes et des dieux », par les mots qui sortent de la bouche de cet homme disant à frère Christophe : «  Ne dites pas que vous êtes comme des oiseaux sur la branche, car la branche c'est vous, et les oiseaux c'est nous. Si vous partez, où est ce que nous allons pouvoir nous poser ? »

Jean-Pierre : « Nous avons eu des pressions de l'état algérien pour partir, ainsi que de l'ambassade de France en Algérie. Nous avons dit que nous ne partirions que si nos voisins nous le demandaient, parce qu'alors nous serions devenus dangereux pour eux par notre présence, parce que notre présence aurait pu provoquer leur massacre. Si les gens nous avaient dit ça, on serait partis. Nous entendions les confidences de parents : Si notre jeune part dans l'armée algérienne comme il y est appelé, notre famille est menacée par le GIA (Groupe Islamique Armé) Si notre jeune part au maquis, c'est l'armée algérienne qui menace notre famille, considérée comme alliée avec le GIA.

 

Objecteurs de conscience

Lucien : « Ce que tu me racontes Jean-Pierre me bouleverse, car j'ai été témoin du même drame durant mon séjour en Algérie durant les années 1959-1960. Ahmed, fils de Mohamed était engagé dans l'armée française dans la région de Constantine. Il combattait dans un régiment français contre les idées de son père qui était pour l'indépendance de l'Algérie. J'écrivais à Ahmed sous la dictée de son père, lequel père comptait plus ou moins sur notre présence de soldats de l'armée française, par rapport aux incursions possibles des membres du maquis de l'Ouarsenis. »

Jean-Pierre : «  On a connu ça dans les années 1990-1996, le pays était divisé. Vous aussi, objecteurs de conscience vous avez été dans cette situation. Le cardinal Duval lui aussi était dans cette situation. Le clergé d'Algérie était divisé. Le cardinal voulait l'indépendance. Une partie de ses prêtres s'y opposaient … C'est dans ce contexte que les frères de Tibhirine ont été enlevés. Ils étaient gênants pour l'armée. Le gouvernement algérien et l'armée savaient que frère Luc soignait des blessés du GIA … Frère Luc soignait toute personne qui était blessée d'où qu'elle vienne. Après l'incursion de l'armée avant Noël 1993 qui nous intimait de partir, frère Christian, tous les frères de la communauté et moi même nous avons dit NON. L'armée et la préfecture voulaient nous mettre dans un hôtel à Médéa, nous avons dit NON. Nous n'aurions plus eu de raisons d'être là dans ces conditions. Ils voulaient nous imposer une protection militaire, nous avons dit NON. Un soir, des militaires se sont installés dans la pièce à côté de l'entrée. Ils portaient leurs armes sur eux. Christian leur a dit : « Vous ne pouvez pas entrer avec des armes dans le monastère... » Ces soldats nous disaient en parlant des membres du GIA : « Comment vous pouvez soigner ces brutes-là ? »

Ce que je te raconte là ressemble beaucoup à ce que tu as vécu quand tu étais soldat dans l'Ouarsenis, tout près de Tibhirine.

Lucien : « C'est toi Jean-Pierre qui traces des ressemblances entre l'objection à la violence et aux armes que vous avez vécu et réalisé à Tibhirine, et la manière dont mes camarades et moi nous avons cherché à devenir objecteurs en face des violences dans lesquelles nous nous trouvions à tous moments... »

Jean-Pierre : « Tu verras quand tu liras le livre d'Alphonse Georger que je te donne … Comme ça ressemble à ce que nous sommes en train de nous raconter … »

Il est 10 heures et demi. Omar est venu frapper à la porte de la salle adjacente à la chapelle où nous sommes en train de causer Jean-Pierre et moi. Il dit : « Venez, on va boire le thé que Baha nous a préparé. »

 

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Lettre aux enfants

21 Juin 2016, 10:42am

Publié par luluencampvolant

Lettre aux enfants
Lettre aux enfants

DAMPIERRE, le 17 juin 2016

 

Chers enfants des écoles de Dampierre (où j'ai appris à lire et à écrire) de Ranchot et de plein d'autres endroits, avec qui nous avons fait du jus de pommes tout en nous promenant au pas des ânes.

 

Grâce à ce que vous avez dessiné et écrit et que vous m'avez fait parvenir, vous nous aidez à enlever la tristesse de nos cœurs, du fait que nos maisons sont détruites, brûlées et toute remplies d'eau.

J'ai lu les nombreux messages de vous tous.

J'ai épelé vos prénoms à chacun et je fais voir vos dessins à beaucoup de gens qui viennent nous rendre visite.

Vous me proposez de m'accueillir avec mon âne dans votre maison, vous m'offrez un lit et un oreiller et vous trouvez de la paille et du foin pour l’âne. Vous nous aidez ainsi à nous reconstruire dès aujourd'hui dans une nouvelle maison d'habitation.

Grâce à ma famille, à nos voisins, aux gens de Dampierre, de Ranchot et de Fraisans et de beaucoup d'autres endroits, la solidarité de vous tous a joué.

J'ai retrouvé un logement à Dampierre, sur la place de la liberté à côté de l'église.

Mon neveu Benjamin et nos voisins dont les maisons ont été détruites, ont retrouvé eux aussi une habitation. Vous nous aidez aussi à rebâtir notre habitation intérieure, grâce à tout ce mouvement de solidarité. Vous me permettez de reconstruire la maison de mon cœur, là où je vous porte et où vous demeurez vous tous, les amis qui m'êtes si précieux et si chers. Qu'est-ce que c'est beau quand vous faites ce que vous dites !

Je vous le dis en union avec vos chers parents, vos grands-parents, vos maîtres et vos maîtresses d'école.

Je raconterai aussi à nos ânes ce que vous avez voulu faire pour eux. Dans votre sillage, eux aussi, les ânes ont retrouvé un logement chez des amis : une belle cabane avec du foin et de la paille, des brosses et des caresses, entourés d'un pré d'herbe fraîche. Quand je leur lirai vos lettres et que je leur montrerai vos dessins, ils vont faire beaucoup de Hi Han à votre adresse, pour vous remercier d'avoir pensé à eux comme vous l'avez fait.

En reprenant tous nos chemins d'humanité, interpellés par vous, chers enfants, nous essaierons avec vous, de ne laisser personne tomber sur le bord de nos routes, dans nos rues, dans nos cours de récréation et dans nos jeux.

Que toute maison soit respectée, partout à travers le monde.

Qu'à tous les enfants, obligés avec leurs parents de se sauver de chez eux à cause de la guerre, soit donnée une habitation dans nos pays.

Qu'ils trouvent une place dans une école, celle-là à laquelle ils aspirent.

Qu'il n'y ait plus de maisons qui brûlent et qui s'écroulent, par la violence des armes et de la haine.

Et que, dans le concert des peuples, tous les enfants puissent aller à la rencontre les uns des autres, marcher, danser, jouer et chanter : «  Qu'est-ce qu'on est bien sur un dos d'âne »

Je vous embrasse de tout cœur d'ami reconnaissant.

Lulu

 

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Comme une tapisserie de Lurçat

12 Juin 2016, 13:37pm

Publié par luluencampvolant

La vie reprend... Lulu est dans son nouveau chez lui... 

Voici une lettre qu'il a écrite le 20 mai. Merci à Appoline pour les photos.

Chanteau dans le Loiret, le 20 mai 2016

 

COMME UNE TAPISSERIE DE LURCAT

 

Après la célébration dans l'église du village de la vie et de la mort de Jean-Paul, après l'appel adressé à ses enfants et petits-enfants, ainsi qu'à nous tous à continuer ce qu'il a commencé, nous venons à la maison familiale vivre un moment de partage, d'une profonde fraternité.

 

Ce qui me marque intensément, c'est la présence de tous ces gens du village de Chilleurs-aux-bois, de tous les membres de la famille de Jean-Paul et Jeannine, et aussi de la famille de Michèle ... des collègues de travail d'Esther et d'Arnaud, venus de Charix dans l'Ain. Je suis heureux de retrouver Jean-Baptiste, professeur et artisan et de parler avec lui sur "l'élévation" dans  laquelle nous sommes interpelés par la médiation des escaliers qu'il fabrique.

 

D'autant plus que nous assistons à la rupture de tant de réalités structurantes de notre humanité, qui nous font nous casser la figure les uns aux autres et dégringoler dans des situations enfermantes.

 

Et nous voilà partis avec ma nièce Esther et Apolline sa filleule âgée de 17 ans, en direction de Chanteau, village distant de 20km, chez Jean-Marie et Hélène Muller ... En arrivant dans la cour, la joie de nous retrouver est grande pour Jean-Marie et moi, tant nous nous sentons en profonde communion dans la recherche de cette voix de la non-violence. Elle est, pensons-nous humblement, la seule possibilité donnée à notre humanité, de trouver une issue, une porte de sortie, la porte de sortie de notre enfer-me-ment, afin de trouver le centre vital qui va nous permettre de nous libérer.

 

Je présente à Jean-Marie ma nièce Esther et sa filleule Apolline. Jean-Marie sait, par un appel téléphonique que je lui ai adressé, que nous arrivons de l'enterrement  de Jean-Paul. Esther et Apolline savaient, durant notre court trajet, qu'elles m'emmenaient chez Jean-Marie Muller. Durant nos rencontres familiales ou à l'occasion de campements dans les plateaux du Jura, Esther m'avait souvent entendu parler de Jean-Marie et de la non-violence. Mais qui est Jean-Marie aux yeux d'Apolline ? Un de mes amis, dont la relation m'est précieuse. Mais Apolline ne se doute pas de tout ce que cette relation a comme conséquences dans ma vie. Il y a ce qu'a écrit Jean-Marie, il y a ce qu'on dit à propos de Jean-Marie et il y a ce dont on voudrait que nos mots explicatifs soient porteurs. J'ai balbutié dans la voiture quelques mots à Esther et à Apolline, afin de traduire la place que Jean-Marie tient dans mon cœur et dans ma vie depuis 1969 ... date du procès d'Orléans. J'avais appris l'existence de ce procès par Christiane Meyer, venue nous voir à la cure Notre Dame de Dole, où j'étais jeune vicaire depuis 3 ans. Nous formions là une équipe de prêtres avec Noel Girardet, Maurice Roux, Michel Damnon, Maurice Petit, Maurice Vandel ... Nous avions comme curé notre ancien supérieur du petit séminaire de Vaux: François Chaignat. Christiane était venue nous dire : " Je suis cousine de Jean-Marie Muller ... qui avec les prêtres Desbois et Perrin, sont en train de renvoyer leurs livrets militaires ... Ils veulent obtenir le statut d'objecteurs de conscience ... ce qui leur est refusé, parce qu'ils ont fait leur service militaire. Un procès leur est donc fait. L'évêque d'Orléans Guy Riobé les soutient. Est-ce que vous voulez vous solidariser dans ce soutien en signant cette pétition. Nono et moi nous avions signé, ainsi que Gaby Maire, Pierre Demoulière, (que je retrouverai au Brésil sur les pas de Gaby en 1999)

 

Quarante-six ans après, qu'est-ce que je suis heureux, d'avoir signé cette pétition !

Oui, il y a ce que l'on dit d'un ami écrivain quand on le présente à d'autres de nos amis, on voudrait tellement que les amis en question se mettent un jour à se nourrir de ce qu'écrit cette personne, et de sa pensée si nécessaire à notre humanité, de son dynamisme, de sa force de conviction. Il y a les mots pour dire tout cela, mais en même temps il y a la quête de signes autres que nos mots, afin de corroborer ce que l'on balbutie. On voudrait tellement convaincre en même temps que respecter.

 

Je me trouvais dans cette situation, lorsque Jean-Marie nous disait d'entrer et qu'ensemble, nous franchissions le seuil de la maison, avec ma nièce Esther et sa filleule Apolline. Je sais qu'elles ne vont pas pouvoir rester longtemps ... Elles vont devoir repartir rejoindre la famille à Chilleurs aux Bois.

 

C'est alors qu'il me vient l'idée de demander à Jean-Marie, s'il veut bien offrir à Apolline et à Esther, ce cadeau qu'il m'a fait il y a deux ans, quand j'étais venu les voir, lui et sa famille, à mon retour de Palestine-Israël ... Mon voyage avait consisté à marcher de Dampierre à Bethléem pour faire avancer la paix en nous démunissant en France de nos armes nucléaires de manière unilatérale ... J'étais venu chez Jean-Marie et Hélène pour leur signifier ma reconnaissance profonde pour la manière dont ils m'avaient alimenté tout au long de cette marche ... et aussi pour tout ce que j'avais pu boire, grâce à eux, à la source de la non-violence ... particulièrement pour tout ce qui m'était parvenu par les livres que Jean-Marie a écrit sur la non-violence et sa stratégie.

 

Et il y a un endroit dans la maison de Jean-Marie et Hélène, et c'est dans le grenier sous le toit, où sont étagés et sertis, comme des filaments, incrustés dans une merveilleuse tapisserie aux nombreux fils d'or, les livres que Jean-Marie a écrits. Ils sont au cœur d'étagères qui n'en finissent pas d'aller rejoindre les murs de chaque côté qui font tenir la maison. Mais peut-être que ce sont les livres qui font tenir les murs de la maison, tellement ils sont porteurs d'une pensée si nécessaire et vitale à notre humanité, je pense à la prestigieuse tapisserie de Lurçat, nous appelant à barrer la route au péril nucléaire.

 

Je demande à Jean-Marie : " Tu voudrais bien montrer ta bibliothèque à nos amies Esther et Apolline" - " Bien volontiers ..." Et nous voilà, grimpant par les escaliers de bois que nous entendons s'émouvoir de notre arrivée, par les bruissements qu'ils émettent ... Ils nous préparent à l'émerveillement qui ne tarde pas à jaillir de l'écarquillement des yeux et des balbutiements de la bouche d'Apolline et d'Esther, et aussi de mon être tout entier, au moment où nous entrons de plein pied dans le grenier. Je devine que cela serait un signe profond de notre reconnaissance, adressé à Jean-Marie, pour le travail de penseur qu'il réalise en cet endroit-laboratoire depuis plus de 40 ans. 

 

Photos prises par Appoline
Photos prises par Appoline
Photos prises par Appoline

Photos prises par Appoline

C'est là qu'est venue aboutir la réalisation de son 1er livre : " L'Evangile de la non-violence", qui va marquer tant de gens à travers la France tout d'abord, et puis le monde entier au fur et à mesure qu'il en fera le tour, grâce aux traductions qui s'en réaliseront. Je suis heureux de voir Jean-Marie, mettre la main dessus ce livre dans l'immédiat que j'en prononce le titre.

 

Je dis à Apolline : " Le plus tôt que je pourrai Apolline, je me débrouillerai pour t'en procurer un exemplaire, car hélas, il n'est plus édité. Je demanderai à Maggy de nous le trouver par Internet" Je trouve très beau aussi le moment, où dans la continuation de  notre contemplation commune, Jean-Marie empoigne le livre : " Désarmer les dieux" et qu'il nous dit avec une joie profonde et sûrement avec plus qu'un brin de fierté: "En voici la traduction en Arabe." Je pense en moi-même: C'est tellement important quand on a 17 ans comme toi, Apolline et que l'on est à la recherche du Dieu qui soit source d'Amour et non pas affublé de puissance destructrice et annihilante de ceux que l'on fait passer pour être nos irréductibles ennemis."

 

Esther est la marraine d'Apolline. Pendant que sa filleule se déplace d'un bout à l'autre des étagères afin de prendre des photos de quelques-uns des très nombreux livres qui ont été travaillés, compulsés par Jean-Marie, afin d'en produire les siens, Esther demande discrètement à Jean-Marie : " Quel est le 1er livre écrit par vous, que je pourrai offrir à ma filleule ?" Il lui répond" Le dictionnaire de la non-violence" Au moment où Apolline revient vers nous, je suis heureux de lui présenter le livre que Jean-Marie a écrit sur les moines de Tibhirine. Grâce à la couleur bleue de la couverture, je l'ai repéré sur l'étagère centrale de la bibliothèque. Avec beaucoup d'émotion, je dis à Apolline et Esther, que Jean-Marie l'a dédicacé à la mémoire de Gabriel Maire, prêtre français, assassiné le 23 décembre 1989 à Vitoria au Brésil. Gaby Maire est l'ami avec qui j'ai fait tout mon petit et grand séminaire dans le Jura. Comme les moines de Tibhirine, sa vie ne lui a pas été dérobée. Il l'avait donnée et offerte à la ressemblance de Jésus.

 

Je demande à Jean-Marie de nous épeler les noms des personnes dont il a écrit la vie et qui ont été les témoins artisans de la non-violence qui seule peut faire tenir le monde. Nous entendons les noms prestigieux et humbles en même temps, de Gandhi, de César Chavez, de Martin Luther-King, de Simone Weil, de Guy Riobé, de Jacques Gaillot, des moines de Tibhirine, de Pierre Claverie et de son chauffeur Mohamed, de Gaby Maire, des religieuses Léonie Duquet et Alice Domon ... et de beaucoup d'autres qui se sont nourris et alimentés dans le sermon sur la montagne de Jésus, dont Gandhi disait aux chrétiens que nous essayons d'être: " Vous avez dans l'évangile de Matthieu la mine qui contient les trésors capables de structurer notre humanité ... Il est urgent d'aller y creuser et y puiser... "

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La belle idée des enfants...

11 Juin 2016, 13:34pm

Publié par luluencampvolant

Vendredi matin, dans une école proche de Dampierre, les enfants ont exprimé leur peine face à cet incendie qui a dévasté 3 maisons du village voisin, dont celle de Lulu. 

Les uns et les autres racontaient ce qu'ils ont vécu avec Lulu : événements familiaux, marches aux pas des ânes, fabrication du jus de pommes, les attentions de Lulu pour chacun...

Leur institutrice leur a dit : "Lulu a perdu beaucoup de souvenirs dans cet incendie, et si vous lui racontiez ces souvenirs que vous avez vécu avec lui ?" Les enfants se sont alors bien appliqués.

Dès le soir, Lulu a ouvert une grosse enveloppe pleine des trésors d'humanité, il a été très touché de lire chacune des lettres illustrées de beaux dessins !

​"C'est important ! Il faut continuer ce que nous faisons avec les enfants !" a-t-il dit très ému.

 

Un bel exemple que nous pourrions suivre ! Réécrire pour lui ces moment forts que nous avons vécus avec lui, et lui exprimer ce que ces événements ont construit dans le fond de nos êtres...

Lulu découvre les messages des enfants...

Lulu découvre les messages des enfants...

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Chaîne de solidarité à Dampierre

10 Juin 2016, 22:48pm

Publié par luluencampvolant

Chaîne de solidarité à Dampierre
Chaîne de solidarité à Dampierre

Consultez la page dans le menu pour suivre les aides qui peuvent être apportées aux sinistrés.

"Sinistrés de Dampierre"

Elle sera mise à jour.

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Merci !

10 Juin 2016, 11:37am

Publié par luluencampvolant

Merci à vous tous qui avez laissé des messages de soutien à Lulu par le blog, par FB, mails, téléphone... 

La solidarité s'organise déjà et va s'organiser... il y a l'urgent, et la reconstruction des lieux et des êtres. 

3 appartements ont été sinistrés : les maisons de son neveu et de la famille voisine (une maman et 2 grands enfants) sont totalement détruites.

Nous sommes nombreux à vouloir remercier Lulu pour son accompagnement dans nos joies et nos souffrances... Nous voudrions lui manifester à notre tour, notre gratitude et notre soutien. Nous ne pourrons pas le faire sans associer les autres personnes touchées par ce sinistre.

Pour le moment, nous vous demandons de ne pas trop téléphoner. Le temps est précieux pour organiser l'urgent, et surtout reloger ces personnes.

Le blog vous donnera les infos utiles.

Ecrivez-lui, écrivez-leur, ou laissez des messages sur ce blog ou FB. Tout lui ou leur sera transmis.

Lulu sent bien combien il est soutenu par tous et chacun. Ses voisins seront heureux de ressentir ce même soutien.

Nous ferons appel à vous pour des aides matérielles ou d'objets... 

Une page "Sinistrés de Dampierre" est réservée à ces appels... et sera mise à jour...

Merci encore !

 

Merci !
Merci !
Merci !

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La maison de Lulu brûle !

9 Juin 2016, 21:02pm

Publié par luluencampvolant

Ce soir, le téléphone sonne, et les mails circulent… Rosaline est aux premières loges pour nous donner des nouvelles…

 

Encore un terrible coup dur pour Lulu Converset !

 

Un incendie a dévasté l’ensemble de maisons où habite Lulu, le feu a pris dans la maison voisine et s’est propagé de chaque côté. 

Et nous pensons à Lulu et ce qui lui tient à cœur : ses souvenirs, les meubles de ses parents, ses papiers, ses cahiers, tout ce qu’il écrit depuis l’Algérie…

 

Dans ce malheur, Lulu relativise…  " Tu sais, personne n'est blessé ! Je pense à tous ces gens en Syrie et ailleurs à qui on bombarde la maison "

Il avait de la peine aussi pour une maman hirondelle qui avait fait son nid dans la chambre du fond.

 

Aux dernières nouvelles, Rosaline nous annonce qu’elle a pu entrer dans la partie habitée par Lulu avec un pompier… « Si toute la partie atelier est détruite, il y a une bonne nouvelle, sa cuisine, l’escalier n’ont pas été touchés. La chambre de Lulu est intacte : il y a pas mal de livres sur les étagères. Par contre dans la chambre du fond tout est perdu et nage dans l'eau. »

Il est très très courageux devant cette épreuve.

 

Les pompiers seront là toute la nuit car ça fume encore. Après, il y aura une enquête avant de pouvoir reconstruire…

 

Nous pensons très fort à Lulu, mais aussi à son neveu, et à la famille qui se retrouvent sans toit.

Photos prises par Rosaline
Photos prises par Rosaline
Photos prises par Rosaline
Photos prises par Rosaline

Photos prises par Rosaline

article du Progrès du 10/06/2016

article du Progrès du 10/06/2016

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"Et ça pourrait être aujourd'hui" C. de Chergé

4 Juin 2016, 12:22pm

Publié par luluencampvolant

Dampierre le lundi 23 mai 2016

 

" ET CA POURRAIT ETRE AUJOURD'HUI "

 (Dans le testament de Christian de Chergé)

 

Il y a 20 ans des femmes et des hommes de bonne volonté étaient bouleversés de par le monde entier, par l'annonce de la mort des moines de Tibhirine.

Samedi soir 21 mai, avant-hier, nous sommes allés avec Antoinette durant les complies chantées par les moines de l'abbaye d'Acey, ramasser nos êtres bien bouleversés eux aussi … Nous nous aidons à ce que, la petite fille Espérance de la non-violence, ne disparaisse pas de nos horizons. Car demain, des élections présidentielles en Autriche, risquent de provoquer des avalanches politiques alarmantes dans toute l'Europe …

 

Et puis ce dimanche 22 mai, Maggy et Bernard m'invitent à venir regarder chez eux le film «  Des hommes et des Dieux ».

 

"Et ça pourrait être aujourd'hui" C. de Chergé

Il passe à la télévision. Je l'ai déjà vu plusieurs fois. C'est avec une émotion toujours aussi profonde que je vais le revoir. Afin de m'y préparer, comme beaucoup d'amis, je relis le testament de Christian de Chergé écrit à Alger-Tibhirine entre le 1er décembre 1993 et le 1er janvier 1994. «  S'il m'arrivait un jour, et ça pourrait être aujourd'hui, d'être victime du terrorisme ... »

 

Et voilà que lundi matin 23 mai, très tôt le matin, je me prépare à rejoindre Claudine une amie habitant tout près de Dole … Elle craint, avec juste raison, qu'il lui tombe dessus un jugement, comme quoi elle devrait quitter sa maison pour aller loger en ville … «  Vous aurez tout, en ville » lui a t-on dit. Claudine a répondu : “ Je ne veux pas quitter ma maison qui a été faite des mains de mon mari ...” Elle m'avait alors demandé : “  Voulez-vous m'accompagner auprès du juge, pour que je puisse lui exprimer ma volonté et ma capacité de me maintenir à domicile …”

J'étais sur le chemin de la gare en direction de Ranchot pour me rendre chez Claudine, lorsque je suis rattrapé par la voiture d'Alain. Il me ramène à la maison à Dampierre où nous buvons le café et déjeunons avec des tartines de pain grillé au feu de bois et de la tomme de Savoie offerte par Antoinette... C'est Alain qui m'emmènera en voiture jusqu'auprès de Claudine.

 

Tout en déjeunant, Alain me partage son état d'âme en ce moment, alors qu'il a vu hier soir avec sa femme Véronique le film «  Des Hommes et des Dieux”

Alain : «  Ces moines qui avaient l'Esprit … Ils étaient des gens de paix … Ils vivaient là-bas pour l'amour des gens … pour les aider … ils avaient un esprit combattant …”

Alain cherche un autre mot que combattant.

Lucien : “ Tu veux dire qu'ils luttaient contre l'injustice” 

Alain : “ Ils ne voulaient pas se plier à l'injustice. Ils avaient des convictions. Ils suivaient les paroles de Dieu. C'était même pas des moines, c'était des frères solidaires, les uns les autres, et envers les gens qui venaient les solliciter … Et comme ils étaient proches des gens, ils donnaient leur cœur, leur sang … en quelque sorte, ils ont été sacrifiés pour une cause, mais quelle cause ? Après le film, quand j'ai été au lit, j'ai pensé à ça … C'est quand même horrible. Surtout que c'étaient des gens de paix, ils étaient contre la violence. En étant des gens d'Eglise, en étant chrétiens, ils n'ont pas fermé leur porte aux gens des maquis, les « terroristes » …  Les gens du village de Tibhirine ont dû causer … Le gouvernement a su que les terroristes allaient se faire soigner là-bas, et c'est là que le gouvernement a monté une opération pour faire enlever les moines.

Pourquoi on a retrouvé les têtes et pas les corps ? Ils ont voulu cacher comment ils ont été tués. S'ils avaient la tête, ils avaient aussi le reste. Un jour, on saura peut-être la vérité. ”

 

Lucien : “ Je vais te prêter Alain, le livre de René Guitton : “ En quête de Vérité” aux Editions Calmann-Lévy sur la disparition des moines de Tibhirine.”

Alain : “ Des gens qui se sont sacrifiés, des gens qui ont aidé la population... des hommes de paix … les enlever comme on les a enlevés et fait disparaître à jamais, sans aucune explication, et leur couper la tête … Ils étaient une communauté, ils ont fait des réunions … Ils ont voté … En étant plusieurs esprits, ils étaient en un Esprit, sur la même ligne. Comme dit le pape François : “ On ne quitte pas le navire en pleine tempête.” Les moines de Tibhirine n'ont pas quitté le navire qui était en pleine tempête, ils sont restés jusqu'au bout. Ils étaient ensemble. Ils étaient solidaires entre eux, et avec le peuple. Ils ne se sont pas pliés à la terreur, ils sont restés droits jusqu'au bout. C'était des gens qui avaient une foi très très forte dans l'amour du Christ.”

 

 

Photos prises le 10 mars 2014
Photos prises le 10 mars 2014
Photos prises le 10 mars 2014
Photos prises le 10 mars 2014
Photos prises le 10 mars 2014
Photos prises le 10 mars 2014
Photos prises le 10 mars 2014

Photos prises le 10 mars 2014

Lucien : “ Qu'est-ce qu'il est beau ton témoignage, Alain, au sortir de ce film ! 

Alain : “ Je ressens les choses comme ça !  Même le Seigneur Jesus-Christ, n'a pas fini aussi cruellement que nos frères moines... parce que, Jésus, ils l'ont crucifié sur une croix, mais il était entier … quand tu penses à ce qu'ils ont du vivre ! Quand tu penses à leurs familles ! On leur a coupé la tête … On ne sait pas si c'est avant leur mort ou après … on ne sait pas où sont leurs corps …

C'était beau comme ils vivaient, il y en a un qui s'occupait du bois, l'autre faisait la cuisine, un autre le jardin, Luc soignait les gens … Ils recevaient les gens … Ce qu'ils faisaient, ils le faisaient pour l'humanité … Ils étaient aimés.

On peut considérer que nous aussi, on est une communauté, on est frères. J'ai pas fait le séminaire, mais depuis que je fréquente cette communauté-là, c'est comme si …

En attendant, cette histoire-là, ça te laisse songeur. L'histoire des moines de Tibhirine te fait te poser des questions. Pourquoi, pour quelles causes, pour quelles valeurs ? … Avoir assassiné des gens de paix … c'est comme si, toi, patient, tu tuais le médecin qui te soigne … Eux, ils étaient dans les vraies valeurs … Je repense au frère Albéric de l'abbaye d'Acey, je lui avais demandé un jour qu'est-ce qu'il fallait pour devenir moine.”

C'est alors que quelqu'un frappe à la porte de la cuisine, c'est notre amie Stéphanie qui arrive de la Vieille Loye. Alain lui dit : “ Tu as fait un beau geste à mon égard, quand tu m'as donné ce bel abri pour les oiseaux. Je vais le mettre dans le jardin de mes enfants”  

 

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