Comme dans beaucoup d’endroits en France, à Poligny et à Lons dans le Jura, le cercle de silence a été institué à Dole le premier samedi de chaque mois où il a lieu à 10 heures. Il a pour but d’exprimer les cris des gens exclus et rejetés de notre société, et d’empêcher que des familles sans papiers soient mises en centre de rétention ou expulsées.
Ce samedi 6 janvier 2018 nous apprenons qu’une famille kosovare de Dole a été expulsée le 29 décembre « manu militari » par un cordon de 8 policiers.
Sous le régime de Vichy, par les décrets de lois injustes et scélérates, le gouvernement français envoyait ses gendarmes traquer de jeunes ouvriers, étudiants et paysans pour les emmener au S.T.O. en Allemagne. De même pour la capture d’enfants juifs ou de nombreux résistants cachés dans les fermes de nos villages, afin de les déporter en camps de concentration. L’écoute de ces faits m’a toujours blessé et fait mal. Longtemps après, c’est avec une profonde émotion que j’apprenais comment s’étaient constitués des réseaux de résistance à des actes odieux.
Les gendarmes d’une brigade s’entendaient intimer par leur hiérarchie l’ordre d’aller chercher tel jeune dans tel village à telle date. La gendarmerie à l’époque se déplaçait à vélo. Un de ces gendarmes, pensant en conscience qu’il ne pouvait accomplir un tel acte, prenait son vélo personnel, partait en civil - la veille du décret du jour de capture – dans la famille du jeune homme. Il lui disait : « demain à telle heure arrange-toi pour ne pas être là lorsqu’avec mes collègues je viendrai avec l’ordre de t’emmener. Va te cacher cette nuit afin que demain nous ne te trouvions pas ».
J’étais humblement fier que des gendarmes aient, de manière non-violente, démonté de l’intérieur le système odieux d’emprisonnement d’enfants de mon pays.
Aujourd’hui encore, n’est-ce pas sous l’édiction de lois injustes et scélérates que le gouvernement de mon pays, en ce Noël 2017 et jour de l’an 2018, est venu prendre une famille de Kosovars à leur domicile précaire pour les renvoyer dans leur pays, où désormais ils courront certainement de grands risques pour leur vie. L’enfant de cette famille était scolarisé dans l’école George Sand à Dole. Un cordon de 8 policiers en armes pour capturer un homme et une femme et leur fils de 9 ans. Comment continuer de laisser le secrétaire de la Préfecture affirmer « que cette famille acceptait sans difficulté de retourner au Kosovo » et qu’il était logique de les déloger car « ils occupaient un appartement dédié aux demandeurs d’asile ».
Samedi 6 janvier 2018 de notre cercle de silence nous avons voulu faire sortir le cri de ces exclus, nous avons rompu notre cercle de silence. Nous sommes allés devant la sous-préfecture manifester que jamais ce ne soit en notre nom que soient accomplis de tels actes « car nous sommes en démocratie et les actes de notre gouvernement nous engagent ».
Messieurs qu’on nomme grands, vous cherchez à vous justifier d’édicter de telles lois qui grignotent et font disparaître de notre pays la France le droit d’asile le plus élémentaire. Notre conscience nous appelle à constituer des réseaux de résistance non-violente tels que celui que je viens d’évoquer. Messieurs, ne prétendez pas parler en notre nom, au nom du peuple français, quand vous envoyez des policiers et gendarmes accomplir de tels actes de réquisition.
Je dis « Messieurs » parce que j’espère qu’au moins il n’y a pas de femmes dans ces processus qui conduisent notre humanité à l’abîme.
Combien d’enfants, de femmes et d’hommes morts pendant les fêtes, entre la nativité et le jour de l’an, noyés en Méditerranée, faisant de Mare Nostrum - notre mer - , mater nostra - notre mère - , le plus grand cimetière marin.
Lucien CONVERSET
Pour le Cercle de silence
Le 8 janvier 2018