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Lulu en camp volant

Marcel, Bernard, Joseph et Dédé

28 Avril 2020, 08:12am

Publié par luluencampvolant

Dampierre, le 25 avril 2020,

 

 

« VOUS AVEZ DE LA CHANCE D’AVOIR DES CURES COMME MARCEL, BERNARD, JOSEPH... »

 

C’est à l’automne 1956 que Marcel BLONDEAU arrive curé dans notre village de Dampierre. Marcel forme équipe avec Bernard BOISSON et ses parents Xavier et Marthe BOISSON. Pendant sept ans Marcel et Bernard font équipe avec Joseph MELCOT qui est curé à Fraisans depuis quelques années.

Nous avons déjà été beaucoup aidés dans notre découverte de la vie dans le sillage de l’évangile de Jésus, par Charles CUBY curé de Fraisans de 1947 à 1953, et Alexandre BOURGEOIS curé de Dampierre de 1947 à 1956.

 

 

ÉQUIPE DE PRÊTRES ET MOUVEMENTS D’ACTION CATHOLIQUE

 

1956 est l’année où je termine les huit années que j’ai réalisées et passées au Petit Séminaire de Vaux sur Poligny.

Je vais entrer au grand séminaire de Montciel, à Lons le Saunier, en ce même automne avec les amis : Maurice BOISSON, Claude DUCHESNEAU, Luc PERRODIN, Bernard BOUSSAUD, LOUIS BLANC, Jean LUX, Jean CRINQUAND, Maurice VERMOT, Philippe GUENELEY.

Souvent mes amis me diront ; « Tu as de la chance d’avoir comme curés : Marcel BLONDEAU et l’équipe qu’ils forment ensemble avec Bernard et Joseph »

 

Nous savions que ces prêtres aimaient les gens, suscitaient des équipes de mouvements d’Action Catholique : J.A.C., JOC (Jeunesse Agricole Chrétienne, Jeunesse Ouvrière Chrétienne) et M.F.R. (Mouvement Familial Rural) qui deviendra C.M.R. (Chrétiens en Monde Rural).

Nous savions que ces prêtres passaient beaucoup de temps à être à l’écoute des enfants et des jeunes, pas rien qu’au catéchisme, mais aussi au patronage et sur le terrain de foot. C’est le curé Joseph MELCOT qui offrira son sifflet d’arbitre au jeune Michel VAUTROT sur le stade de foot de Fraisans. Le monde entier a su un jour ce que ce gamin de Dampierre avait fait de ce sifflet d’arbitre.

Nos amis prêtres savaient travailler et faire équipe éducative avec les instituteurs, institutrices de nos villages, ainsi qu’avec les animatrices et animateurs de nos clubs culturels de théâtre et autres associations. Ils osaient aussi aller à l’encontre et à l’inverse du courant colonialiste qui empestait la France entière et nous embarquait nous jeunes qui avions 20 ans, à partir soldats pendant 28 mois afin de maintenir l’Algérie Française... Chacun à leur manière et en communauté, ces trois prêtres comme beaucoup d’autres en France et ailleurs, mettaient leurs mains dans le cambouis : « Les saints allaient en enfer » écrivait Gilbert CESBRON, des prêtres et des religieuses expérimentaient ce qu’était la condition ouvrière.

Joseph réparait des mobylettes et voitures dans le garage BIDAULT, Marcel et Bernard allaient aider aux champs ou aux écuries, enlever le fumier, traire les vaches, avaler la poussière à la batteuse... quand un paysan ou sa femme étaient malades. Marcel accompagnait à l’hôpital les personnes qui tombaient malades. Avec plusieurs de ces personnes, des liens de fraternité avaient été créés de manière très profonde. Certains de ces gens étaient « libres penseurs... communistes... »

 

Dans chacune de nos familles arrivaient parfois des drames, des disparitions. Dans ma famille nous avons vécu la disparition de ma sœur Christiane. Qui étaient là avec nos parents et les gens du village pour partir à sa recherche ? Marcel et Bernard et Joseph...

Quand quelqu’un du PC ou des libres penseurs mourait, Marcel allait à l’enterrement civil. Marcel disait : « C’est l’amitié qui m’appelle ».

A quelqu’un qui lui reprochait sa présence de curé en soutane derrière le cercueil de Léon G., dont le cortège funèbre était précédé du drapeau rouge du P.C. et de celui de la libre pensée, Marcel avait répondu : « Vous êtes amis de Léon me dites-vous ?

Pourquoi vous ne vous laisseriez pas appeler par l’amitié qui vous relie à Léon ? »

L’amitié et la fraternité s’étaient mises à beaucoup plus se faufiler entre nous tous.

Nous vivions aussi avec eux et grâce à eux, Marcel, Bernard, Joseph, de beaux moments de fête... les fêtes de la Terre... suscitées par la JAC (devenant MRJC, Mouvement Rural des Jeunes Chrétiens). Et à la cure, la belle cave voûtée était devenue salle de spectacle pour le théâtre réalisé par une équipe animatrice en liens avec le couple d’instituteurs laïcs.

 

 

UNE PLACE POUR TOUTE PERSONNE DE PASSAGE

 

Dans cette même cure il y avait une place pour toute personne de passage, qui était sans domicile et n’avait pas de quoi manger. Dans ma famille, chez nous, c’était pareil. Il y avait une place pour ces personnes à notre table. Nous étions chaque fois impressionnés par le respect de nos parents à leur égard. On écoutait un morceau de leur histoire... puis notre papa m’emmenait préparer le lit de cet homme, devenu notre hôte, dans le tas de paille, au-dessus de l’écurie des chevaux. « Étends la couverture pour ne pas que cet homme ait froid » me disait-il.

Je suis heureux d’avoir appris, grâce à mes parents, mes sœurs, mon frère et à ces prêtres, à être attentif à allier nos différences. Il y a des personnes avec qui c’est facile. Mais la vie et Dieu à travers, ne nous appellent-ils pas dans les terrains accidentés, faits de douleurs et cicatrices, dans lesquels je ne voudrais pas être, mais dans lesquels il est important que je m’approche humblement.

Quel bonheur ce fut de voir arriver cette équipe de curés dans nos villages de Dampierre, Fraisans, Evans, Salans, Courtefontaine... Ils ont aiguillé nos regards, nos manières de voir...

 

 

EN FAISANT COMME LUI, JE DEVENAIS MOI-MÊME

 

Durant les cinq ans de grand séminaire, les deux ans de la guerre d’Algérie, je vais connaître et expérimenter tout un cheminement avec Marcel, fait de découvertes et partages. Marcel était prêtre et j’étais séminariste. Nous découvrions le même Dieu en devenant ami avec Jésus. Nous apprécions la pédagogie de Jésus, sa façon de rencontrer et aimer les gens. Nous sentions que c’était dans ce sens qu’il fallait aller. Nous partagions nos découvertes. J’avais souvent envie de « faire et agir comme Marcel », mais je sentais qu’il respectait que je réalise ma propre découverte et expérience. Dans mon désir de l’imiter, je sentais que je devenais moi-même.

Il n’est pas étonnant que nous allions continuer de cheminer ensemble avec toute une grande équipe de prêtres du diocèse : Gaby MAIRE, Gil ROUX, Michel VOIRET, Michel COHENDET, Michel VANDEL, Jean-Claude BLANC, Michel DAMNON, Marc BAUDOT, Rambert FERREZ, Daniel TREUVEY, Philippe MERCIER, Raymond MERMET…. Nous retrouverons Bernard BOISSON dans l’accueil des migrants.

 

 

TU N’AS QU’À VENIR AVEC NOUS !

 

Les mouvements d’Action Catholique vont souvent être les catalyseurs de nos recherches pastorales ainsi que le service de catéchèse des personnes en difficultés.

Un jour que je me trouvais en grande difficulté et recherche, Marcel passa me voir. Presque dans l’immédiat du partage que ça n’allait pas en ce qui me concernait, Marcel me dit : « T’as qu’à venir avec nous ». C’était au printemps 1975. Marcel était curé de Foucherans avec Michel VOIRET. Et me voilà dans l’équipe avec Marcel et Michel. C’est Marcel qui avait fait ma nomination ! Gilbert notre évêque assuma l’acte nominatif avec beaucoup de respect et de délicatesse... à l’égard de Marcel et de moi-même. Nous allons vivre et rester en équipe, Marcel et moi de 1975 à 1997… 22 ans.

 

 

ANDRE SAUVAGEOT DONT NOUS AVIONS SOUVENT LA VISITE

 

Et c’est durant ce compagnonnage avec Marcel et sa maman, Madame Hélène BLONDEAU, puis Marie-Louise BICHET, sœur de Marcel que va se situer quelques-uns des moments de la vie de André SAUVAGEOT, dont nous avions souvent la visite...

Durant beaucoup d’années de sa vie André, (Dédé) n’avait pas de domicile fixe... Les cures du Jura mais aussi d’autres diocèses étaient ses lieux de refuge, ainsi que les évêchés et séminaires et les couvents ou abbayes.

Une belle amitié s’était tissée entre Dédé et le cuisinier de l’évêché : Joël, avec le diacre de la maison diocésaine : Jean et beaucoup avec l’évêque lui-même Gilbert DUCHÊNE. Aux yeux de Dédé, et ses yeux étaient d’une belle clarté et reconnaissance, l’amitié tissée avec l’évêque Gilbert était comme une consécration de toutes les autres amitiés. Marcel, sa maman, sa sœur et moi étions heureux de faire partie de ce tissage.

 

 

LA VIE DE SAINT BENOÎT LABRE... UN PSAUTIER ET UN PASSEPORT

 

Gilbert notre évêque avait offert un jour à André le livre racontant la vie de Saint Benoit LABRE. Dédé le portait dans son sac à dos. Il le lisait et consultait comme un livre de Psaumes... Avant que Dédé ne reçoive ce cadeau, peu de gens dans le département du Jura, connaissaient la vie de Saint Benoit LABRE. Quelques temps après l’offrande du cadeau, presque tout le monde dans le diocèse apprenait la bonne nouvelle, l’évangile de la vie de Saint Benoit LABRE. Dédé passait, demandait l’hospitalité. Il nous évangélisait sans que nous ne l’admettions trop. C’est pas évident quand on est prêtre de se laisser et faire évangéliser par un gars de la route.

« Les pauvres nous évangélisent » était le livre de Joseph BOUCHAUD auquel nous nous référions en ACO. De même avec le livre de Freddy KUNZ « l’ânesse de Balaam » en Amérique Latine. Le livre de la vie de Saint Benoit LABRE était devenu un peu comme un passeport dans l’esprit de Dédé et aussi dans le nôtre. C’est grâce à Dédé que j’ai connu la vie de Saint Benoit LABRE. Sûrement que Dédé m’a évangélisé et ce n’est pas toujours que je me suis laissé évangéliser par lui ainsi que par d’autres personnes dans la situation de Dédé. Or, afin de tendre à vivre l’évangile de Jésus, est-ce que la clef pour l’expérimenter, ne se trouve pas cachée dans la rencontre et la vie partagée avec les pauvres ?

 

 

PAGES DE CAHIERS RAMASSÉES SOUS LES DÉCOMBRES

 

Depuis très longtemps je me suis mis à garder des pages de cahiers où j’ai ramassé les paroles que m’ont données des personnes menant une vie éprouvée, dont l’existence est très blackboulée, remplie de bosses et de cabosses.

Souvent leurs paroles étaient vives. Elles m’ont apporté beaucoup de lumière dans la structuration de ma vie d’homme et prêtre. J’en ai beaucoup perdu dans l’incendie de notre maison familiale. Mais j’en retrouve sous les décombres. En voici justement quelques-unes venant de partages avec Dédé SAUVAGEOT. Je suis heureux de vous les offrir comme Dédé a fait avec moi.

 

 

ANDRÉ QU’EST-CE QUE SIGNIFIE VOTRE NOM SAUVAGEOT ?

 

Nous sommes à Damparis avec Marcel, sa maman Hélène et sa sœur Marie-Louise. L’accueil à la cure c’est sacré pour qui que ce soit qui passe. Nous sommes le 1er octobre 1987.

André s’est fait prendre son sac à dos, ses papiers et son argent, probablement par un autre gars de la route. Il est arrivé chez nous avec la faim au ventre. Il n’ose plus tellement circuler dans le centre de la ville de Dole depuis que Bernard s’est fait tuer il y a quelques semaines.

Nous cassons la croûte ensemble. Marie-Louise lui demande d’où il est originaire. Il nous dit : « d’Héricourt ». Elle lui dit qu’elle connaît un homme qui vend des roses et qui s’appelle comme lui « SAUVAGEOT ». Il lui dit qu’il voit bien qui c’est. Marie-Louise continue en lui demandant ce que signifie son nom « SAUVAGEOT ». Elle lui dit: « Ça veut dire Sauvage? » Je me dis en moi-même : « Comment va-t-il réagir ? » Et voici André parti à nous expliquer ce que veut dire « Sauvage ».

« Ça veut dire : rester comme on est, prendre du recul pour voir autre chose, vivre autre chose. Être sans cesse à l’écoute d’un autre monde. Je n’aime pas le capharnaüm des villes. Sauvage ça veut dire prendre un autre air. Je vais dans les villes parce que je suis obligé. Mais j’aime la campagne. Il faut continuer à créer des liens quand on a un certain âge. Pouvoir rester sans être indifférent, soi-même, tout en étant au contact de la société. Dans les siècles passés, du temps des seigneurs, les rois employaient des animaux sauvages pour envoyer des messages. Ils baguaient des oiseaux sauvages. En vérité ça veut dire qu’il n’y a aucune sauvagerie là-dedans. Eux seuls pouvaient suivre la destinée des messages. Tout animal qu’on dit « sauvage », ce n’est pas vrai.

C’est plutôt l’homme qui aurait l’instinct inconscient, plutôt que sauvage, cet homme qui détruit ces animaux, ceux qui vont à la chasse, pourquoi détruisent-ils ces animaux qui sont notre bien-être et nous aident à vivre ?

Beaucoup de saints sont restés imprégnés de ça.

 

Lulu

 

Dédé et Benoit Labre - Photo et montage Claude Chevassu

Dédé et Benoit Labre - Photo et montage Claude Chevassu

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Cercles de silence : tous unis le mardi 28 avril de 18h30 à 19h30

27 Avril 2020, 21:27pm

Publié par luluencampvolant

Cercles de silence : tous unis le mardi 28 avril de 18h30 à 19h30

Cher(e)s  ami(e)s fidèles du Cercle de Silence de Dole, 

Voici le texte que nous envoyons au Préfet du Jura et au Préfet de Région pour l'Asile à Besançon: il reprend le message rédigé par la Coordination des Cercles de Silence. 

Le contenu de ce message traduit ce que notre silence de demain Mardi 28 avril  entre 18h30 et 19h30 criera à la conscience de tous les citoyens et citoyennes.

  

                 Pour Le Cercle de Silence de Dole

             Jean-Yves Millot et Claude Charbonnier

 

 

Monsieur le Préfet, 

 

"Depuis 2007, date du premier rassemblement initié par les franciscains de Toulouse, les Cercles de Silence dénoncent en particulier la rétention de migrants comme un enfermement contraire aux droits des personnes et indigne. Près de 100 Cercles de Silence continuent à se réunir régulièrement tous les mois en France, à Paris et en province et quelques uns à l'étranger (Suisse, Espagne..) .

En utilisant leur silence comme forme de protestation non violente, les Cercles de Silence réclament partout en France et même au-delà, la fermeture des Centres de Rétention Administrative (CRA). Ils sont soutenus par de nombreuses associations  d'aide aux migrants et de nombreux citoyennes et citoyens.

 

Malgré la situation sanitaire, certaines préfectures continuent à enfermer en CRA des personnes retenues, alors même que leur expulsion de France est impossible ; cette situation a été largement dénoncée par les associations et par certains tribunaux.

En ce temps de confinement, les Cercles de Silence ne peuvent pas se tenir sur la voie publique pour interpeler leurs concitoyennes et concitoyens. Dès lors, l’ensemble des Cercles de Silence de France et des pays voisins a décidé de faire silence en même temps et chacun chez soi, le mardi 28 avril de 18h30 à 19h30.

Vous pourrez trouver plus d’information sur 
http://www.cercle-silence.org  cecoordination-help@resf34.org

 

 

Témoignage d'Alain Richard« Ce que nous savions faire ensemble, c’est être en silence et, pour ceux qui sont croyants, prier. . et nous continuons chaque mois…Nous invitons seulement chacun à écouter sa propre conscience… Nous pensons que la situation faite aux étrangers n’est pas une question d’idéologie. La vraie frontière  est entre ceux qui acceptent leur humanité et ne veulent pas que leur humanité soit abîmée par leur passivité, et ceux qui acceptent sans rien dire, laissent faire, quitte à perdre progressivement un peu de leur propre dignité au profit d’une fausse tranquillité. L’enjeu est beaucoup plus profond : il s’agit de réveiller l’être humain dans ce qu’il a de plus précieux. » (extrait d’Une vie dans le refus de la violence).

 

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Joyeux tintamarre pour des bouquets de Mercis !

26 Avril 2020, 13:21pm

Publié par luluencampvolant

Joyeux tintamarre pour des bouquets de Mercis !
Joyeux tintamarre pour des bouquets de Mercis !
Chaque soir à 20h, un petit groupe de Dampierrois se retrouve pour faire un concert improvisé de casseroles et d’instruments variés en l’honneur de tous les soignants, pour les soutenir et les remercier de tout ce qu’ils font pour les malades.
 
Mais hier samedi soir à 20h ce petit groupe accompagné du Père Lulu est allé faire un joyeux tintamarre sous les fenêtres du foyer logement.
 
Les résidents nous attendaient depuis leurs balcons, certains tapant des mains ou d’autres frappant sur des casseroles. Nous avons même poussé la chansonnette et nous avons eu un accueil formidable. Aucun problème de distance car personne n’est entré ou sorti de l’établissement.
 
J’avais fabriqué une banderole où étaient inscrits les noms de nombreux acteurs de la vie économique en plus de tout le monde médical avec un grand Merci à tous.
 
Rosaline

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Je voudrais être vétérinaire !

26 Avril 2020, 12:33pm

Publié par luluencampvolant

Je voudrais être vétérinaire !

Dampierre le 17 avril 2020

 

« QUAND JE SERAI PLUS GRANDE, JE VOUDRAIS ÊTRE VÉTÉRINAIRE DES ANIMAUX DE LA MER... »  (Camille, bientôt 8 ans)

 

Ce sont les paroles de Camille qui va bientôt avoir 8 ans. Elle, et son jeune frère Côme, 5 ans, sont à la garde de leur tante Rachel dans leur maison familiale, sur les plateaux du Doubs. Confinement oblige. Leurs parents, personnels soignants, sont appelés à partir auprès des nombreuses personnes fragilisées dans leur être profond et en leur santé, dans leur psychisme et au cœur de leur vie relationnelle. Dure est l’épreuve du coronavirus qui plombe notre Humanité entière.

 

Camille m’a appelé ce matin au téléphone: « On voulait t’appeler Lulu parce que j’avais beaucoup aimé, il y a 2 ans, les ballades avec les ânes en forêt de Chaux avec mes cousines et mes cousins... et l’année dernière, à l’abbaye d’Acey, quand Rachel revenait de son tour du monde... Rachel nous raconte les belles histoires avec les enfants dans les campements... quand vous partiez l’été autour des lacs du Jura... je voudrais bien que tu me parles des ânes... comment ça s’est passé... quand on vous les a prêtés... puis donnés... quand ils sont devenus à vous... comment elles s’appelaient les mamans des premiers ânons ? »

 

Je suis prêt à raconter à Camille ce qu’elle est en train de me demander... Mais c’est un flot de paroles qui a besoin de sortir de sa bouche... et que je tiens à continuer d’écouter...

«... Il paraît que tu as plein de belles histoires à raconter... les grandes joies que les ânes ont donné aux enfants... les soins et les caresses que les enfants savaient donner aux ânes... parce que moi je voulais te dire que j’aime beaucoup les animaux... j’aime pas qu’on leur fasse du mal... »

 

J’essaye de commencer à répondre à ce que Camille me dit, qu’elle attend de moi au téléphone. Mais je sens qu’avant que j’intervienne, Camille a toujours des choses très importantes à me dire... et que ce n’est pas encore venu que je lui réponde. C’est là, qu’elle me dit :

«... Parce que tu vois, moi je voudrais être vétérinaire quand je serai devenue plus grande... je voudrais soigner les animaux de la mer... les poissons qui sont tout tristes parce qu’on a jeté des choses qui sont empoisonnées là où ils nagent... les oiseaux qui ne peuvent plus s’envoler dans le ciel, parce que leurs plumes, leurs ailes sont toutes collées avec les produits du pétrole que les gros bateaux rejettent dans l’eau de la mer... »

 

Là je pense que je vais pouvoir dire à Camille toute mon estime à propos de son projet et tout ce que je ressens en écoutant les paroles vibrantes et toutes remplies d’émotion qui sortent d’elle-même. Je sens certes tout un travail de conscientisation qui s’opère dans l’être de Camille, grâce aux partages que son frère et elle vivent avec leurs parents et leur tante, bien avant cette période de confinement. Pas de dramatisation ni de culpabilisation fatalisante. En écoutant Camille je comprends que je suis en présence d’une enfant dont la personnalité se développe profondément. Elle illustre pour notre joie à tous, membres de la famille et amis, ce que Madame Maria Montessori dit de chaque enfant, des nôtres et de ceux des autres : « L’enfant n’est pas un vase que nous adultes, nous serions chargés de remplir. L’enfant est une fleur dotée de senteurs, de couleurs et de capacités immenses. Nous, adultes sommes appelés à être les facilitateurs de leur éclosion et de leur fructification ».

 

En décryptant les paroles de Camille, je découvre en elle, comme dans l’être de beaucoup d’enfants et de jeunes, la recherche et le projet de réparer ce que nos courses effrénées au profit et au pouvoir ont cassé et brisé. En même temps que surgissent les paroles de la bouche de Camille, la vérité avec laquelle elles sont exprimées réalise comme une poussée d’espérance. Les semences que Camille fait pousser en son jardin intérieur sont en train de déborder dans les plates-bandes du jardin commun à toute l’Humanité. Ce que Camille réalise personnellement nous fait du bien à tous.

 

C’est alors que Camille me dit : « Pourquoi on a attendu que le coronavirus arrive pour arrêter la pollution de la Terre et de la Mer...? »

Oh Camille ! Je crois entendre la jeune fille Greta Thunberg et combien d’autres jeunes... Vous nous suppliez de changer nos comportements face à la Terre, dans l’économie, dans la gestion de ce qui est offert à toute l’Humanité des biens de la Terre. Tu as beaucoup d’espérance en l’Humanité dans la façon dont tu exprimes ta question. Nous avons l’impression en t’écoutant que durant cette période de confinement, nous sommes déjà en train de changer et transformer nos attitudes. Je le crois et fais confiance avec toi. Justement, je vais vous raconter à ton frère et à toi, comment les ânes nous ont été offerts, prêtés, puis donnés.

 

C’est vrai que c’est à moi Lucien que Jean qui avait les ânesses NENETTE et MONA a dit le soir du 29 août 1981 : « Ma famille et moi nous vous donnons nos ânesses ». Mais j’ai compris en mon cœur qu’il ne les donnait pas pour que j’en sois propriétaire, mais pour qu’avec les animateurs comme votre tante Rachel, nous rendions possible que tous les enfants qui marcheraient à leur pas, se laissent apprivoiser avec eux. Quand des fois, les enfants me disaient : « Qu’est-ce qu’ils sont gentils tes ânes Lulu !» je reprenais toujours les enfants. Je disais : « Qui c’est qui tient l’âne en ce moment ? Qui c’est qui le caresse ? Qui c’est qui marche au pas des ânes ? » Les enfants disaient : « C’est nous... » Je disais : « Les ânes sont pour vous. Les ânes sont à vous. Mais ils sont tenus et caressés par vous, afin que le campement terminé, vous prêtiez les ânes à d’autres enfants, à ceux qui vont faire un autre campement ».

 

Et les enfants étaient heureux et nous aussi les animateurs. Et on écrivait des cartes postales pour remercier Jean et sa famille de nous avoir prêté, puis donné les ânes. Et on leur racontait comment on ne gardait pas les ânes rien que pour nous. On ne jouait pas aux propriétaires.

 

Alors il y a des gens qui ont appris comment nous nous y prenions pour que les ânes soient au service de tous les enfants qui avaient des projets... Alors il y a eu d’autres gens qui nous ont donné leurs ânes pour qu’ils servent à tous.

Je trouve que ça ressemble beaucoup à ce que tu veux faire une fois devenue grande « vétérinaire pour soigner les animaux de la mer » qui sont à tout le monde.

 

Côme, Camille, cousins et amis, dites à votre tante Rachel qu’à la prochaine ballade au pas des ânes nous nous raconterons que l’âne et le bœuf qui ont soufflé sur les pieds du petit enfant Jésus quand il est né dans la grotte de Bethléem, c’étaient des animaux qui avaient été prêtés. De même l’ânon AOUI sur le dos de qui Jésus est monté pour entrer à Jérusalem le jour des Rameaux, l’ânon AOUI avait été prêté par des gens de Bethfagé.

 

C’est comme ça que le monde tourne bien. « Quand ceux qui ont des belles choses dans leurs mains, les prêtent, les donnent et les partagent... » (Actes des Apôtres 2, 44) Nous nous raconterons aussi qu’il y a eu au XIIIème siècle un homme qui a su merveilleusement se détacher de ce qu’il avait, pour le donner à ceux qui en ont le plus besoin que lui : c’est Saint François d’Assise. Il n’a pas fondé de foyer mais il a bâti une grande famille de frères et de sœurs en épousant Dame Pauvreté. Quand il traversait une rivière à pieds nus, il aimait tellement l’eau, qu’il l’appelait « Sœur eau ». Il causait avec les oiseaux. Et les oiseaux, « les uccellis » lui répondaient. C’était un véritable concert qu’ils lui offraient. Il parlait aussi avec les poissons. Déjà il voulait que l’on respecte « leurs parcours dans les sentiers des eaux »comme il est chanté au psaume 8,9, comme tu le veux en devenant vétérinaire des animaux de la mer, Camille.

Camille, le projet de François d’Assise et le tien se ressemblent beaucoup. L’un et l’autre vous voulez réparer les blessures qui sont faites aux côtes de notre mère la Terre, là où ça se touche entre la Mer et la Terre, là où poussent les arbres, où nichent les oiseaux et là ou frayent les poissons.

 

Quand Jorge BERGOGLIO a été élu pape en mars 2013, il a voulu prendre le nom de FRANCOIS. Il empruntait ce nom pour que lui-même et nous tous en Église et en Humanité, nous changions la façon d’organiser la marche du monde. Il n’a jamais arrêté de demander à Jésus du Lac de Tibériade et à François des côteaux d’Assise, de nous aider à ce que les plus riches se défassent d’une grande part de ce qu’ils ont pour que le plus pauvres trouvent leur place. Un jour il a écrit une lettre en 2015 à tous les gens de bonne volonté du monde entier. Elle commence par les mots que Saint François d’Assise utilisait pour remercier Dieu de la beauté de la Terre, de la mer, des oiseaux, des poissons « LAUDATO SI ». Il supplie les enfants de Dieu que nous sommes, de prendre conscience que nous sommes aussi fils et filles de la Terre. Elle est notre Mère. Il dit les mêmes paroles que celles que tu dis Camille à propos des oiseaux et des poissons. Un grand penseur, Edgar Morin disait, après lecture de cette lettre de François, que si on s’orientait dans le sens de ce qui y est écrit, nous pourrions sauver la Terre.

C’était en 2015.

Nous n’avons pas dû faire assez.

 

Et si nous nous remettions à lire « Laudato Si » et à en vivre. Alors en correspondance avec Jésus, François, celui d’Assise et celui de Rome, avec Edgar Morin et tous les gens de bonne volonté, si on se reliait à l’appel, à celui de Camille et à celui de tous les enfants du monde, et qu’un changement commence à s’opérer... dans nos comportements... à commencer par moi... par nous... que j’arrête, que nous arrêtions d’inventer et trouver et de nous munir de ce qui nous donne du pouvoir, de l’avoir, du savoir sur les autres - ça pourrait contribuer à ce que dans notre pays la France, nous arrêtions, non pas le travail dans nos entreprises, mais la fabrication de ce qui tue et humilie l’autre, et nous abîme nous-mêmes.

 

Lulu

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Le petit broc d'eau...

17 Avril 2020, 15:27pm

Publié par luluencampvolant

dessin de François Pageaut, au temps des campements

dessin de François Pageaut, au temps des campements

Dampierre, le 14 avril 2020

 

« C’EST LE PETIT BROC D’EAU VENU D’AILLEURS QUI N’EST PAS TOUJOURS FACILE A TROUVER »

(Martine)

 

Avec les enfants des MESNILS PASTEUR et des cités ST GERMAIN de DOLE, chaque été nous aimions grimper dans les plateaux du JURA.

Durant nos randonnées au pas des ânes, nous marchions de chalets que nous rebâtissions, en fermes d’alpage où nous nous arrêtions afin d’abreuver nos ânes et nous restaurer nous-mêmes.

Nous avions remarqué quel esprit inventif avait habité les constructeurs de ces bâtisses merveilleuses. Ce qui nous ébahissait, c’était surtout la façon dont ils avaient résolu le problème de l’alimentation en eau de leurs fermes.

 

En effet sur ces plateaux jurassiens nous ne trouvions aucun point d’eau naturel.

Les sources se trouvaient au pied des falaises. Les toits de ces maisons étaient immenses afin de stocker dessous le fourrage et la paille durant les longs mois d’hiver. Et lorsque la saison des pluies et la fonte des neiges survenaient, à la base des toits, des chéneaux recueillaient le précieux liquide et le faisait rigoler dans une impressionnante citerne.

Cette citerne était bien enterrée. Elle gardait l’eau comme on garde un trésor. C’est qu’il en fallait de l’eau pour alimenter les vaches laitières du troupeau. Et l’été il fallait faire très attention à ce que l’eau ne vienne pas à manquer lorsque la soif tenaillait les animaux au corps.

Mais comment, par quel moyen nos mains et nos bras pouvaient bien accéder à ces lieux-réservoirs qu’étaient les citernes ? C’était la pompe, qui souvent était abritée par un petit toit protecteur, en raison de son importance, qui permettait de tirer l’eau pour la faire parvenir à l’abreuvoir.

Mais ce n’était pas forcément chaque jour que cette pompe était actionnée. En effet le troupeau était conduit de temps en temps dans un autre alpage. Alors la pompe se désamorçait.

Pour remettre la pompe en marche afin que l’eau remonte de la citerne il fallait « un petit broc d’eau venu d’ailleurs », que le berger faisait couler dans le mécanisme de l’engin. Alors seulement l’homme pouvait actionner le balancier de la pompe et l’eau apparaissait.

 

Un jour, durant un de nos campements itinérants alors que nous passions à proximité d’une ferme d’alpage, nos ânes et nous-mêmes avions soif. De loin nous avions aperçu le toit de la ferme. Les enfants et nous-mêmes nous disions : « nous allons trouver de l’eau. », puisque nous percevions un toit. Mais les fermiers et les bergers n’étaient pas là depuis plusieurs jours. Donc, la pompe de la citerne était probablement désamorcée. Parvenus aux abords de la citerne nous sentions que sous nos pieds une réserve d’eau s’offrait à nous, à condition que la pompe soit réamorcée, nous nous souvenions de ce que nous avait dit le vieux paysan de CHAUX-NEUVE : « Sur nos plateaux, si vous voulez avoir de l’eau de nos citernes, il faut toujours que vous ayez un ou deux litres d’eau dans une gourde sur le dos de vos ânes afin de réamorcer la pompe ». C’était « le petit broc d’eau venu d’ailleurs »

Nous étions en plein midi. Nous avions soif et nos ânes aussi. Oh l’émotion contenue dans l’être des enfants et en nous-mêmes animateurs, lorsque la gourde d’eau tirée du bât de l’âne fut confiée à un des enfants. Très délicatement sans en perdre une goutte, il fit dégouliner l’eau de la gourde dans le conduit de la pompe… un silence impressionnant accompagnait l’attitude de l’enfant. Aussitôt un autre des enfants se mit à actionner le bras de la pompe… à trois reprises… et l’eau sortit du goulot et vint se jeter dans l’abreuvoir… nos yeux étaient émerveillés… le museau et les narines des ânes étaient tout émoustillées…

Oh qu’elle était belle l’eau des plateaux du Jura. Rien que de la voir, déjà elle étanchait notre soif avant même que nous la buvions. Le dessus de la citerne ressemblait à une voûte de cave. Toutes les pierres se tenaient les unes contre les autres un peu comme celle des cathédrales. Et les enfants se mirent à causer :

«- Il doit y avoir des litres d’eau dans la citerne… mais t’as vu, on n’aurait pas eu avec nous la gourde d’eau pour réamorcer, on n’aurait pas pu en tirer les seaux qu’il nous fallait…

- C’est vrai ce que disait le vieux berger de CHAUX-NEUVE : « pour tirer l’eau de nos citernes il faut toujours un petit broc d’eau venu d’ailleurs. »

- Meureusement que l’Amélie ce matin a pensé à mettre une gourde d’eau sur le bât de l’âne… »

 

C’est cette histoire qui me revenait hier soir, en ce temps de confinement alors que le Président de la République venait de parler à la T.V. Il nous appellerait sans doute à un temps de confinement très prolongé. Tous nous serions appelés et nous le sommes déjà par notre conscience, à apporter chacun notre part à la résistance commune au fléau que vient souligner et provoquer le coronavirus.

Chacun de nous a en lui comme une réserve de compétences et possibilités, une citerne de trésors. Nous ressemblons aux fermes des plateaux jurassiens.

 

En ces jours je me laisse beaucoup marquer et interpeller par ce qui est arrivé aux moines capucins du monastère de CREST dans la Drôme. Hubert, un de leurs frères de la communauté de TIARET en Algérie est venu les voir courant Mars. Le coronavirus a surgi aux portes du monastère à ce moment-là, et a provoqué le confinement. Hubert n’a plus envisagé de repartir devant ce qui arrivait à ses frères. Il est resté pour les soigner et les accompagner… Cinq d’entre eux jusqu’à leur mort …

A Marcel, l’un d’eux, Hubert saura dire humblement : « Tu peux t’en aller tranquillement, si c’est l’heure Marcel, ou rester encore un peu avec nous si tu veux. »

Ton attitude et tes paroles, Hubert, relayées par nos amis journalistes de la CROIX et du MONDE, m’aident à trouver dans ma citerne intérieure ce que j’ai à offrir et à donner à celles et ceux qui m’appellent, parfois longuement, parce qu’ils sont profondément seuls. Hubert, tu m’aides à trouver le temps et les mots qui sont en moi et à les faire sortir pour les donner, « comme le petit broc d’eau venu d’ailleurs. »

 

Il y a quelques années j’avais demandé à François un de nos amis animateurs de campements, qui était aussi dessinateur, de dessiner tout ce qui est beau devant les fermes du Haut Doubs, sur les plateaux jurassiens : la citerne, la pompe, l’auge et le petit broc d’eau venu d’ailleurs.

J’avais dit à François « Tu écriras la parole du papy PAGNIER, le berger de Chaux-Neuve : « elle est belle et abondante l’eau dans nos citernes… mais pour en bénéficier il faut un petit broc venu d’ailleurs. »

 

A ma cousine Martine et à sa famille, il y a quelques jours à Pâques, pour leur souhaiter une bonne fête de la Résurrection de Jésus et de remises debout et de resurgissement de nos êtres en ce temps de confinement, j’avais envoyé la carte réalisée par François. Elle est toute simple mais qu’est-ce qu’elle est expressive !

Martine m’a répondu dans l’immédiat « elle est parlante la carte… mais c’est le petit broc d’eau venu d’ailleurs qui n’est pas facile à trouver. »

 

Et voilà que plusieurs petits brocs d’eau m’arrivaient d’ailleurs.

- Celui-là d’Hubert Le BOUQUIN de CREST

- En même temps celui-là de François, le Pape notre ami à tous, de ROME, qui dit URBI et ORBI : « de l’argent, des compétences, des intuitions, de technologie on est meublés de tout cela… mais il faut arrêter de les pulser dans la fabrication des armes, chimiques et nucléaires, et les propulser pour enrayer la famine et secourir les migrants… L’Arabie Saoudite fait cesser le feu contre le Yémen…

- et encore un petit broc d’eau venu d’ailleurs pour faire jaillir tout ce qu’il y a d’inventivité et possibilité dans nos citernes intérieures, c’est le témoignage de ASIA BAÏBUTOVIC :

« Je suis restée enfermée 30 mois au printemps 1992 en Yougoslavie… (Elle nous raconte ce qu’elle a cherché à inventer et trouver durant ces 30 mois de confinement et enfermement de la guerre de YOUGOSLAVIE). Pour moi aujourd’hui, c’est décidé je ne sortirai pas pendant le confinement. Chacun d’entre nous possède en soi des ressources insoupçonnables, une imagination et une créativité incroyables. Elles sont en vous. Vous pouvez leur faire confiance. Allez les chercher au fond de vous. C’est le moment. Faîtes-le. Et restez chez vous. Merci pour les vies que vous sauverez. »

 

Lulu

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Vivre en HLM pendant le confinement

15 Avril 2020, 09:31am

Publié par luluencampvolant

Dampierre le 7 avril 2020

 

« LA VIE EN HLM C’EST PAS POSSIBLE

ET PUIS AVEC LE CONFINEMENT C’EST ENCORE PIRE QU’AVANT »

 

C’étaient les paroles au téléphone d’un jeune adolescent qui habite en HLM avec sa famille... le soir du dimanche de rameaux. Et il continuait :

Igor : ... J’ai peur qu’il y en ait qui se battent... là ils viennent de s’insulter... Tu ne peux pas savoir ce qui se passe la nuit... le bruit que ça fait dans l’étage du haut... on n’arrive pas à dormir... là, maintenant, il y en a qui ont appelé les gendarmes... ils vont arriver... j’espère que ça va se calmer... les gendarmes sont déjà venus l’autre jour... Ça y est les gendarmes sont arrivés... ils causent avec des gens dans le bas de la cage...

 

Parce que Igor ne peut pas sortir du confinement, il est important que les paroles qui portent ce que vivent les membres de sa famille et lui-même et tous les gens de l’HLM... que tous ces cris et ces appels soient entendus...

Igor continue...

 

Igor : Tu te rappelles je te racontais l’autre jour... Il faudrait qu’on ait quelque chose à faire. Alors avec mon papa... parce que l’entreprise où il travaille a fermé, on s’est mis à bêcher le bout de jardin... qu’on nous a prêté tout à côté de l’HLM.

Comme on voulait préparer les plantations de pommes de terre et de haricots, nous voilà partis avec mon papa au magasin... C’était il y a plus de 15 jours... On s’est fait arrêter... on n’avait pas l’attestation de déplacement. « PV de 135€. Et puis vous n’avez pas le droit d’être deux » que nous dit un des gendarmes... Ça a été dur à avaler... on n’a déjà pas de sous... Et mon papa il a besoin que je l’aide, donc que je sois avec lui.

 

Lucien : J’écoute Igor tout ce que tu me partages et qui vous accable...

 

Igor : Moi je voudrais bien qu’on s’entende dans mon HLM entre voisins... Mais il y a de la jalousie et les paroles partent vite...

 

Lucien : Tu les voudrais constructives ces paroles et elles partent trop vite dans la violence... Tu fais bien d’appeler... tu redis bien à tes parents que quand vous recevrez le papier du PV de 135€ vous m’appelez et on fait une lettre pour demander l’annulation... Continue Igor d’être auprès de tes parents comme tu le fais...

 

Igor : Oui parce qu’il y a des gens â l’extérieur. Quand ils parlent de nous qu’on habite dans l’HLM, ils disent qu’on est tous des « cas sos » des cas sociaux. Pour moi c’est une injure à notre égard.

 

Lucien : Je comprends combien ça vous humilie... Ils ne vous considèrent pas dans votre dignité.

 

Igor : On ne veut plus l’entendre...

 

Lucien : Continue Igor d’être auprès de ta famille comme tu l’es... et continues aussi à avoir des projets, comme de faire le jardin avec ton papa.

 

Igor : Justement à propos de projets il y en a un dont je voulais te parler...

 

Lucien : Tu vois ce qui te sauve, ce qui te donne des perspectives et te permet de traverser l’épreuve du confinement et les autres difficultés de la vie, de rester tout proche de ta famille, c’est que tu essayes de concevoir et bâtir des projets... c’est ce qui te permet de trouver des clefs pour ouvrir des portes, pour t’en sortir et ainsi aider d’autres à trouver eux aussi un chemin de libération. Dis voir le projet dont tu voulais me parler.

 

Igor : J’ai le projet de passer mon permis de conduire un scooter.

 

Lucien : Mais tu as déjà un bon vélo avec lequel je te vois venir à Dampierre de temps en temps. Et tu sais te débrouiller pour monter ton vélo dans le train quand tu veux aller plus loin.

 

Igor : C’est vrai... Mais il y a des endroits où je voudrais aller et qui sont encore plus loin...

 

Lucien : Je comprends... tu veux ouvrir ta vie à de plus larges horizons encore... et tu reviendrais dans ton HLM ?

 

Igor : Bien sûr. Je ne m’évaderais pas pour toujours... Ça me permettrait d’aller voir ma copine qui habite loin, où le train ne passe pas... et je pourrais revenir facilement dans ma famille, dans le HLM.

 

Lucien : Je comprends... voilà encore un projet qui habite en toi et te permets de traverser les moments difficiles et éprouvants...

 

Quelques temps après ce partage avec Igor, je m’informe en lisant et le Progrès et l’Est Républicain. En même temps, j’apprends la mort de deux amis prêtres, Gilbert Chopard à Bretonvillers dans le Doubs et André Germain chez les petites sœurs des pauvres à Lons le Saunier. Grande épreuve pour les familles et pour nous les amis de ne pas pouvoir accompagner nos amis. Car les rites nous permettent de structurer nos vies, de nous appuyer sur les points de repères dont ils sont signes. Les rites rythment nos vies. Je partagerai cela avec Igor.

D’apprendre qu’en ce moment le coronavirus est une épreuve qui frappe à beaucoup d’endroits de la Planète, ça peut aider à traverser les dures difficultés de la vie en HLM que connaît Igor, sa famille et leurs voisins.

Je raconterai à Igor que dans le journal qui m’annonçait la mort de mon ami, j’ai trouvé juste à côté une citation d’Albert Camus dans « La Peste » un livre où il raconte l’envahissement de cette épidémie dans la ville d’Oran en Algérie. Il écrit : « Il y a dans l’homme plus de choses à admirer qu’à mépriser »

Ça pourra aider à la traversée de l’épreuve que de chercher et découvrir chez mon pire voisin quelques-uns des trésors d’humanité qui l’habitent.

 

Igor me dira, comme il me dit des fois quand nous nous affrontons afin de nous démunir de nos violences : « J’aime bien quand tu dis des mots qui relient »

 

Alors je lui raconterai l’histoire de Julos Beaucarne, ce chanteur et bateleur des années 1980, ce qu’il a fait le soir où il a appris la mort de sa femme, sa « Loulou » comme il l’appelait avec tendresse. Elle venait d’être tuée à coups de couteaux par quelqu’un qui sans doute avait perdu la tête et la raison. Julos a pris un crayon et un cahier et il s’est mis à écrire, à nous écrire : « Amis, il nous faut continuer à aimer à tort et à travers, à temps et à contre temps. Il nous faut nous démunir de nos violences et de l’esprit de vengeance. Amis, il nous faut reboiser l’âme humaine. »

Lulu

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Hommage au personnel soignant...

13 Avril 2020, 15:39pm

Publié par luluencampvolant

... et au personnel de l'ombre, tous ceux qui sont utiles à la vie de ceux qui restent confinés, et ceux qui sont malades.

 

A Dampierre, chaque soir à 20h, tout en respectant la distanciation, une dizaine de personnes participent à un concert très hétéroclite : "deux familles aux fenêtres dont une avec 2 petites filles qui sont heureuses de taper avec 2 couvercles en guise de cymbales, Bernard à sa fenêtre joue de l'harmonica, plusieurs tapent sur des poêles avec des cuillères en bois, Michel agite un collier de cheval, Corinne tape sur une boîte de biscuits en métal, Francis et Jean agitent de vraies cymbales, Rosaline fait teinter une cloche à vaches et Lulu tape sur un couvercle avec une louche. Joyeux tintamarre  !" nous dit Rosaline !

 
Hommage au personnel soignant...
Hommage au personnel soignant...

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"Où l'avez-vous mis ?"

12 Avril 2020, 16:42pm

Publié par luluencampvolant

Pieta Besançon

Pieta Besançon

Samedi Saint 11 avril 2020



 « OU L’AVEZ-VOUS MIS ? »
 (Jésus dans l’évangile de Jean 11, 34)

 

En ce temps-là, c’est la profonde question que Jésus pose aux sœurs de Lazare qui est mort depuis 4 jours. « Conduisez-moi, dit Jésus, là où vous avez déposé ce qui reste du corps de Celui avec qui nous avons vécu tant de moments d’amour et d’amitié, vous et moi. Venez me montrer où vous l’avez mis ! »

 

POURQUOI L’AVEZ-VOUS MIS TOUT CONTRE LE SEIN DE SA MERE ?

En ce samedi nous aussi, nous avons envie de demander aux Saintes femmes qui étaient là quand Joseph d’Arimathie et Nicodème recueillirent « de l’arbre de la mort où Dieu saignait comme un fruit mûr », ce qu’il restait du corps de Jésus : « Pourquoi l’avez-vous mis sur les genoux de sa mère, tout contre son sein de Piéta
?... avant que d’aller le déposer au tombeau ? »



DANS LES MAINS DE QUI ?

En décembre de l’année passée nous sommes partis à VITORIA au BRESIL, quelques amis de Gaby MAIRE et moi. Sur les traces de Gaby, pour le 30ème anniversaire de son assassinat, nous demandions aux amis brésiliens : « où c’est que, avec Gaby vous avez vécu le mariage de ceux-ci ... ? et le baptême de celui-là ... ? et les manifestations pour un bout de Terre, pour le respect des droits des Travailleurs, pour l’obtention du permis de bâtir un Toit, les 3 T dont parle le pape François ... c’était où que vous avez vécu ces manifestations avec Gaby ? où est-ce que Gaby a célébré la dernière messe de mariage ? où est-ce que c’est qu’il est tombé sous la balle meurtrière ? où est-ce que c’est que son corps a été déplacé et déposé peu après ? »

 

Et comme dans l’évangile avec les Saintes femmes il y a eu de merveilleux amis pour nous emmener voir et nous recueillir où Gaby avait vécu, prié, écrit, marché ... où il avait été arrêté, où il était tombé ... Nous nous sommes laissés raconter que comme les autres martyrs d’Amérique Latine, d’Algérie, comme celles et ceux de tous les coins de la Terre, comme celle de Jésus, sa vie n’avait pas été prise, car « il l’avait déjà donnée ».
 

LES SŒURS D’ORCHAMPS, OU ONT-ELLES ETE MISES APRES L’INCENDIE ?

En ce moment d’épreuve, nos amies religieuses d’Orchamps, avec lesquelles vit en communauté sœur Madeleine, institutrice, qui a appris à lire à Jeannot et à beaucoup d’enfants traversant des moments difficiles, ces sœurs vivent un grand désarroi : il leur arrive une double peine en ce drame du coronavirus.


Leur maison commune vient de brûler accidentellement... Elles ont été obligées de sortir et se sauver sans rien pouvoir emporter. Nous nous demandions : « où ont-elles été mises les sœurs ? » Quelle joie de savoir que beaucoup d’artisans du lien social du secteur, se sont laissé embarquer par l’Esprit qui anime toute personne et toute institution quand elles lui ouvrent le déploiement de leurs voilures. Les sœurs dominicaines des campagnes sont à la campagne, dans la maison familiale rurale d’Amange.

 

DANS QUELLE SITUATION NOUS NOUS METTONS LES UNS LES AUTRES ?
 
En ce temps de confinement depuis bientôt un mois en France, pour combien de temps encore et chez nous et dans l’ensemble de la Planète ? Un nombre bouleversant de nos proches sont morts dans nos familles, dans nos communautés, des gens de très loin, inconnus, des gens connus comme Henri TINCQ journaliste au MONDE et à la CROIX, Henri MADELIN, ancien provincial des Jésuites, mon ami Gilbert CHOPARD de Bretonvillers dans le Doubs et puis ces 5 moines capucins de la communauté de Crest dans la Drôme. Le frère Hubert qui les a accompagnés leur « a été présent comme il a pu » dit-il. Continuant à être interviewé dans le journal La Croix du vendredi 10 avril, Hubert dit combien est éprouvant et épuisant d’accompagner des mourants dans ces conditions. « Il y a des moments où on n’en a plus la force. Il n’y a que Jésus et Marie qui peuvent aller jusqu’au bout. Nous devons consentir à être de pauvres gens qui font ce qu’ils peuvent. »
A la communauté de ces frères, nous sommes profondément reconnaissants ... pour l’accueil qu’ils nous avaient fait dans leur petit monastère de TIARET en ALGÉRIE.
C’était quand avec Rachel et Fadila à Pâques 2017 nous étions partis à la recherche de la famille de MOHAMED, « l’ami parti devant ». Christian de CHERGE prieur de TIBHIRINE dit de Mohamed : « un jour il a protégé ma vie en exposant la sienne »

 

A propos de toutes ces personnes qui meurent du coronavirus , et aussi au sujet de celles et ceux qui meurent parce que leurs maisons sont bombardées, il est fondamental que dans notre recherche de solidarité et prière nous entendions cette question : « où les avez-vous mis ? » et aussi cette interrogation à propos de celles et ceux qui donnent leur temps, leur force et leur amour pour les sauver tous ces membres de notre Humanité. « Dans quelles situations nous mettons-nous les uns, les autres ? »


 

OU JESUS A-T-IL BIEN PU ETRE MIS DURANT CES TROIS JOURS ?

Qu’est ce qui restait de l’être de Jésus après sa mort et sa descente de la croix ? Après qu’il fut remis tout contre sa mère, à l’endroit d’où il venait, où fut-il déposé par la suite ? Dans quel creux de la Terre cette autre mère a-t-il été mis ?

 

Je pense et je crois, je fais confiance. Merci à ma mère, à mon père et à ma famille qui m’ont conçu et mis au monde. Merci à l’ Eglise ma mère aussi. Toute ma gratitude à l’une et à l’autre qui ont mis en moi la confiance que durant ces trois jours, Jésus est descendu dans les enfers, « dans les infernaux paluds » de Villon, dans nos enfermements, là où ça nous meut, où ça fait violence les uns entre les autres... où l’on traîne les pieds pour faire et donner la vérité, là où Jésus a-t-il été mis durant ces trois jours... Dans nos embourbements, nos asphyxies et nos confinements.

 

Comme il a dit à Lazare de sortir du tombeau où l’avait précipité la mort, Jésus vient nous tirer de la fausseté de nos rapports les uns avec les autres. 

 

Ma confiance est grande que toute l’Humanité dont je suis est à l’écoute de son allié et de son libérateur. Il nous monte et nous entraine sur le chemin de sa résurrection qui devient aussi la nôtre.

 

Durant ces 3 jours il nous fait grâce. Il fait travailler la force de la conversion au profond de nos êtres, la reconnaissance que nous avons en grande partie fait faillite en nos actes et nos attitudes. La Terre est le seul moyen de transport pour toute l’Humanité. Sur ce vaisseau nous nous sommes comportés comme s'il n’y avait que quelques privilégiés qui pouvaient bénéficier des biens de la Terre, être entourés d’affection et de tendresse, pouvoir accéder à tous les droits. Sans être redevables des devoirs les plus élémentaires.

 

La Terre et l’Humanité n’en pouvaient plus. Pâques ce n’est pas « Sauve qui a de la chance. » C’est : « nous ne pouvons nous en sortir que si c’est tous ensemble que nous nous relions et nous libérons, les uns grâce aux autres. Pas d’exclus pour la fête »

 

Démunissons-nous de nos violences les uns à l’égard des autres, en prenant soin de semer et planter les graines de justice et de paix qui sont en chacun de nous. C’est à ce chantier que Jésus s’est mis à travailler durant ces trois jours. « C’est pour ça que les Saintes femmes qui accompagnaient Marie-Madeleine le prirent pour le jardinier au matin de Pâques » (Jean: 20,15)

Lulu

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Le téléphone, porteur de message

8 Avril 2020, 19:58pm

Publié par luluencampvolant

Dampierre le 26 mars 2020

 

« ETONNANT PORTEUR DE MESSAGE QUE LE TELEPHONE EN TEMPS DE CONFINEMENT »

 

Astreinte au « confinement » » comme tout le monde, préoccupée par sa plantation de fraisiers hier dans son jardin, Régina me rappelle aujourd’hui, assise dans sa cuisine.

 

Régina : Quand mon compagnon t’a appelé au téléphone hier après-midi, je n’ai pas pu te parler… j’étais en train de planter des fraisiers dans le petit jardin qui est devant chez nous, rue de Larney. J’ai beaucoup de choses à te dire et à te demander… Quand on faisait les campements au Frasnois, c’était plus facile pour parler ensemble… maintenant c’est difficile à cause du coronavirus.

 

Lucien : C’est vrai Régina. Il existe au profond de moi une intense mémoire de ces moments de partage avec toi et tous les amis autour du feu… On abordait les grandes questions de notre vie…

 

Régina : Tu sais, quand je t’appelais ces semaines passées, tu n’étais pas souvent là… Il y a beaucoup de gens que tu devais aller voir… l’oiseau s’était envolé. Alors je voulais t’envoyer un sac de plumes d’édredon…

 

Lucien : Pour que je puisse continuer à partir, mais aussi sans doute pour revenir plus vite... Maintenant avec la gravité de la propagation du coronavirus, nous sommes tenus au confinement.

 

Regina : C’est dur. On ne va plus au travail à l’ESAT... alors hier on a fait du jardin avec mon ami... on joue aussi aux petits chevaux... Et puis je range le ménage à droite... à gauche.

 

Lucien : Je vous félicite ton compagnon et toi... parce que tout en ne quittant pas votre domicile vous sortez dans votre jardin devant chez vous... Vous avez donc commencé les plantations de printemps. Je vous trouve très inventifs pour assumer le confinement.

 

Regina : Je voulais te dire tu sais quand je t’appelle au téléphone et que je me présente, je dis : « Ici Regina ... rue de Larney à ARBOIS- BETHLEEM. Tu m’as demandé pourquoi je dis : « ARBOIS » et que tout de suite après, j’ajoute « BETHLEEM »

 

Le téléphone, porteur de message

Lucien : Je t’écoute Regina ... Attends, je vais prendre mon cahier et mon crayon pour ramasser ce que tu vas me dire.

 

Regina : Oh, je sais bien comment tu fais. Tu le faisais dans les campements… T’avais toujours sur toi un petit crayon et un carnet pour écrire qu’est ce qu’on se disait... oui je dis « BETHLEEM » après ARBOIS parce que quand tu es parti à Bethléem avec ton âne Isidore, j’aurais bien voulu partir avec toi pour voir Jésus... alors maintenant quand je dis Bethléem, ça veut dire que je continue à faire le voyage avec toi pour aller voir Jésus.

 

Lucien : Tu dis : « pour aller voir Jésus ? »

 

Regina : Oui, je voudrais aller voir sa tombe où il est enterré ... le voir vivant... le voir... si il est ressuscité. Parce que Jésus il est ressuscité, mais nous on meurt.

 

Lucien : J’accueille bien tes paroles Regina. Souvent tes paroles m’ont beaucoup marqué et interpellé... et ce que tu es en train de me dire en ce moment, ça me travaille. Tu dis : « Jésus est ressuscité et nous on meurt ». Dans nos rencontres et nos discussions à propos de Jésus, nous avons souvent cherché comment la résurrection de Jésus ça rejaillissait sur nous tous les humains. Nous pensions et croyions que Jésus est ressuscité. Ça a pour conséquence que nous sommes nous aussi ressuscités... Tu n’as pas souvenir qu’on se disait cela Regina ?

 

Regina : Non.

 

Oh l’émotion qui travaillait mon être en écoutant Regina. Je nous voyais Regina et moi dans le pays de Jésus où elle maintient qu’elle aurait voulu venir avec moi quand je suis parti pour Bethléem... Regina est en train de m’interpeller à vérifier, rendre authentiques les paroles que je lui avais dites à mon départ et que j’avais adressées à vous tous mes amis, en reprenant les paroles de l’apôtre Paul aux Philippiens : « Je vous emporte dans mon cœur » (Phil 1,7) Quelques temps après mon départ, quelques-uns de vos messages me parvenant, j’avais réalisé la belle réciprocité, que « vous me portiez dans votre cœur » comme le disait le même apôtre aux gens de Corinthe (2 Cor 7,2).

 

Oui, et aujourd’hui dans ce partage avec Regina au téléphone, c’est elle Regina qui nous emporte sur les pas de Jésus... tellement sa parole et son questionnement sont intenses et forts.

 

Nous sommes à Béthanie avec Jésus quand son ami Lazare est mort et que ses sœurs Marthe et Marie interpellent Jésus : « Si tu avais été là notre frère ne serait pas mort ». Regina est là avec tout son sac de questions. Et moi aussi je suis là avec mon sac de questions et vous aussi amis avec le vôtre.

 

Je sens que mes paroles sont très balbutiantes. Je continue quand même.

 

Lucien: Quand nous faisions les rencontres de catéchèse avec Michèle, Martine, Claudette, puis par la suite avec Denise, Adeline, Dominique, Marie-Noëlle et Guy, souvent on s’était dit que Jésus en naissant à Bethléem de la Vierge Marie... il ne faisait qu’un avec nous... il entrait dans la vie de toute l’humanité... il était solidaire de nous tous. Ce qui lui arrivait, ça nous arrivait. Crois-tu cela Regina ?

 

Regina : Oui.

 

Lucien : Tu sais, on se disait aussi que Jésus est mort sur la croix en donnant sa vie pour nous par amour... Je suis allé à son tombeau à Jérusalem, de là où il est ressuscité... au moment où nous mourrons, ce qui a été donné à Jésus de ressusciter, ça nous sera donné... nous ressusciterons...

 

Regina : Jésus ne l’a jamais dit.

 

Lucien : Il l’a dit Régina.

 

Je repense au partage de Jésus avec Marie et Marthe lorsqu’elles lui confient combien elles sont désemparées devant la mort de leur frère Lazare. Je me sens tout petit et pauvre dans mon partage avec Régina. Je demande dans ma prière que l’Esprit de Jésus me souffle comment ajuster mes paroles à celles du questionnement de Régina.

 

Regina : Tous ceux qui sont morts, mon ami Michel, mon papa... ils ne sont jamais revenus...

 

Je voudrais que mes paroles s’adjoignent exactement là où les questions de Regina surgissent, afin que ce soit Jésus que Régina rencontre dans la relation de foi-confiance que je le lui ai toujours vu lui faire.

 

Lucien : C’est vrai Régina que nous ne les avons pas encore revues toutes ces personnes qui sont mortes et qui nous sont si chères, que nous avons accompagnées.

 

Mais tu sais, tes questions me travaillent aussi. Tu fais du bien à ma foi en Jésus. Tu me ré-interpelles. Je crois et fais confiance Régina, que nous retrouverons, nous reverrons ces personnes qui sont mortes. Nous continuons de les aimer. Elles continuent de nous aimer.

 

Est-ce que ce n’est pas cela que Jésus est en train de nous donner quand il nous dit qu’il nous ressuscitera.

 

Elles trottent en moi les paroles pacifiantes de Jésus à Marie et Marthe : « Je suis la résurrection, qui croit en moi fut-il mort, vivra. Quiconque vit et croit en moi, ne mourra jamais ? » (Jean 11, 25-26)

Crois-tu cela ?

C’est ce dont j’essaye d’être témoin humblement auprès de Régina, quand elle me dit et fais comprendre : « arrête donc de courir, d’être toujours parti... J’ai des choses importantes à te demander. Prends voir le temps de me répondre »

 

Toute souriante et pacifiée, Régina me dit :

Régina : Est-ce qu’au ciel on fêtera la fête de Noël ?

 

On raconte dans des catéchèses toutes remplies de lumière que les grands mystiques ont l’art de faire se rejoindre et coïncider le fait de Noël et ce qui s’est passé au Golgotha et au sortir du tombeau.

 

Je me suis laissé dire ça et tressé ces liens à Tibhirine et à Midelt par Jean-Pierre Schumacher et ses frères.

 

Un lien souterrain relierait la grotte de Bethléem au trou du Golgotha et au rocher du tombeau. C’est pour que vienne le moment où le mur qui empêche d’aller de Jérusalem à Bethléem, sera démoli. Régina faisait se rejoindre ces trois moments de la vie de Jésus. Il en va de l’avenir de notre Humanité.

 

Lucien : Oui Régina, au ciel on fêtera la fête de Noël, parce que nous ressusciterons.

 

Regina : Et le nouvel an aussi, la Toussaint, tout ça ?

 

Lucien : C’est beau Régina, où c’est que tu nous emmènes !

 

Voilà que c’était Régina qui marchait devant moi dans l’acte de foi-confiance que Jésus nous entraîne dès maintenant dans la résurrection, dans une autre façon de vivre qui n’est plus limitée et arrêtée.

 

Lucien : Oui Régina nous vivons éternellement toutes ces fêtes-là : Toussaint. Tout ça.

 

Regina : Mais on ne le voit pas.

 

Lucien : Il y a un petit Prince qui continue de nous interpeler à faire confiance que l’essentiel est invisible pour nos yeux. C’est passionnant de chercher à voir avec le cœur.

 

Regina : Là je pense à mon papa, à Michel, est ce qu’ils m’entendent ?

 

Lucien : Oui Régina, je crois qu’ils t’entendent. Ils continuent de te donner tout leur amour. Continuons nous aussi à leur donner tout notre amour à ceux avec qui nous avons créé des liens..

 

Entendons-nous bien là-dessus.

 

Lulu

 

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Ton sourire m'a sauvé !

5 Avril 2020, 20:15pm

Publié par luluencampvolant

Beau sourire brésilien (photo de Fr. Phliponeau)

Beau sourire brésilien (photo de Fr. Phliponeau)

Dampierre, le 5 Avril 2020

 

« C’EST TON SOURIRE QUI M’A SAUVE LORSQU’IL SE DESSINAIT SUR TON VISAGE … »

(Un lépreux africain à sa femme)

 

C’était durant les années 1953-1954 que j’avais trouvé cette parole dans un livre où étaient racontées les conditions de vie dans une léproserie à la périphérie d’un village africain.

 

Je ne sais plus si le livre était écrit par Raoul FOLLEREAU ou les Frères JACQUARD. Ce lépreux dont j’ai toujours gardé les paroles avait été reclus, avec plusieurs autres malades du village, dans une léproserie assez loin des habitations pour éviter la contamination. Beaucoup plus tard lorsqu’arriva la guérison, cet homme racontait que ce qui les avait sauvés, certes, c’étaient les soins et le confinement mais c’était aussi beaucoup pour lui « parce que, disait-il à sa femme, tu venais chaque soir. Nous ne pouvions rien nous dire. Nous étions trop éloignés l’un de l’autre. Mais c’est ton sourire qui m’a sauvé, lorsqu’il se dessinait sur ton visage qui m’apparaissait au-dessus du mur derrière lequel nous étions enfermés. »

 

Dans le confinement que nous vivons il me revient cette page d’un livre qui a marqué mon adolescence. En amitié solidaire, je voudrais ne pas la garder pour moi. Je l’offre à toutes celles et ceux qui sont obligés d’aller soigner les malades au risque d’attraper le coronavirus … ne pouvant pas rejoindre leurs enfants ou leurs parents âgés afin de ne pas les contaminer…

 

A tous les nombreux amis avec qui nous nous téléphonons, je veux offrir cette page.

 

A l’amie qui me disait ce matin « Tous les deux jours je vais voir ma maman qui est un peu perdue au milieu de ce qui arrive au monde entier … J’essaye de l’aider à ne pas laisser échapper les points de repère qui lui restent … Mais je veux te parler aussi de la maman d’une de mes amies : sa maman est dans une maison de retraite. Toute visite est interdite à tous les résidents. Et la maman de mon amie dit : Pourquoi plus personne ne vient me voir ? Quel mal je leur ai fait ? Est-ce que je suis punie pour quelque chose que je leur ai fait ? » Comment expliquer à quelqu’un qui est sourd au téléphone ? Demander aux agents hospitaliers est devenu très difficile … Ils ont un emploi du temps impossible … Je voulais te partager tout ça. »

 

Il va nous falloir beaucoup de délicatesse entre nous tous et laisser souffler l’esprit inventif pour chercher et trouver moyen que nous reconnaissions tous que c’est une grande épreuve que l’on n’a jamais vue à un tel degré et à une telle échelle pour toute notre Humanité.

 

Si nous peinons d’être astreints au confinement, pensons à ceux qui ont double peine.

 

Je raconte à mon amie ce qui vient d’arriver aux 14 religieuses de la communauté des sœurs dominicaines des campagnes, en retraite à Orchamps. Leur maison d’habitation a pris feu. Je suis très marqué et touché par ce qui a été cherché et donné pour trouver dans l’immédiat un lieu d’habitation. « La maison familiale d’Amange » à toutes ces personnes en situation très fragile en raison de leur âge et de leur santé. Je suis émerveillé par la solidarité dont nous sommes capables, aussi bien de manière interpersonnelle que de façon intercommunautaire.

 

Il y en a aussi de l’esprit inventif dans la lutte acharnée que mènent les personnes travaillant dans les hôpitaux, dans les EHPAD comme celui de Neufchâteau où sont nos amis Claude et sœur Thérèse de Falletans ainsi que les sœurs Denise, dans les sous-sols des laboratoires, dans les transports, pour arrêter l’invasion du coronavirus. C’est un travail qui se passe dans les souterrains de la Terre, dans le ventre de notre mère. Il y a vraiment de quoi espérer dans l’Humanité.

 

Au-dessus des murs de nos confinements la petite fille espérance est venue nous rejoindre.

 

Avec vous je suis très touché qu’elle nous apparaisse, et que sur son visage, humblement, se dessine un sourire. Comme vous et avec vous je comprends qu’elle nous dit : » Vous verrez… pour toute la Terre ça ne pourra plus être comme avant. » 

Lulu

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