A l'heure de l'Angélus.
Dampierre le 16 juillet 2020
QU’EST-CE QUI VA NOUS ÊTRE ANNONCÉ ?
L’Angélus vient de sonner et en même temps le téléphone sonne aussi. C’est Régina qui est au bout du fil.
Régina vient de reprendre son travail aux ateliers de l’ESAT d’Arbois. Elle est encore très éprouvée par les conséquences de l’accident de vélo qu’elle a eu il y a un peu plus d’un mois.
Régina : J’ai eu 7 points de suture entre les gencives et les lèvres... Je n’ai plus de dents. Heureusement qu’il y a Dominique mon compagnon.
Lucien : Et tu as repris le travail ?
Régina : Oui ! Hier !
Lucien : Tu es très courageuse.
Régina : Quand c’est qu’on fera « la percée du jus de pommes ?
Lucien : J’espère qu’on pourra la faire cette année à Dampierre.
Régina : Bruno, qui te donne bien le bonjour me demande : Quand c’est qu’on va à Dampierre dans la maison de Lulu ? »
Lucien : Je suis très touché de ce que tu me dis. Parce que justement avec Jeannot nous continuons d’aménager la maison pour que nous puissions nous retrouver... faire un jus de pommes... une ballade au pas des ânes.
Régina : Oui, tu es revenu dans ta maison ?
Lucien : Oui et avec Jeannot, on fait tout pour qu’on puisse un jour se retrouver avec vous... On nettoie aussi la maison pour refaire une chambre à Jeannot...
Un petit moment de silence s’établit entre nous... Je sens Régina pensive et voulant exprimer une des questions habitent son être... et qu’elle est heureuse de faire sortir d’elle-même... pour nous l’offrir... Il faut que le moment vienne... je crois qu’il est venu...
Régina : Est-ce que quand on sera au ciel on aura chacun une chambre ? Je voudrais bien mon confort quand on sera au ciel !
Pour Régina et pour beaucoup de nos amis qui sont au foyer depuis leur jeunesse parfois depuis leur prime enfance, la question d’accéder à une chambre dans le foyer où ils sont placés est une question récurrente. C’est tellement fondamental pour tout être humain de pouvoir loger sa personne dans un endroit de la Terre que la société lui reconnaît bien à lui. Son intimité y sera protégée. De cet enracinement nous pourrons nous embrancher avec les autres. Pour Régina, le Paradis qu’elle espère est dans le prolongement de ce qu’elle aura connu de beau sur la Terre. Après avoir été si longtemps de foyer en foyer, qu’est-ce qu’elle a été heureuse d’accéder à une chambre, puis à un logement.
Régina : (née le 1er février 1966) Est-ce que là-haut on fête les anniversaires ?
Ce n’est pas tellement à moi que Régina demande de répondre aux questions qu’elle est en train de poser. C’est beaucoup à elle-même qu’elle pose ces questions.
La façon dont elle me les offre et dont je les reçois, silencieusement, lui donne réponse.
Elle pose une 3ème question mais il y’a la réponse qui s’y ajoute immédiatement : En effet Régina dit de manière affirmative :
Régina : Au ciel il y aura même la fête de Noël.
Lucien : J’ai l’impression Régina que c’est au Bon Dieu que tu poses ces questions... Tu me donnes la joie de les entendre... C’est une belle prière que tu as commencée. Je trouve très beau ton acte de foi-confiance en Dieu notre Père..
Je sens une profonde joie habiter l’être de Régina. Elle dit comme si on était au campement du Frasnois il y a 15 ans... Elle donne au temps... teneur d’éternité...
Régina : Attends... J’allume mon petit feu... Stéphane me dit : « Oh Régina, pourquoi tu as le nez noir... parce que j’ai embrassé mon petit feu...
Lucien : Je vais bientôt voir Rachel. Avec elle et son ami Yohann nous allons bientôt camper au Frasnois...
Régina : Tu lui donneras le bonjour... Et puis son papa... il va comment ? Il marche ?
Lucien : Oh si tu voyais comme il marche !
Régina : J’ai prié le Bon Dieu pour qu’il marche... J’ai l’impression que le Bon Dieu me parle...
Et voilà Régina partie à laisser travailler en elle la présence de ce Dieu qui lui parle. Elle dit en nous emmenant près de Jésus, quand il était sur la croix... puis dans la tombe... Je me laisse embarquer... Elle dit :
Régina : C’était pas une religieuse qui avait des longs cheveux, qui pleurait sur la tombe parce qu’elle voulait qu’il ressuscite... ? C’était pas Elisabeth qu’elle s’appelait... ?
Lucien : C’était Marie-Madeleine.
Régina : Elle pleurait...
Et Régina poursuit son engagement de pensée, en faisant surgir en elle les évocations... Elle dit :
Régina : Ah oui...Elisabeth c’est la cousine de Marie... elle était tombée enceinte... Est-ce que c’est la cousine qui a accouché la première.
Lucien : Oui, c’est d’abord la cousine Elisabeth qui a accouché de Jean-Baptiste...
Régina : Et Jésus est né le 25 décembre... Parce que Marie était enceinte de Joseph... Marie a dit à Joseph... « J’attends un enfant de toi »
Régina dans la façon de me raconter la conception de Jésus accueille que nous nous situions en chercheurs de l’Evangile... Elle va accueillir que je lui dise « l’extraordinaire » de cette naissance de Jésus.
Lucien : Marie est tombée enceinte du Saint Esprit, de la force d’aimer de Dieu. Jésus est fils de Dieu. Et moi j’accueille de la part de Régina « l’ordinaire » de cette naissance.
Jésus est bien enfant de notre Humanité, enfant de la Vierge Marie, femme de chez nous... et... il est fils de Dieu.
« L’ordinaire » et « l’extraordinaire » sont entremêlés. D’ailleurs pour chacun des humains que nous sommes, est-ce que ces deux mouvements ordinaire et extraordinaire de l’enfantement, ne se sont pas emmêlés pour que nous venions au monde ?!
Régina :...Qui avait mis enceinte la Vierge Marie...? Je ne me rappelais plus... Ah oui... C’est l’Esprit Saint qui a mis enceinte la Vierge Marie... Elle a accouché dans une étable et tous les apôtres sont venus lui rendre visite... et il y avait des anges... c’est pour ça qu’on chante : « Les anges dans nos campagnes » chantent « il est né le divin enfant... il est ressuscité... »
Une fois encore je me laisse toucher par ce fait que ce sont les petits et les pauvres qui nous évangélisent. Comme les grands mystiques Régina emmêle la naissance de Jésus et sa résurrection... Bethléem, la grotte entrouverte et Jérusalem le tombeau ouvert.
Lucien Converset