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Lulu en camp volant

Où peut bien crécher la petite fille Espérance ?

26 Décembre 2021, 22:13pm

Publié par luluencampvolant

Dampierre, le 19 décembre 2021

   

OU PEUT BIEN CRECHER LA PETITE FILLE ESPÉRANCE ?


La nouvelle est en train de se répandre à plein d’endroits de la Terre des Hommes : en France, en Franche-Comté, en Europe, en Pologne, en beaucoup de carrefours du Moyen Orient, en Inde …

«  Jean-Marie MULLER est mort » 

Et dans l’immédiat un écho se fait entendre : « Continuons de vivre dans le sillage qu’il nous a tracé »
 

Nous voilà recevant un sacré héritage, celui-là de la non-violence portant dans ses bras une petite fille, la petite fille dont parle Charles PEGUY, « la petite fille Espérance »


Cher Jean-Marie,


Dans ta vie de chercheur du sens de notre existence, tu as découvert comme une étoile dans notre univers : c’est la non-violence. Elle a illuminé ta vie.
Et comme tout vrai chercheur, tu as voulu communiquer et partager ce qui t’étais donné.
Ce fut la passion de ta vie.
Nous allons être nombreux à exprimer notre amitié reconnaissante à ta famille, à ton épouse Hélène, à vos enfants Isabelle et Vincent, à leurs conjoints, à vos petits-enfants.
Les équipes d’artisans de la non-violence que tu as suscitées tout au long de ta vie. Vous n’avez pas cessé de nous faire voir la beauté et la vérité de l’héritage qui nous est donné, en même temps que l’urgence de l’exercer, d’en fabriquer une stratégie, afin d’être efficaces le plus vite possible dans l’établissement de la PAIX.
Nous démettre de nos forces de pouvoir, de savoir et d’avoir, afin de les orienter à être au service de l’évolution de notre Humanité.
Tel est l’appel que nous ressentons.


Elle est merveilleuse la mine des trésors de la non-violence dans laquelle tu nous a fait entrer, Jean-Marie, à la suite de TOLSTOÏ, GANDHI, LUTHER KING, BOLLARDIÈRE, Simone WEILL, les MOINES DE THIBIRINE et bien sûr du galiléen JÉSUS, comme tu aimais l’appeler.


Qu’est-ce que c’est beau et source d’engagement ce que tu as ramassé dans tes nombreux livres et dit dans tes multiples conférences, à propos de la vie actée de tous ces humbles témoins-artisans, d’un monde où l’on cherche à faire de la place, d’abord à ceux qui n’ont pas encore trouvé la leur : les petits et les pauvres de nos sociétés, les gens éprouvés et réprouvés. Combien de fois je t’ai entendu appeler toi et nous à cette attitude politique authentique : « après vous, et non pas d’abord nous » Tout cela nous provoquait et continue de nous interpeler à entreprendre de véritables débats. Nous ne pouvons devenir d’authentiques hommes et femmes politiques que si nous faisons de nos ministères des ateliers de service, d’où sortent des décrets débouchant immédiatement dans des actes qui tiennent compte d’abord de la situation des plus démunis …


Avec Jean DESBOIS et Jean-Pierre PERRIN, tu as été traduit au tribunal, parce que vous exigiez la reconnaissance de votre statut d’objecteurs de conscience. Pour cela vous avez dû renvoyer vos livrets militaires. Afin de ne pas renouveler des drames comme celui de la guerre d’Algérie, dont nous sortions, vous avez mené ces actions non-violentes. L’évêque Guy RIOBE d’ORLEANS a su être à vos côtés. Nous avons cherché à faire de même, là où nous vivions. Nous avons senti à travers ce « Procès à ORLÉANS » la nécessité de nous laisser habiter par le souffle de la non-violence. Vous nous avez fait comprendre qu’il en allait de l’avenir de notre Humanité.


En effet une idole était érigée sur les autels des États. C’était la bombe nucléaire. Au regard des détenteurs du pouvoir, nous devions tous nous incliner sous sa protection. Tu as su Jean-Marie nous appeler à la déboulonner. Nous étions de tout notre être solidaires de vos engagements quand avec des gens comme Jacques BOLLARDIÈRE, Jean TOULAT et Brice LALONDE, vous êtes allés dans le Pacifique sur ce petit bateau, le FREE, afin d’empêcher la poursuite de ces actes criminels que sont les essais nucléaires dans l’océan, comme ceux que nous avions commis dans le SAHARA quelques années auparavant. Tu nous a aidés à analyser les causes et les conséquences de ces violences faites à notre Humanité.
En procédant à de tels essais nous détruisons la Terre notre Mère. Nous affamons nos frères et sœurs, en Humanité, en les privant du pain quotidien, et en méprisant leur dignité.


C’est pour enrayer ce désastre, qu’à beaucoup d’endroits se sont constituées de petites équipes du mouvement pour une alternative non-violente, le M.A.N.V. En Franche-Comté, la région où tu es né, nous avons créé un petit groupe d’amis résistants à la violence nucléaire, institutionnalisée par notre État.
Pour avancer dans ton sillage Jean-Marie, nous nous sommes fédérés avec le groupe M.A.N.V.de DIJON. Nous faisons partie d’ICAN. Dans plusieurs villages et villes de notre région, nous plantons de petits GINKGOS BILOBA et avec les conseillers municipaux et le Maire, nous demandons instamment que le Président de la République Française signe le TIAN. Nous demandons l’arrêt de l’armement nucléaire de la France de manière unilatérale.

 

Jean-Marie, ton épouse, tes enfants et petits-enfants ont été présents à tes côtés jusqu’au bout de ta vie.
Ainsi l’héritage de la non-violence dont tes écrits et tes actes étaient porteurs pouvaient continuer à parvenir aux 4 coins du monde.
Je n’oublierai jamais qu’après le drame de l’enlèvement des moines de TIBHIRINE en ALGÉRIE, tu as écrit un livre sur la vie de ces témoins et artisans de la Paix durant les années noires subies par le peuple algérien. Parmi tous les gens que tu as interviewés, il y a le frère Jean-Pierre SCHUMACHER qui vient de mourir un mois avant toi, le 21 novembre.
Tu avais dédicacé et offert ton livre sur les moines de TIBHIRINE, à notre ami jurassien Gaby MAIRE, assassiné le 23 décembre 1989 à VITORIA au BRÉSIL.
Gaby lui aussi, avait voulu donner sa vie à ceux qu’il aimait.


Les paroles mises en actes par tous ces témoins, ne sont-elles pas l’expression de cet évangile de la NON - VIOLENCE que tu as écrit et vécu. Jean-Marie, célébrant et reconnaissant qu’à NOËL le Verbe se fait chair. Notre Humanité ne peut être libérée que si elle se laisse évangéliser par le souffle de la non-violence que nous font respirer les petits et les pauvres.

Merci et amitié reconnaissante à vous Jean-Marie, Jean-Pierre, Gaby et combien d’autres amis de la non-violence, de vous retrouver en ce temps de Noël afin de nous faire voir où crèche la petite fille Espérance.
 

Réjouis-toi Jean-Marie. Le pape François a pris le relais de cet évangile de la non-violence, le chemin de la Paix par le désarmement unilatéral. 
Tu as tellement interpellé les évêques de France, à nous entrainer sur ce chemin de la non-violence, que ça va se réaliser au moment de votre mort Jean-Marie MULLER, Gaby MAIRE, Alice DOMON, Léonie DUQUET, Jean-Pierre SCHUMACHER, Desmond TUTU.

 

Lulu
 

Jean-Marie à Dampierre invité par l’association ADN en avril 2015

Jean-Marie à Dampierre invité par l’association ADN en avril 2015

Les obsèques de Jean-Marie seront célébrées ce 27 décembre à 14h30 à Fleury-les-Aubrais.

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C'est en Jésus qu'est mise l'Espérance !

18 Décembre 2021, 14:42pm

Publié par "Les amis de Gabriel Maire"

Cet article est reposté depuis Les amis de Gabriel MAIRE.

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Discours du pape François à Chypre : "pas d'alternative à la paix..."

16 Décembre 2021, 12:25pm

Publié par luluencampvolant

Discours du pape François à Chypre : "pas d'alternative à la paix..."

Monsieur le Président de la République,

Membres du Gouvernement et du Corps diplomatique,

Distinguées autorités religieuses et civiles,

Éminents représentants de la société et du monde de la culture,

Mesdames et messieurs !

Je vous salue cordialement, et vous exprime ma joie d’être ici. Je vous remercie, Monsieur le Président, pour l’accueil que vous m’avez réservé au nom de toute la population. Je suis venu en pèlerin dans ce pays, petit par la géographie, mais grand par l’histoire ; une île qui, au fil des siècles, n’a pas isolé les peuples, mais les a reliés ; une terre qui a la mer pour frontière ; un lieu qui forme la porte orientale de l’Europe et la porte occidentale du Moyen-Orient. Vous êtes une porte ouverte, un port qui relie : Chypre, carrefour de civilisations, porte en elle une vocation innée à la rencontre, facilitée par le caractère accueillant des Chypriotes.

Nous venons de rendre hommage au premier Président de cette République, l’archevêque Makarios, et en faisant ce geste, j’ai voulu rendre hommage à tous les citoyens. Son nom, Makarios, évoque les paroles initiales du premier discours de Jésus : les Béatitudes (cf. Mt 5, 3-12). Qui est makarios, qui est vraiment bienheureux selon la foi chrétienne, à laquelle cette terre est inséparablement liée ? Tous peuvent être bienheureux, mais surtout les pauvres en esprit, les blessés de la vie, ceux qui vivent avec douceur et miséricorde, ceux qui, sans le montrer, pratiquent la justice et construisent la paix. Les Béatitudes, chers amis, sont la constitution pérenne du christianisme. Les vivre permet à l’Évangile d’être toujours jeune et de féconder d’espérance la société. Les Béatitudes sont la boussole qui guide, sous toutes les latitudes, les itinéraires que les chrétiens affrontent sur le chemin de la vie.

C’est ici même où l’Europe et l’Orient se rencontrent que la première grande inculturation de l’Évangile a commencé sur le continent, et il est émouvant pour moi de marcher à mon tour sur les pas des grands missionnaires des origines, en particulier les saints Paul, Barnabé et Marc. Me voici donc pèlerin parmi vous pour marcher avec vous, chers Chypriotes ; avec vous tous, dans le désir que, d’ici, la Bonne Nouvelle de l’Évangile puisse apporter à l’Europe son joyeux message sous le signe des Béatitudes. Ce que les premiers chrétiens ont donné au monde par la douce force de l’Esprit était un message de beauté sans précédent. Ce fut la nouveauté surprenante du bonheur à portée de tous, à gagner les cœurs et les libertés de tant de personnes. Ce pays a un héritage particulier à cet égard, en tant que messager de beauté entre continents. Le territoire de Chypre resplendit de beauté, une beauté qui doit être protégée et sauvegardée par des politiques environnementales appropriées et concertées avec ses voisins. La beauté transparaît également à travers l’architecture, l’art, notamment l’art sacré, l’artisanat religieux et les nombreux trésors archéologiques. En utilisant une image à partir de la mer qui nous entoure, je dirais que cette île est comme une perle de grande valeur au cœur de la Méditerranée.

Une perle, en effet, se forme au fil du temps : il faut des années pour que les différentes stratifications la rendent compacte et brillante. De la même façon, la beauté de cette terre provient des cultures qui se sont rencontrées et mélangées au fil des siècles. Aujourd’hui encore, la lumière de Chypre offre de multiples facettes : il y a tant de peuples et de personnes qui, avec des couleurs différentes, composent la gamme chromatique de cette population. Je pense aussi à la présence de nombreux immigrés, le plus grand pourcentage parmi les pays de l’Union européenne. Préserver la beauté multicolore et polyédrique de l’ensemble n’est pas chose aisée. Comme pour la formation d’une perle, cela exige du temps et de la patience, une vision large qui englobe la variété des cultures et envisage l’avenir avec clairvoyance. En ce sens, il est important de protéger et de promouvoir chaque composante de la société, en particulier celles qui sont statistiquement minoritaires. Je pense également aux différents organismes catholiques qui pourraient bénéficier d’une reconnaissance institutionnelle appropriée, afin que la contribution qu’ils apportent à la société par leurs activités, notamment éducatives et caritatives, soit définie clairement d’un point de vue juridique. Une perle fait ressortir sa beauté dans les circonstances difficiles. Elle naît dans l’obscurité, lorsque l’huître « souffre » après une visite inattendue qui menace son intégrité, comme par exemple un grain de sable qui l’irrite. Pour se protéger, elle réagit en assimilant ce qui l’a blessée : elle enveloppe ce qui lui est dangereux et étranger, et le transforme en beauté, en perle. La perle de Chypre a été obscurcie par la pandémie, qui a empêché de nombreux visiteurs d’y accéder et d’en voir la beauté, aggravant, comme en d’autres lieux, les conséquences de la crise économique et financière. En ce temps de reprise, ce ne sera pourtant pas la frénésie à rattraper le temps perdu qui garantira un développement solide et durable, mais plutôt l’engagement à promouvoir une société plus saine, notamment à travers une lutte déterminée contre la corruption et les fléaux qui portent atteinte à la dignité de la personne ; je pense en particulier aux trafics des êtres humains.

Mais la blessure dont souffre le plus cette terre est la terrible lacération subie au cours des dernières décennies. Je pense à la souffrance intérieure de tous ceux qui ne peuvent pas retourner dans leurs maisons ni dans leurs lieux de culte. Je prie pour votre paix, pour la paix de toute l’île, et je la souhaite de toutes mes forces. Le chemin de la paix, qui guérit les conflits et régénère la beauté de la fraternité, est balisé par un mot : dialogue. Nous devons nous aider à croire à la force patiente et douce du dialogue, en puisant cette force dans les Béatitudes. Nous savons que ce chemin n’est pas facile, qu’il est long et sinueux, mais il n’y a pas d’alternative pour parvenir à la réconciliation. Nourrissons l’espérance par la force des gestes, plutôt que d’espérer des gestes de force. Parce les gestes qui préparent la paix ont une force : non pas celle des gestes de pouvoir, des menaces de représailles ou des démonstrations de force, mais celle des gestes de détente, des pas concrets de dialogue. Je pense, par exemple, à l’engagement en faveur d’une discussion franche qui mette au premier plan les besoins de la population, ou encore à une implication toujours plus active de la Communauté internationale, à la sauvegarde du patrimoine religieux et culturel, et en ce sens à la restitution de ce qui est particulièrement cher à la population, comme les lieux ou au moins le mobilier sacré. À ce propos, je voudrais exprimer mon appréciation et mon encouragement pour le Religious Track of the Cyprus Peace Project, promu par l’ambassade de Suède, afin de cultiver le dialogue entre les chefs religieux.

Ce sont précisément les périodes en apparence peu propices et durant lesquelles le dialogue piétine, qui peuvent pourtant préparer la paix. C’est encore une fois la perle qui nous le rappelle, lorsqu’elle devient elle-même en tissant, dans une obscure patience, de nouvelles substances avec l’agent qui l’a blessée. Dans ces moments-là, ne laissons pas la haine l’emporter, ne renonçons pas à panser les plaies, n’oublions pas le sort des disparus. Et lorsque vient la tentation du découragement, pensons aux générations futures qui souhaitent hériter d’un monde pacifique, coopératif et uni, qui ne soit pas habité par d’éternelles rivalités et pollué par des querelles non résolues. C’est à cela que sert le dialogue, sans lequel la suspicion et le ressentiment grandissent. Que la Méditerranée soit notre point de référence, aujourd’hui malheureusement lieu de conflits et de tragédies humanitaires. Dans sa profonde beauté, elle est la Mare nostrum, la mer de tous les peuples qui l’entourent pour être reliés et non divisés. Chypre, carrefour géographique, historique, culturel et religieux, bénéficie de cette position pour mettre en œuvre une action de paix. Qu’elle soit un chantier ouvert pour la paix en Méditerranée.

Bien souvent, la paix ne vient pas des grands personnages, mais de la détermination quotidienne des plus petits. Le continent européen a besoin de réconciliation et d’unité, il a besoin de courage et d’élan pour aller de l’avant. Parce que les murs de la peur et les vetos dictés par des intérêts nationalistes ne contribueront pas à sa progression, pas plus que la reprise économique ne garantira à elle seule sa sécurité et sa stabilité. Regardons l’histoire de Chypre et voyons comment la rencontre et l’accueil ont porté des fruits bénéfiques à long terme. Non seulement au regard de l’histoire du christianisme, dont Chypre a été le « tremplin » vers le continent, mais aussi pour la construction d’une société qui a trouvé sa richesse dans l’intégration. Cet esprit d’ouverture, cette capacité à regarder au-delà de ses propres frontières rajeunit, et permet de retrouver le lustre perdu.

À propos de Chypre, les Actes des Apôtres rapportent que Paul et Barnabé ont « traversé toute l’île » pour atteindre Paphos (cf. Actes 13, 6). C’est une joie pour moi de parcourir l’histoire et l’âme de cette terre au cours de ces journées, avec le désir que son aspiration à l’unité et son message de beauté continuent à en guider le chemin. O Theós na evloghi tin Kipro ! [Que Dieu bénisse Chypre !]

 2 décembre 2021

 

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Lettre au frère Jean-Pierre Schumacher

15 Décembre 2021, 12:32pm

Publié par luluencampvolant

Lettre au frère Jean-Pierre Schumacher

Acey, le 21 novembre 2021


« EN FAIT, N’ÉTIEZ VOUS QUE SEPT A TIBHIRINE, DANS LA NUIT DU 27 MARS 1996 ? »


 Le chef du commando qui commet le rapt des moines de TIBHIRINE dans la nuit du 27 mars 1996, s’écrie fortement à un moment en disant :
« Il y en a bien sept ? »


 C’est dans ce brouhaha dramatique que sept frères sont violemment emmenés, probablement par un groupe armé de djihadistes. Leur chef pensait emmener tous les moines du monastère, persuadé qu’ils étaient sept. Ainsi tout cet îlot de résistance non-violente serait annihilé.
 C’est ainsi que les frères Amédée et Jean-Pierre ne furent pas emmenés. Pourquoi les mains des ravisseurs ont tickletté à la porte de leur chambre à l’un et l’autre, et ne sont pas allés plus loin afin de les chercher et de les emmener avec les sept autres.
 Cette question a dû longtemps tarauder vos êtres chers Amédée et Jean-Pierre… Ça a dû tirailler dans le fond de vos consciences jusqu’au moment de votre mort, la tienne en 2008 Amédée et la tienne Jean-Pierre, aujourd’hui 21 novembre 2021.


Jean-Pierre, nous venons d’apprendre ta mort dans l’enceinte de l’ABBAYE D’ACEY par les frères moines. C’est eux, Benoit, Jean-Marc, Philippe, Bernard, Godefroy et tous les autres… ils avaient été les facilitateurs des liens indéfaisables de l’amitié qui commença de naître entre vous et nous. Comment avait bien pu naître et apparaître cette relation ?


 Un peu, beaucoup, comme si l’eucharistie du dimanche devait se continuer par le repas, Godefroy, nouvel abbé, et les autres frères nous avaient invités quelques hôtes de passage et moi, à partager leurs agapes du dimanche dans leur salle à manger.
 Nous étions en train de manger et apprécier le repas préparé par le frère Julien et servi par le frère Jean-Marc. Je venais de dire avec estime à Julien : « C’est toi qui a préparé cette choucroute pour nous tous avec les légumes de votre jardin… » Julien en compagnie de Jacques et Marie-Bernard, les autres frères avec qui nous mangions… recevaient avec le sourire ce que je tentais de leur dire… lorsque Godefroy agita une petite clochette… Tout le monde se tut. Il avait quelque chose de très important à nous confier, qui venait de lui être apporté : « Le frère Jean-Pierre Schumacher, un de nos frères de Midelt, vient de mourir… » Une émotion profonde gagna le fond de nos êtres à tous…


 Comme dans l’eucharistie, nous prenons conscience en entendant cela que Jean-Pierre semence, fils du meunier de Moselle, tombait en terre beaucoup imprégnée de l’Islam, tel un grain de blé. Jean-Pierre retrouvait ses frères de Tibhirine. Ils n’étaient donc pas rien que sept dans la nuit du 27 mars 1996 à Tibhirine .
 Debout dans la salle à manger afin de nous trouver en réception de cette annonce de ta mort Jean-Pierre … on resta ainsi quelques instants… J’ exprimai aux frères de l’abbaye d’Acey ma reconnaissance pour les liens créés avec toi Jean-Pierre et ma découverte grâce à ce que tu nous avais offert lors de nos rencontres avec toi à Midelt et à Oran, lors de la béatification des sept frères et de leurs 12 compagnes et compagnons.


 Qu’est-ce que Jean-Pierre, tu nous as donc fait découvrir : que nous sommes les héritiers de la non-violence vécue et offerte par tous ces témoins.
 Puis tout le monde s’est rassis à table. Chacun de nous se mit sans doute à écouter les autres raconter comment ils avaient connu les moines de THIBIRINE, et parmi eux Jean-Pierre.
Je racontai un peu à Jacques, Julien et Marie-Bernard et un autre frère, comment cette livraison d’un tel héritage nous était parvenue. Mais très vite d’autres faits surgirent dans l’échange de nos mots et dans la continuation du partage du repas … Je ne tardai pas à trouver un moment, un lieu, un cahier et un crayon et essayer de ramasser comment tout cela nous est parvenu.


 A mon retour de BETHLEEM, afin de continuer à nous démunir de nos violences, je partis avec des amis pour l’Algérie et particulièrement pour TIBIRINE. C’était avec Bernard et Nelly, leur fils Luc, leur frère Claude et moi. C’est Jean-Marie LASSAUCE qui nous conduisit de l’évêché d’Alger jusqu’à THIBIRINE. Quel guide que ce jardinier !
 Les ravisseurs avaient enlevé vos sept amis moines, mais ils n’avaient pas pu détruire l’héritage de la non-violence que vous nous laissiez.


 Au printemps 2014, avec les amis, tout en plantant des pommes de terre dans le jardin irrigué par la source d’en contre haut qui ne tarit jamais, nous apprenions par Jean-Marie LASSAUSSE, qu’Amédée et toi Jean-Pierre, vous aviez dû, au lendemain du rapt de vos sept frères, quitter THIBIRINE pour ALGER.
C’est là qu’Alphonse GEORGER vous accueillit à l’évêché-bibliothèque d’ALGER. Puis vous avez quitté l’ALGERIE pour le MAROC, tout d’abord à FEZ puis à MIDELT.


 C’est grâce aux frères Benoit et Jean-Marc de l’abbaye d’Acey que je me mis en route pour le Maroc en 2015.
 Ne pouvant garder rien que pour moi ce que je découvrais en t’écoutant Jean-Pierre, nous faire prendre conscience que l’héritage de la non-violence n’est pas l’affaire que de quelques-uns mais qu’il est offert à tout le monde. Afin de recevoir cet héritage nous avons organisé en direction du lieu où tu habitais avec quelques autres moines, un voyage dans lequel nous sommes toujours en train d’opérer des déplacements.


En effet il est nécessaire de souvent se remettre en cause, si l’on est déterminé ã continuer de naître à la non-violence.
 Partant pour la capitale de la Pomme au Maroc, MIDELT, nous avions expédié les outils nécessaires à la réalisation du jus de pomme dans ce monastère où Jean-Pierre et quatre autres moines vous viviez à travailler et prier ensemble, essayant de réaliser comme une résurgence de TIBHIRINE en Algérie à MIDELT au Maroc.


 Quel accueil vous nous avez fait, Jean-Pierre, toi survivant de TIBHIRINE, rescapé… moine… membre de la communauté désormais appelée monastère de NOTRE DAME DE L’ATLAS.
Nous sentions dès notre arrivée que toi Jean-Pierre avec tes frères Antoine, Luiz, Nuno et Jean-Pierre Flachaire le prieur, vous vouliez humblement être comme un trait d’union entre l’Algérie et le Maroc.
 Oh les moments que nous avons vécus avec vous tous, dans le parfum des repas et du thé à la menthe préparés par BAHRA et OMAR, les moments où c’était avec toi Jean-Pierre que nous vivions particulièrement le partage, étaient rudement attendus.
 Très vite tu nous avais fait prendre conscience que quand on se reconnaît reliés à Jésus-Christ et à la condition humaine toute entière, une sève originale nous est communiquée. Nous touchons un héritage, celui-là de la non-violence.


 Beaucoup de transformations de nos comportements et de nos êtres trouvèrent et prirent leur origine dans les partages réalisés avec toi et nous tous, Jean-Pierre. On ne revint pas comme nous étions partis ! Nous osions davantage aborder et entreprendre de nous défaire et démunir de nos violences.
« Comment dois-je me comporter en face de celui qui m’a fait beaucoup de mal ? Est-ce que je suis appelé à aller jusqu’au pardon ? Ne dois-je pas entrer en résistance lorsque les structures étatiques des pays dans lesquels je suis, deviennent emprisonnantes. Comment résister et nous démunir de ce dont le pays auquel j’appartiens, menace de mort nos compatriotes et les peuples de toute la Terre ?


 L’héritage de THIBIRINE auquel Jean-Pierre nous avait fait accéder durant ce séjour du 9 au 16 septembre à Midelt était lourd à porter dans l’avion de retour. Nos prises de conscience ne nous permettaient pas de nous en délester en faisant croire qu’on le partagerait. C’est en continuant à le vivre que l’on pouvait donner goût à d’autres d’entreprendre de recevoir cet héritage.


 Cela nous aida à accueillir et recevoir le témoignage de Fadila Semaï dans son livre interpelant « L’ami parti devant »
 D’appels en appels il nous fallait aller recevoir les paroles actées de tous « ces témoins partis devant » C’est ce que vivait Jean-Pierre. C’est ce que nous devrons vivre. Fadila et Rachel m’aidèrent profondément à avancer dans cette direction, ainsi que beaucoup d’autres personnes jusqu’à ceux-là dont on ne s’attendait pas que c’étaient eux qui pouvaient nous aider à changer et nous convertir.


 C’est beaucoup grâce à Zohra et Kheidi et leurs cousins d’Oran, que nous avons pu, le frère Jean-Marc abbé d’Acey et moi, participer à la BEATIFICATION le 8 décembre 2018 dans l’église SANTA CRUZ d’ORAN. Ces deux femmes musulmanes avaient dit : « On fera tout pour que vous soyez dans l’église à ce moment-là »
 J’étais heureux durant la béatification des moines de THIBIRINE et de leurs 12 compagnes et compagnons, des 114 imams qui eux aussi donnaient leur vie pour ceux qu’ils aimaient pendant les années noires … Au cours de la célébration et reconnaissance de ces événements ensemençant la Terre de paix, quel bonheur de me trouver à vos côtés Jean-Pierre et Nuno, à ta droite Jean-Pierre, comme la parole de la bible l’exprime « à la droite du Père »


 Au retour de MIDELT et d’ORAN (la béatification des 19 témoins) nous avions continué de nous écrire avec Jean-Pierre grâce à la médiation de :

Rosaline et Rosine
François et Alphonse
Jeannot et Alain
Rachel et ses parents Jacques et Elisabeth
Roberte et Patrice
Luc et Marc
Maguy et Bernard
Frère Benoit et Antoinette.


Nous avions continué à tendre la voile de nos embarcations en direction des personnes déshéritées, parce que, ne se sachant pas héritières de ce trésor de la non-violence.
Et c’est un peu, beaucoup, que Rachel fut dotée par toi Jean-Pierre, de ce souffle de TIBHIRINE lorsqu’elle entreprit son voyage en août 2018. Nous en aurons des échos intenses et profonds dans son livre qui va paraitre bientôt.


 Le pape FRANCOIS et toi Jean-Pierre, vous étiez humblement rayonnants lorsque vous vous êtes déplacés l’un et l’autre pour vous embrasser, lors de sa venue au Maroc le 31 mars 2019. Lui et toi vous nous portiez dans vos cœurs. Nous vous sentions « investis par le don de l’Esprit, dont la joie secrète sera toujours d’établir la communion, et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences ».


 Mardi ton corps reposera dans le petit cimetière de Midelt, au pied du jardin de Notre Dame de l’Atlas, que surent si bien entretenir Bernard et Marc.
 Amédée et toi vous étiez bien à TIBHIRINE. Nous savons maintenant pourquoi en 1996 vous n’avez pas été pris cette nuit-là.


 Vraiment quand nous irons nous recueillir sur ta tombe à Midelt Jean-Pierre, nous penserons à Amédée dans sa tombe à Aiguebelle, aux sept autres de vos frères à THIBIRINE et nous croirons, et nous croyons déjà aux résurgences les uns des autres, qui sont suscitées sous le souffle de l’Esprit. Déjà vous nous aidez à nous remettre debout et à lutter de manière non-violente pour que place soit faite à ceux qui sont arrachés de chez eux. Travaillons afin que plus aucune guerre ne conduise l’Humanité à l’abîme.

 

Frère Jean-Pierre,
Voici qu’il t’est donné, dans l’acte de ta mort, de rejoindre tes frères de Tibhirine.
Et comme le disait Christian de Chergé dans votre testament,
tu vas pouvoir plonger tes yeux dans ceux de Dieu notre Père et regarder les enfants de l’Islam comme il les regarde.
Depuis là où tu es, envoie de temps en temps quelques messages et signes, afin que dans les affrontements entre les peuples dans lesquels nous sommes plongés, nous apprenions à nous envisager les uns les autres, avec la même clairvoyance qui vous habite, frères de Tibhirine. 

 

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