Nouvelle lettre reçue par mail grâce à Baptiste, et à la connexion internet chez Bracha et Nicole.
Ce matin, Lulu et Isidore reprennent la route, Baptiste les accompagnent jusqu'à jeudi.
Lettre du 10 septembre à Kovilj
"Comment nous est-il donné que tu viennes jusqu'à nous ?" Luc 1, 43
Souvent avec les amis travailleurs en C.A.T., ou résidants en foyers de vie, de DOLE, FOUCHERANS, ORCHAMPS, ARBOIS, CRAMANS, MONT-SOUS-VAUDREY, PONTARLIER, SALINS-LES-BAINS... lorsque nous étions en campement ou randonnées et qu'arrivait quelqu'un venant nous voir, nous lui disions : "Comment ça se fait que tu viens nous voir ? Mais d'où ça vient que tu viennes jusqu'à nous ? On a l'impression que t'arrives au bon moment, à la bonne heure. C'est du bonheur !"
Nous cherchions alors grâce à qui nous étions un jour entrés dans ce groupe, dans ce collectif, dans cette communauté où rigolait tant de joie. Nous retrouvions alors les personnes grâce à qui nous étions là. Nous étions remontés en amont, comme quand nous allions à la recherche de la source, de la rivière ou du ruisseau au bord desquels nous avions établi notre campement : la Doulonne, le Ruisseau de la Ferme des Gorges dans la Serre, la Glantine à Vaux-sur-Poligny, le Ruisseau de la Ferme de Norvaux en dessous du Plateau d'Amancey, la Cuisance, la Loue, le Doubs, le Glanon... Il se passait en nous et entre nous comme un mouvement d'action de grâce.
Il y eut même un jour où pour exprimer un tel moment de reconnaissance, pour dire : "C'est grâce à toi", Jeannot employa le mot : "C'est de ta faute". "C'est de ta faute, si je suis si heureux de venir à Dampierre avec Béatrice et tous les amis".
Je gardais en mon coeur ce moment où ces mots étaient sortis de la bouche de Jeannot. Et voici qu'ils me revinrent durant cette marche en direction de Bethléem, le jour où l'âne Isidore n'avait pas voulu franchir le petit pont de bois qui enjambait un tout petit ruisseau. Alors que nous avions fait trois ou quatre kilomètres pour en arriver là, on dut refaire les trois ou quatre kilomètres à rebours. J'étais en colère que l'âne ne veuille pas passer le petit pont de bois et qu'il nous faille refaire des kilomètres en plus. J'avais même frappé l'âne Isidore. Et quelque temps après, un jour que nous étions bien tranquilles tous les deux, il m'avait dit : "Tu ne recommenceras pas de me frapper. Continuons notre recherche de non-violence. Tu te souviens, avait-il ajouté, qu'au bout de notre retour, nous avions trouvé des gens qui nous avaient merveilleusement accueillis. Ils m'avaient donné un picotin d'avoine et tu avais été invité à leur table pour le repas de midi. Tu vois, mon refus de passer le petit pont de bois, que j'ai du mal de t'expliquer, mon refus et les kilomètres que l'on a dû refaire en plus, c'est tout ça qui nous a mis à la bonne heure pour rencontrer ces gens alors que tu me disputais parce que mon refus allait nous mettre en retard... qu'il nous fallait marcher pour rien. Il y avait comme une faute de ma part."
J'ai essayé d'écrire en ramassant ce qui m'arrive très souvent et que je qualifie d'étonnant et merveilleux, élevant notre humanité dans ce petit morceau du blog : "une maille à l'endroit, une maille à l'envers".
Et tout le long de mon chemin (et je ne vais pas pouvoir vous nommer tous), vous êtes très nombreux à fabriquer le chemin de Bethléem avec l'âne Isidore et moi, en mêlant une maille à l'envers avec une maille à l'endroit.
Et je me dis en étant accueilli par Bracha et Nicole, à Kovilj, comme nous le sommes, en voyant arriver chez eux Pauline et Arnaud qui font le tour du monde en tandem, et aussi leurs voisins : Milena et Paya, Gara,, Mile, les enfants Alexandra et Bojana, et depuis hier, l'ami Baptiste, qui est cinéaste, je me dis : "Mais d'où ça vient tout cela ? Comment m'est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu'à moi ?"
Vous l'avez reconnu, ces dernières paroles sont tirées de l'Evangile de Luc. Ce sont les paroles d'Elisabeth adressées on ne sait pas trop à qui. Mais si ! que l'on sait vers qui ces mots jaillissent, à qui ils sont rendus. En même temps qu'à Dieu, c'est à cette jeune femme, Marie, qui porte dans son ventre un trésor qui touche et concerne tout le monde dont on essaye de faire le tour, le parcours de toute la planète, l'ensemble de l'univers.
A travers les mailles à l'envers et les mailles à l'endroit, dans l'assemblage de petits morceaux du puzzle dont pas un n'est pareil, à travers les chutes et les relèvements, dans les passages des soirs aux matins, en entendant le ruissellement des joies et des pleurs, en me laissant toucher par les caresses et les déchirements, découvrant les lignes droites et les détours... plein de questionnements surgissent... j'essaye d'en exprimer quelques-uns :
- Comment ça se passe pour que...?
- D'où ça vient que...?
- Par quel détour ça nous est donné...?
- Comment ça a fait pour arriver jusqu'à nous...?
- Comment se fait-il que le soleil ne s'est pas levé qu'à l'Est ce matin...?
- Pourquoi la lumière qui vient de m'être offerte pour avancer dans ma vie est venue par où je ne m'y attendais pas, de la part de gens que je ne devinais pas qu'ils soient à même de...?
Il y a un peu comme ça :
- une huile essentielle...
- un dégrippant...
- un produit qui décoince ce qui semblait soudé à tout jamais...
- une sève qui se met à ruisseler hors saison...
Comment ça se fait que des hommes et des femmes...? Souvent ça commence par des femmes, parce que ce sont elles qui portent l'enfant dans la chair de leur être, et à cause de cela en un deuxième temps c'est elles qui vont nous apprendre, à nous hommes, à porter l'enfant sur nos épaules, sur notre dos, une fois sorti d'elles... Oui comment se fait-il qu'aujourd'hui des gens disent et font en sorte que ce qui nous paraissait impossible, voilà que nous nous mettons à nous y tenir ?! Par exemple désamorcer ce qui risque gros de casser la terre en mille morceaux, commencer dans un pays à arrêter l'armement nucléaire...
Comment ça peut se faire que ce soit en Serbie profonde, où l'on fait étape avec l'âne Isidore, à Kovilj, que nous parvienne une telle nouvelle : Jean-Marie Müller interpelle Marc Stenger, évêque de Troyes, secrétaire de Pax Christi, de "ne pas oublier notre responsabilité...", d'oser humblement commencer à arrêter l'armement nucléaire en notre pays, la France.
C'est une sacrée bonne nouvelle. Tenons-nous à donner écho à ce que dit Jean-Marie à Marc. Merci Elisabeth. C'est à nous tous que cette lettre est adressée. C'est par la France qu'il nous faut commencer d'arrêter l'armement atomique. C'est une urgence humanitaire. Il n'y a que comme ça que nous pourrons faire que ça s'arrête totalement dans l'ensemble de la Terre.
Evêques de France qui avez l'art, la mission et la possibilité de fabriquer les saintes huiles, vous pouvez être ceux qui mettez le dégrippant du Sermon sur la Montagne dans les rouages de la machine et arrêtez son blocage en une course folle et infernale. Pour faire le tour du monde, il faut qu'il y en ait qui commencent par un endroit et en un lieu précis, que ce soit par des personnes en chair et en os, à un moment fixé. Dites ! Si c'était nous avec vous, aujourd'hui.