Lettre qui ne suit pas l'ordre chronologique, Lulu a passé la frontière Slovaquie-Hongrie le 27 juillet...
Le mercredi 25 juillet 2012 à Klizska Nema (Slovaquie, bientôt en Hongrie)
Levé au chant du coq. Tout de suite assailli par les moustiques en sortant de la tente que j’ai installée hier soir sous l’abribus, je vais détacher l’âne Isidore de dessous le pommier où je l’ai attaché pour la nuit. Et je le mets dans cet endroit clos presque en totalité. C’est important qu’il ait bien mangé avant que nous ne reprenions notre chemin en direction de Komarno par la véloroute, « variante durch die SLOVAKEI »
C’est beau ce qui nous est arrivé hier soir ! Quel accueil ! Quelque chose de ce qui s’est passé à Bethléem il y a un peu plus de de 2000 ans. Les petites filles pauvres qui dans l’immédiat se mettent en quatre pour nous accueillir.
Nous venons de quitter la véloroute (sur digue du Danube) pour entrer dans le village de Kilizska Nema. La première chose qui de loin attire mon regard alors que les premières gouttes de pluie nous tombent dessus, c’est un abribus. Je dis à Isidore : « voilà qui peut devenir notre point de repère pour ce soir et cette nuit. » Il me dit : « Après tout ce que nous avons vécu durant cette journée, c’est important que nous ayons un endroit pour nous poser, et nous reposer. »
J’ai remarqué qu’en face de cet abribut se trouve une importante maison, un peu comme un centre hospitalier. C’est écrit en grosses lettres bleues : « Domon Dochodcov ». Ça me fait penser à la maison de Iris à Saint-Aubin où j’allais voir Louis et Madeleine, ainsi que Guy et Lucie.
Je n’ai pas fini d’attacher l’âne à une rambarde de fer de l’abribus, qu’une femme en blouse blanche sort de cet établissement et me demande si elle peut nous prendre en photo l’âne et moi. Je lui fais comprendre que nous nous arrêtons sous l’abribus en raison de la pluie qui commence à nous tomber dessus. Je reçois de cette femme comme une compréhension, un aval et comme un accord. Alors qu’elle n’a pas forcément d’accord à me donner. Mais je suis un étranger, un nomade qui arrive dans un coin de la terre qui est le sien, le leur. Et un peu comme pour donner plénitude à cet accord, voilà qu’arrivent 4 ou 5 femmes en blouse blanche elles aussi, puis des personnes résidentes. Je me sens fraternellement accueilli. L’âne est caressé et pris en photo par plusieurs et je voudrais bien pouvoir leur exprimer ma reconnaissance pour un tel accueil. Et voici que parmi les personnes résidentes dans cet établissement qui viennent d’arriver, l’une d’entre elles me dit « Je parle français : à 20 ans, j’étais à Paris au pair. Je m’appelle Edith. Puis devinant ma recherche parce que j’ai du dire que j’allais à Bethléem avec mon âne, elle me dit : « Que cherchez-vous ? Dieu ! Il est partout ! » Puis très réaliste, elle me dit : « Quand vous allez dormir ? votre animal ? » Alors j’explique qu’après l’avoir fait manger l’herbe des fossés, je l’attacherai à un arbre pour la nuit. Alors, je me rends compte que ces questions d’Edith me pose sont aussi les questions de tous ces gens. Edith devient notre interprète ? Je comprends que certaines lui disent : « Edith demande à cet homme d’où il vient… combien a-t-il mis de temps, et pour arriver à Bethléem, il n’y est encore pas, combien de temps il pense mettre… Pourquoi il va à Bethléem ? » C’est beau comment Edith me transmet les questions de ces gens et leur communique ce que je réponds. Je dis entre autres choses ce que Maria Mosikova m’avait aidé à écrire samedi 21 lorsque nous avions été accueillis chez eux à Kalinkovo : « Idem pré mier som proti nuclearnym zbraniam. » « Je marche pour la paix, en demandant le désarmement nucléaire. » Je dis en slovaque que je les remercie pour leur accueil des plus fraternels : « Dakvjem ». tout le monde rit.
Puis Edith me dit : « en visitant d’autres pays, vous trouverez Dieu. » Je lui demande : « Quand est-ce que l’on rencontre Dieu ? » Edith me dit : « Dans les amours, dans les amitiés… » je dis : « Dieu est là dans la manière dont vous êtes tous en train de m’accueillir. » Edith me dit : « Dieu est là. Il fait tic, tic, tic dans notre cœur pour qu’on lui ouvre la porte de notre cœur… » Je lui dis : « Edith c’est beau ce que vous dites. »
Tout plein de gestes d’accueil vont nous être offerts par tous ce gens, émaillés par des paroles fortes d’Edith. Un homme arrive avec une longue corde pour que l’on puisse bien faire paître l’âne. Et il me signifie que je garde cette corde. Ça tombe bien. J’ai oublié le matin même la grande corde sur le terrain où nous avons dormi à Medvedion. Edith me dit : « J’ai lu la bible chaque jour à 14 ans. J’ai eu la vie très dure. Je n’étais pas communiste. Je croyais très fort en Dieu. J’essayais de le suivre. Chaque fois que je trouvais du travail, je devais en sortir. Croyante en Dieu, j’ai été enfermée pour folle. Je respecte tous les hommes. Je parle six langues. Il y a un soleil pour tous les hommes. » Je repense au cadran solaire de chez Judith et Wolgang dans leur jardin d’Ottensheim : « Sol Omnibus Lucet : Le soleil luit pour tous. »
Photo internet
Edith demande aux infirmières la possibilité de rester auprès de moi afin de continuer à causer dans cette teneur. C’est accordé. Voici ce que j’entends de la bouche d’Edith : « Je veux aimer sans l’argent. Dieu est toujours avec moi. Je luis dis : reste avec moi. Et il reste. Ma prière : « écoute le Dieu. Le Dieu moi écoute. » Je redis à Edith : « C’est beau ce que vous dites Edith ! » C’est alors qu’Edith me dit : « Je l’aime le plus beaucoup du monde, Dieu ! »
Edith me dit : « Je voudrais que vous ne partiez pas… je suis fatiguée. Je regrette. Je ne peux pas montrer tout ce que je veux qui habite mon cœur. »
Je dis « Edith, la pluie va s’arrêter de tomber. Je resterai émerveillé de votre accueil et de votre partage et grâce à votre médiation, de l’accueil de tous les gens de votre établissment.