Kovilj 30 janvier 2013
En avant vous qui m’avez appris à marcher pour la paix ! ( Mt 5, 9)
Du fait que nous venons de France et cheminons en direction de Bethléem, donc vers l’orient, souvent notre chemin consiste à aller vers l’endroit où le soleil se lève. Cela éclaire bien des choses et aide à chercher, trouver et donner sens à notre marche. C’est important la symbolique.
En partant tôt comme ça le matin, je vois plein de gens qui eux aussi se sont levés tôt et partent au travail…Ils sont sûrement heureux d’avoir du travail. Nous nous faisons signes, bonjour. Mais je trouve leurs conditions de transports, très souvent, pas respectueuses du tout de leur être de travailleurs. Sûrement qu’ils préfèreraient, dans bien des cas, pouvoir se rendre à leur travail en marchant. Tout ça ne me met pas en paix, ou plutôt me fait prendre conscience qu’il y a encore du chemin à faire pour parvenir à une paix sociale. Souvent sur notre chemin, en raison de l’accoutrement qui est le nôtre, à l’âne et à moi, nous sommes interpellés : « Mais d’où venez-vous donc ? Où allez-vous ? ». C’est important de répondre, car d’autres questions vont surgir de ces morceaux de dialogue balbutiant. Donc la marche s’arrête un instant. L’âne Isidore apprécie car il peut répondre à la fringale qui ne le quitte pas : il a déjà le museau dans une touffe de luzerne. Et grâce à un petit feuillet écrit dans la langue du pays traversé, l’explicitation de l’expression : « nous marchons pour la paix dans le monde » va pouvoir se faire : « Nous demandons à nos décideurs politiques, particulièrement avec les membres du MANV (mouvement pour une alternative non-violente), d’arrêter l’armement nucléaire de manière unilatérale. » On nous rétorque : « Vous ne les laissez donc pas en paix ?! ». Un tel humour demande de prolonger le débat : « On ferait bien un bout de la marche avec vous ! ». Et nous voilà repartis ensemble ! « Je tiendrais bien l’âne pendant quelque temps…- Mais bien volontiers ! »; Et la prise de conscience s’intensifie. « L’armement nucléaire est funeste et fallacieux… » C’est le pape Benoit XVI qui s’engage dans cette affirmation très étayée… Nous demandons aussi à nos évêques de faire chorus et collégialité avec le pape et aussi aux membres du mouvement Pax Christi. Ah, si nous voulions savoir notre force ! Et si tous ensemble nous marchions dans ce sens ».
La marche permet, me semble-t-il, de quitter les zones de l’idéalisme. Nous ne nous sommes pas mis à discuter d’idées mais de faits, avec des chiffres à l’appui. Et si nous nous arrêtons durant quelques instants c’est pour étayer et appuyer par exemple cet autre fait : avec l’argent de l’armement placé en des mains sûres, dans des organismes internationaux, nous pouvons arrêter cet autre fléau, la faim dans le monde.
Et nous voilà reprenant le chemin. C’est agréable d’avoir des interlocuteurs et des gens qui aussi savent écouter. La marche aide et permet ces dialogues fructueux. « Il faut que nous vous disions les rêves que nous avons faits l’âne et moi ». Et nous voilà en train de raconter comment nos rêves sont devenus réalité, quand au moment de partir en campement avec des ados de Dole pour les monts du Jura, les ânes NENETTE et MONA, MARTIN et PRUNELLE, nous ont été offerts. Nous avons, ce soir-là du 29 juillet 1981, entendu au pied du grand relais de Foncine-le-Haut, ces mots créateurs de liens de la bouche de Jean au nom de toute une équipe d’amis savoyards nous donnant leurs ânes : »vous verrez que les ânes seront tout le long de votre chemin, une véritable médiation. » C’est bien ce qui s’est réalisé depuis 1981. Et qui va se poursuivre.
Mettons-nous à l’écoute du rêve exprimé devant la caméra de la TV serbe à Kovilj le mercredi 5 septembre 2012 : « La personne qui m’interviewait, juste avant que je ne reprenne la marche en union avec Baptiste, me demandait : « Et votre âne une fois que vous serez arrivés à Bethléem, qu’allez-vous en faire ? » C’est alors que j’exprimai le rêve qui me venait dans le souffle du vent qui agitait les peupliers et les saules plantés le long du Danube : « Le mur qui a été érigé voici plusieurs années entre les peuples israélien et palestinien est une erreur et une injustice très graves. Il ne peut pas continuer à tenir. En effet, de chaque côté de ce mur, des pères et mères de famille, des éducateurs et éducatrices entreprennent de le défaire déjà mentalement parce que le désir de leurs enfants le demande. L’âne Isidore sera offert à ces enfants là qui déjà de chaque côté du mur cherchent à jouer ensemble. Dans les couffins de chaque côté du bât de l’âne, les enfants israéliens et palestiniens mettront pierres et gravats qui seront défaits du mur par les mains des parents et dans la liesse populaire, ils conduiront l’âne Isidore et tous les ânes qui ne manqueront pas d’arriver pour construire un pont entre les peuples.