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16 juin 2014 1 16 /06 /juin /2014 09:40

Lundi 10 mars 2014. En chemin pour Tibhirine…

 

« CE QUI PRIMAIT C’EST QU’IL Y AIT UN LIEN AVEC LA POPULATION » (Le jardinier de Tibhirine)

 

Nous prenons un bref petit déjeuner à la maison diocésaine d’Alger. Il est 5 heures 15, quand nous quittons la maison et que nous montons les quatre, à bord de la voiture de Jean-Marie. C’est un trajet éprouvant que nous entreprenons. Celui-là que Christian de Chergé a plusieurs fois réalisé. Mais je pense, particulièrement à cette fois-là, où il a prit ce chemin au lendemain du 1er décembre 1993. Il venait de commencer d’écrire ce qui deviendra son testament spirituel, qui ressemble comme nous l’avons vu, à celui de Jésus, dans l’évangile de Jean, au chapitre 17. Et je me dis, en écoutant Jean-Marie depuis hier soir, qu’il y a peut être, dans les paroles qu’il nous donne, un peu, beaucoup, là aussi comme quelque chose de son testament.

 

Jean-Marie nous raconte, une fois que nous sommes dans sa voiture, des choses que nous retrouvons, certes dans son livre : « le jardinier de Tibhirine », mais entendre de sa bouche ce qu’il a écrit dans son livre, et en être témoins, comme ça se traduit en ce moment, ça, c’est un grand don qui nous est fait. Nous le ramassons pour vous le partager. Ça me rappelle quand j’étais gamin, et que mon papa m’apprenait à labourer avec la charrue brabant, tirée par nos deux chevaux, Coco et Lisette.

Mon papa me disait : « ce grain que nous avons ramassé à la saison dernière, nous devons faire très attention de ne pas le perdre. Pour cela, il ne faut pas l’amasser mais en donner une partie et semer l’autre. Ramasser sans amasser. Ramasser pour donner. »

 

C‘est incroyable Jean-Marie ce que tu es en train de nous donner. Nous le ramassons, pour nous en nourrir, mais aussi pour le partager et le semer.

 

Nous venons de sortir de la ville d’Alger… Comme il est très tôt, la circulation est assez fluide…

 

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 - « Pourrais-tu nous dire Jean-Marie comment c’est venu, que tu sois appelé à devenir le jardinier de Tibhirine, là où tu es en train de nous emmener ? »

- « Le 20 mai 2001, dom André Barbeau, alors père abbé d’Aiguebelle et responsable de Tibhirine, me demande, en accord avec l’Evêque d’Alger, Henri Teissier, si je peux prendre en charge, la gestion du domaine… Henri, est un homme qui m’a beaucoup marqué, quand il était Evêque d’Alger. Je suis heureux de continuer de le rencontrer… »

« Ces deux hommes, André et Henri, me disent : nous souhaiterions continuer une présence. Est-ce que tu accepterais d’être le responsable de Tibhirine, en particulier des terres et du monastère ? Ce qui primait, c’était qu’il y ait encore un lien avec la population. Dans ce petit cimetière, j’ai éprouvé avec force, tout ce que pouvait être cet héritage de Tibhirine, dont j’étais indigne… En relisant le testament de Christian de Chergé, j’ai trouvé la trace d’un frère. J’ai compris aussi que devenir le jardinier de Tibhirine, allait m’engager bien au delà de la gestion du monastère. En acceptant, je recevais une part inestimable de la vie, de la mémoire, de la foi des martyrs de l’Atlas… Et j’ai accepté. »

« Une forme de présence chrétienne, notamment pour l’exploitation menée en association, avec quelques villageois : Mohamed, Youssef, et Samir… Vous allez les voir tout à l’heure. Ils vont nous accueillir, quand nous entrerons dans le monastère. »

 

 

Je me disais, à la pensée que dans quelques heures, nous entrerions dans le cimetière de Tibhirine : « C’est surprenant comment dans la proximité de certains tombeaux, tout un relèvement de nos êtres peut se réaliser. »

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Nous roulons à allure régulière, en traversant la plaine de la Mitidja, puis la ville de Blida… Il y a des constructions partout… Beaucoup ne sont pas terminées… Les splendides plantations d’orangers qui sont une des caractéristiques de Blida et de la plaine environnante, m’avaient beaucoup impressionné, quand en 1960, soldats, nous empruntions cette route pour aller en opération Etincelle et Jumelles dans l’Atlas blidéen.

Puis j’avais été choqué en 1983, quand nous étions venus en Algérie faire un campement avec 20 ados des Loisirs Populaires de Dole et 7 jeunes accompagnateurs. J’avais en effet découvert, que beaucoup de cultures vivrières avaient été abandonnées, sous l’administration Boumediene. J’avais trouvé qu’il fallait payer très cher le kilo de pomme de terre et la galette de pain…

 

 

Aujourd’hui, je suis heureux de voir que beaucoup de cultures et de plantations sont revalorisées. Mais cela ne nous empêche pas de déceler que ceux qui gouvernent le pays actuellement, veulent garder le pouvoir rien que pour eux.

Abdelaziz BOUTEFLIKA ne peut plus marcher suite à un A.V.C.

Il se déplace en fauteuil roulant et il brigue un quatrième mandat. Il se dissimule derrière lui toute une mafia d’hommes de pouvoir qui captent et gardent rien que pour eux, les ressources de ce pays si riche. BOUTEFLIKA sera réélu Président de la République Algérienne pour un quatrième mandat le 17 avril… Car les gens sont sous la crainte que ne reviennent les années noires comme entre 1990 et 2000. Une colère couve dans l’être profond des gens. Leur dignité est bafouée.

 

 

Ça y est nous voilà aux portes des gorges de la Chiffa.

Beaucoup de vilains souvenirs me reviennent, comme la peur et la crainte. Le réflexe de tenir et serrer son arme tout contre soi, au cas où nous tomberions en embuscade dans ces gorges fatidiques. Cependant je contemple les hauteurs de Chréa. A flanc de montagne, un nombre impressionnant de bulldozers et de pelleteuses sont à pied d’œuvres afin d’établir un immense ouvrage : une imposante autoroute est en construction qui ira d’Alger à Médéa, puis à Hassi-Messaoud, à Ghardaïa, et Tamanrasset…

Mais alors qu’une multitude de jeunes Algériennes et Algériens sont en chômage, ce genre de chantier, ne leur est pas accessible. Il est attribué à des entreprises chinoises…

Quels contrats commerciaux ont bien pu s’instaurer entre la Chine et l’Algérie ???

Nous entendons beaucoup parler de ces chantiers, où la main d’œuvre uniquement Chinoise, prend le travail des Algériens, et, se trouve exploitée elle aussi. Il n’y a aucune osmose entre ces chantiers et le peuple Algérien.

Qu’est-ce qui met en danger, encore aujourd’hui, la vie des Algériens ? Bien-sûr que c’est en partie le terrorisme caché et larvé. Mais en causant nous rencontrons des gens qui nous appellent à remonter en amont de ces actes terroristes dont on a toujours une crainte terrible, qu’ils ne reviennent déchiqueter la société Algérienne comme ils l’ont fait de 1990 à 2000 (Quant il y eut 150 000 à 200 000 morts). Et nous sentons qu’il y a comme cause à tout cela, une guerre latente, entre quelques oligarques pour garder le pouvoir et l’argent. Ils profitent de l’extraction du gaz et du pétrole, mais c’est au mépris des gens du peuple. Ils les privent du strict nécessaire et particulièrement de leur dignité.

 

Jean-Marie nous raconte que, dès qu’il a commencé d’entrer dans ce jardin de Tibhirine où il nous conduit, tous les jours il découvre des trésors de vie et de foi, que les moines ont laissés. Il se sent appelé après les avoir découverts, à les ramasser, particulièrement, dans la contemplation et la prière, dans le travail et le jardinage, afin de mieux nous les faire partager.

Merci Jean-Marie de la manière dont tu parles de ces graines de non-violence et comment tu nous offres de les ramasser afin de les emporter et les cultiver dans le jardin de nos relations. Tu me fais penser Jean-Marie, à cet homme, qui dans l’évangile de Mathieu au chapitre 13 verset 44, vient à trouver un trésor dans un champ. Il le recache après l’avoir découvert, et s’en va, ravi de joie, vendre tout ce qu’il possède, pour acheter ce champ, afin d’y amener tous ceux qui voudraient venir y ramasser les graines qui vont changer toute leur vie.

Désormais, en traversant les gorges de la Chiffa, ce ne sont plus des balles et un fusil, que j’ai serré contre moi. Je me suis démuni de ce qui entretient la crainte et la peur. J’ai laissé pousser en moi les plantes ensemencées par la petite fille Espérance, dont nous a parlé Jean-Marie Muller dans le sillage de Charles Péguy. Nous sommes capables de traverser les ravins des ténèbres et de la mort, comme il est dit au psaume 22. A condition que nous nous laissions habiter et travailler par cette présence aimante qu’est l’être même de Jésus.

 

Nous voilà en train de sortir des gorges de la Chiffa. Jean-Marie nous fait deviner au loin, la ville de Médéa, dans la lumière du soleil levant. Il est bientôt sept heures. Voici presque deux heures que nous roulons. Nous allons bientôt entrer dans la cité : « Tenez… voilà le fossé où au matin du 21 mai 1996, les têtes des sept moines ont été retrouvées. Sans les restes de leur corps… »

Jean-Marie nous fait comprendre : faut-il vraiment s’obstiner de chercher et vouloir tout trouver ce qui s’est passé juste avant le 21 mai ? On ne trouvera peut-être jamais comment ils sont morts… Ne faudrait-il pas aussi et surtout continuer à creuser le puits au fond de notre propre jardin, et tirer l’eau vitale, pour nous engager à transformer nos propres manière de vivre, bêcher, piocher et faire pousser les graines des béatitudes ! (Mathieu 5 ; L’invincible espérance page 35).

 

Ah ! vous savez quand nous entrons dans ce monastère comme nous allons le faire tout à l’heure, « nous sommes impressionnés en franchissant la petite porte… Elle donne sur une cour agréablement ombragée. C’est là que les patients du toubib, le frère Luc, se blottissaient le long du mur, sur les pierres de taille accolées… Les femmes et les enfants patientaient… Pendant plus de cinquante ans, il a soigné des milliers de malades, et ceux-là sont encore reconnaissants aujourd’hui. Ils sont nombreux à revenir à Tibhirine, pour lui rendre hommage. »

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Nous qui venions en Algérie, pour ramasser des graines de non-violence, afin de les remporter et les cultiver dans nos champs d’actions, nous sentons que nous avons mis à jour un sacré chemin en venant à Tibhirine. Nous voyons bien, que nous avons déjà trouvé de merveilleuses parcelles de ce que nous cherchions.

 

Ça y est, nous traversons la ville de Médéa et le petit village de Tibhirine est désormais en vue. Dire que ce petit village, insignifiant comme ça apparemment, s’est revêtu d’une dignité infiniment profonde. Il se passe en moi, en entrant dans Tibhirine, ce que je ressens quand quelqu’un d’éprouvé me fait entrer chez lui, et que je découvre l’infinie dignité de son être. Je repense à ce que Saint Irénée de Lyon, à la fin du 2ème siècle, révélait aux gens avec qui il vivait : « la gloire de Dieu c’est l’homme vivant. »

 

Jean-Marie, le visage tout rempli de paix, nous dit en arrivant devant le portail du monastère : « les portes vont s’ouvrir… Nous sommes attendus ».

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commentaires

G
je suis toujours trés boulversée au nom de tibbérine ,ce que fut l enfer de ces moines et a leurs exécutions au nom de quoi ,mais eux ils ont donnés leurs vies a jésus et ensuite comme martyrs ,je<br /> posséde le film avec lambert willson ,,quoi qui ce passe sur cette terre ils sont dans mon coeur comme les menbres de ma famille a jamais disparut
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  • : Lulu en camp volant
  • Lulu en camp volant
  • : Lucien Converset, dit Lulu est prêtre. A 75 ans, il est parti le 25 mars 2012 avec son âne Isidore en direction de Bethléem, où il est arrivé le 17 juin 2013. Il a marché pour la paix et le désarmement nucléaire unilatéral de la France. De retour en France, il poursuit ce combat. Merci à lui ! Pour vous abonner à ce blog, RDV plus bas dans cette colonne. Pour contacter l'administrateur du blog, cliquez sur contact ci-dessous.
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