Lettre du jeudi 30 août 2012 à Turija
« Eprouvé par les paupières de Dieu »
En cet espace qui m’est offert en VOÏVODINE SERBE que je suis en train de traverser au pas de l’âne, durant ces jours, terre noire, autant fructueuse que ne peut l’être la terre de la BEAUCE et de la BRIE, ou celle de CHAMPDIVERS et de SAINT-AUBIN, je goûte l’hospitalité que nous donnent LAZARE et BILJANA . La paix dont l’évènement de BETHLEEM est source m’est abondamment donnée. Comme je voudrais « qu’ainsi soit-il » pour toutes celles et ceux qui ont dû prendre la route et la condition de camps-volants. Nous croisons leurs chemins de déroutés. Que nous apprenions à nous arrêter les uns en face des autres, à nous mettre les uns à côté des autres, à nous rattraper les uns après les autres et nous interpeler par la parole donnée les uns aux autres :
-Sais-tu où tu vas dormir ce soir ?
- Non. Je cherche … !
- Viens donc partager notre repas du soir et notre maison pour la nuit.
- Mais je n’ai pas tous les papiers qu’il faut…
- On prendra le temps de tracer tout cela…pour que vous puissiez continuer votre chemin…
Dieu notre Père tu dois contempler et savourer quand tes enfants sur la terre des hommes se causent comme vous vous causez dans le ciel avec ton fils, dans la vérité et le souffle de l’Esprit. C’est comme ça que viennent de me causer en fraternité Lazare et Biljana hier soir pour qu’il y ait ce matin radieux. Une fois encore : « il y eut un soir pour qu’il y ait un matin ». Et Dieu tu contemples que c’est beau ! c’est comme ça que m’ont causé lundi passé ZOLTAN et ILONA ainsi que STAFAN et JULIA lorsque me manquaient les papiers vétérinaires de l’âne.
Assis sur le petit tas de luzerne sèche au pied de l’arbre, au moment où je vois ce temps de contemplation, voilà qu’arrive LAZARE sur son vélo, avec un sac en bandoulière. Il est un peu plus de 7 heures. L’heure de l’angélus. Il me dit en mi serbe, mi allemand
- Avez-vous bien dormi ?
- Je souris… oh que oui.
- Lui aussi. Puis il me dit : « Voilà la soupe au vermicelle que BILJANA vous a préparée…elle l’a fait cuire avec une poule… »
Un repas de roi : une poule au pot comme le voulait le roi HENRI IV pour tous les gens de son royaume. Et nous aujourd’hui ?! Que voulons-nous, pour tous les gens de la Terre ? Que nos repas puissent être le fruit de notre travail durant le temps de sédentarisation que nous vivons. Et si nous avons dû prendre la route pour nous sauver, que les mains des travailleurs sédentaires sachent humblement remettre ce qu’il va falloir de viatique dans nos mains de nomades qui n’avons plus que nos pieds pour marcher… et nos yeux… pour qu’ils puissent se remettre à rire.
Oh comme elle est bonne cette soupe chaude ! BILJANA et LAZARE ! Elle me rappelle celle que faisait notre maman à DAMPIERRE. Au moment où je vais comme chaque matin aller chercher l’âne ISIDORE, le bâter et lui mettre sur son dos les sacs où ont « dormi » cette nuit les affaires nécessaires pour la route, un serrement vient tenailler mon cœur : celui-là, de quitter ce coin où l’on était si bien… mais je sais que ça va être pour reprendre la route et être témoin et un peu artisan…et pouvoir dire à ta manière Dieu notre Père « qu’est-ce qu’elle est belle la terre quand vous les hommes et femmes vous vous mettez à vivre « sur la terre comme au ciel !»
Ça y est l’âne est bâté. LAZARE m’aide à sangler les sacs. Il m’accompagne pour traverser le village de TURIJA. Et au moment de leur signifier ma reconnaissance à BILJANA et à lui, il me dit avec le sourire, en allemand, en me mettant sur la route :
« comme les vieux disaient chez nous :
ein mann muss elfen immer ein anderer mann. »
« un homme doit toujours aider un autre homme. »
Photo : Photo au Carmel de Jérusalem où le "Notre Père est traduit en 163 langues différentes