Samedi 15 septembre 2012 à Idvor
Devant le manque de cartes routières, et du fait que beaucoup de gens ne marchent plus de villages en villages, le sens de cheminement s’est atrophié. Je pense que l’on y perd beaucoup en Humanité. Quand nous demandons notre chemin à des personnes âgées ou à des jeunes afin de parvenir dans le village d’IDVOR, ils se demandent de quelle planète nous tombons. Et immanquablement ils nous mettent sur la route nationale en nous signifiant « C’est tout droit ». Des panneaux indicateurs ? Ça n’existe pour ainsi dire pas. Et quand vous demandez : « c’est à combien de kilomètres » ? Ça peut varier du simple au double, de la part d’une personne ou d’une autre qui vous répond. Je pense que l’on a perdu le sens et le goût à marcher. Oh je respecte les conditions de vie de beaucoup de ces gens. Je vois et me rends compte un peu, je ne suis pas à leur place, de la vie dure et difficile qu’ils mènent. Et nous voilà l’âne et moi remis sur la route où ça roule à des vitesses catastrophiques, effrénées. Nous empruntons beaucoup les talus. C’est alors que l’âne de sa belle prestance de marcheur me dit cet après-midi sur la route de KOVACICA à CREPAÎA : « Mais où vont-ils à cette allure… ? T’avais raison lorsque tu disais : ils font comme vous faisiez en France en 1970-1980…Vous rouliez comme des dingues…ils se laissent prendre par le démon de la vitesse. C’est comme une dépendance, ça produit l’enfer-mement. Tu m’avais expliqué ça un jour… »
- « Tu sais Isidore, je vais te dire : Le fait de marcher ensemble nous libère et nous aide à marcher et trouver comment agir pour sortir de l’enfer. En en sortant tous les uns grâce aux autres, et particulièrement en roulant moins vite pour trouver du temps, savoir pour qui et pour quoi nous nous remettons à marcher, l’enfer devenu vide, n’existera plus. C’est la même chose par rapport à l’armement atomique, c’est du fait que quelques uns, puis beaucoup commencent à l’arrêter et à s’en défaire, qu’il est annihilé. C’est nous, il faut le reconnaître qui fabriquons l’enfer. Avec désinvolture nous osons interroger Dieu et le poursuivre au tribunal en lui demandant des comptes sur l’enfer, que nous avons fabriqué. Heureusement que quelques hommes à la manière de JOB se demandent : « l’homme pourrait-il avoir raison contre Dieu ? »… J’étais celui qui brouille tes conseils par des propos dénués de sens…Je ne te connaissais que par oui dire…aussi je retire mes paroles… je me repens sur la poussière et sur la cendre ». (Job 9 38 42)
Il y a aussi les chiens qui nous posent beaucoup de questions. Nous les trouvons très « empêchants ». Comment faire pour qu’ils soient « permettants »… ? L’autre jour nous entrions dans un village. C’était à FARKAZDIN ; Nous cherchions un endroit pour passer la nuit. Il risquait de pleuvoir. Tout à coup 3 chiens sortis de la cour de leur maison entourèrent l’âne Isidore et moi et ils aboyaient férocement : « Vous n’avez rien à faire ici ! Fichez le camp ! On est chez nous. ! » Calmement l’âne Isidore les regardait de ses beaux grands yeux et je l’entendis qu’il leur disait : « Criez pas si fort ! on vient vous dire bonsoir « dobrovece ». Je voudrais bien que vous entendiez ce que l’on vous dit. Nous venons de loin…de France…un pays où nous avons les mêmes problèmes que chez vous en SERBIE et en HONGRIE. Chez nous aussi nous nous trompons les uns les autres. Nous croyons nous défendre les uns des autres en nous attaquant. Comme là, avec vous les chiens, je voudrais bien jouer, gambader dans votre cour, l’espace d’une soirée, vous raconter ce que j’ai vu et compris dans les pays que nous avons traversés, que c’est de nous accueillir les uns les autres qui est la meilleure parade contre la violence…Au lieu de commencer par nous méfier les uns des autres, chercher à nous confier les uns aux autres…Tenez ! Appelez donc vos maîtres en allant frétiller de la queue auprès d’eux, en les amenant près de nous, que nous leurs expliquions que nous venons nous confier à eux, et à vous, nous remettre entre vos pattes et vos bras et non pour tomber entre vos crocs et vos cris.
Oh qu’elle était belle la constance d’Isidore. Mais ce soir là l’insistance des cris et des aboiements eut le dessus. Les maîtres apparurent en ouvrant la porte. Mais ils la refermèrent aussitôt en la claquant fortement. Ils écoutèrent les aboiements de leurs chiens plutôt que la douceur du regard d’Isidore. Des pleurs me vinrent aux yeux que des gens de notre Humanité s’enfoncent dans leur enfer-mement en nous laissant dehors. On se retrouva dans un chantier de destruction à l’extérieur du village, à côté d’une cabane en ruines, avec de quoi, quand même, abriter nos affaires, au cas où il pleuvrait. Alors on jura ce soir là, l’âne Isidore et moi que … l’on recommencerait à chercher durant la soirée des jours qui viennent un coin de cœur humain où loger, parce que des aboiements de chiens se seront apaisés et tus, « qu’il y ait un soir pour que soit le matin ».
Photo prise en Autriche : C'est possible !