Alger, dimanche 9 mars 2014
NOUS NOUS PREPARONS A PARTIR RAMASSER LES GRAINES DE LA NON VIOLENCE DANS LES JARDINS DE TIBHIRINE
Ayant conscience que l’accompagnement de Claude, Nelly et Bernard me permet de vivre des moments de grâce inouïe, j’essaye de n’en rien perdre. Je ramasse tout ce que je peux dans mon cahier …
Il y a quelques jours « Le jardinier de Thibirine », nous a proposé de nous emmener dans sa voiture tous les quatre avec lui demain lundi 10 mars, à ce point-phare, pour notre humanité, qu’est Tibhirine.
Afin de bien m’y préparer, je savoure le calme et le repos que nous permettent de trouver dans la maison diocésaine d’Alger, les trois religieuses : Rita, Gabriella et Julia. Je lis et relis : « Sept vies pour Dieu et l’Algérie » par Bruno Chenu aux éditions Bayard. J’y reprends en priant le testament spirituel de Frère Christian page 210-212. Lu et médité ce soir à Alger, je reprendrai sans doute ce trésor, demain à Thibirine. Je découvre qu’il est de la même veine que ce que, toi, Ami Jésus, tu confiais à ton père la veille de ta passion, lorsque « Levant les yeux au ciel, tu lui disais : Père, l’heure est venue que je donne les paroles et les semences de la vie éternelle à tous ceux que tu m’as donné » ( Jean 17 )
Je me retrouve comme si, il y avait devant moi, sous mes yeux, deux sacs de graines précieuses. Et je sens bien que c’est de cela qu’il me faut me nourrir. Il y a quelque chose, comme une force qui est cachée dans ces deux sacs de graines, que sont ces deux testaments, celui de Jésus et celui de Christian. L’un et l’autre sont nouveaux, neufs, originaux. Je commence à les ouvrir l’un et l’autre. Je me mets à en manger une part, quelques mots de l’un et de l’autre. Ça me nourrit. Ça me fait du bien. Je savoure ce que je lis et que j’écoute, comme si c’était la 1ère fois que je les lisais et entendais. J’en garde une autre part que je ne mange pas. Je mets de côté les paroles qu’il faudra ensemencer, donner à d’autres, planter ailleurs, ne pas garder rien que pour moi, ni rien que pour nous.
Enfant de paysan, je me souviens alors, d’avoir vécu quelque chose de semblable avec mon père, lorsque chaque été, le mois de juillet venu, nous allions à Evans à la batteuse chez le Louis Muneret, entrepreneur. Nous y emmenions les deux premières charretées de gerbes de blé de la moisson que nous venions de commencer. Il y avait deux parts aussi qui étaient faites par nos mains, du grain qui venait de tomber dans les sacs : une part que nous emportions moudre au Moulin de la Bruyère. Avec la farine apportée chez le boulanger, nous faisions le pain pour nos repas familiaux. Et l’autre part du grain, nous la montions dans le grenier où il allait rester jusqu’à l’automne bien au sec. Nous le reprendrions pour les semailles au moment venu : « Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt … « (Jean 12,23)
A ta suite Frère Christian, et dans ton sillage Ami Jésus, toi Christ, je me mets à m’adresser à Notre Père, en empruntant vos mots à l’un et à l’autre et en les mêlant les uns aux autres.
Dès le commencement, c’est merveilleux comme ils se ressemblent :
Christian de Chergé : « S’il m’arrivait un jour – et ça pourrait être aujourd’hui – d’être victime du terrorisme, qui semble englober maintenant … » (page 210)
Jésus Christ : « Père, l’heure est venue maintenant … j’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as tirés du monde pour me les donner … » (Jean 17, 1,5,6)
Christian de Chergé : « Ma vie était donnée à Dieu et à ce pays … (page 210)
Jésus Christ : « J’ai veillé sur eux, aucun ne s’est perdu » (Jean 17)
Christian de Chergé : « Et toi, l’ami de la dernière minute qui n’a pas su ce que tu faisais … » (page 212)
Jésus Christ : « Sauf le fils de perdition, pour que l’écriture s’accomplisse … » (Jean 17, 12)
Christian de Chergé : « Je sais le mépris dont on a pu entourer les algériens … » (page 211)
Jésus- Christ : « Le monde les a pris en haine … » (Jean 17, 14)
Christian de Chergé : « Voici que je pourrai, s’il plait à Dieu, plonger mon regard dans celui du Père pour contempler avec Lui, les enfants de l’Islam … » (page 212)
Jésus-Christ : « Que tous soient un, comme toi, Père tu es en moi et moi en toi, qu’eux aussi soient un en nous …) (Jean 17, 21)
Oh ! Si c’est beau ! Comme vos paroles se rassemblent ! C’est peut-être aussi parce que les consonances de vos noms vibrent pareillement, Christian de Chergé … Jésus-Christ de Galilée … !
Je n’ai pas tout « égrainé « … car je ne vais pas tout manger ce soir. Il me faut beaucoup en garder. En effet, à l’avenir je devrai guetter, voir venir le moment et déceler l’endroit où semer et planter de ces paroles tellement vives, qui sont sorties de votre bouche à l’un et à l’autre, Jésus-Christ et Christian … en sorte que, elles parviennent de vos bouches à nos oreilles, et par là, « jusqu’aux extrémités du monde. » (Ac. 1, 8)
Je vais me coucher tôt ce soir, afin de me trouver à pied d’œuvre demain matin. Une fois encore, « il y aura eu un soir pour qu’il y ait un matin, et la lumière sera comme au premier jour. » (Gen. 1, 3,5 )
PS : n'hésitez pas à suivre les liens vers les personnes ou documents que citent Lulu... Ces liens sont positionnés par exemple sur les titres de livres cités. Vous retrouverez le testament spirituel de Christian de Chergé. (Exemple : voici un lien vers le site des moines de Thibirine)