par Jean-Marie MULLER*
Avertissement : Ce texte est une invitation au dialogue entre les partisans français du désarmement nucléaire afin que nous tentions de surmonter nos désaccords. Je prends personnellement parti, comme il est normal, mais je ne prétends pas à avoir le dernier mot sur ce sujet. Mon intention est d’ouvrir le débat et non de le clore. Chacun(e) est donc invité à s’exprimer afin qu’il dise est le dernier mot pour lui.
13 janvier 2016
Ces dernières années, des organisations de la société civile française ont affiché leur détermination à éliminer les armes nucléaires. Elles se rejoignent toutes pour affirmer que ces armes de destruction massive, loin de contribuer à la sécurité de leur pays, constituent en réalité une menace non seulement pour la paix du monde mais pour la survie même de l’humanité. Malheureusement, le mouvement antinucléaire français reste divisé sur la stratégie à mettre en œuvre pour atteindre l’objectif d’un monde sans armes nucléaires. Plusieurs organisations pensent que la France doit prendre la décision d’un désarmement unilatéral, tandis que certaines autres estiment que ce renoncement doit s’effectuer dans le cadre d’une négociation internationale qui permette à tous les États dotés de l’arme nucléaire de décider ensemble un désarmement multilatéral. Cette division est fort préjudiciable, car elle est de nature à affaiblir considérablement l’efficacité de l’opposition aux armes nucléaires. La question qui se pose est donc de savoir si les différentes fractions du mouvement français d’opposition aux armes nucléaires ne pourraient pas parvenir à surmonter leurs désaccords afin d’unir leurs forces dans une même lutte.
Cette division n’est pas une fatalité, car le multilatéralisme et l’unilatéralisme ne sont pas de nature à s’opposer mais à se composer (c’est-à-dire, selon l’étymologie de ce mot à se « poser ensemble ») dans une réelle complémentarité. Les partisans de l’un ne devraient-ils pas être les partisans de l’autre ? Ce serait donc par erreur que les uns s’opposent aux autres. Il nous faut donc chercher l’erreur. Il semble bien que l’erreur soit l’intégrisme de l’un et/ou de l’autre qui apporte la division. Dès lors, les deux parties sont mises en demeure de refuser tout tentation d’intégrisme afin de privilégier ce qui les unit par rapport à ce qui les divise et de concilier ainsi leurs deux approches. Au demeurant, il existe des différences d’appréciation légitimes, notamment en ce qui concerne les probabilités de succès de chacune des deux approches. Chacun peut ainsi garder sa préférence.
Ce qui caractérise cette discorde, c’est que les désaccords ne sont pas symétriques. De leur côté, les unilatéralistes sont d’accord avec les multilatéralistes pour penser que la meilleure solution serait en effet le désarmement multilatéral de tous les États dotés, que ce soit à travers la signature d’une Convention internationale pour l’élimination des armes nucléaires ou à travers un accord en faveur d’un Traité d’interdictions des armes nucléaires. Ils sont prêts à soutenir les initiatives internationales prises à cet effet. Pour autant, ils ne pensent pas que le désarmement multilatéral soit possible dans un avenir prévisible. Dans l’absolu, le désarmement multilatéral est préférable au désarmement unilatéral, que ce soit pour la France ou pour le monde. Mais le problème ne se pose pas dans l’absolu, il se pose dans la réalité et, dans la réalité, l’objectif du désarmement unilatéral apparaît le plus crédible. Tout particulièrement, d’emblée, en récusant dès aujourd’hui la dissuasion nucléaire, il est mieux armé pour dé-sacraliser, pour dé-légitimer et pour dis-créditer l’arme nucléaire auprès de l’opinion publique. Les unilatéralistes partagent l’idéal d’un monde libéré des armes nucléaires, mais ils pensent devoir relativiser cet idéal, c’est-à-dire le relier à la réalité. C’est la raison pour laquelle ils ont la conviction qu’il est de leur responsabilité indissociablement éthique et politique d’exiger ici et maintenant le désarmement unilatéral de l’État français. L’obligation du désarmement est devenu un impératif catégorique personnel. Elle les oblige aujourd’hui. Elle ne saurait être éludée et remise à demain. Tandis que, pour leur part, nombre de multilatéralistes récusent la pertinence du désarmement unilatéral en faisant valoir à la fois la supériorité et la possibilité d’un désarmement multilatéral.
Il faut convenir que cette dissymétrie dans le désaccord se retrouve dans la recherche d’un accord, mais il ne devrait pas le rendre impossible. Au demeurant, nous n’avons d’autre choix que de tenter d’établir un dialogue pour élucider les termes de notre désaccord et nous efforcer de préciser les termes d’un accord possible. Ce dialogue doit au moins nous permettre de nous mettre d’accord sur « l’état des lieux » et cela est déjà appréciable.
Au terme de ce dialogue, nous devrions tous convenir qu’un mouvement antinucléaire français qui serait uni pour partager l’objectif du désarmement nucléaire unilatéral de la France serait plus crédible et plus fort pour exiger l’élimination mondiale des armes nucléaires.
Les termes de cette conciliation, c’est par principe que les multilatéralistes et les unilatéralistes s’accordent pour demander ensemble et le désarmement mondial et le désarmement national.
Il est donc demandé aux multilatéralistes faire le choix du désarmement unilatéral de la France. En ce sens, c’est leur demander de faire le plus grand pas vers un accord des deux parties. Mais paradoxalement, la nature même de la dissymétrie qui caractérise leur désaccord leur permet de faire ce pas. Car il ne leur est pas demandé de renoncer à l’exigence du désarmement mondial qui fonde leur engagement. En revanche, les unilatéralistes devraient renoncer à l’exigence qui fonde leur engagement s’ils devaient faire le choix unique du désarmement mondial.
Un changement de la donne
Les échecs des rencontres internationales qui ont eu lieu en 2015 – qu’il s’agisse de la Conférence d’examen du TNP ou de la Session de l’Assemblée générale des Nations Unies - viennent changer la donne en ce début de l’année 2016. Ceux-là mêmes qui pensaient qu’un désarmement multinational était possible dans un délai raisonnable ne pourraient-ils pas tenir compte de ce changement de donne pour changer leur positionnement et reconnaître la pertinence du désarmement unilatéral ? Ils ne se déjugeraient pas, ils ne renonceraient pas à leur exigence d’un désarmement mondial, mais, comme il convient toujours, ils adapteraient leur stratégie au terrain. Le désarmement unilatéral deviendrait entre leurs mains un élément qui pourrait être décisif pour relancer la dynamique du désarmement mondial. Et, dans le même temps, les unilatéralistes pourraient redoubler leurs efforts pour exiger le désarmement mondial. Ainsi, le multi unilatéralisme s’avérerait plus opérationnel que le multilatéralisme.
Le rêve de Barack Obama
Dans le discours qu’il a prononcé à Prague le 5 avril 2009, le Président Barack Obama a « affirmé clairement et avec conviction l’engagement de l’Amérique à rechercher la paix et la sécurité dans un monde sans armes nucléaires. » Soit. Mais il a pris soin de préciser : « Ce but ne pourra être atteint avant longtemps, sans doute pas de mon vivant – not in my lifetime. » Et l’on ne peut que lui souhaiter longue vie… Surtout, il a affirmé : « Ne vous méprenez pas : tant que ces armes existeront, les États-Unis conserveront un arsenal sûr et efficace pour dissuader tout adversaire. » (Make no mistake : As long as these weapons exist, the United States will maintain a safe, secure and effective arsenal to deter any adversary.) Ces quelques mots sont terribles. Ils viennent mettre fin brutalement au rêve d’un monde sans armes nucléaires que le président nous invitait à partager avec lui. Car, enfin, les armes nucléaires existeront tant que les États-Unis en posséderont ! Et dès lors que le Président américain affirme ne pas vouloir renoncer à ses armes nucléaires, de quel droit demande-t-il aux autres États de renoncer à en acquérir ? Ne peuvent-ils pas tenir le même raisonnement : « Tant que ces armes existeront, nous ne renoncerons pas à les acquérir. » C’est ce qu’on appelle un cercle vicieux. Certes, Obama prend soin de préciser aussitôt : « Nous allons cependant commencer à procéder à la réduction de notre arsenal. » (But we will begin the work of reducing our arsenal.) Mais cette phrase n’efface pas la précédente. Elle confirme au contraire que les États-Unis ne sont pas prêts à désarmer. Car la réduction annoncée ne constitue en rien le désarmement. Réduire n’est pas désarmer.
Malgré toutes les circonspections dont a fait montre le président américain au cours de son discours de Prague, sa prise de position a fait croire à beaucoup qu’un monde sans armes nucléaires était désormais possible. Certaines organisations des sociétés civiles ont pensé qu’il était possible de parvenir à la signature d’une Convention internationale sur l‘élimination des armes nucléaires. Et, cela, d’autant plus que le 9 octobre 2009, le Comité Nobel norvégien annonce sa décision d’attribuer le Prix Nobel de la Paix au président des États-Unis, Barak Obama. Dans le communiqué rédigé à cet effet, le comité précise qu’il « a attaché une importance particulière à sa vision et à ses efforts pour un monde sans armes nucléaires ». Il est précisé : « La vision d’un monde sans armes nucléaires a fortement encouragé les négociations sur le désarmement et le contrôle des armes. »
Mal-heureusement, les faits sont venus contredire l’espoir suscité par le discours de Prague de Barak Obama. Dans un document de travail présenté par les États-Unis et remis le 29 avril 2015 à la Conférence des États parties chargée d’examiner le Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) qui s’est tenue à New York du 27 avril au 22 mai 2015, il est affirmé : « Tout en poursuivant [l’objectif du désarmement nucléaire], les États-Unis conserveront un arsenal sûr, sécurisé et efficace, tant pour dissuader leurs adversaires éventuels que pour prouver à leurs alliés et partenaires qu’ils peuvent compter sur les engagements pris par les États-Unis en matière de sécurité. » On ne saurait dire plus clairement que les États-Unis sont fermement décidés à maintenir leur doctrine de défense et qu’ils n’envisagent nullement de « changer leur manière de penser » afin de renoncer à la possession de leurs armes nucléaires.
Le même document précise que la dissuasion nucléaire américaine est bien fondée sur une stratégie d’emploi, même s’il est précisé, ou, plus exactement, dès lors qu’il est précisé que les États-Unis « n’envisagent de recours à des armes nucléaires (c’est moi qui souligne) que dans des conditions extrêmes pour défendre les intérêts vitaux du pays ou de ses alliés et partenaires »… Il est donc clairement affirmé que les Etats-Unis sont déterminés à maintenir leur arsenal nucléaire. Le rêve de Barak Obama appartient définitivement au passé. Ces éléments fondent le changement de la donne concernant les conditions du désarmement nucléaire. Ce qui était peut-être probable en 2009 ne l’est plus en 2016.
L’échec de la 70e session de l’AG des Nations Unies
À l’initiative de pays non-dotés, trois conférences intergouvernementales sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires (Oslo, Nayarit et Vienne entre 2013 et 2914) s’étaient donné pour objectif de créer un processus permettant de parvenir à un Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) sans attendre l’assentiment des pays dotés.. Ces rencontres sont des initiatives intéressantes et l’objectif recherché ne peut être que soutenu par les unilatéralistes, mais, jusqu’à présent ces conférences n’ont en définitive donné aucun résultat. Au demeurant, un tel traité voulu par des États non dotés, ne pourrait devenir opérationnel que s’il est signé par les États dotés. Or ceux-ci ont clairement affirmé qu’ils désapprouvaient cet objectif et qu’en tout état de cause, ils ne signeraient pas pareil traité. Sans doute, les multilatéralistes pensent-ils que, s’ils refusaient de signer un tel traité, les pays dotés finiraient par être mis au ban des nations. L’argument mérite d’être retenu, mais la difficulté c’est que nombre de pays non dotés ne sont pas encore convaincus de l’importance d’envisager et de signer un tel traité. Et, là encore, la meilleure contribution que les citoyens français peuvent apporter à l’élaboration de ce traité est d’interdire à leur propre État la possession des armes nucléaires.
Après l’échec de la dernière Conférence d’examen du TNP, la 70e session de l’Assemblée générale des Nations Unies a fait apparaître que les États membres sont incapables de surmonter leurs divergences à propos du désarmement nucléaire. Les États dotés ont affirmé leur détermination à refuser tout accord sur l’élimination des armes nucléaires. Ainsi, le texte de la « Couverture » de la réunion de la Première Commission chargée du désarmement et de la sécurité internationale qui a eu lieu le 2 novembre 2015 précise : « Les 13 textes mis aux voix illustrent une fois de plus les divergences de vues sur le désarmement nucléaire entre d’un côté, ceux qui appellent à une accélération du processus et de l’autre, ceux qui estiment que les préalables du désarmement ne sont pas encore réunis. »
Le même texte souligne : « Au nom de la France et des États-Unis, le représentant du Royaume-Uni a annoncé un vote contre les projets de résolution sur les conséquences humanitaires des armes nucléaires, sur l’engagement humanitaire en faveur de l’interdiction et de l’élimination des armes nucléaires et sur les impératifs éthiques pour un monde exempt d’armes nucléaires, car les objectifs de ces textes sont de forcer les États nucléaires au désarmement nucléaire et de saper le régime du Traité sur la non-prolifération nucléaire, en créant un monde moins sûr. En tant que puissances nucléaires, nos trois pays sont convaincus que le désarmement nucléaire ne peut se faire que d’une manière progressive, « pas à pas ». » C’est dire on ne peut plus clairement qu’aucune dynamique ne peut être initiée qui crée les conditions de l’élimination mondiale des armes nucléaires.
Certes, Le 7 décembre 2015, l’AG des Nations Unies a voté en faveur de la création d’un groupe de travail qui élaborera « des mesures, dispositions et normes juridiques » pour parvenir à un monde exempt d’armes nucléaires. Ce groupe de travail doit se réunir à Genève en 2016. Notons qu’il ne sera pas lié par les règles strictes de consensus. Il présentera un rapport à l’AG d’octobre prochain. Cette initiative est certainement positive et ne peut qu’être soutenue. Cependant, dès lors que les cinq États dotés membres du TNP se sont opposés à la création de ce groupe de travail, il lui sera très difficile de parvenir à ses fins.
Pour en finir avec l’arme nucléaire
Dans son livre Pour en finir avec l’arme nucléaire (La Dispute, 2011), Pierre Villard, alors co-président du Mouvement de la paix, écrit : « Face à des processus qui ne vont pas assez vite et à des puissances nucléaires qui ne montrent pas le bon exemple, l’idée de décision unilatérale de désarmement est avancée. Ainsi Jean-Marie Muller s’interroge : « Les Français peuvent-ils vouloir renoncer à l’arme nucléaire » (Éditions du MAN, 2010). Considérant qu’on a tout essayé, l’auteur propose d’en venir au renoncement unilatéral. Cette proposition mérite respect et réflexion. La France sortirait-elle grandie d’un acte politique de renoncement à l’arme nucléaire ? J’en suis convaincu. Cependant … » Et, à partir de là, Pierre Villard récuse le choix du désarmement unilatéral en faisant valoir que l’opinion publique française n’est pas prête à soutenir l’exigence d’actes unilatéraux, mais qu’elle est prête à s’engager dans le soutien à une démarche internationale. Il croit dès lors pouvoir affirmer : « Une campagne pour le renoncement unilatéral de la France nous ferait repartir plusieurs années en arrière ».
Ce qui est vrai, c’est que les citoyens français sont spontanément plus favorables au désarmement multilatéral qu’au désarmement unilatéral. Le consensus apparent qui existerait en faveur de l’arme nucléaire n’est qu’un consensus par défaut, dès lors qu’aucun débat public n’a jamais eu lieu. En outre, cette préférence risque d’être fallacieuse, car préférer le désarmement multilatéral ne les engage à rien et n’a pas le moindre impact sur la réalité. La proposition d’un désarmement multilatéral n’implique aucune rupture. Elle ne fait pas débat, car elle ne pose aucun problème, mais, précisément parce qu’elle ne pose aucun problème, elle ne peut en résoudre aucun. Laisser croire aux citoyens français qu’un désarmement multilatéral est possible dans un délai raisonnable les dispense de prendre position pour le désarmement unilatéral. Ils se trouvent en réalité dépourvus de moyens d’action pour faire pression sur les États américain, russe chinois, indien, nord-coréen, etc,, alors qu’ils ont de nombreuses possibilités d’agir pour faire pression sur l’État français. Un autre argument doit pris en considération, l’économie de plusieurs milliards d’Euros pas an permettraient à la France de les investir pour d’autres causes.
Dire qu’une campagne pour le renoncement unilatéral de la France nous ferait repartir en arrière, c’est préjuger qu’une campagne pour le désarmement multilatéral peut nous permettre d’aller loin en avant dans un avenir proche. Or, aujourd’hui, il est clair que la condition d’un tel succès n’est pas remplie et qu’elle ne le sera pas dans un avenir prévisible. Affirmer cela n’est pas céder au défaitisme, mais faire preuve de réalisme. Il nous faut en effet constater que la voie négociée vers le désarmement mondial est totalement barrée depuis des décennies et que rien ne permet de penser qu’elle puisse s’entrouvrir à l’avenir. Selon la meilleure hypothèse, il faudra encore attendre des décennies, autant dire une « éternité ». Tous les derniers événements apportent la preuve que les États nucléaires sont déterminés, avec la plus parfaite mauvaise foi, à maintenir et à moderniser leur arsenal nucléaire et qu’ils refusent toute négociation pouvant parvenir à l’élimination mondiale des armes nucléaires. Et, cela, alors même que le Traite de Non-prolifération (TNP) dont ils sont membres leur fait obligation de négocier de bonne foi un désarmement nucléaire complet.
Tout bien considéré, et cela est également de nature à concilier le multilatéralisme et l’unilatéralisme, le désarmement unilatéral est certainement la meilleure contribution que les citoyens français peuvent apporter au désarmement mondial. Et cela même si nul ne prétend qu’il sera simple d’en convaincre une majorité de nos concitoyens, tant ils sont encore ignorants des données du problème et des leviers dont ils disposent pour le résoudre. Il ne s’agit pas non plus de prétendre que la décision unilatérale de la France aurait une vertu exemplaire qui ferait céder les autres États dotés. Le but n’est pas de se donner en exemple aux autres, il est d’être cohérent avec soi-même.
L’exemple britannique
La France ne pourrait-elle pas prendre exemple sur ce qui se passe en Grande-Bretagne. Comme le souligne Marc Morgan (Alternatives non-violentes, décembre 2015), la Campagne pour un désarmement nucléaire (Campaign for nuclear disarmament, CND) fondée en 1958 « s’est très vite affirmée comme une force politique majeure ». « Le désarmement unilatéral du Royaume-Uni a toujours été un des principes de base du mouvement, soutenu par la majorité des militants. En parallèle, la CND a toujours milité activement pour un désarmement général/multilatéral. » Par ailleurs, « En écosse, le parti indépendantiste et une grande majorité de la population appellent au désarmement unilatéral. (…) Une Écosse indépendante serait certainement libre d’armes nucléaires. » Il conclut : « En Angleterre, au Royaume–toujours-uni en général, le désarmement unilatéral est toujours possible. »
Un surcroît de prestige pour la France
Alors que d’aucuns sont portés à laisser croire que le renoncement à l’arme nucléaire porterait atteinte à la « grandeur de la France », c’est probablement tout le contraire qui se produirait, comme l’affirmait déjà Théodore Monod lorsqu’il participait aux jeûnes organisés par la Maison de Vigilance. Dans ce monde enténébré, la France contribuerait à entretenir la petite flamme fragile de l’espérance. Comment ne pas croire en effet qu’il en résulterait un surcroît de prestige pour notre pays ? « Le prestige, déclarait M. Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations Unies, lors de l’allocution qu’il prononça à Hiroshima le 6 août 2010, appartient non pas à ceux qui possèdent des armes nucléaires, mais à ceux qui y renoncent. » Sans nul doute la capacité de notre pays de faire entendre sa voix dans les grands débats de la politique internationale ne serait non pas affaiblie mais fortifiée. On peut gager que partout dans le monde des femmes et des hommes salueraient la décision de la France comme un acte de courage qui leur redonne un peu d’espérance.
* Philosophe et écrivain, auteur notamment de Libérer la France des armes nucléaires, La préméditation d’un crime contre l’humanité, Chronique Sociale, 2014.
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