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31 août 2016 3 31 /08 /août /2016 07:15

Dampierre mardi 23 aout 2016

 

POURQUOI CE SERAIT MOI ?

 Mais… Aussi… POURQUOI ÇA NE SERAIT PAS MOI ?

Photo de Lulu prise sur son chemin le 25/04/2013

Photo de Lulu prise sur son chemin le 25/04/2013

1ère partie ici

En empruntant cette fois le chemin du retour, je ne veux pas tourner le dos à ce que je viens d’entendre une fois encore. Si je suis venu écouter et contempler cet éveil à la vie, c’est pour que ça se continue, dans une interpellation à l’amour, et à la solidarité, au respect du droit et de ce qui est juste pour tout être humain et tout être vivant.

 

Il y a toute une illumination qui se réalise dans mon dos, grâce au soleil, pour me faire voir ce que j’ai à faire et à dire. La bise me pousse à agir de manière concrète, et à m’engager de manière précise, envers mes proches, mon prochain, mes sœurs et mon frère, mes neveux et mes nièces, et mes voisins. Dans notre recherche d’action non violente où nous nous racontons, qu’il y a une résistance quotidienne à laquelle nous sommes appelés et tenus, nous ne devons pas passer à côté des artisans de paix sans les reconnaitre, et savoir les déceler, dire tout ce qui fait que le monde tient, et continue à se fabriquer, comme dans le film « Demain ». Et si de la bouche d’un proche, surgit une parole violente : « Il y aura toujours des guerres, vous ne pouvez pas l’empêcher… Les terroristes il faut tous les zigouiller… La peine de mort, on n’aurait jamais dû la supprimer… Vous ne pourrez pas empêcher que la France continue à se doter de l’arme nucléaire ». Nous devons chercher comment, d’une manière non violente, aider à ne plus entretenir une telle ambiance. Car dans les paroles fatalistes, la frontière entre ce qu’on dit et ce qu’on fait est très poreuse. Pourquoi ça ne serait pas moi, pourquoi ça ne serait pas nous, qui remontions le courant fatalisant ?

 

Avant de nous trouver au pied du mur du djihadisme et de la radicalisation des jeunes de notre entourage, pourquoi ne serait-ce pas moi, pourquoi ne serait-ce pas nous qui entreprendrions de faire des ponts entre nous tous : « Viens boire le café, qu’on prenne le temps de causer de tout ça » ?

 

C’est alors que me revient le poème de Zacharie, à l’adresse de son enfant, Jean, qui deviendra : « le Baptiste ».  Zacharie ne pouvait plus causer depuis neuf mois. Il avait eu du mal de croire que dans leur union, sa femme et lui mettraient au monde, un enfant. « Pas nous » pensait-il. Nous ne sommes pas capables. Et lorsque l’enfant Jean sort du ventre de sa mère Elisabeth, voici le poème qui sort de la bouche de Zacharie son père. Au moment où sa langue commence à se délier, il dit : « Et toi petit enfant, tu seras appelé prophète du Très Haut ».

 

Chaque fois que je vis un moment comme celui-ci, que je suis témoin du lever du soleil, ce poème jaillit lui aussi de ma bouche à moi. Ça vient du fait que Zacharie, dans ce poème, dit en parlant de son fils :  « Il nous amènera d’en haut, la visite du soleil levant. » Tout cela est dit d’une manière très drôle, où la part de ce que fera ce petit enfant, et la part de l’intervention de Dieu, sont très entremêlées. Oui c’est Dieu qui fait se lever le soleil et qui fait sortir de la terre d’esclavage, les membres de son peuple. Oui c’est Dieu qui met de la lumière dans le cœur des gens du peuple qui marchaient dans les ténèbres. Mais n’est-ce pas aussi Jean-Baptiste qui fera tout cela. Etonnante conjonction de la part de Dieu et de la part de l’homme dans l’œuvre salvatrice qui fait se mettre debout, notre humanité.

 

Quand je reçois un faire-part de naissance, d’un petit garçon ou d’une petite fille de mes amis, je leur adresse ce poème dans ma prière, ou dans ma réponse à leur lettre. Parce que chers petits enfants, vous êtes les acteurs de notre libération, avec la Grâce de Dieu.

 

J’aime bien aussi, ce poème, lorsque Jean-Baptiste est reconnu par son père comme quelqu’un « qui marche devant le Seigneur ». De nombreux témoins et prophètes prendront le même chemin que Jean-Baptiste, pour que : « vérité et justice soient faites quoi qu’il en coûte ». Ils s’appelleront Gaby Maire, Alice Domon, Léonie Duquet, Christian et ses compagnons, les moines de Tibhirine. Et nous apprendrons que quelqu’un, pour eux et pour nous, aura été : « l’ami parti devant ». En laissant retentir en cet angélus, les paroles du livre de Fadila Semaï, à propos de Mohamed « l’ami parti devant Christian De Chergé » je prends conscience qu’avant moi, « un ami aussi, est parti devant » : Jean-Marie Buisset. Et pourquoi je ne serai pas un jour, pour vous aussi, « l’ami parti devant »? Pourquoi ça ne serait pas moi ?

 

A mon retour dans mon village, je suis arrêté par Henri et Anna : « Reste déjeuner avec nous. » Et ils me partagent que leur filleul à eux, est venu les voir la semaine dernière. C’est un homme qui en porte lourd sur ses épaules. Plutôt que d’attendre que les autres fassent la démarche d’entreprendre de refaire l’unité de la famille, il a dit à ses parrain et marraine : « je prends conscience que c’est à moi de commencer à entreprendre la démarche du pardon qui refera l’unité de notre famille. »

 

En remettant un seau d’eau sur les pieds du petit Ginkgo Biloba, je m’apprête à relire les paroles que nous avons gravées sur le petit écriteau, planté à coté de lui… A ce moment-là, je l’entends qui me dit : « Vous m’avez planté le 09 janvier 2016, ici à Dampierre, dans une ambiance communale, afin de demander l’arrêt de l’armement nucléaire de la France de manière unilatérale. Continuez à ne pas être des gens qui attendent que ce soient les autres qui commencent à se désarmer ! N’attendez pas que les autres enrayent l’injustice, mais faites en sorte que ce soit nous, qui commencions à nous démunir de nos violences. »

 

Pourquoi ça ne serait pas moi ? Pourquoi ça ne serait pas nous qui commencions ?

 

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29 juillet 2016 5 29 /07 /juillet /2016 04:37
Petit retour d'une journée magnifique que j'ai passée en accompagnant Lulu à Neufchateau dans les Vosges pour rencontrer Mgr Alphonse Georger.
 
Quel bonheur quand Monseigneur Alphonse Georger et Lulu se sont découverts, on pourrait dire retrouvés, bien que ce soit leur 1ère rencontre. Leur étreinte était bouleversante, beaucoup d'émotion.
Ils ont tellement de points communs, de connaissances communes.
2 belles âmes !
Tous les deux étaient intarissables. 
Lulu: Mais tu as connu Pierre Claverie, pas possible ! Et tu es allé de nombreuses fois à Tibhirine !  
Et tu étais ami avec Christian de Chergé ? Et tu recevais chez toi Consuelo la Comtesse de Saint Exupéry ? ...
Et toi Lulu tu as connu Jean-Marie Buisset, jeune séminariste tué en Algérie. je parle de lui dans mon livre etc .. etc ...
C'était un régal de les voir tous les deux évoquer tant de souvenirs, certains difficiles de la guerre d'Algérie qui les a marqué à tout jamais.
Le Père Georger est un homme merveilleux, a insisté pour que je sois sur une des photos qu'il a prise lui-même, m'a fait la bise en nous quittant. 
Je pense que des articles pour le blog ne vont pas tarder à arriver.
Cette belle journée a fait, je le crois, beaucoup de bien à Lulu.
Que du bonheur !
Amitiés à tous !
Rosaline
 
Une journée à Neufchâteau
Une journée à Neufchâteau
Une journée à Neufchâteau
Une journée à Neufchâteau
Une journée à Neufchâteau
Une journée à Neufchâteau
Une journée à Neufchâteau
Une journée à Neufchâteau
Une journée à Neufchâteau
Une journée à Neufchâteau
Une journée à Neufchâteau

Une journée à Neufchâteau

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4 avril 2016 1 04 /04 /avril /2016 06:51

« LA VIOLENCE N'EST PAS UNE FATALITE.

L'HISTOIRE PEUT DEVENIR NON VIOLENTE »

(Guy RIOBBE, cité par JEAN MARIE MULLER)

 

Lettre commencée à Midelt le vendredi 11 septembre 2015

Durant mon voyage de Dampierre à Bethléem en 2012- 2013, en quête de la paix, il me revenait souvent des paroles fortes de l'évangile, des psaumes, de Job et des prophètes ou d'autres endroits de la bible.

 

Certaines venaient éclairer les ruelles sombres ou les sentiers ténébreux dans lesquels parfois je me trouvais, les passages chaotiques que j'avais à assumer à certains jours. D'autres paroles venaient éclairer et mettre en lettres de lumière, des attitudes et des gestes ainsi que des moments porteurs de bonne nouvelle, comme lorsque j'ai appris la naissance d'un petit enfant chez des amis qui m'étaient chers, quand des gens aux yeux de qui j'étais « camp volant », m'ont fait une place avec grand cœur dans leut tout petit lieu de vie. 

 

Aujourd'hui, un peu de la même manière, c'est dans la liturgie des heures partagées avec les moines de Midelt, car ils m'ont fait entrer dans leur communauté, que des paroles vives viennent éclairer ma vie, par exemple quand tout à l'heure le frère Antoine nous a aidés à chanter : « Ami Jésus, continue en nous ce que tu as commencé » et hier soir, dans la célébration des complies au psaume 90 Dieu nous disait à chacun : « Plus tu chercheras à t'unir à moi, plus tu deviendras toi même : libéré, libérant et libre » Et ces autres mots égrenés et semés dans l'inquiétude de ma chair blessée :  « Toi qui es mon allié, tu es aussi mon libérateur. » ( Ps 143 )

 

Dans les partages de 10h30 et de 16h sur invitation d'Omar : « Venez boire le thé que Baha a préparé », j'aime entendre comment Jean-Pierre Flachaire ( le jeune ) et Omar ont travaillé à la réfection de la chapelle, en gravissant l'un et l'autre le musulman et le chrétien, les barreaux de l'échelle à deux battants. Et c'est aussi dans la lecture du livre d'Alphonse Georger : « Journal d'un séminariste en Algérie, en 1960-1962 » que Jean-Pierre m'a prêté hier, que je trouve aujourd'hui : « Ma lumière et mon salut » ( Psaume 26 ) à propos de ce que j'ai vécu moi aussi séminariste en Algérie en 1959-1960. Je viens de lire ce livre en pleurant, parce que Alphonse nous révèle à partir de la situation dans laquelle il se trouve, quelle horreur répand la guerre que l'on nous a fait faire et que nous avons faite en Algérie. En même temps, la lecture de ce livre intensifie en moi, cette conviction qu' « à l'impossible nous sommes tenus ». Devant l'attitude des officiers qui étaient ses chefs, Alphonse a appris à s'opposer à des ordres injustes, à oser dire non alors qu'il était mêlé à une ambiance dégradante, à faire objection de conscience, tout en étant un homme très relié à tous ses camarades de compagnie et section.

La violence n'est pas une fatalité

Et parmi toutes les ressources que je découvre contenues dans ce journal, voici à mes yeux le trésor des trésors.

 

Alphonse raconte qu'un jour, il quitte son casernement de Castiglione pour venir à Alger. Il vient y rencontrer des aumôniers, des séminaristes et des chrétiens et aussi des hommes de bonne volonté, ne se reférant pas forcément à l'évangile, mais étant tous des lutteurs pour se défaire et démunir de la violence, de la haine et de la guerre. Il y est accueilli fraternellement et sur la table de la salle de réunion, parmi les revues et documents mis à leur disposition, il tombe sur un petit livre : «  Témoignage d' Amour » de Jean-Marie Buisset.

 

Vous devinez ma stupéfaction quand à mon tour, là, à Midelt, ce vendredi 11 septembre, en lisant ce journal d'un séminariste en Algérie, je tombe sur la recension du livret que nous avions fait au sein de l’aumônerie de la caserne de Bayonne avec le père Jégo, Bernard Robbe, Jean-Claude Paulay et moi.

 

Ce petit livre est constitué des lettres que Jean-Marie nous adressait en avril-mai 1959 depuis l'Algérie, là où il était venu soldat au 2ème RPIMA six mois avant nous. En effet, avec Jean-Marie Buisset, nous avions scellés une amitié merveilleuse dès notre arrivée à la caserne Bosquet de Mont de Marsan dès le 2 septembre 1958, jour de notre incorporation. Tout de suite, l'étincelle de l'amitié s'était allumée entre nous deux, ainsi qu'avec Jean-Claude et Bernard et avec combien d'autres camarades.

 

Parti en Algérie à la fin mars 1959, Jean-Marie nous écrivait à l’aumônerie de la caserne de Bayonne où nous poursuivions notre stage pré AFN ( Afrique Française du Nord ). Les faits et paroles écrits par Jean-Marie dans les lettres qu'il nous adressait nous révélaient dans quel drame cette guerre nous faisait plonger.

 

A chaque lettre reçue, nous sentions ce qui déchirait le cœur de notre ami Jean-Marie et nous devinions ce qui nous attendait lorsqu'à notre tour nous arriverions de l'autre côté de la méditerranée. Ces lettres, par l'amitié et la prière qu'elles recelaient nous préparaient à entrer comme Jean-Marie dans la résistance à la haine et à la violence. Nous étions touchés par l'amour qui continuait de résider et habiter dans l'être de notre ami et dans son attitude face à la guerre. Nous nous prêtions ces lettres les uns aux autres (les photocopieurs n'existaient pas) Je me souviens que nous nous disions que c'était comme lui qu'un jour nous serions appelés à agir et réagir. Nous lisions ces lettres dans nos rassemblements d’aumônerie avec le père Jego et nos groupes d'amis. Nous nous racontions que ça ressemblait au partage des lettres des apôtres Pierre, Paul et Jean dans les 1ères communautés chrétiennes de l'église naissante. Nous sentions bien que nous étions en train de constituer une église qui continuait de naître. Les lettres, une fois lues, nous revenaient et à nouveau nous les partagions avec d'autres.

 

A la fin mai, quand nous avons appris que Jean-Marie était tué (tombé en embuscade dans le massif de l'Ouarsenis, ses parents, ses sœurs et son frère  apprenant sa mort le 29 mai 1959, jour de la fête des mères) nous avons rassemblé toutes les lettres et avons cherché à constituer un petit livre que nous avons offert et envoyé à une multitude de camarades et amis en Algérie et en France dans les équipes d’aumônerie avec lesquelles nous étions en lien. Elles atteignirent le cœur de beaucoup et déposèrent en chacun un souffle d'amour et de résistance à la violence. Cependant, ces amorces d'pobjections de conscience, ne me conduisent pas à penser refuser de partir en Algérie . Dans l'ambiance où nous vivions ce n'était pas pensable.

 

Cinquante sept ans après, là au Maroc, à Midelt, je trouve le livre écrit par Alphonse Georger : « Journal d'un séminariste-soldat. » Ce livre m'est prêté par Jean-Pierre Schumacher, survivant de Tibhirine, et dans ce livre je découvre page 128, la reprise du petit cahier « Témoignage d'Amour » constitué des lettres que Jean-Marie Buisset nous avait envoyées à Bayonne depuis Boghari Castiglione, Aïn-Dahlia du cœur de l'Ouarsenis, montagne dans laquelle était cachée Tibhirine ! Quelle convergence !

 

Bien sûr qu'un jour j'espère pouvoir rencontrer Alphonse Georger. C'est lui qui a accueilli Amédée et Jean-Pierre au lendemain de la disparition des 7 témoins de l'Atlas. Amédée et Jean-Pierre ne pouvaient plus demeurer à Tibhirine. Alphonse, alors évêque co-adjuteur de Léon Etienne Duval à Alger, leur avait offert un lieu de vie aux Glycines. Alphonse devint par la suite évêque d'Oran, succédant à Pierre Claverie, assassiné le 1er août 1996, avec son chauffeur Mohammed. Alphonse est aujourd'hui évêque-ermite dans la région de Cherchell. C'est Jean-Paul Vesco qui lui a succédé comme évêque d'Oran. Nous avons rencontré Jean-Paul et été accueilli par lui à l'évêché d'Oran en mars 2014 avec Nelly et Bernard et Claude Chauvin.

 

A la veille du jeudi saint de cette année 2016, Jean-Luc Bey me dit : « Si on allait voir la Madeleine ? Elle m'a souhaité mon anniversaire hier. » Sœur Madeleine a été institutrice de Jean-Luc, Eric, Brigitte et de combien d'autres de nos amis à l'école Jean Bosco durant les années 1970-1980. Il y avait aussi dans l'équipe éducative, Odile, Vivianne, Christine, Fabienne, Gaby … Sœur Madeleine est depuis plusieurs années en retraite dans la communauté des sœurs dominicaines d'Orchamps, à deux pas de chez nous. Jean-Luc et son épouse Béatrice et moi, nous sommes infiniment reconnaissants à Madeleine de nous avoir appris à lire et à écrire, à faire lecture et écriture des humbles évènements fondamentaux de nos vies, à la lumière de l'évangile de Jésus. Nous ne voyions pas d'emblée l'essentiel de ce nous vivions. Souvent, cela demeurait caché à nos yeux. C'est alors que Madeleine nous disait : « En vous écoutant raconter ce que vous me dites, voyons donc ! » Merci Madeleine de continuer à chercher dans le fouillis de nos vies le sens de notre existence.

 

 

Et me voilà heureux de raconter à Madeleine et aux religieuses dominicaines d'Orchamps en cette veille du jeudi-saint, l'émouvante histoire qui m'est arrivée avec Jean-Pierre Schumacher à Midelt en septembre 2015, grâce au frère Benoit de l'abbaye d'Acey : l'offrande du livre d'Alphonse Georger : » Journal d'un séminariste soldat ». Je leur raconte ma découverte que dans ce livre est serti le »témoignage d'amour » de Jean-Marie Buisset, tout petit livre réalisé par l'équipe de l'aumonerie de Bayonne et le père Marcel Jégo dont je suis le secrétaire. » Et voilà qu'en entendant le nom d'Alphonse Georger, les sœurs me disent : « Mais nous le connaissons Alphonse Georger. Il est le frère d'une de nos sœurs, religieuse à Neufchateau dans les Vosges. Plusieurs disent : « Je l'ai lu ce livre. »

 

Me voilà profondément heureux de trouver le chemin qui me permettra de rencontrer un jour très prochain je l'espère, celui qui devient notre ami Alphonse.

 

C'est grâce à une plénitude d'amis !

 

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27 mars 2016 7 27 /03 /mars /2016 05:00

Le jour de Pâques, le 27 mars, c'est le 20ème anniversaire de l'enlèvement des moines à Tibhirine. Aujourd'hui, Lulu nous parle de frère Christian, prieur de l'Atlas, assassiné le 23 mai 1996 avec 6 frères de sa communauté. 

Les moines de Tibhirine - Frère Christian

Lucien : « Qu'est-ce donc ce qui a tant attiré Christian de Chergé à vouloir donner sa vie à ce pays ? Il dit dans son testament « Ma vie était donnée à Dieu et à ce pays » 

Jean-Pierre : « C'est beau comment les frères de Tibhirine nous avions tous des raisons très personnelles et intimes qui nous ont poussé à venir et très souvent à revenir en Algérie. »

Christian dans son même testament dit que c'est sur les genoux de sa mère, sa toute première église, précisément en Algérie qu'il a appris que «  l'Algérie et l'Islam étaient tout un. »   

 

Christian naît à Colmar le 18 Janvier 1937 son père Guy de Chergé est commandant du 67ème régiment d'artillerie d'Afrique en 1942. « J'avais 5 ans et je découvrais l'Algérie pour un premier séjour de 3 ans. Ma mère nous a appris à mes frères et à moi le respect de la droiture et des attitudes de cette prière musulmane.                      

Ils prient Dieu disait ma mère.

Ainsi j'ai toujours su que le Dieu de l'Islam et le Dieu de Jésus-Christ ne font pas nombre.« Musulmans et chrétiens ont le même ciel au dessus de leur livre »

En 1956, à 19 ans, il entre au séminaire des Carmes.

Et voici qu'en septembre 1958 il est appelé à faire son service militaire. En 1957 il y a eu la terrible bataille d'Alger. Le sort de l'Algérie qui a traversé l'histoire de sa famille et la complexité de ce conflit lui font se poser bien des questions, mais pas un seul instant il ne songe à échapper à son engagement.

Lucien : « J'ai connu et expérimenté les mêmes sentiments. Pourquoi n'avons nous pas été objecteurs avant de partir ? »

Jean-Pierre : « Il prend son poste d'officier dans les services administratifs, du djebel au nord de TIARET en 1959, dans ses bagages il emporte le Coran avec la Bible.

Lucien : « Exactement au moment où est tué Jean-Marie Buisset, et quelques mois avant que je ne vienne faire des opérations dans ce djebel Ouarsenis.

J'y emporterai moi aussi le Coran avec la Bible dans mon sac à dos et j'apprendrai quelques mots d'arabe.

Jean-Pierre : « Un jour il fait une rencontre dont il ne peut pas imaginer à quel point elle va bouleverser sa vie. Mohamed est un homme simple, pieux et père de 10 enfants, qui travaille sous l'autorité française. Il n'ignore pas l'ambiguïté de sa situation et sait qu'à tout moment il peut tomber sous les balles des siens, combattants de l'armée de libération nationale ( ALN ) … Christian le voit prier et ces deux êtres se retrouvent tels 2 frères liés en Dieu. « Toute cette période reste gravée par un rayon de lumière qui a changé l'éclairage de ma vie et l'a conduite où j'en suis, écrit-il en 1985 . Un homme profondément religieux, garde-champêtre de la commune a aidé ma foi à se libérer en s'exprimant au fil d'un quotidien difficile, comme une réponse tranquille avec la simplicité de l'authenticité... » Au cours d'une embuscade, Mohamed tente de faire cesser le tir, cherchant à protéger son ami en danger. Christian sent la menace peser sur son sauveur. Il le voit inquiet et lui promet de prier afin qu'il soit épargné d'une soif éventuelle de vengeance. Hélas, le lendemain, au nom de l'offense, Mohamed est assassiné. Il a donné sa vie pour sauver son frère chrétien. Mohamed deviendra un guide essentiel placé sur le chemin de l'une des initiations les plus fondamentales de sa vie.

« Celui qui sauve un homme est considéré comme ayant sauvé tous les hommes »

Cette phrase du Coran habitera Christian à jamais et constituera le lien qui l'attache à l'ami sacrifié. Cette blessure que Christian porte toujours au cœur est à l'origine de sa volonté de rester en Algérie. Dans le sang de cet ami, assassiné pour n'avoir pas voulu pactiser avec la haine j'ai su que mon appel à suivre le Christ devrait trouver à se vivre tôt ou tard dans le pays même où m'avait été donné ce gage de l'amour le plus grand. Mohamed, l'ami parti devant est aussi la preuve de la présence du Christ chez les musulmans qui pratiquent la religion du cœur.

A propos de faits très graves tels que les tortures, Christian écrit « Il n'est jamais permis d'accomplir un acte mauvais même s'il est prescrit par un supérieur »

Marqué par la force de la prière musulmane et par le geste d'amour qui l'a retenu à la vie, de retour au séminaire des Carmes, il étudie aussi l'arabe et le Coran.

Ordonné prêtre en 1964 à St Sulpice, il est nommé chapelain à la Basilique du Sacré cœur à Montmartre.

Là, un ami du séminaire lui indique l'abbaye d'Aiguebelle, devant sa soif de vie contemplative. Il y entre en 1969. Cette abbaye est très liée à Tibhirine.

Sachant sa détermination de partir au monastère de Tibhirine en Algérie, son père, le général Guy de Chergé lui écrira : « Relis l'évangile... Pourquoi vas-tu t'enterrer là-bas ? « Il y entre le 15 Janvier 1971. En 1972 il part 2 ans à Rome suivre des cours d'arabe et d'islamologie. Il y bâtit des passerelles entre le Coran et la Bible.

 

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23 mars 2016 3 23 /03 /mars /2016 06:00

Le jour de Pâques, le 27 mars, c'est le 20ème anniversaire de l'enlèvement des moines à Tibhirine. A l'occasion de ce triste anniversaire, Lulu nous parle aujourd'hui de frère Christophe assassiné le 23 mai avec 6 de ses frères moines. 

Les moines de Tibhirine - frère Christophe

Christophe Le Breton né à Blois en 1950

Marqué par les événements de 1968. Il ressent à travers le printemps révolté une soif d'absolu. C'est pour être coopérant qu'il part en Algérie de 1972 à 1974. Enseignant dans un quartier populaire d'Alger, il prend à cœur le sort des personnes handicapées. Pendant sa période de coopération, un prêtre d'Alger l'invite à participer à une messe chez les moines de l'Atlas. C'est là qu'il décide de sa vocation monastique.

 

En 1975, il a fini sa coopération. Il revient à l'Abbaye de Tamié.

C'est de là, après quelques années, que le désir de revenir à Tibhirine le gagne.

C'est là qu'il fera vœu de stabilité. Il prononce ses vœux temporaires en 1976 à Tibhirine. Cette année là, Christophe revient à Tamié. Il y reste jusqu'en 1980. Il y est ordonné prêtre. Il fait un séjour aux Dombes. Il y suit une formation de menuisier. Il reprend confiance en Tibhirine et fait connaître à Christian son souhait de revenir à Tibhirine. Tamié lui accorde son changement de stabilité. Christophe prend à Tibhirine la charge du jardinage. Il fait appel à des gens du village pour certaines tâches spécifiques. En 1992 il y devient maître des novices.

 

Avec Célestin ils se chargent de la liturgie, adaptent des chants en arabe. Il se joint très tôt au Ribat Es Salam.

Les moines à Tibhirine comme dans tous les monastères, composent une mosaïque d'opinions et de tempéraments divers qui se nourrit chaque jour d'une confrontation féconde.

Jean-Pierre : « Tu vois, on parlait d'une échelle à deux battants tout à l'heure pour exprimer par cette image notre recherche de Dieu, entre chrétiens et musulmans, notre quête de l'Absolu. Mais dans un monastère, nous pouvons reprendre cette image de l'échelle à plusieurs battants cette fois, pour dire le chemin escarpé et particulier que chaque moine emprunte pour tendre à rencontrer Dieu, en respectant le fait que chacun de ses compagnons emprunte un chemin lui aussi unique mais que tous convergent vers le même point . »

Lucien : « En t'écoutant Jean-Pierre et en retraçant ces chemins empruntés personnellement par chacun de tes frères de Notre Dame de l'Atlas, et par toi-même, je suis renvoyé au chemin que j'ai pris moi-même un jour de 1959 en direction de l'Algérie, en compagnie de Jean-Claude, Bernard, Jean, Alphonse et combien d'autres ... ceux que j'appelle mes amis-copains de régiment. C'était le même chemin que vous, les moines de Tibhirine. Nous prenions, nous aussi depuis Alger-Sidi Ferruch la route des gorges de la Chiffa ... Nous traversions Médéa... Nous entrions dans le massif de l'Ouarsenis... Nous ne connaissions pas encore l'existence du monastère de Tibhirine.

 

Jean-Pierre : « Déjà Luc Dochier et Amédée Noto étaient là à Tibhirine... Moi j'y entrerai en 1964 au lendemain de l'indépendance.

Lucien : « Nous empruntions le même chemin que vous, mais ce n'était pas dans le même but. C'était le contraire de l'échelle à double battant. Nous venions pour soi-disant (pacifier)...Comme nous avons abîmé ce mot !

Nous avons jeté dans l'abîme sa signification. En fait, massivement (nous étions en permanence plus de 400.000 soldats en Algérie pour maintenir l'ordre... celui-là de la colonisation !) Nous venions poursuivre des vivants, des résistants. Afin de justifier cette traque et la mort qui souvent s'en suivait, nous mettions sur ces hommes et ces femmes les étiquettes de « rebelles » et « terroristes ».

Et des fois, c'étaient aussi de nos amis et compagnons qui trouvaient la mort dans la profondeur de ces oueds ou sur le flanc des djebels.

 

C'est pas très loin de là que notre ami Jean-Marie Buisset fut tué dans une embuscade, à quelques kilomètres de Médéa-Tibhirine. Ses parents apprirent sa mort le jour de la fête des mères, le 29 Mai 1959 à Beaulieu dans les Ardennes.

Je dis « notre ami » en parlant de Jean-Marie, car parti quelques mois avant nous en Algérie, il avait écrit à plusieurs d'entre nous des lettres tellement marquantes qu'avec l’aumônier, le Père Jego, nous en avions fait un petit livre que nous avions intitulé «  Témoignage d'Amour ». Que de crapahuts et opérations j'ai moi aussi accomplies dans cette région avec les camarades du régiment parachutiste dans lequel je me trouvais : le 3ème RPIMA. Je ne savais pas bien sûr, que des frères comme Luc et Amédée étaient à Tibhirine depuis 1946 déjà, «  témoins d'une invincible espérance » au flanc de cet Atlas que nous rendions si meurtrier pour les algériens et aussi pour les soldats que nous étions.

 

Et toi Jean-Pierre, tu es venu à Tibhirine en quelle année ?

Jean-Pierre : « C'est en 1964 que je suis arrivé avec un groupe de religieux envoyé par notre Abbaye de Timadeuc en Bretagne ».

C'était au lendemain de l'Indépendance. « A cette époque en effet, l'avenir est incertain pour les européens d'Algérie, il est sérieusement question d'abandonner Notre Dame de l'Atlas. Le Père Duval, célèbre « progressiste » que l'OAS surnomme « Mohammed Duval » oppose toute son énergie à la fermeture de l'abbaye... Évêque d'Hippone en 1946, il est depuis 1954 Évêque d'Alger et affirme ses positions en faveur de l'auto-détermination. Plusieurs moines s'en vont en France rejoindre leur abbaye d'origine et seuls quelques frères résistent, fidèles aux vœux de « vivre et mourir dans ce nid d'aigle »

Lucien : « C'est dans cet Ouarsenis, face à ce rouleau compresseur que fut le plan Challes, où tant de gens trouvèrent la mort, la déportation, l'engament forcé dans la constitution de harkas, qu'avec quelques camarades nous opposions  ce que nous disait notre conscience d'homme. C'est extrêmement dur d'oser faire sortir de sa bouche et de son regard de tout petit soldat tout seul face à un cordon d'officiers parachutistes baraqués et baroudeurs, certains ayant fait l'Indochine, que la dignité de n'importe quel homme est intouchable.

 

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6 janvier 2015 2 06 /01 /janvier /2015 11:00

Ça aurait pu être moi, qui ait eu à tirer

sur l’homme qui vient de tomber.

 

Témoignage de Lucien lors des journées "histoires et mémoires de la guerre d'Algérie" à Besançon. 1ère partie

 

Ce que je vais essayer de partager avec vous, c’est une prise de conscience, une avancée en objection de conscience, que j’ai commencée de réaliser au cours de l’opération CIGALLE (du 24 juillet 1960 au 24 septembre 1960), dans l’Ouarsenis. Nous étions sous le commandement du Général CREPIN remplaçant le Général CHALLES. J’étais dans le 3eme RPIMA (régiment parachutiste d’infanterie de marine) à la compagnie d’Appui (C. A.),de la 58 – 2A. Nous venions de quitter Sidi-Ferruch , notre base arrière (B.A.), afin de parvenir au Grand barrage de l’Oued Fodda. C’est là qu’était notre Base Opérationnelle Avancée (B.O.A.). C’est pas très loin de là, que mon ami Jean Marie BUISSET, (originaire de Beaulieu, le grand douaire dans les Ardennes) avait été tué, il y avait un an, durant l ‘opération COURROIE sous la direction de général CHALLES, le 29 Mai 1959 dans le secteur de BOGHARI.

 

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Nous sommes partis ce soir là, monter une embuscade à flanc de l’Oued El Ardjem.

J’ai été désigné avec une dizaine de camarades, ça fait la petite moitié de la section. L’autre moitié est désignée pour une autre embuscade.

 

Je vais vous raconter comment ça s’est passé, comment un homme a été tué, au cours de l’embuscade. Ce qu’il est advenu de lui, et de nous. C’est en faisant cette analyse , que je continue de prendre conscience, que je n’aurais pas dû partir tendre cette embuscade, donc je n’aurais pas dû faire la guerre, donc pas dû partir en Algérie, ni non plus donc, partir soldat…

 

Ce dont je veux essayer de témoigner, ce que je voudrais essayer de montrer, c’est que même si ce n’est pas moi qui ai tiré sur l’homme qui vient de tomber dans l’embuscade, je fais partie du groupe, de la section par laquelle, cet homme a été tué. Je suis français, je suis parti soldat, j’ai malheureusement fait la guerre d’Algérie.

 

De cela, peut on s’en remettre ? Que veut dire s’en remettre ? Comment retrouver un chemin d’humanité ?

 

Ce qui travaille le fond de ma conscience, c’est que j’ai été soldat en Algérie. J’ai été à la guerre d’Algérie. J’ai fait la guerre d’Algérie. J’ai malheureusement fait la guerre d’Algérie. J’ai honte de moi. J’ai honte de mon peuple. Pourquoi n’ai je pas déserté ? Pourquoi l’Eglise, dont je suis, ne m’a pas aidé, et permis de déserter, de me sauver ?

 

Question du passage de notre responsabilité personnelle, à notre responsabilité collective et réciproquement.

 

Tout cela me fait dire, que certains faits de guerre et probablement beaucoup de faits de guerre sont commis par nous. Même si ils ont été effectués par quelques uns, par quelqu’un, par moi : des fois on me dit, et encore il n’y a pas longtemps : « je n’ai jamais eu à tirer… à tuer… quand j’ai fait mon service en Algérie ». Ce qui me travaille surtout, c’est quand on me pose la question et qu’en même temps, on me fait la réponse : « tu ne t’es jamais trouvé à avoir à tuer ? »

 

Nous avions appris à tendre une embuscade, quand nous finissions nos classes, en France durant mes stages pré AFN à Mont de Marsan et Bayonne. Je ne voyais pas les conséquences de ce que j’apprenais. Je ne percevais pas tout ce dans quoi ça m’engageait. Je vais mettre beaucoup de temps, pour avancer, approfondir en conscience ce que je vis.

 

Pourquoi est ce que je n’ai pas dit : « Je ne vais pas tendre l’embuscade ». je ne savais pas dans quoi j’allais me trouver engagé.

 

J’aurais dû ne pas y aller ! Mais à cette époque, je ne voulais pas me désolidariser de mes copains, être privilégié et passer à coté de ce qui était dangereux, risqué dans ce sens là. Je ne voyais pas encore, qu’être solidaire de l’humanité, c’est refuser d’aller et de se trouver dans des situations où nous ne pourrons presque plus « choisir d’être homme ».

 

Nous sommes dix à monter l’embuscade.

 

L’embuscade commence vers 21 heures.

Le premier et le dixième montent la garde pendant une heure et demi. C’est ce qui est convenu. Chacun de nous se fiant à sa montre, qu’il a mis à l’heure précise de ses camarades. Les huit autres dorment ou essayent de dormir. Au bout de l’heure et demi écoulée, le dixième réveille le neuvième, et le premier réveille le deuxième. C’est le neuvième et le deuxième qui montent la garde, le doigt sur la gâchette de l’arme qu’ils tiennent. Souvent, c’est une M. A. T. Le premier et le dixième s’endorment… Et ainsi de suite…

 

Cette nuit là, j’avais pris mon tour de garde pendant une heure et demi aussi, et il ne s’était rien passé pendant ce temps là. Aucun homme n’était tombé dans la nasse que nous venions de tendre. Des renseignements souvent obtenus par la torture, nous avaient indiqué, le passage probable de membres de l’A.L.N. par ce sentier sur lequel, nous tendions l’embuscade.

 

Nous avions aussi cet ordre odieux : « vous ne devrez tirer que si c’est un homme qui survient dans la nuit ». Parfois, c’était des sangliers qui rôdaient dans les parages. Déjà quand il fait nuit, et silencieux, tu as peur. Tu luttes pour vaincre ta peur, espérant que rien ne viendra (au moins pendant que tu montes la garde à ton tour) rompre, et le silence et la nuit. Mais quand ça fait du bruit, tu as une peur monstre. Et tu dois évaluer dans cette nuit noire, si le bruit que tu entends est celui d’un sanglier ou celui d’un homme. Et si c’est le bruit d’un sanglier, il t’est interdit de tirer, afin de ne pas alerter et signaler notre présence aux fellaghas, postés dans les environs. Et si, terrassé de peur, le gars qui monte la garde, tire sur un sanglier et le tue, l’accablement qui va lui tomber dessus, et la honte qui va s’en suivre, nous empêchera de nous apaiser, que ce ne soit pas un homme, qui soit tombé sous nos balles.

 

Tu as peur pour toi, pour ta peau. Tu as peur pour les copains. Tu penses peut être plus aux copains qu’à toi, car tu as mission de protéger tes copains. C’est ce qui te motive.

 

Et si tu as évalué, que le bruit qui rompt le silence de la nuit, est fait par un homme, tu es prêt à tirer, tu dois tirer, pour sauver la vie de tes copains et la tienne.

 

Tu ne te poses pas, à ce moment là, la question, de ne pas tuer l’homme qui tombe dans l’embuscade, que tu tends avec tes camarades.

 

C’est en amont qu’il aurait fallu, que je me pose question. C’est après que je me la suis vraiment posée, la question… et je vais mettre du temps, et je crois bien que je n’ai pas fini ni terminé…

 

Voilà comment je me suis posé la question.

 

Je viens de monter la garde pendant une heure et demi, à ce bout ci du sentier, et l’autre copain, à l’autre bout de la tenue de l’embuscade. Il ne s’est rien passé durant mon temps de faction. J’ai appelé et réveillé le copain, qui me remplace à monter la garde… Je me rendors. Et voilà qu’une demi heure après, alors que je suis en plein sommeil, une rafale de M.A.T. déchire le silence de la nuit, dans laquelle je m’étais rendormi. Un râle continue à déchiqueter l’enveloppe de cette nuit. C’est celui de l’homme qui vient de tomber dans notre embuscade.

 

Le drame est bien sûr qu’un homme soit mort, tombé criblé de balles. Mais dans la situation où nous sommes, je ne peux pas dire cela. Car ce que nous venons d’accomplir est une sorte de réussite, aux yeux de notre commandement. Alors qu’en fait, le drame est double… Je ne vais pas tarder à le comprendre. Il est même triple. Il va très vite devenir multiple.

 

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6 septembre 2014 6 06 /09 /septembre /2014 21:21

Dampierre le 04 septembre 2014

 

Chers amis,

 

De retour de BEAULIEU dans les Ardennes, où nous avons vécu d’intenses moments de commémoration, avec les nombreux membres de la famille de mon ami, Jean-Marie BUISSET, tué en Algérie, pendant la guerre, le 29 mai 1959.

 

Nous avons poussé nos recherches et investigation de « résistance » et de « résilience », jusqu‘à découvrir et cultiver les graines d’action non violente, qui sont en chacun de nous. Nous avons bien senti et compris, qu’il nous faut absolument travailler à nous désarmer. Comment nous y aider très présentement ?

 

J’avais emporté dans mon sac à dos, au moment où j’ai pris le train à Dole pour Charleville-Mézières, le livre de Jean-Marie Muller qui vient de paraître « LIBERER LA FRANCE DES ARMES NUCLEAIRES »*.

 

Jean-Marie venait de m’envoyer son livre, avant mon départ, avec cette dédicace que je vous offre à tous. Je ne veux pas la garder rien que pour moi, bien sûr. Ce qu’il me dit fraternellement, est pour vous aussi :

 

«  Pour toi, mon cher Lulu. Dans l’espérance de LIBERER LA FRANCE DES ARMES NUCLEAIRES afin de rompre avec la préméditation d’un crime contre l'Humanité. »

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En prononçant l’homélie, à la messe, en ce jour de commémoration, dans les Ardennes, je me suis référé à tout ce que Jean-Marie Muller  et le MANV nous aident à ramasser de graines d’action non violente, dans le sillage des moines de Tibhirine. J’ai cherché avec mes nombreux amis à ensemencer ces graines, dans nos vies.

 

Ce livre nous aide à nous démunir et à nous désarmer de nos paroles et attitudes et actes violents, ancrés en nos êtres. Nous nous ouvrons à la force d’amour du jeune Galiléen, qu’est jésus. Nous nous engageons davantage à exiger l’arrêt immédiat de l’armement nucléaire, de la France de manière unilatérale. Nous remettons en cause notre église catholique engluée dans la compromission et la connivence avec l’état, justifiant la préméditation d’un crime contre l’humanité.

 

 

Toute notre reconnaissance à vous Jean-Marie, Hélène et tous les amis du MANV pour votre pensée et votre apport vitaux et essentiels, afin que survive notre humanité, ramassés dans ce livre «  LIBERER LA FRANCE DES ARMES NUCLEAIRES ». Vous nous aidez à trouver le chemin, afin d’entrer en dissidence et par rapport à l’état et par rapport à l’église catholique, afin de rompre avec la préméditation d’un crime contre l’Humanité.

 

éditions de la Chronique Sociale

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7 juin 2014 6 07 /06 /juin /2014 09:08

D'Alger à Tibhirine, Lundi 10 mars 2014

AVEC QUI PARTONS-NOUS POUR TIBHIRINE ?

QUELLE SERA NOTRE ESCORTE ? « Apoc. 3 4 »

 

Ainsi j’ai pu me lever tôt ce lundi matin. Révéillé bien avant quatre heures, je me mets debout afin de marcher vers la lumière… Partir pour Tibhirine.

La grâce qui nous est donnée, à Nelly, Bernard et Claude et à moi, c’est qu’en vivant de tels moments, nous n’allons pas garder, rien que pour nous, ce dont nous sommes témoins.

La grâce qui nous arrive, c’est déjà de vous porter dans nos cœurs de chair, vous tous les amis. Jean Marie (le jardinier de Tibhirine) nous a dit hier soir, qu’il n’y aurait pas d’escorte policière à notre embarcation pour Tibhirine. Notre escorte sera donc non violente. Ce sera vous : nous allons partir accompagnés par vous tous, que nous nommons avec vos paroles et vos mots, que nous appelons par vos noms. La grâce qui nous est offerte, c’est de vous porter dans nos cœurs de chair, vous tous. Et je me réjouis en conscience, d’être porté dans vos cœurs en vous portant dans le mien. Tout ce travail est une mise au monde, un enfantement…Nous le vivons en action de grâce.

 

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Je vous nomme, vous qui êtes au commencement de ma  vie, maman et papa, Susanne et Marius, et tout de suite, en même temps, vous mes sœurs et frère, comme je vous nommais sur cette même terre d’Algérie dans l’Ouarsenis…Il y a un peu plus de cinquante ans…Quand vos noms s’inscrivaient dans le cœur de Monsieur Mohamed H, dans celui, de Fatima, de Yasmina et d’Allia, ses filles, et dans celui d’Amed et Abdelkader, ses fils, pendant que c’était la guerre.

 

Après vous avoir nommés, vous, grâce à qui, j’ai commencé de vivre en votre chair et d’y être aimé, je vous vois vous tous dont les noms sont écrits sur mes cahiers : Sur celui là, qui va de Dampierre en France à Bethléem en Palestine, sur celui là aussi, qui va de Dampierre en France à Oued Fodda en Algérie, et sur celui là encore qui va de l’abbaye d’Acey en France à l’abbaye de Latroun en Palestine-Israel, et l’abbaye de Tibhirine en Algérie. Je vous nomme tous, celles et ceux dont le nom est paru dans mes cahiers, qui sont une part du livre de vie (Apoc 1- 11 ; 3- 6) Vous êtes notre escorte.

 

Oh ! qu’elle est de chair, ma prière ! Elle est de votre chair, de la mienne, et de la tienne ami Jésus, en qui repose tous celles et ceux que je nomme, mais aussi tous ceux et celles que tu n’oublies pas, et que tu sais appeler par leurs noms, toi Jésus Christ.

 

En découvrant dans la prière d’hier soir et dans celle de ce matin, ce qui se passe en ton cœur ami Jésus Christ, et dans le tien Christian de Chergé, et dans celui de tes compagnons de Tibhirine, je suis émerveillé de ce qui habite en vos êtres profonds. Cela me fait partir à la recherche de celles et ceux dont nous ne savons pas, ni le nombre, ni le chiffre, ni le nom. Combien êtes vous, et qui êtes vous, vous tous, dont le sang a coulé sur la terre d’Algérie. Vous êtes aussi notre escorte. Je pense à ce qui vous est arrivé à vous, frères et sœurs humains, dont le sang a coulé, suite à beaucoup de tortures, à la villa Susini, dans la forêt de Sidi Ferruche, à votre place Maurice Audin, à ton endroit Jean Marie Buisset, en plein djébel Ouarsenis, quand ta vie comme celle de tant d’autres, à « voltigée » en éclats… Je pense à vous tous frères et sœurs. Vous êtes aussi notre escorte. Vous tous, victimes  des luttes d’intérêts et de pouvoirs, durant les années noires, de 1990 à l’an 2000.

 

Je pense à vous, qui aux portes de la Casba et de Bab-el-oued, humblement vous vouliez être les petites branches, du grand et unique arbre, qu’est l’humanité, pour protéger les petits oiseaux, qui venaient se réfugier auprès de vous… Je pense à toi Abdelkader d’Oued Fodda, mort en 1997…

 

Et voici  que c’est tout l’arbre de vie qui a été saccagé, mis à feu et à sang, par la guerre. Je pense à toi l’homme de l’Oued Ardjem, tué durant une nuit d’embuscade, en 1960, pendant  l’opération Jumelles… Et à toi aussi, petit enfant des environs de Ténes, blessé durant une autre opération. Tu es mort dans nos bras. Je t’ai enterré, et ta maman n’aura jamais su où tu étais tombé. Je pense à vous tous, qui avez sombré, dans les affres de la mort, dont le sang et la chair ont pourri sans sépulture. Nous découvrions d’une opération à l’autre, «  vos ossements desséchés », comme dans le livre du prophète Ezéchiel au chapitre 37.  Je vous entends dire encore aujourd’hui : « nos os sont desséchés, notre espérance est détruite, c’en est fait de nous » (v.12), alors que nous allons prendre le chemin de Tibhirine. Et nous n’avons même pas retrouvé tous vos ossements, moines de Tibhirine. Dans vos cercueils,  il n’y a que vos têtes. C’est alors que Yahwé-Dieu nous dit, à vous et à nous, car nous sommes nous aussi des gens qui sont tombés : «  Voici que j’ouvre vos tombeaux. De l’endroit où vous êtes tombés, je vais vous faire remonter…Et je mettrai mon esprit  en vous, et vous vivrez. » (Ez. 37 11- 14. )

 

Nous avons l’impression que tout a été arraché de cet arbre de vie. Pas facile de dire que « quand il est venu chez lui, il y en a quelques uns qui l’ont reconnu, là ou notre humanité est cassée, fracturée, abîmée. » (Jo 1 12 - Lc 24)

 

Petit reste !  vous êtes là, c’est vous aussi qui nous accompagnez ! C’est vous tous qui êtes notre escorte, infinie petite église d’Algérie. Merci à vous Hélène et Jean Marie Muller qui nous avez mis en lien, avec vos cousins, Anne et Hubert Ploquin. Vous avez été hôtes d’accueil, au monastère de Tibhirine, durant les années 2012, 2013. C’est grâce à vous que nous frappons à la porte de cette infime petite église d’Algérie et que nous entendons : «  Entrez ! » Emportés par vous, vous êtes aussi notre escorte.

 

Je vous vois dans l’escorte, des personnes qui nous accompagnent, vous aussi Bernadette et Jean  Coulet, qui m’avez offert le livre : «  Le jardinier de Tibhirine ». Et vous faites partie de l’équipée, des amis qui nous avez offert les ânes, il y a 33 ans : Andrée et Michel, Danielle et Alain, Michou et Jean, et vos enfants à tous . Grâce vous, nous avons pris goût à marcher aux pas de l’âne et ainsi, retrouvé le pas de l’homme que nous avons perdu. Tout cela fait partie intégrante de la culture de la non violence.  C’est pour en chercher les graines que nous nous sommes mis en route, afin d’entrer dans le jardin de Tibhirine et les y ramasser… Vous nous escortez, Bernard, Jean, Alphonse, et vous membres des familles de Jean-Claude et de Jean-Marie, du Lot et Garonne, du Gers, des Ardennes et du Jura, qui auriez tant voulu, que nous ne partions pas, à la guerre… Vous êtes aussi de notre escorte, Gaby Maire, Alice Domon, et Léonie Duquet. Votre sang a coulé sur une autre terre, celle d’Amérique Latine, pour que la paix vienne par la justice. Cette terre est aussi la Terre des Hommes.

 

Quelqu’un a merveilleusement écrit ta présence Gaby, dans cette escorte, pour Tibhirine. C’est ta sœur Marie Thérèse, qui dans les échos de Vitoria dit : « Qu’il y a un parallèle entre la vie des moines et la tienne. Comme à eux, la vraie question qui s’est posée à toi, c’est : doit-on partir ? doit-on rester au risque de notre vie ? Comme eux, tu es resté, en disant je préfère une mort qui mène à la vie, qu’une vie qui mène à la mort»  

 

Toi aussi Gaby, tu as tellement été bouleversé, par la guerre d’Algérie, où tu étais venu soldat, à Colomb-Béchar avec Gérard Mouquod et tant d’autres... 

 

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26 avril 2014 6 26 /04 /avril /2014 08:01

 

D’ALGER à OUED FODDA,  le 8 mars 2014

 

VOS NOMS SONT GRAVES SUR LES PAUMES DE MES MAINS (ISAIE 49 )

 

Les panneaux routiers nous indiquent que nous approchons de CHLEF, l’ancienne ORLEANSVILLE. Comme je comprends qu’au moment de l’indépendance en 1962, le peuple algérien ait voulu effacer les noms des villes et villages qu’avait imposés  l’administration colonisatrice.

En effet, durant la guerre d’Algérie, la petite ville que nous dénommions (LAMARTINE), ne s’appelle plus ainsi. Elle a retrouvé son nom originel : (KARIMIA).

Je suis peiné et heureux en même temps de chercher et trouver, grâce au jeu des cartes Michelin, l’ancienne et la nouvelle, ces noms chargés du poids de notre histoire et ceux, nouvellement porteurs de nos aspirations et de nos espérances. Ne sont-ils pas désormais des signes du respect d’une civilisation et de la recherche de la véritable libération et identité d’un peuple ? 

 

Au moment où nous quittons la station service de TIBERKANINE , où nous avons fait halte afin de remplir le réservoir de la voiture, Monsieur Sid ALI le chauffeur du taxi nous dit : «  Pendant que nous buvions le café, je me suis fait expliquer par des gens de la région avec qui j’ai causé, quel chemin il nous faut prendre pour parvenir au barrage de l’OUED-FODDA, là où vous espérez retrouver vos amis de 1960. Il nous faut bien traverser la petite ville de KARIMIA, elle n’est plus guère loin … Tenez … Est-ce que ce ne serait pas ces habitations que nous voyons ? 

Je réponds : «  Oui, Oui. Voilà l’endroit où nous avions cantonnés en août 1960 … là sous ces eucalyptus … là le long de cette rivière OUED-FODDA, qui descend du barrage appelé aussi barrage du STEEG … Oh, comme cette eau coule encore ! 

 

Quelle émotion se met à travailler mon être profond !

C’est là en effet que j’avais beaucoup « miséré », c’est sous ces eucalyptus que j’avais mûri la manière et la façon qu’il me faudrait employer pour affronter mon capitaine et oser lui dire ma réprobation à propos de ce qui s’était passé dans l’opération d’où nous revenions.

J’avais écrit alors sur un carnet ce que nous vivions d’éprouvant, ce dont nous parlions avec les copains, nos réactions et aussi ce que je pensais et essayais de faire. J’ai conservé tous ces carnets, gardiens et révélateurs de ce que nous découvrions. Quelle lutte nous avions entreprise, afin de ne pas nous laisser « déglinguer » et démolir. Combien de fois chacun de nous s’était retrouvé à certains moments isolé et seul. Et cela, malgré les belles amitiés vécues et réalisées entre copains, au sein du groupe d’amis que nous formions dans la compagnie. Souvent, tout seul, en face de ma conscience.

Pourquoi qu’à deux, trois ou quatre, nous ne nous étions pas dit : « Avec ce qui vient de se passer, il nous faut en conscience rendre nos armes et nos bagages … ? 

Pourquoi ne sommes nous pas allés jusque là ? Pourquoi n’avons-nous pas pu le faire ?

 

Nous traversons KARIMIA et nous ne tardons pas à emprunter une route escarpée que je reconnais bien. Etablie dans les années de la construction du barrage en 1932, au flanc d’une montagne stable, cette route est toujours la même. C’est celle-là que nous empruntions avec nos G.M.C. en 1960 pour partir et revenir d’opérations dans le djebel. Elle est toujours aussi bien entretenue. Accessibilité au barrage hydro électrique oblige.

 

Un panneau : « Barrage de l’OUED-FODDA » apparait puis peu de temps après, encore un avec la même indication. Nous sommes vraiment sur la bonne route. Nous n’allons pas tarder de parvenir en cet endroit où rien ne semble avoir bougé d’un centimètre. Mais peut-être que des choses ont bougé mais qu’elles ne le paraissent pas dans l’immédiat. Ce seront probablement mes amis dont la situation aura bougé. De toute façon, je devrai garder, ancré en moi, l’attitude de Madame  Germaine TILLION, qui, lorsqu’elle réalisait en 1937 ses travaux d’ethnologue dans les AURES, disait à propos des CHAOUIAS qu’elle rencontrait : «  Je veille à ne pas leur faire dire ce que je voudrais bien qu’ils me disent, mais qu’il disent, ce que réellement ils ont à dire et veulent me dire » Mais peut-être que je ne retrouverai pas mes amis, parce que leur place aura changé.

 

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Ça y est, la guérite du gardien du barrage est en vue, sur le même petit promontoire où elle se trouvait en 1960. Je n’ai pas à préparer ce que je vais dire, ça vient tout seul. Je grimpe les marches d’escaliers qui me mettent en présence d’un homme en armes … Au moment où je lui explique en présence de mes trois amis Claude, Nelly et Bernard et du chauffeur de taxi Sid ALI : «Bonjour Monsieur, j’étais soldat de l’armée française ici en 1960. J’étais devenu ami avec Monsieur Mohammed   H. , je sais qu’il est mort en 1984 … »

Je m’apprête à lui demander s’il peut m’aider à rencontrer le fils de Monsieur Mohammed   H. qui travaille au barrage : Abdelkader, lorsque les hommes qui viennent de s’adjoindre au gardien me répondent et me font comprendre qu’il n’y a plus ici au village du barrage de gens qui portent le nom de famille   H.  et me disent «  Il faut redescendre à KARIMIA pour trouver quelqu’un qui s’appelle du nom de  H. … » Tout cela me décontenance …  ça me surprend qu’avec la grande famille que Monsieur H. a fondé, il n’y ait plus personne de leur famille qui réside ici. En fait, je suis en train de faire une erreur d’investigation dans ma recherche … Il n’y a peut-être plus personne qui porte le nom de famille de H. mais il y a probablement issus de la famille H. qui portent un autre nom. En effet, les filles de Monsieur H se sont mariées, elles ont mis au monde des enfants. Cela serait bien surprenant qu’il n’y ait pas quelques uns des petits-enfants de Monsieur Mohamed H qui habitent ici …

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Justement,  je suis en train d’expliquer pour la 4ème ou 5ème fois à des jeunes qui viennent de s’adjoindre aux hommes qui entourent le gardien , que j’ai été soldat ici il y a 54 ans … que j’avais lié amitié avec un homme père d’une grande famille qui habitait là et dont le nom est Monsieur H. … quand, voilà qu’un jeune d’une vingtaine d’années se met à sourire en entendant ce que je balbutie …

Il nous regarde, il a compris et il nous dit «  Venez avec moi, on va descendre au bas du village … »

Et  je me mets à dire les prénoms des enfants de Monsieur Mohamed H. , Abdelkader, Fatima, Yasmina … Parvenus très vite au bas du village, le sourire du jeune homme s’épanouit davantage encore sur son visage puis sur le mien, le nôtre, quand je redis les prénoms de Fatima, Yasmina. En effet, ce jeune homme me dit «  Voilà le mari de Fatima ! » C’est monsieur B. je comprends qu’il n’y a plus de gens qui portent le nom de Monsieur Mohamed H. mais il y a des gens de sa famille qui habitent là : ce sont les familles de ses filles, et ses filles elles-mêmes.

Je demande alors : « Et Fatima, est-ce que je pourrais la saluer ?» Le jeune homme me répond « Justement, la voilà qui arrive.»

Quelle joie et quel bonheur de nous saluer avec Fatima, Yasmina, Alia, avec leurs maris, leurs enfants et petits-enfants.

 

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En un court laps de temps, beaucoup de gens de la famille de Monsieur Mohamed H. se sont rassemblés autour de nous. Une merveilleuse fête de retrouvailles se réalise il y a plus de cinquante ans que nous ne nous étions pas revus. Et nous nous nous souvenions de nos prénoms ! Cela n’avait pas bougé. Je repensais à la parole du prophète Isaïe, (49) : «  pour que mon salut atteigne aux extrémités de la terre. Cieux, criez de joie ! Terre, jubile ! Moi, je ne t’oublierai jamais. Je t’ai gravé sur les paumes de mes mains, je t’ai caché dans l’ombre de ma main. «  Isaïe (49) 2, 6, 13, 16.

Il y avait quelque  chose dans nos regards et sur les traits de nos visages, qui n’avait pas changé, qui était resté et qui nous habitait.

Oh, le bonheur de nous retrouver !

Quels moments de fraternité étaient suscités entre-nous.

C’est alors que je leur redis «  Votre Papa m’avait dit, ici tu es loin de ton Père, je suis comme ton Père, tu es comme mon Fils »

Cinquante ans après qu’elles aient été dites, ce sont ces paroles fondatrices qui nous font  nous rencontrer et nous regarder en frères et sœurs, avec vous Fatima, Yasmina, Alia, vos maris, vos enfants et petits-enfants.

Je sentais comment Claude, Nelly et Bernard, mes compagnons de voyage, étaient associés à cette fraternité. Ils avaient tant fait pour que nos retrouvailles aboutissent.

Nous expérimentions que ces paroles étaient vraies, une fois encore «  Le Verbe se faisait chair »

 

Cinquante ans après qu’elles soient sorties de la bouche de leur Père et qu’elles aient été ramassées par eux les enfants et par moi, ces paroles qui fondaient notre relation d’amitié et de fraternité, n’avaient pas bougé d’un iota.

Ni les années, ni les distances, ni la guerre que nous avions faite, subie, traversée, n’avaient  donné un seul coup de ciseau à ce qui nous reliait.

Pendant près d’une heure, nous sommes là à nous exprimer notre émotion et notre joie les uns aux autres.

Nous nous prenons à témoins les uns en présence des autres et nous reconnaissons ce qui nous relie les uns avec les autres aussi  intensément depuis tant d’années, et qui ressurgit en plein midi de ce jour.

 

C’est alors que, demandant des nouvelles de leur plus jeune frère Abdelkader, ses trois sœurs me répondent : «  Abdelkader est mort ! C’était durant ces années qu’on ne veut plus revoir … Les années noires de 1990 à 2000. C’est durant cette décennie terrible qu’a été déchirée la vie des moines de TIBHIRINE, celle de Pierre CLAVERIE et son chauffeur Mohammed et de combien d’autres, 150 000, 200 000 qui sont morts. Les noms de tous ces gens ne sont-ils pas écrits dans les paumes des mains de quelqu’un comme l’est le nom d’Abdelkader. Je veux y adjoindre le nom de Jean-Marie BUISSET, l’ami des Ardennes tué le 29 mai 1959, celui de l’homme de l’Oued EL ARDJEM tué dans l’embuscade que nous avions montée et le nom de l’enfant que j’avais enterré … Sa mère ne l’ayant peut-être jamais retrouvé.

La famille de mes amis, comme beaucoup d’autres familles, avait été déchiquetée en raison de questions de pouvoir, d’argent et de violence.

En 1960, l’attitude, l’accueil et les paroles de leur Papa et grand-père m’avaient ouvert les yeux et le cœur et fait entrer en objection de conscience.

Nous avions essayé de faire obstacle à la guerre.

Dans les années 1990-2000, ils avaient maintenu leur lutte afin de pouvoir vivre.

Qu’est ce que j’aurais  voulu connaitre ce qui s’était passé, mais ça ne se demande pas comme ça, il faut de longs partages afin de pouvoir commencer à y parvenir.

Peut-être qu’un jour ils me partageront ce qui leur a ôté leur frère Abdelkader.

Et voilà que nous sommes interpellés à la table préparée, pendant que nous causions.

Ainsi les filles et les petites-filles de Monsieur Mohamed H. ont préparé pour Nelly, Bernard, Claude et moi un repas chaud, du lapin, des légumes et du couscous : » Asseyez-vous … Vous allez manger ! « La fraternité qui nous relie se célèbre  et se fête par le repas de l’hospitalité »

 

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  • : Lulu en camp volant
  • Lulu en camp volant
  • : Lucien Converset, dit Lulu est prêtre. A 75 ans, il est parti le 25 mars 2012 avec son âne Isidore en direction de Bethléem, où il est arrivé le 17 juin 2013. Il a marché pour la paix et le désarmement nucléaire unilatéral de la France. De retour en France, il poursuit ce combat. Merci à lui ! Pour vous abonner à ce blog, RDV plus bas dans cette colonne. Pour contacter l'administrateur du blog, cliquez sur contact ci-dessous.
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Désarmement nucléaire

Journée de jeûne pour demander le désarmement nucléaire unilatéral de la France,

tous les 1ers lundis du mois de 14h à 17h en hiver, de 16h à 18h en été, à Dampierre (39) avec un temps de partage et de réflexion animé par Lulu.

Et commémoration des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki entre les 6 et 9 août, chaque année.

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