Samedi 23 mars 2013
Nous sommes en train de marcher d’un bon pas, l’âne Isidore et moi. Nous avons des tas de choses à nous raconter en ce premier jour de reprise de notre long périple. L’âne Isidore me dit :
- Il parait que tu souhaitais la pluie durant tout l’hiver, afin que l’herbe repousse, pour que j’aie à manger sur les talus et dans les fossés. Quand tu m’as quitté en novembre2012 et que tu m’as laissé dans l’étable d’ETNO SELO. J’ai été merveilleusement soigné, seulement, je m’ennuyais de toi. Les ânes, c’est comme vous les humains, on est fait pour aller et venir ensemble. Ce qui pendant presqu’une année s’était passé chaque jour, ça me manquait. Ce dont nous sommes témoins, quand les gens nous accueillent et qu’ils disent : « entrez donc,… venez vous mettre à l’abri de la pluie et de la nuit… » C’est vrai que des fois, reconnaissons que c’est rare, il y a des gens qui nous remballent, qui nous envoient promener ou paître. Ils disent : « Allez plus loin ! » Ils nous parlent avec la langue du pays, en serbe ou en macédonien… Mais on comprend quand même. C’est étonnant tout ce qui peut s’exprimer et se comprendre en quelques geste qui traduisent ou l’accueil ou le rejet…
- Dis donc Isidore, c’est incroyable tout ce que tu ressens !
- Quand je t’ai vu revenir hier soir, t’as remarqué ! je t’ai boudé ! Je croyais que tu revenais simplement me revoir un petit coup et que tu allais repartir tout seul, en continuant de me laisser à ETNO SELO. Tu vas me dire que j’étais bien avec les 2 autres ânes, et les 2 chevaux. Mais le fait de rester toujours dans la même étable et le même pré, ça m’ennuyait. On voyait bien des groupes d’enfants de temps en temps. Mais je m’ennuyais de toi et je regrettais ce qui fait l’originalité de notre marche. C’est jamais la même chose, les mêmes gens, le même paysage. Chaque jour et nuit sont différents. Alors je songeais : « car que faire en un gîte à moins que l’on ne songe ! » Comme le dit le lièvre, cet autre animal aux grandes oreilles comme les miennes.
- On ne sait pas nous les humains, ce que se passe dans la tête d’un âne !
- Nous sommes plus proches de vous que vous ne le pensez. C’est pour ça qu’il faut beaucoup nous respecter les uns les autres. Je pense à toutes les maltraitances. Il y a celles qui sont faites aux enfants des humains. Mais il y a aussi tout le mal que l’on fait aux abeilles… tout ça pour plus de rendement, pour davantage récolter de céréales, afin de nourrir tout le monde ! Mais cela est faux… Je pense aussi aux chiens que l’on rencontre. Quelle vie de chiens, leurs maîtres leur font mener. Toi c’est pas pareil. T’es pas mon maître. Nous sommes compagnons !
- Et tu songeais à tout cela dans l’étable d’ETNO SELO ! Ça me touche Isidore tout ce que tu es en train de me faire comprendre !
- Oui, ça faisait plus de 4 mois que tu m’avais quitté, que tu étais parti. Je ne croyais pas que tu allais revenir… et quand je t’ai revu, je me suis dit : « Il passe comme ça un petit coup… il vient me faire une caresse. » Parce qu’il parait que tu en as reçu des lettres à Kovilj où les gens te disaient de me faire une caresse !
- Tu vois Isidore, à moi aussi tu me manquais. Ce n’était plus ton HI-HAN du matin qui me réveillait, juste avant que le soleil ne se lève… Comme si tu étais son réveille-matin ! Enfin en tout cas, tu es le mien.
- Oui alors, je peux te dire que quand nous sommes repartis il y a quelques heures en ce 23 mars, de l’étable d’ETNO SELO sous le regard des gens qui m’ont soigné, sous les yeux de Nicole et Bracha qui durant cette si longue absence t’ont hébergé à Kovilj en Serbie, dans la lumière de l’appareil photo de Suzanna, la journaliste de VEST, alors là, j’ai compris que nous repartions ensemble pour de bon. Par des gens qui nous soignaient à ETNO SELO et qui ont accès à internet, j’avais appris qu’il y avait des gens qui se mettraient en route en même temps que nous ce samedi 23 mars en Franche-Comté, entre Salins, Dampierre, Arc-et-Senans… Je n’y croyais pas. Je te l’ai dit : Je n’arrivais pas à faire confiance que tu reviendrais. Et tu sais pourtant j’ai souvent expliqué aux gens qui me soignaient et qui me posaient des questions : certains me disaient : « Vous marchez pour la paix avec votre compagnon ?! Ça on comprend. Mais il parait que vous marchez pour demander instamment l’arrêt de l’armement nucléaire de la France. Explique nous voir ! Alors je t’ai tellement entendu de fois raconter, je leur expliquais la gravité de ce que provoque ce type d’armement pour le présent et l’avenir du monde. Mais il y avait aussi cette histoire « d’unilatéral ». Explique-toi voir ! C’est la première fois qu’on entend parler de ça. Alors je leur expliquais. Ils m’écoutaient. Je leur disais : « il y a des puissances qui disent qu’elles veulent arrêter l’armement nucléaire. Mais elles disent : on arrêtera quand vous arrêterez ! Alors j’ajoutais : de mémoire d’ânes il y a plus de 50 ans que ces puissances veulent arrêter, mais à condition que les autres arrêtent. Je leur disais ce que je t’avais entendu dire : « que pour que ça s’arrête, il faut qu’il y ait un pays qui commence effectivement d’arrêter. C’est pour ça que nous demandons que ça commence par la France, puisque nous sommes de France ». Je sentais bien que ces gens vénéraient que nous marchions pour cela… Je crois qu’il y a une prise de conscience qui s’est fait par ma médiation.
Oh ! comme c’est beau ce chemin qu’Isidore et moi refaisons ce samedi 23 mars 2013, entre ETNO SELO et KUMANOVO en MACEDOINE. En début novembre 2012, nous le faisions dans le sens inverser, heureux certes d’avoir pu trouver grâce à MAYA et ZORICA, l’étable d’ETNO SELO, mais peinés d’avoir dû arrêter une marche aussi passionnante en raison de la sécheresse ce qui provoquait un manque d’herbe non seulement pour l’âne Isidore mais pour tous les animaux des Balkans.
Et aujourd’hui 23 mars 2013, ce qui nous dynamise, c’est que l’herbe a quand même repoussé un petit peu. Et voici que nous allons vers des jours où il y en aura en abondance. Mais ce qui nous donne beaucoup de force et d’enthousiasme pour marcher, c’est qu’à plus de 2000 kms dans notre FRANCHE-COMTE natale, beaucoup de gens se mettent en marche pour la paix pour nous soutenir. Ils le font aussi au pas de leurs ânes. Comme un an auparavant, les jours où nous partions, les 23, 24 et 25 mars 2012. Et ils le réalisent en explicitant ce que veut dire « marcher pour la paix » : c’est arrêter effectivement de s’armer de manière criminelle, en menaçant les autres de les tuer, avec des armes nucléaires. Nous arrêter en commençant par la France… C’est ça unilatéral…
Nous espérons que les amis viendront en grand nombre… et puis certains ont eu une idée géniale. Puisque cette manifestation se veut protectrice de notre FUTUR du berceau de l’Humanité : la TERRE, c’est que chacun des groupes partant des 4 coins de la FRANCHE-COMTE, ils créeront une convergence sur ARC-ET-SENANS, cité du FUTUR. Et ce jour-là, il y aura pour accueillir les manifestants une salle mise à leur disposition par la municipalité d’ARC-ET-SENANS.
Tout cela nous donne une grande force à l’âne Isidore et à moi. En cette première journée de marche nous retrouvons très vite notre rythme : 4 bons kms par heure… Et nous savons qu’une fois arrivés à KUMANOVO, nous pouvons compter sur l’accueil de Vladimir le garagiste et sa famille, des épicières Suzanna et sa sœur Liliana, et de la professeur de français Zorica et sa famille. C’est beau comme ces gens en faisant de la place chez eux, trouvent leur place dans l’Humanité, et concourent à leur manière en nous accueillant ainsi, à ce que réussisse cette marche pour la paix, pour le désarmement nucléaire unilatéral de la France… Oh ! comme je serais heureux d’apprendre la réussite de cette convergence à ARC-ET-SENANS en ce 23 mars. Peut-être que des évêques se seront mis en marche…