
Samedi 1er décembre 2012 - Jagodina... Kovilj.
Tous les jours, où j'ai vécu à Jagodina du 13 au 30 Novembre, « en attendant que l'herbe repousse » j'ai entendu Boba dire (Slobodanka) chez qui je logeais me dire : « KISA PADA SUTRA » = « IL VA PLEUVOIR DEMAIN » . Et comme la pluie ne venait pas, Boba ajoutait : « Mozda! » = « Peut-être » durant ces 3 semaines, aucune apparition de la pluie ne s'est manifestée, mais voilà que ce matin aux informations, j'apprends : « Il pleut à Belgrade ! »
La speakerine qui nous offre cette information, s’est abritée en tenant son micro sous un parapluie.
Je regarde ce qui se passe sur les toits de la rue Igmanska à Jagodina. Une toute petite brume très fine arrive péniblement à humidifier les trottoirs. Nous faudra-t-il réellement un parapluie quand nous arriverons en milieu de journée par le car à Belgrade puis au nord-ouest de la capitale a Novi-Sad ?
Nicole et Bracha lorsqu’' ils viendront me chercher à la gare des cars de Novi-Sad, cacheront-ils leurs silhouettes fraternelles sous un parapluie ?
Autant je suis sûr qu’ils seront là pour m’accueillir et m’emmener chez eux à Kovilj, autant je crains qu’ils n’aient pas besoin de parapluies. Comme je voudrais me tromper ! Oh, comme je serais heureux qu’il nous tombe dessus des sacs d’eau !
Mais je n’ai pas l'impression que ça soit en train de devenir.
Les « au revoir se font avec un certain déchirement. Je salue Boba qui m’a hébergé pendant presque 3 semaines, comme sait le faire une soeur à l'égard de son frère. Je salue aussi Maya et son fils Yovan, ainsi que Sandra et ses enfants Yovana et Luka.
Ces amies ont deviné les sentiers qu'elles devaient me faire prendre pour que j'essaye de ne pas passer à côté de cet « essentiel, souvent dissimulé et caché à nos yeux, celui-là que l'on peut voir qu'avec le cœur » . Je me suis laisse toucher et marquer par ce fait, que si j’avais entendu parler de cet « essentiel » dans le livre du Petit Prince au chapitre XXl, et dans le livre de la Bible au premier livre de Samuel (16, 7), c'était pour voir comment ça transpirait et se manifestait dans la vie des gens d'ici. C'était devenu passionnant pour moi d'apprendre ces mots en Serbe : « On ne voit bien qu’avec le cœur : Covjek samo srcem dobro vidi, Bitno ocima nevidljivo », à condition toutefois de déceler dans quel tissu « existentiel » se faufilait ce fil conducteur « essentiel » à la réalisation de notre libération.
Tous ces adieux se pétrissaient d'émotion profonde. Je comprenais que mes amis me disent : “Pourquoi pars-tu si vite et si tôt après tout ce que nous avons vécu et réalisé ensemble ?! « Tu as entendu et vu, tu as été témoin de cet étonnant questionnement que tu as suscité dans ce groupe de jeunes lorsque Miljana (12ans) t'a demandé hier soir : « Est-ce que ça vous arrive de regretter votre choix d'être prêtre au lieu d'être père de famille...? » Tu as essayé de lui faire comprendre et accueillir que ton engagement dans le sillage de Jésus, jusqu’à vouloir arrêter l’armement nucléaire et la désamorcer, c’était pour élever tous les enfants de notre humanité, et pour que plus aucun ne meurent de « faim et de savoir » ici a Jagodina et aussi partout à travers le monde. C'est peut-être ça pour un prêtre être père ?!
Bien sûr que tout ce que nous venions de commencer et d'initier était appelé à se continuer. Mais il nous revenait d'entendre le mot qui était né dans l'esprit d'Anita à Apostag en Hongrie et qu'elle nous avait dit et donné : « MISSION ». « Ce que je viens de vivre grâce à vous comme témoin et artisan de notre élévation en humanité m’appelle à réendosser « mon manteau de camp volant » et à quitter ce lieu de sédentarisation. »
Vous m’avez fait commencer à connaitre quelques ruelles et dédalles par lesquels je dois passer pour me rendre dans les lieux et les mécanismes de la paupérisation des personnes éprouvées de votre cité.
Grâce aux contacts établis par et avec des membres d’A.T.D. quart-monde en France, les bases d’un début d’organisation de résistance ont été établies, afin d'empêcher ce qui n'est pas juste et pour arrêter l'humiliation.
Il me faut continuer à faire confiance aux personnes que vous êtes, à vos capacités de lutte et en ce qui me concerne, partir ailleurs.
Ami Jésus nous lisons dans l'évangile de Marc que tu ne cesses pas, d'aller et venir, de t'arrêter quelques instants et repartir. Tu veux que du ciel, que tu as déchiré lors de ta naissance et que l'on a découvert à ton baptême, (Marc : tout le chapitre 1 et particulièrement 1.10), nous entendions et comprenions que « Toi le VERBE tu t’es fait chair pour détruire notre mort et vivifier notre humanité.“(Saint Irénée), « toi le fils de Dieu tu t'es fait homme pour que tous les humains sans exception nous nous mettrions à vivre en fils et fille de Dieu ». (Saint Athanase)
Paul, Timothée, Irénée, Athanase, colonnes et pères de l'église vous avez marché sur ces sentiers de Macédoine, de Grèce, d 'Asie... où je me prépare à continuer l'aventure dans laquelle je me suis embarqué au pas de l'âne Isidore. Durant cet hiver nous refaisons nos forces grâces aussi à vous amis qui nous mettez en lien avec encore d’autres amis. J'éprouve un grand plaisir en calligraphiant vos merveilleux prénoms et vos “ paroles fortes“ dans mon cahier, à vous loger dans mon cœur. Ainsi me disiez-vous Sandra : « quand vous allez arriver à Bethleem avec votre âne, Nous arriverons nous aussi, avec vous dans l’étable où est né Jésus ». Oui, car, comme le dit Saint Paul dans sa lettre aux Phillipiens 1, 7 « Je vous emporte dans mon cœur ». Paul peut dire cela à des Macédoniens et qu’il en rencontre les habitants et partage avec eux leurs luttes et leurs espérances.
Suite demain
ETNO SELO le 09 novembre 2012
" Qu'est-ce qu'il peut bien se cacher sous les paupières de notre Père ?" (Ps 10,6)
Voici plusieurs matins où il m’est offert « de devancer l’aurore, comme si je l’éveillais et prenais ses ailes et qu’ainsi je puisse très tôt espérer en ta parole », Ami Jésus (Ps 118,147; Ps 107,2; Ps 138,9).
Durant les jours d’été à DAMPIERRE, nos parents, petits paysans comme beaucoup d’autres, se levaient tôt dans la petite ferme familiale, à la fine pointe de l’aurore. Ils disaient qu’ils voyaient des choses que beaucoup de gens hélas ne connaissaient pas : le spectacle chaque matin différent du soleil sortant du ventre de la terre, les traces des animaux domestiques et sauvages, dans les perles de rosée qui s’étaient décrochées sous leurs pas de la fine pointe de l’herbe dans les prés, la poussée des champignons, rosés d’automne et bouchons de champagne au printemps, le hululement de la chouette rentrant au clocher du village après sa chasse nocturne, la fuite furtive de la renarde venue rôder autour des poulaillers du village et rentrant dans son terrier nourrir ses petits, le bonjour et la vigilance de la garde-barrières au passage-à-niveau des trains, assurant quand était le bon moment de la traversée du troupeau de vaches pour la traite du lait, les salutations nombreuses et fraternelles aux ouvriers de FRAISANS et CHATEAUNEUF allant prendre le train, justement appelé « le train des ouvriers » à la gare de RANCHOT… et l’Angélus qui sonnait au travers de tout ça pour nous signifier que Jésus, Fils du Très Haut avait été mis bas par la Vierge Marie, afin de connaitre ce qu’était notre humble vie, en empruntant nos chemins qui nous emmenaient à la rencontre les uns les autres, pour nous élever grâce à lui en Humanité : « avec lui, par lui et en lui ».
Après la traite des vaches accomplie par nos parents (ils disaient que c’était un beau moment où ils pouvaient causer ensemble tous les deux), pendant que notre papa finissait de soigner les animaux : veaux, vaches, chevaux et poulains… notre maman était venue nous appeler à nous lever puis elle faisait cuire le lait, préparait les tartines pour les plus petits, tout en nous apprenant à le faire nous aussi pour eux, elle prenait le temps de nous faire réciter la fable de La Fontaine ou la poésie de Théophile GAUTHIER que le maître et la maîtresse, monsieur et madame THEVENIN nous demanderaient tout à l’heure dans les bancs de l’école. Au fur et à mesure que nous grandissions nous prenions certains relais de nos parents à l’égard des plus petits. Un peu avant 8h : vérification des devoirs et des cartables et c’était le départ pour retrouver les camarades d’école. Nous avions conscience que pendant ce temps-là, nos parents travaillaient dur et que là encore ils voyaient des choses que beaucoup de gens ne connaissaient pas. Au retour de l’école à midi, quel ressourcement et structuration de notre vie d’enfants que de nous savoir attendus autour de la table familiale, finissant avec notre maman de préparer le fricot qui avait une odeur et une saveur qu’une fois devenus adultes nous ne retrouverions jamais. Mais cela nous ne le savions pas, que le lapin cuisiné à la manière dont notre maman avait eu elle la recette non écrite, nous ne pourrions jamais le réaliser exactement comme elle avait l’art de le faire. De même pour les haricots verts qu’elle faisait cuire à l’étouffé avec quelques ails et oignons, ainsi que le poulet qui rôtissait le dimanche matin dans la cocotte sur le fourneau. Et comment sur ce poulet elle savait de temps en temps verser un peu d’eau chaude pou faire un jus savoureux et abondant qui empêcherait que la viande ne sèche, ce qui permettrait à notre papa de venir y tremper quelques lèches de pain et s’en régaler sous nos yeux d’enfants qui rigolaient d’un tel spectacle. Je me dois de faire un petit rectificatif à une des affirmations que je viens d’écrire, que nous ne retrouverions jamais l’art et les recettes, le goût et la saveur des plats cuisinés par notre maman. Et bien il y a trois personnes qui s’en approchent merveilleusement c’est vous nos sœurs Edwige, Elisabeth et Bernadette. Je vous dis pour cela et pour combien d’autres choses ma fraternelle reconnaissance.
Quand nous étions enfants nous pensions que c’étaient nos parents qui, au monde, réalisaient le mieux leurs tâches et leurs métiers. Je me souviens que je pensais que celle qui faisait la meilleure cuisine c’était notre maman, et celle qui savait le mieux coudre à la machine nos habits c’était encore elle… Celui qui savait le mieux apprivoiser et dresser les chevaux c’était notre papa. Et quand j’allais apprendre avec lui à labourer avec les chevaux les champs du Creux MAGNIN ; celui qui savait le mieux labourer au monde c’était lui ; celui qui savait le mieux planter et greffer dans le verger, c’était encore lui. C’est probablement pour cela que, se levant tôt, voyant des choses que beaucoup de gens ne savaient pas voir et ne pouvaient pas voir, nous posions beaucoup de questions à nos parents qui prenaient le temps de nous répondre, et de nous raconter ce qu’ils avaient vu. Mais je pense que, garçon, je voulais encore aller plus loin et « voir comme il disait qu’il avait vu ». C’est pour ça, je m’en souviens très bien, que quand il était très fatigué et qu’il allait après le repas de midi se reposer sur le tas de foin, s’y étendre et s’endormir, je venais me blottir près de lui. C’était un beau moment de connivence. Je soulevais ses paupières l’une après l’autre. Tellement il était fatigué, mes gestes d’enfant ne le réveillaient pas. C’est alors qu’en soulevant ses paupières je puisais à sa manière de voir. J’avais l’impression qu’il me disait : puise, prends, bois… « tout ce qui est à moi est à toi. », comme je le découvrirais un jour dans le livre des Ecritures, chez Jean et Luc. Oh que ses yeux étaient beaux ! J’y buvais comme dans une source… j’y prenais sa manière d’envisager et de voir « les choses cachées depuis le commencement du monde. » (Ps 77, 2 et René GIRARD)
Je descendais jusque dans le fond de son être et en remontais une eau limpide, claire et pure, celle-là qui allait alimenter ma soif de voir et de savoir. Et voilà qu’il n’y a pas très longtemps, au cours de ce voyage initiatique en direction de BETHLEEM, je découvris un jour que le Psalmiste avait fait la même chose avec Dieu Notre Père que ce que j’avais fait moi enfant lorsque je venais me blottir auprès de mon papa endormi : l’un et l’autre, le Psalmiste et moi, nous avions soulevé les paupières de nos Pères, afin de voir ce qu’ils voyaient et de découvrir ce qui les brûlait de nous communiquer.
Nous savons que le Psalmiste par excellence c’est Jésus. Dans l’évangile de Jean au chapitre 17, lorsque Jésus va nous donner son testament, il est écrit justement qu’ « il lève les yeux au ciel », « il soulève les paupières de Dieu son Père ». Il faut qu’il prenne cette attitude et qu’il accomplisse ces gestes pour pouvoir nous communiquer l’indicible, l’impensable, l’impossible : « Père, avant de quitter mes disciples, de dire au revoir à la Terre des Hommes où je t’ai glorifié et je voudrais une fois encore voir ce qui est sous tes paupières. Laisse-moi lever les yeux au ciel, contempler la gloire que tu m’as donnée, parce que je veux la leur donner, en étant glorifié en eux. Je veux leur donner ma parole, celle-là que tu m’as donnée en me disant que tu m’aimes… Tout ce qui est à moi est à toi et ce qui est à toi est à moi. Et en les envoyant dans le monde comme tu m’y as envoyé, consacre-les dans la vérité… Fais leur chercher et trouver une attitude juste à hauteur des petits d’hommes et de femmes… dans l’humilité et non pas l’humiliation… et quand ils buteront contre l’impossible, fais que ‘’Tous soient un comme toi Père tu es en moi et moi en toi’’, afin de nous maintenir à cet impossible. »
Et je sentais que ça vibrait dans ma conscience d’homme. Je faisais un lien avec ce que j’avais vu dans les yeux de mon Père, lorsque je soulevais ses paupières, et que je voyais ce que j’avais à faire dans ma vie d’enfant, je sentais que ça se reliait fortement avec ce que Jésus avait fait à notre égard à la veille de sa mort, après avoir levé les yeux au ciel et revu une fois encore ce qui était caché sous les paupières de Dieu son Père. Et je frémissais de joie parce que ça coulait de source que c’était ça qui s’était réalisé et vécu intensément le 24 et 25 octobre en Serbie « dans le jardin d’enfants de RISTOVAC » accueilli par BOYAN, MILICA et BOYANA et leurs copains ; et il y a quelques jours, la veille de la TOUSSAINT, lorsque nous étions « tous dans l’unique pièce qu’est la maison de DINKO et ANITA, avec leurs enfants MARIO et MARTINA, et les membres de leur grande famille SLAGANA et STOSCA, JELENA et EMMANUELA, NENAD et SANJA… et combien d’autres… à ALGUNJA en MACEDOINE.
Une fois encore les paupières de Dieu soulevées par Jésus étaient restées ouvertes ainsi que ses oreilles. Et son Fils bien Aimé lui parlait sous l’action de l’Esprit Saint, et j’étais heureux de l’accompagner, à propos de beaucoup de gens rencontrés durant mon voyage au pas de l’âne Isidore en direction de BETHLEEM. Nous nous étions laissés apprivoiser ; en nous défaisant de nos désirs possessifs, nous avions fait de la place en nos maisons et nos jardins à ceux qui n’en avaient pas. En partageant le pain à la même table nous avions découvert qu’en arrêtant de nous armer jusqu’aux dents, nous pouvions nourrir toute la Planète. Et c’est de joie que nous explosions, en disant avec Jésus : « Je te bénis, Père, Seigneur du ciel et de la Terre, d’avoir caché cela aux puissants et aux habiles, et de l’avoir révélé aux tout petits. » (Luc 10,21)
Les 28 et 29 octobre 2012 à GUNJALA en MACEDOINE
Tous dans l'unique pièce qu'est leur maison (Ps 132)
oilà que la nuit n’est plus si noire. Je suis guidé par des gens qui ne peuvent presque rien me dire mais qui font tout ce qui va me délivrer de mon angoisse. Mes pieds acquièrent une belle assurance en ces sentiers où cette femme et cet homme nous entraînent. Les couplets du Psaume 22 me reviennent : « faites confiance… dans ce qui vous parait impossible à vivre et qui est en train de vous envahir les yeux, voilà qu’un guide vous rejoint et vient à votre rencontre. Il agit comme un berger… là où il vous emmène, vous n’allez manquer de rien… Vous allez pouvoir vous reposer et refaire vos forces… ça y est, vous êtes en train de sortir du ravin de ténèbres où vous vous trouviez enfoncés… » Nous voilà au cœur du village… La femme nous fait signe que nous sommes parvenus là où elle nous emmène… devant la petite maison dans laquelle elle me fait entrer : les gens chez qui elle nous conduit… tout un groupe de personnes sont là pour nous accueillir, tenir l’âne, le débâter, mettre les sacs à l’abri de la pluie, dans la salle que je découvrirai être « l’unique pièce qu’est cette maison ». L’un des hommes qui est là avec d’autres m’invite à aller avec eux pour attacher l’âne Isidore dans un abri qui est en contre haut. Je ne vais pas arrêter de découvrir que ces gens qui n’ont presque rien savent donner le meilleur de ce qu’ils ont en faisant servir en premier la personne qui vient d’arriver chez eux, « étrange voyageur errant » (Job 31-32).
Me voilà devenant l’hôte de tous ces gens rassemblés, probablement sur la parole de la femme et de l’homme venus à ma rencontre. Tous dans cette seule pièce qu’est cette maison.
- Lulu : comment est votre prénom, madame ?
- Madame : ANADA
- Lulu : et vous, monsieur ?
- Monsieur : Yvan
Les gens qui sont tous là autour de la table, les uns assis sur les 3 canapés disposés de chaque côté des murs intérieurs de cette maison, les autres debout tellement ils sont nombreux, voyant que je suis émerveillé devant l’accueil qu’ils sont en train de m’offrir, comprennent aussi que j’ai du mal à deviner et me rappeler les liens de famille et d’amitié qui font d’eux tous cette communauté dans laquelle je viens d’entrer. Cette maison dans laquelle ils me font habiter est la maison de OKNID et TANIA, parents de 2 petits GEORG et MAJA. Ce jeune couple et leurs enfants sont les neveux de ANADA. Je me sentais si seul il y a encore ½ heure et me voilà introduit par ANADA dans la grande famille de OKNID et TANIA qui a du mal à se contenir en cette petite maison qui est la leur. OKNID me fait comprendre que cette nuit je dormirai au chaud chez eux, sur le canapé que voici, là où il a disposé mes sacs sur le rebord. TANIA est en train de faire mijoter un plat sur le feu de la cuisinière à bois, et ne tarde pas à me le servir sous le regard de tous. Voilà vraiment des gens qui « se souviennent que leur ancêtre était un araméen errant » (Dent. 26.-6), et « qu’au voyageur qui passe devant chez nous la porte de notre maison doit rester ouverte ». (Job 31-32) et « qu’à l’étranger invité à notre table, ce sont les prémices des produits de la terre qui lui seront servis et non pas les restes… », ainsi que nous le rappelle Moïse au chapitre 26 versets 10 et 11 du DENTERONOME.
Il y a dans tous ces gens rassemblés deux jeunes filles qui m’aident à entrer dans cette communauté et à faire connaissance, car elles apprennent la langue française à l’école. Ce sont ASSENAV et ATENA. Leur présence d’interprètes m’aide beaucoup et fait qu’elles sentent combien leur place de jeunes filles en est reconnue. Cette reconnaissance va encore s’intensifier par l’arrivée de deux sœurs : ANELIA et MANUELA, les deux filles de ANADA.
Je peux alors demander par la médiation de ces 2 nouvelles interprètes :
- Lulu : votre maman est venue me chercher sur la route dans la nuit alors que les pleurs commençaient à envahir mes yeux tellement je me sentais seul… Pourquoi votre maman est venue me chercher ?
- ANELIA : parce qu’elle est … ANELIA cherche les mots. Elle dit : « parce qu’elle est bonne »
- MANUELA : oui, c’est vrai !
C’est beau de voir le sourire inonder le visage de ces deux jeunes filles ; ça me traduit la connivence de ces filles avec leur mère. Ce que j’aurai souvent rencontré au cours de cet étonnant voyage que je suis en train de vivre. Ça me rappelle ce que j’avais été heureux de trouver entre JOVANA et sa maman RADIKA à la Croix Rouge à MALA KRISNA le 21/9 et aussi entre ces 4 frères et sœurs : REGINA, CLAUDIE, HANA, et FRITZ et leurs parents, petits paysans à OBERSOLDEN vers PASSAU, les 16 et 17 juin.
Je dis encore à ANELIA et à MANUELA :
- Lulu : votre maman est toujours comme cela ?
- ANELIA : oui !
- MANUELA : elle a un cœur gros comme ça !
- ANELIA : notre maman a un grand cœur, cette famille a un grand cœur.
- Lulu : vous êtes en train de me faire le plus beau cadeau du monde. Vous m’offrez votre fraternité. Il y a un peu plus d’une heure, j’étais tout seul dans la nuit et me voilà maintenant accueilli au milieu de votre grande famille comme un frère, dans la lumière de votre fraternité.
- ANELIA : pourquoi vous voyagez ?
- Lulu : j’explique qu’en union avec beaucoup de gens en France, au sein du M.A.N.V. je marche au pas de l’âne Isidore pour demander de manière unilatérale l’arrêt de l’armement nucléaire.
ANELIA se fait l’interprète, auprès de tous ces gens qui sont là au creuset de ce village des collines macédoniennes appelé GUNJALA, des raisons et des motifs de mon voyage en direction de BETHLEEM…
Et je continue…
- Lulu : et avec cet argent que coûte le nucléaire, nous pourrons arrêter un 2ème fléau de notre humanité : le fait que des millions d’enfants meurent de faim et de ne pas pouvoir aller à l’école…
Et voilà que ces jeunes me demandent si je suis marié et si j’ai eu des enfants. C’est très beau de voir l’attention de ces gens comprenant ce que ANELIA leur explique : que je ne suis pas marié, que je n’ai pas mis d’enfant au monde mais que toute ma vie j’ai essayé de rendre possible que beaucoup d’enfants naissent à une vie plus humaine et puissent épanouir toutes leurs graines de possible…
- Lulu : et aujourd’hui, vous êtes tous mes amis, je me sens ami avec vous tous…
Et nous voilà parlant de leur avenir professionnel. ANELIA voudrait faire médecine et MANUELA professeur de français. Je repense à ANITA d’APOSTAG, à JOVANA de MALA KRISNA, à MAJA de JAGODINA. Puis nous nous racontons comment nous sommes appelés à être chrétiens, selon l’esprit de JESUS. Elles me disent qu’ils sont KRISTIJAN.
- Lulu : vous êtes chrétiens en ouvrant votre porte à l’étranger que je suis et je dis toute mon estime pour ce que je sens qui se passe chez OKNID et TANIA. Mais je me demande de quoi ils vivent, puisque OKNID n’a pas de travail…
- Lulu : je ne connaissais pas la MACEDOINE ; c’est la 1ère fois que j’y entre. Je suis très touché de voir le monde qui vient chez OKNID et TANIA, avec qui je fais connaissance… grande famille IVAN, VELIKA, FAMILIA.
- Lulu : toutes les générations sont là.
- ANELIA : toute la Macédoine, c’est bonnes gens ; vous connaissez toute la Macédoine aujourd’hui.
Et puis il m’est demandé ce que va devenir l’âne Isidore une fois que nous serons arrivés à BETHLEEM. Je raconte le rêve de KOVILJ. J’admire comment ANELIA puis MANUELA expliquent de manière imagée que ce mur abominable érigé et dressé entre ISRAEL et PALESTINE, un jour sera défait et que l’âne en transportera les morceaux afin qu’un pont soit construit entre ces deux peuples. Et ANELIA dit :
- ANELIA : un pont entre ISRAEL et PALESTINE et tout le MONDE .
- Lulu : ce soir, il y avait un mur entre vous et moi. Votre maman est venue me chercher avec l’âne. Elle a défait le mur et a construit et réalisé un pont entre vous et moi. Et vous aidez votre maman à réaliser ce pont particulièrement en faisant ce beau travail d’interprète. Jeunes femmes, vous nous élevez en humanité.
Il est un peu plus de 22h quand tout le monde est parti pour se reposer.
Quand OKNID et TANIA me montrent le canapé sur lequel je vais dormir dans cette pièce unique de leur maison qui pour eux est leur cuisine, l’endroit où ils se réunissent avec leur famille et leurs très nombreux amis, leur salon de télévision, leur salle de bain, leur salle à manger et aussi pour leurs enfants et pour eux leur chambre à coucher et que tout cela ils le partagent avec moi ce soir afin que je ne passe pas la nuit dehors, et que je puisse dormir au chaud. Tout cela me travaille jusqu’au fond des tripes et au tréfonds de mon être ; Je ne sais pas s’ils ont lu ce que Moïse et Job disent et qui est écrit dans la Bible concernant l’accueil de l’étranger.
Mais ce que je sais, c’est que c’est écrit au profond d’eux-mêmes et traduit en actes à mon égard sous le regard de leurs enfants et avec leur participation. Quels éducateurs ! ça, c’est de la tradition ! Ce ne sont pas leurs restes qu’ils m’offrent, mais leurs prémices !.
Le lendemain, ANELIA et sa maman viennent très tôt le matin. Elles apportent du pain. Nous le mangerons ensemble avec OKNID et TANIA et leurs enfants signifiant notre unification dans les mains de celui qui est notre Père. Dans un second cahier, je vais ramasser les morceaux qui restent de partage qui se poursuit en parlant avec ANELIA, car je ne vais pas pouvoir partir d’un tel lieu ce matin.
Les 28 et 29 octobre 2012 à GUNJALA en MACEDOINE
Tous dans l'unique pièce qu'est leur maison (Ps 132)
Sur les coups de 13 h, je quittais le monastère de St PROKOR où j’avais été accueilli par le Pope et les étudiants en théologie dans la pièce qui doit être attribuée aux gens de passage. J’avais pu m’y reposer sur le lit installé en toute hâte et écrire ce qu’il me tardait de pouvoir envoyer aux amis sur le blog, et l’âne Isidore s’était régalé dans le grand champ de luzerne qui s’étale aux pieds du monastère. J’avais cherché et essayé de trouver reconnaissance que tu es là ami Jésus au profond de cette vallée, dans l’imbrication de nos failles et fragilités s’entremêlant à nos étonnantes possibilités et capacités. Il me faudrait encore beaucoup d’initiations pour que la liturgie (je vécus l’eucharistie samedi et dimanche avec l’Evêque PACOME… ) me fasse entrer davantage en « cette reconnaissance ».
C’est en laissant trotter tout cela de ma tête à mon cœur, qu’ayant bien bâté l’âne Isidore, sanglé les sacs sur son dos et le mien, lui et moi, nous quittions la SERBIE. Pendant les 3 Kilomètres qui nous conduisaient du monastère à la douane Serbo-Macédonienne, je chantais sous le soleil réapparu tout ce qui colorait mes yeux, ma pensée et ma mémoire durant cette longue traversée de la SERBIE. Combien de gens, d’événements, de moments étonnants il m’avait été offert de rencontrer et de vivre afin de nous élever en Humanité. Combien de blessures cachées aussi il m’avait été donné de découvrir… Ma confiance chantée durant l’angélus du matin et du soir, s’était fortifiée car j’espère toujours que si « le Verbe s’est fait chair » c’est « pour que, de notre chair blessée jaillisse une Parole qui nous libère ».
L’accueil aux deux douanes est teinté de surprises : « comment nous est il donné que vous passiez par chez nous avec votre âne ?! » et dans l’une et l’autre douane, aux uns et aux autres de ces hommes munis de pouvoir d’enfermement, de menottes et de pistolets à la ceinture, j’invitais à penser et imaginer que de tout cela il y avait bonheur à nous défaire. Nous aussi, avec des amis du M.A.N.V. en France, nous demandions instamment à notre gouvernement d’arrêter l’armement nucléaire de manière unilatérale. C’était en grande partie l’objet de mon voyage à BETHLEEM pour chercher, trouver et ramener la PAIX. A la douane serbe, le café m’est offert après regards sur mon passeport et sur celui de l’âne. A la douane macédonienne, il va falloir un peu plus de temps aux douaniers pour me laisser passer. L’homme à qui j’ai remis mon passeport, va probablement consulter son logiciel de renseignements et en revenant me donner le passeport, il sourit et explique aux autres ce que j’ai cherché à leur exprimer en son absence.
Nous voilà repartis ; pas grand monde sur la route. Mais voilà que le temps se charge de sombres nuages. Tant mieux pour la Terre et peut être aussi pour nous, l’âne et moi. Des fois que ce soit en raison du fait que madame la Pluie se mette à nous tomber dessus, qu’il nous faille nous arrêter, et connaître quelque chose que nous n’attendons pas et que nous n’avons encore jamais vu. Il existe de ces détours dans la vie !
De grosses gouttes se mettent à tomber juste au moment où à l’arrière d’un gros buisson de pruneliers apparait un abribus. Il est vétuste mais le toit est resté protecteur. Et il y a un banc pour s’asseoir. L’âne peut s’y loger à côté de moi. Tout le barda que nous avons l’un et l’autre sur notre dos est protégé de la pluie. Nous y cassons la croûte. Mais ce n’est pas là que nous pourrons passer la nuit. Voilà des gens qui arrivent sans doute pour prendre le car. Ils m’indiquent qu’à un km de là il y a un « camping ». Que veulent-ils dire par là ? Nous allons voir.
Quelle n’est pas ma surprise en arrivant dans cet immense terrain de réception de retrouver Paulette et Bernadette, que j’avais rencontrées vendredi soir à ST PROKOR. La fête du mariage de Yovan, fils de Bernadette avec Marja se finissait. Je me dis « voilà surement un domaine, étant donné son immensité où je vais certainement voir un petit espace nous être attribué pour attacher l’âne et moi y monter ma tente ». Mais les deux femmes me disent (après m’avoir offert à manger « les restes de la noce ») « désolé, mais ça ne va pas être possible. Il faudrait une autorisation de la municipalité et de la police. » Quand quelqu’un commence par ces mots : « désolé… » ce n’est pas annonciateur d’une bonne nouvelle. Je vais devoir, dans la nuit devenue noire, reprendre la route en direction de quelque chose, à la recherche de quelqu’un pour obtenir ne serait-ce qu’un petit endroit, grand comme un mouchoir de poche ? Mais rien n’est sûr ! Pourquoi je n’insiste pas davantage auprès de ces 2 femmes pour qu’elles m’aident à obtenir ne serait-ce qu’un petit endroit dans cet immense espace, alors qu’il me semble être tombé comme en une extrémité de ce qui est possible ? Est-ce que j’aurais oublié qu’ « à l’impossible nous sommes tenus » ? et que, dans l’impossible, je ne suis pas encore parvenu ? Je n’en suis probablement qu’à la frontière !
Je dis au revoir à ces gens qui me souhaitent « bonne route » mais qui probablement ne savent pas encore ce que c’est que de s’engouffrer seul dans la nuit noire en la profondeur d’un pays dont on ne connait rien du tout, quand il va vous tomber dessus une pluie comme il y a des mois qu’il n’en est pas tombée.
Nous voilà, Isidore et moi sur la route. Est-ce que les sacs qui sont sur le dos d’Isidore ne sont pas en train de chavirer ! En les remettant fortement d’aplomb, je leur crie dans la nuit : « c’est quand même pas le moment ! ». Enfin, voila un tronçon de route droite qui me permet d’apercevoir les lampes de quelques réverbères de rues. Un village ne doit pas être loin. Dans la nuit, l’humanité peut aussi se dévoiler dans sa beauté et sa bonté.
Me voila en train de commencer le jeu de la cachette en entrant dans le village. Je m’approche d’un groupe de personnes qui semblent attendre le bus qui fait la navette avec la ville de KUMANOVO qui est à 30 km d’ici. Les gens me font comprendre qu’ils ne peuvent rien à la solution de mes difficultés. Mais voilà que les 2 femmes qui sont venues les accompagner me font signe de les suivre, une fois que le bus a emmené leurs gens. Je suis ces 2 femmes, plein d’espérance que nous ne passerons pas la nuit dehors. Elles me conduisent devant une maison avec un grand jardin. Elles appellent. Un homme arrive puis une autre personne. Les 2 femmes leur expliquent ma situation, car elles ont lu sous le réverbère de l’abribus comme elles ont pu tout à l’heure, le papier de DANICA. Mais les gens qui viennent d’apparaitre dans la lumière de leur grande maison et leur immense jardin répondent que ce n’est pas possible. Ils ont leurs raisons d’avoir des doutes, des peurs et des craintes en ne pouvant que nous deviner l’âne et moi dans notre accoutrement. Je leur dis « au revoir » en voulant leur dire « bonsoir ». Ce que je ne sais pas encore, c’est que c’est vrai que je vais « revoir » une partie de ces gens. Les 2 femmes se disputent fortement avec ce couple de gens qui n’ont pas vu possible de m’ouvrir leur porte. J’entends leurs voix à tous les 4 pendant un long moment alors que je m’éloigne d’eux pour m’engager à nouveau dans le village et y continuer mon jeu de cachette. Je grimpe dans les hauteurs du village. La configuration des maisons et la manière dont elles sont accrochées aux pans de la colline me rappellent le beau village de VADANS dans le JURA. Est-ce que je vais arriver à trouver dans ce village dont je ne connais pas encore le nom, des gens aussi accueillants qu’à VADANS ? Je ne trouve aucune porte qui s’ouvre dans ces hauteurs. Je rebrousse chemin. Je ne sais pas comment je fais pour ne pas dégringoler. Probablement que les pieds agiles et avisés de l’âne Isidore sur lesquels je m’appuie y sont pour quelque chose dans la sûreté de notre cheminement. Je sens que les forces ne m’ont pas abandonné pour continuer à marcher et je connais la belle résistance d’Isidore. Cependant, je dois quand même faire très attention à ne pas risquer d’humidifier nos affaires et de nous retrouver trempés comme des poules mouillées. Et ça va être long avant de voir le jour. La nuit est tombée vite en cette fin octobre et elle ne cédera pas la place au jour de sitôt. Au travers de tous ces points lumineux qui arrivent à percer dans la nuit qui nous est tombée dessus, quelques pleurs cependant commencent à me cuire au coin des yeux. Je me sens très seul et cette solitude semble vouloir s’installer.
En continuant ainsi à descendre le chemin de ce village, voilà que je devine les silhouettes de 2 personnes : une femme et un homme. Manifestement, ils viennent à ma rencontre. En effet, ils s’approchent de moi en me faisant des signes et en me disant des mots qui traduisent l’accueil. Je comprends : « venez chez nous avec votre âne… vous n’allez pas rester dehors par les temps qu’il fait… ». Je reconnais la femme qui tout à l’heure m’a emmené depuis l’arrêt de car jusque chez ce couple qui avait probablement ses raisons de ne pas nous accueillir. Pourquoi s’est elle disputée avec eux ? et qu’est ce qui s’est passé en son être profond et en sa conscience pour qu’elle se soit mise à notre recherche dans la nuit noire ? La voilà devenant notre guide. Les pleurs qui cherchaient à sortir de mes yeux comme de grosses gouttes de pluie pour traduire le commencement de ma détresse se mettent à couler de joie et désormais à ruisseler d’émotion et sûrement à briller d’espérance.
Suite demain
Le mercredi 31 octobre2012 à Z….
Quand les oiseaux migrateurs parlent avec les camps volants
- Qu’en dites-vous mes frères les oiseaux, si nous allions jusqu’au bout de ce que nous pouvons, que nous nous mettions à pardonner à nos agresseurs, à nos videurs. Que nous nous tenions à cet impossible, et que, comme le dit un ami, Gérard, « nous arrêtions le mal, la violence à nous-mêmes… ». Quand frère François et ses compagnons se faisaient mettre en dehors de monastères auxquels ils avaient demandé asile et refuge, il repartait en disant à Dieu « Père, pardonne leur… ils ne savent pas ce qu’ils font… » (Lc 23 34) « pardonne nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés… » (Mt 6 12)
La mère des oiseaux qui avec son compagnon cherchaient leurs petits me dit :
- Crois-tu que je sois à même de pardonner au chien et aux chats qui voulaient nous déchiqueter les cinq tout vifs et à leurs maîtres qui ne leur apprennent pas à être doux et respectueux vis-à-vis des autres ?
- Ça, je crois que tu as raison. Rien qu’avec nos forces cela ne nous est pas possible. Et cependant à cet impossible, il nous faut chercher à nous tenir !
- Mais comment donc, me répondit la maman des petits oiseaux
- Ceux qui prennent appui sur Jésus pour vivre leur existence de manière joyeuse et passionnante, tels que François et Claire d’ASSISE et aussi comme TOLSTOI, GANDHI, Martin LUTHER KING, Jean-Marie MULLER, Julos BEAUCARNE, Guy RIOBE, Gaby MAIRE, Alice DOMON, Léonie DUQUET, TIM GUENARD, François NAEGELEN, Marcel BLONDEAU, la petite Thérèse de Lisieux… tous ces gens-là et combien d’autres en cette veille de la TOUSSAINT … ont fait un pacte avec la GRACE DE DIEU. Ils ont dit et ils ont fait en sorte que si tout seuls ils ne pourraient pas arriver à pardonner, alors en ouvrant leur cœur à la GRACE de DIEU, ils allaient devenir capables de pardonner. Ils ont dit et ils ont fait. Et ce qu’ils ont commencé de réaliser, ils l’ont fait jusqu’au bout…
C’est alors que le papa des petits oiseaux me dit :
- Tu nous parlais tout à l’heure d’un certain Gérard qui disait que nous pouvons en pardonnant arrêter le mal à nous-mêmes… Tu saurais nous dire comment tu as découvert cette parole ?
- Je traversais un moment très dur de ma vie. Et quand il m’arrivait des épreuves comme celle-là, j’allais souvent dans le village de PUPILLIN, dans les côtes d’ARBOIS dans le JURA en France voir un de mes grands amis : Da niel PETIT, qui dans sa belle cheminée réchauffe sa vie et celle des autres avec les sarments du PARDON. Ce jour là je lui ouvris tout grand mon cœur pour lui montrer comment il était blessé. Daniel avait cheminé avec Gérard BESSIERE, dans un groupe de gens qui a pour nom : JONAS, le prophète qui allait à l’envers de la direction où Dieu l’envoyait, et qui un jour, travaillé par la grâce, s’est mis à marcher à l’endroit où Dieu l’envoyait : celui-là justement, l’endroit du Pardon. Gérard BESSIERE venait de faire parvenir à Daniel ce message. Daniel le mit fraternellement sur les blessures de mon cœur. Depuis ce temps là, j’essaye toujours de m’y référer. Tiens, comme aujourd’hui, alors que nous venons d’être vidés de la cour du poulailler industriel de Z… par le gardien de nuit. Allez, je ne mettrai pas le nom du village pour ne pas agrandir les blessures mais au contraire les panser.
Alors le papa des petits oiseaux perdus me dit :
- Tu nous confierais ce poème sur le pardon vécu et écrit par Gérard ! Comme ça, en continuant de traverser la MACEDOINE… on le pépierait à d’autres… ainsi que dans les autres pays que nous allons continuer de traverser…
- Bien volontiers ! Votre demande me touche profondément. Je crois à votre manière de traverser les frontières et les barrières, les empêchements et les encombrements, oh vous les oiseaux ! Avec vous, je crois que nous pouvons briser les filets des oiseleurs, de ceux qui voudraient empêcher nos envols vers la PAIX.
Ceux qui pardonnent sont les guérisseurs de l'humanité. Gérard Bessière
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Je finissais de leur confier le poème de Gérard, que leurs 3 petits oiseaux apparaissaient dans le ciel, pépiant de bonheur de retrouver leurs parents. Ils purent partir ensemble et moi avec mon âne en direction de KUMANOVO, chercher et heureux de trouver les uns et les autres, oiseaux migrateurs et camps volants, des cieux cléments et une terre asilaire, habités de l’apprentissage du pardon si les vents venaient à nous être contraires. Les uns et les autres nous chantions dans nos cœurs ce que le Psalmiste lui aussi avait traversé, quand il dit au Psaume 123 :
« Sans Yahwé qui était pour nous
Quand on sauta sur nous
Alors ils nous avalaient tout vifs
Dans le feu de leur colère
Béni Yahwé qui n’a point fait de nous
La proie de leurs dents
Notre âme comme un oiseau s’ est échappée
Du filet de l’oiseleur
Voici le filet s’est rompu
Et nous avons échappé
Notre secours est dans le nom de Yahwé
Qui a fait le ciel et la terre. » (Ps. 123 1-7)
Le mercredi 31 octobre2012 à Z….
Quand les oiseaux migrateurs parlent avec les camps volants
La grille du portail de la cour du poulailler industriel de Z… venait d’être refermée dans un bruit de ferraille par le gardien de nuit qui nous avait mis dehors… qui était monté dans sa voiture en claquant la portière… qui l’avait fait repartir dans un bruit assourdissant…
Qu’est-ce qui s’était passé pour que cet homme nous vide, l’âne et moi, et nos bagages de la cour de ce poulailler où la veille à la nuit tombante, les 2 jeunes hommes qui y travaillaient nous avaient autorisés à établir notre petit campement à côté de l’établissement où les poules allaient passer la nuit à picorer et à pondre, les unes serrées et bloquées contre les autres ? Il y avait sûrement une histoire de consigne dans tout cela. Les 2 jeunes hommes avaient ignoré volontairement ou involontairement la consigne et nous avaient reçus et autorisés à nous installer dans la cour adjacente à l’établissement du poulailler ; le gardien de nuit, arrivé alors que je dormais, lui, avait gardé la consigne : « vous ne laissez aucune personne étrangère au service pénétrer dans l’établissement, ni non plus rôder autour ». A notre encontre, dès le lever du jour, il s’était montré un fidèle gardien et de l’établissement et de la consigne à notre égard. J’avais dû déjà sortir l’âne pour le mener paître car aucune herbe ne poussait dans cette cour. La terre était une glaise qui nous collait aux pieds et aux sabots. Je pensais mener l’âne où il repoussait un petit peu d’herbe après la pluie de ces derniers jours. Mais le gardien de nuit me fit comprendre avec un visage qui avait dû être beau et avec des mots qui ne l’étaient pas, qu’il fallait sortir mes sacs et le bât de l’âne. Où mettre tout cela ? Il avait gelé cette nuit. L’eau qui se trouvait dans un chéneau abandonné était recouverte de glace. La terre était très humide. Je mis toutes mes affaires sur le talus du fossé de l’autre côté de la route aux endroits les moins mouillés. Et l’homme partit dans le bruit que je viens de dire.
C’est alors qu’arrivèrent en même temps que quelques rayons de soleil, deux oiseaux qui se perchèrent sur les piliers de ce portail en voletant :
- Cui ! cui ! Piaou ! firent-ils l’un et l’autre en me regardant. Je répondis à leur bonjour amical. Leur gazouillis changeait des mots qui venaient de m’être proférés par le gardien de nuit. Oh, comme ils étaient beaux ces oiseaux, avec une petite huppe à l’arrière de leurs têtes dodelinantes.
- D’où venez-vous si tôt le matin ? leur demandai-je
- Nous avons dû nous sauver des branches d’un pommier où nous nous étions réfugiés et abrités afin d’y passer la nuit. Nous étions avec nos 3 petits. Et au lever du jour, un chien est venu aboyer férocement à notre encontre au pied de l’arbre. Le chien ne nous pouvait pas grand-chose. Mais ma compagne qui est là à côté de moi sur l’autre pilier, entendit le bruit que faisaient les griffes de plusieurs chats. Alors de cela nous nous méfions. Elle donna l’alerte. Apeurés, nos petits se sauvèrent tout d’abord, puis elle et moi. Mais dans l’affolement, nous fûmes désorientés. Nos petits sont partis on ne sait où. Nous avons perdu nos petits. Tu constates comme ma compagne est triste et moi aussi…
- Eh bien, je vous dis tout d’abord ma sympathie, et il vient de nous arriver à mon âne et à moi la même mésaventure qu’à vous.
- Mais oui ! me dit le père des oiseaux. Ce sont vos affaires à l’âne et à toi qui sont éparpillées comme ça sur le sol ?
- Ce sont nos affaires de camps-volants, oui ! Nous avions établi notre petit campement hier soir dans la cour de ce poulailler industriel de poules pondeuses, avec l’autorisation des 2 jeunes hommes qui y travaillaient. Ces 2 personnes après avoir lu le message de DANICA en leur langue serbe-macédonienne, avaient compris la marche que nous réalisons mon âne et moi depuis la France jusqu’à BETHLEEM, pour demander l’arrêt de l’armement nucléaire de manière unilatérale et avec l’argent que ça coûte, faire arrêter le fait scandaleux et dramatique que des enfants, des hommes et des femmes de la TERRE meurent de faim, ainsi que de petits ânons, et aussi de petits oisillons… Et voici que dans la nuit, un gardien est arrivé, avec dans la tête la consigne de mettre en dehors de la cour devant laquelle nous sommes postés toute personne étrangère… Alors, vous voyez… que l’allure étrangère, nous l’avons… elle nous colle à la peau… nous venons d’être vidés…
- Quand nous avons vu vos affaires comme ça sur le talus du fossé, nous nous sommes dit : « voilà des gens à qui il arrive malheur, comme à nous. Ça nous a rappelé aussi quand des mains agressives viennent détruire nos nids que nous avons mis tant de temps à bâtir brin par brin, duvet par duvet, brindille par brindille… Nous aussi, les oiseaux nous avons un message de paix exprimé dans nos gazouillis… Nous protégeons les arbres que l’homme a plantés, nous sommes les amis des abeilles, tellement abîmées par les mains des hommes insensés, inondant notre berceau à tous qu’est notre mère la terre avec des insecticides, pesticides, devenant homicides… mais est-ce qu’ils vont l’entendre un jour… les hommes !?
J’étais touché par le message dont étaient porteuses les paroles de ces oiseaux à la recherche de leurs petits qui s’étaient perdus par peur de l’agression du chien et des chats. Je leur racontai mon rêve de KOVILJ et celui de l’âne Isidore dans le zoo de JAGODINA. Je leur dis :
- Qu’est-ce que nos vies se ressemblent : vous êtes oiseaux migrateurs et nous autres camps volants.
Ils me dirent :
- Nous partageons ta manière de voir l’avenir, de croire qu’il y a le vol d’un oiseau au dessus de chacune de nos têtes, c’est celui de la chouette, symbole de la sagesse. Nous sommes tous tenus à nous engager à rebrousser le chemin du fatalisme, qui voudrait nous faire croire que nous ne pouvons rien à la sottise humaine et à nos tendances d’agression et destruction…
Le soleil en perçant les nuages venait renforcer le dialogue unificateur qui s’était établi entre les oiseaux et moi. Je voulus leur raconter quelques brins de la belle histoire d’un homme et d’une femme qui, il y a très longtemps… aux XII et XIIIème siècles à ASSISE… François et Claire… parlaient avec les oiseaux, comme nous sommes en train de le faire. Ils se reconnaissaient frères et sœurs et s’appelaient ainsi. Même le loup avait eu droit à ce dénominatif : « frère loup de GUBIO ». A frère loup qui habite aussi en chacun de nous, il était urgent de donner à manger des paroles de paix et d’amour.
Suite demain
(Nous vous rappelons que Lulu envoie ses lettres par la poste, elles sont ensuite retranscrites, publiées petit à petit. Pensez à bien repérer la date à laquelle Lulu l'a écrite et non la date de publication.)
Le samedi 20 octobre 2012 à BRESNICA
La roselière, l’âne et les bulldozers dans la haute vallée de la Juzna Morava.
La route avait été bien agréable pour l’âne et pour moi. Nous venions de traverser STUBAL, nous n’allions pas tarder d’arriver en face de VRANISKA BANJA, nous nous trouvions en plein milieu du chantier de l’autoroute qui va être prolongée en direction de KUMANOVO en MACEDOINE. Une légère brise s’était mise à souffler. Un soleil radieux dans un ciel tout bleu. Nous étions sereins et attentifs. L’âne Isidore avait flairé des herbes à son goût. Pas étonnant, nous nous trouvions à côté d’une roselière. Nos anciens le savaient bien : les roseaux ont une capacité purificatrice de l’eau et de l’air. La brise était en train de les faire danser de joie à l’approche de l’âne et un dialogue s’était instauré entre eux, malgré le martellement et le bruit infernal des bulldozers qui tranchaient la terre à pleins godets.
« D’où viens-tu ? » demande un roseau à l’âne.
« Je viens de FRANCE… mon compagnon et moi nous avons déjà parcouru une grande distance, traversé beaucoup de pays, été merveilleusement accueillis… Je m’appelle ISIDORE…»
« Et où est-ce que vous vous dirigez ? » demande un autre roseau.
« Dans le pays du Prince de la Paix, à BETHLEEM, répondit l’âne… chaque jour, à l’approche du soir nous cherchons un abri, un refuge, un lieu de paix où nous pouvons nous mettre sous la protection de quelqu’un pour passer la nuit.
« Et vous trouvez un endroit chaque jour… ? » demande un autre roseau…
« Parfois on met du temps à jouer à la cachette et à trouver la porte du jardin qui s’ouvre pour que je puisse y paître la nuit et que mon compagnon puisse y installer sa tente. A part 2 ou 3 nuits durant le long trajet que nous avons déjà accompli, nous pouvons dire que nous avons toujours trouvé refuge. Et nous avons remarqué que ceux qui ouvrent leur porte s sont souvent des gens qui d’une manière ou d’une autre sont des personnes en résistance contre ce qui n’est pas juste… » répondit longuement l’âne Isidore..
L’âne parlait d’expérience. Mais c’est que tous les résidents de la roselière frissonnaient à l’écoute de l’âne et en même temps à la possibilité de pouvoir exprimer leurs doléances et leurs recherches de résistance : c’est qu’eux aussi allaient pouvoir parler d’expérience et il y avait là quelqu’un pour les écouter. « Tu vois dit un roseau à l’âne, nous ne formons plus qu’une toute petite roselière. Plein de nos compagnons ont disparu ces temps derniers…Tu vois, se mit à dire un autre roseau, ces engins appelés « bulldozers tranchent dans la terre à pleines pelles, dans un bruit infernal, et ils ont chargé nos compagnons avec leur terre d’enracinement et les ont emportés on ne sait où, pour être enfouis sous un énorme tumulus… Ce qui nous fait peine dit un autre roseau, c’est que toute la nature est sacrifiée « au dieu voiture ». « Nous sommes blessés de voir l’ingratitude des hommes… » voulut dire un autre roseau. Leurs voix à chacun dansaient dans le vent de manière unifiée. Ils signifiaient leur résistance, comme savent le faire les roseaux.
Déchiquetés qu’ils étaient, les roseaux voulaient résister jusqu’au bout. Ils avaient un message à faire passer à l’homme par la médiation de l’âne.
Isidore s’était arrêté de brouter, tellement les couplets de la chanson de la roselière étaient devenus douloureux et vibrants. L’un des roseaux continua :
« Nous sommes marqués par ton écoute Isidore. Rien d’étonnant avec les belles grandes oreilles dont Madame la Nature t’a doté… Un de mes compagnons parlait tout à l’heure de l’ingratitude des hommes… Ils oublient que depuis toujours c’est dans les roselières que notre sœur l’Eau aime venir se faufiler pour s’offrir toute pure aux animaux… On le sait que toi l’âne tu ne bois que si l’eau est pure et claire. C’est là que les oiseaux viennent retrouver les batraciens et s’en nourrir durant les migrations, camps-volants qu’ils sont comme vous l’êtes… »
Un autre roseau un peu plus âgé que les autres s’était penché tout près de l’âne pour lui dire : « Et tu le sais Isidore, avec la belle mémoire que tu as, voilà plus d’un demi- siècle que les roselières ont dû redoubler dans leur tâche et leur travail, à cause des pluies salies et acides qui nous tombent dessus… tellement notre mère la Terre pleure les misères qui lui sont faites…. »
Un autre roseau était venu frôler les oreilles d’Isidore. Oh comme c’était beau à voir et émouvant à entendre ce qu’il lui soufflait aux oreilles… C’était un des sages de la roselière. Il disait : « Comme nous voudrions que les enfants des femmes et des hommes se souviennent que c’est fort probablement sur les bords de l’Euphrate, le pays où l’on « parlait bien » que l’Humanité commença de transmettre la parole en écriture. Pour faire ce passage, les hommes utilisèrent le cisèlement de la pierre certes et l’impression de la terre molle… Mais très vite, afin de donner à toute cette invention plus de légèreté, l’Homme vint nous cueillir sur les bords du FLEUVE… Il déplia les feuilles du ROSEAU pour qu’elles puissent être imprimées des PENSEES des hommes. Ça ! il ne faudrait pas l’oublier au moment, certes merveilleux d’INTERNET, mais où les idées courent si vite que ça s’imprime dans la mémoire de l’HUMANITE, et que pour toutes ces raisons, nous soyons respectés, nous qui formons les ROSELIERES ! »
Un autre roseau, un sage aussi celui-ci dont l’allure était presque cassé, s’empressa de dire : « c’est aussi le roseau qui se prêta à l’homme pour être dans ses mains, le stylet de son écriture, la traduction et la livraison de sa parole, et de sa pensée, son offrande et sa communication à tous les autres membres de l’humanité. C’est ainsi grâce à nous qu’une multitude de poèmes se sont mis à pousser et à fleurir dans la BIBLE qui est le LIVRE de l’HUMANITE.
C’est vrai, se remit à dire Isidore aux habitants de la roselière : mon compagnon que vous voyez à 2 pas de nous et qui est probablement en train d’écrire ce que nous sommes en train de nous dire, chantait tout fort l’autre jour un psaume de la BIBLE : « Mon cœur a frémi de PAROLES belles, j’ai à faire entendre mon POEME au MONDE. Ma LANGUE est le ROSEAU d’un SCRIBE agile. » (Ps 44,2)
Tous les roseaux avaient leurs mots à dire. L’un d’entre eux qui surement s’était déjà plié à bien des vents, se mit à dire à Isidore : « Dis donc à ton compagnon quand vous aurez repris votre chemin qu’un des grands PENSEURS de l’HUMANITE : PASCAL a comparé les HOMMES aux ROSEAUX en disant que « l’HOMME est un ROSEAU PENSANT ». Fais en sorte Isidore que ton compagnon s’en souvienne !!
Au moment de nous quitter, j’avais fait signe de la main avec laquelle j’écris en direction de la ROSELIERE, et Isidore avait agité ses 2 grandes oreilles comme pour obliger les conducteurs de bulldozers et les ingénieurs qui les dirigent à maintenir les habitants de la ROSELIERE en vie, en sorte que notre sœur l’EAU puisse continuer à nous vivifier, et nous les HOMMES par la médiation de l’ECRITURE : à PENSER ce que nous SOMMES.
Deux tractopelle et bulldozer venaient d’arrêter leurs bruyants moteurs, leurs conducteurs vinrent auprès de nous comme pour assister à notre « au-revoir ». Le vent, venu jusqu’à eux avait pu leur souffler une part des mots échangés entre la roselière et l’âne. Ils nous faisaient comprendre en serbe, certes, mais en langue des travailleurs et pères de famille : « C’est le capitalisme qui nous fait ainsi abîmer la TERRE, le berceau de notre humanité. Avec nos compétences, nous ferions bien un tout autre travail… mais nous avons femme et enfants à la maison… Nous n’avons trouvé que ce travail-là… et encore, nous sommes dans les privilégiés. » On se fit signe et compréhension qu’il y avait encore beaucoup à se retrouver, et à se fréquenter, roselière, âne et conducteurs des bulldozers, beaucoup à PENSER et à entremêler nos pensées et rencontrer tout plein de ces gens qui, comme cette jeune femme prit le nom justement de CISTELLE, la ROSELIERE, afin de mieux lutter et nous « main-tenir » et considérer qu’à l’impossible nous sommes tenus. Il en va de l’avenir de notre PLANETE.
Photo trouvée sur Internet
Mercredi 17 octobre 2012 à Mala Kopašnica
Ardente reconnaissance de notre unification en nos multiples fragilités.
Tout en me montrant où habitent chez CIVOJ, AITAB me dit : « De toutes façons si tu as besoin voilà où tu pourras mettre ton âne… dans cette maison qui est en face de CIVOJ… C’est mon étable... »
AITAB me laisse devant chez CIVOJ : immense maison avec une vaste cour qui est cadenacée et en face, je vois un grand pré et l’étable largement ouverte d’AITAB. Je suis là, dans la rue, entre ces deux espaces, l’un rutilant mais fermé, l’autre en briques mais ouvert. J’attends pendant un très long moment. Heureusement que j’ai pu mettre l’âne dans une abondante luzerne. Voilà une voiture qui arrive. Je me dis c’est sûrement quelqu’un de la famille CIVOJ. Je me présente. A la manière dont cette personne lit les papiers de VRBAS et celui de DANICA que je lui présente, je vois que je ne suis pas du tout attendu et qu’il n’est au courant de rien. Cet homme est probablement le gardien de la maison CIVOJ. Il me dit : « CIVOJ habite à Budapest… Il n’est pas question que vous fassiez entrer votre âne dans la cour… et vous non plus… » J’insiste quelque peu, muni du petit carton : « CIVOJ ». Arrive un véhicule immense. La barrière s’ouvre pour lui. Pas pour nous. Je dis au revoir, peiné de voir ces cœurs cadenacés, des maisons tout autant fermées, immenses où il n’y a aucune place pour l’imprévisible… C’est alors que je suis rattrapé par un jeune homme sur un vélo. C’est le fils d’AITAB qui me dit : « Ne vous sauvez pas… venez avec votre âne dans notre étable : dans la maison en briques, qui est en face », celle-là devant laquelle nous étions passés tout à l’heure, celle-là dont AITAB m’avait dit : « si tu as besoin, viens avec ton âne dans cette maison… c’est mon étable… »
Nous voilà nous installant à la nuit tombante dans l’étable d’AITAB. Pas d’électricité mais la lumière de l’hospitalité. AZCIREP, c’est le nom du fils d’AITAB, monte au grenier et donne de la bonne luzerne sèche à Isidore. AITAB arrive et me dit : « Pas question que tu montes ta tente ! » Il m’ouvre sa caravane qui est à côté et me montre un canapé pour que j’y dorme cette nuit. Puis ces deux hommes m’emmènent chez eux au village. « Tu viens manger chez nous ! » J’y découvre tous les membres de la famille. L’accueil y est très fraternel. ELIM est de la partie. Après ce repas pendant lequel j’explique le but de mon voyage avec l’âne jusqu’à BETHLEEM, je pars dormir dans la caravane. ELIM et AITAB me disent : « à demain dans la scierie. »
Le lendemain matin, levé un peu avant 7h, je crois que je vais avoir du temps pour écrire. Pas du tout. ELIM et AITAB sont là. Ils me tirent de l’étable pour aller boire le café dans l’atelier de ELIM. C’est alors que nous allons vivre un acte de reconnaissance qui va nous élever en Humanité. Comme il fait bon dans ce petit atelier de l’artisan qu’est ELIM. C’est un homme qui a une forte carrure. Il est heureux et nous le montre sur son visage que cet acte de reconnaissance se vive chez lui, dans son humble lieu de travail. Nous sommes tous assis autour de la petite table, où LINO, un 4ème homme, vient de déposer un pain tout chaud, sur un petit linge blanc déplié par ELIM. Et tout à coup ELIM se mettant debout écartant ses grands bras et les dirigeant, l’un à un bout du monde et l’autre ensuite à l’autre bout du monde, il a conscience, et nous en fait part, que ce que nous vivons touche et concerne le monde dans son ensemble. Toute l’Humanité est un seul corps : le nôtre est celui du Christ, celui du Christ est le nôtre. C’est ce qui est en train de lever. Nous en sommes témoins et artisans. Et tout cela se vit en des lieux et des moments de fracture : les gens de ce peuple me racontent ou me font allusion tous les jours (ELIM encore tout à l’heure) au fait qu’ils ont été bombardés par les américains, que leur économie est par terre, qu’ils ne savent pas comment la relever, avec un taux de chômage extrême, obligés qu’ils sont à de petits boulots afin de pouvoir survivre. Combien d’hommes partant aux champs avec de petits tracteurs pétaradants ou encore un cheval tirant la charrette, et les femmes assises dans la remorque bringuebalante, comme j’ai vu ma maman dans les années 50. Ce que nous vivons dans cet atelier est travaillé par un souffle qui tend à passer par les fissures que nous arrivons à faire en nos blindages. C’est ton souffle ami Jésus qui est arrivé à se faufiler jusque là, c’est ton Esprit qui nous fait nous reconnaître frères. C’est par ton souffle que AITAB s’est senti poussé à me rattraper hier sur la route et à me ramener dans cet atelier de son ami ELIM où il m’est signifié : « Toi l’étranger tu ne vas pas passer comme ça devant chez nous sans t’arrêter… Malgré ton allure étrange avec ton âne tu es l’un des nôtres… » Ils me reconnaissent porteur d’un important message et en même temps fragile comme un vase d’argile mais ne me le font sentir qu’en me protégeant. Je les reconnais en leurs merveilleuses attitudes d’accueil, voyant bien aussi certaines de leurs dépendances mais ne les montrant nullement empêchantes en ce moment créateur. (2 Cor 4,7)
Lorsque LINO est arrivé dans l’atelier apportant le pain chaud, ELIM m’a demandé d’aller chercher dans mon sac les papiers signifiants les buts de mon voyage au pas de l’âne en direction de BETHLEEM. LINO demande à ELIM qu’il lui prête ses lunettes pour lire, comme s’il lui demandait : « donne moi ta façon de lire les choses de la vie, ELIM ». Et ELIM lui donne ses lunettes. Et LINO se met à lire en silence. Il se crée un moment de paix et de silence à cet instant en cet atelier. Une bonne nouvelle nous est annoncée à tous. Il n’est pas fatal que les hommes que nous sommes continuent à se casser la figure les uns aux autres. Le pain chaud que LINO a mis sur la table pour que nous le partagions en le fractionnant est porteur de notre unification. Nous sommes les membres de ton corps ami Jésus en train de nous laisser travailler par le ferment unificateur de ton Esprit. Et c’est alors que sort de la bouche de ELIM le mot : MISSION. Au moment où LINO enlève les lunettes parce qu’il a fini la lecture des feuillets. C’est le même mot qui avait jailli de la bouche d’ANITA à APOSTAG, au moment où elle comprenait que je devais quitter et repartir de cet endroit et de ce moment où je me sentais si bien et où j’étais tenté de rester : « oui je comprends que vous repartiez, vous avez une mission à réaliser. »
C’est un même corps unifié que nous formons. C’est un même Esprit unifiant qui nous anime. Et c’est à une mission identique que nous sommes envoyés : désamorcer nos violences, arrêter de fabriquer et vendre les engins de mort. A cet impossible nous devons nous tenir.
Ce pain apporté par LINO, admiré par les yeux de AITAB et par les miens, fractionné par les mains d’ELIM, afin que tous les quatre nous en ayons notre part, ce pain nous ramasse en la traversée de nos fragilités pour réaliser notre unification : « Oh Dieu ! Voici que nous pouvons te dire en ton Fils Jésus : Notre Père…. »
Mercredi 17 octobre 2012 à Mala Kopašnica
Ardente reconnaissance de notre unification en nos multiples fragilités.
Très marqué par l’accompagnement d’IVAN et de toute une équipe de ses amis pour traverser LESKOVAC (6 ou 7 kms), nous nous disons au revoir à l’embranchement que fait l’autoroute avec le chemin de KOPAŠNICA. Ivan et l’équipe ont vraiment voulu me mettre sur le chemin où je n’aurai plus à me poser la question : « Est ce que je suis dans la bonne direction ? » Nous nous disons longuement au revoir. Il leur aura fallu deux voitures pour venir les rechercher et les ramener chez eux.
Isidore et moi nous marchons d’un bon pas parce que j’ai l’impression que KOPAŠNICA n’est quand même pas tout près. Mais avec le petit papier indiquant l’adresse de la maison CIVOJ, que m’ont transmise VULE et DRAGICA, je ne me tracasse pas pour l’hébergement de ce soir. En cours de chemin je vois beaucoup de gens travaillant dans les champs à ramasser les pommes de terre, cueillir les paprikas ou faisant des bottes de poireaux. C’est comme un immense jardin qui entoure LESKOVAC. C’est que cette ville dont j’ai découvert l’importance en la traversant à pied, a bien 60 000 habitants. Il faut en nourrir tous les gens. Et LESKOVAC est la capitale du paprika, comme AUXONNE en France, la capitale de l’oignon.
En fin d’après-midi nous arrivons l’âne et moi à l’entrée du village de KOPAŠNICA. Il me faut trouver où habite les CIVOJ. J’ai compris d’après ce que m’ont dit VULE et DRAGICA que chez CIVOJ nous attendent l’âne et moi dans leur maison. Nous faisons quelques centaines de mètres et nous entendons en arrière de nous quelqu’un nous appeler fortement mais fraternellement : « vous n’allez quand même pas passer devant chez nous sans vous arrêter… » Je salue cet homme qui vient d’arriver à notre hauteur en vélo. Je lui montre mon petit carton où est écrite l’adresse de chez CIVOJ. Cet homme me dit que j’ai le temps d’y aller et qu’il m’y conduira. « Ce n’est pas loin. Je vous montrerai… De toute façon vous avez trop avancé… revenez avec moi… » Je n’arrive pas à demander à cet homme : « Où est ce que vous m’emmenez ? » Je me retrouve dans une situation où je n’ai plus la possibilité de décider quoi que ce soit. Je dois fermer les yeux et me laisser guider. C’est ce que je fais. Il me revient ce qui est écrit au Psaume 30 que j’aime bien chanter dans des moments comme celui-là : « Entre tes mains je remets mon esprit… » L’homme a pris de mes mains la cordelette de l’âne Isidore qui, lui aussi, fait confiance qu’un pré de luzerne est sûrement dans la direction où nous emmène cet homme. Nous voilà dans un sentier et puis dans un autre, enjambant la voie ferrée, mais sans passage à niveau… Tout en nous en remettant dans les mains de cet homme je lui demande son prénom. Il me répond : AITAB. Je lui dis que je m’appelle LULU et l’âne ISIDORE. Nous nous demandons quand même bien où il nous conduit. Ça y est ! Nous voilà devant une petite scierie comme celle de chez MILLERET où nous emmenait notre papa à FRAISANS, quand nous étions gamins, et qu’il y avait des planches à fabriquer. Nous attachons l’âne à un billot de bois. Et AITAB me présente son ami qui est l’artisan de cette petite scierie, et cet homme continue, en me disant :
- Je m’appelle ELIM… je vous ai vu à la TV… je vous ai reconnu. Je vous ai aperçu de loin avec votre âne. Et j’ai dit à AITAB : saute vite sur ton vélo et tu le ramènes ici avec son âne… Je suis content que vous soyez là. Ça s’arrose ! Asseyez-vous. Qu’est ce que vous buvez ? Un schnaps ou un café ?
- Je ne bois pas d’alcool mais un café.
Quel accueil ! Voilà des gens qui se souviennent que « notre ancêtre était un araméen errant » (Deut. 26,5) et qu’« au voyageur notre porte doit rester ouverte » (Job 31,32)
En moi-même deux sentiments s’affrontent : « Vis intensément l’accueil que sont en train de t’offrir ces deux hommes… » et « il te faudra quand même ne pas tarder à aller chez CIVOJ… probablement qu’ils t’attendent… la nuit va tomber et peut-être que la pluie aussi… les nuages sont bien noirs… » Puis je fais comprendre mon admiration pour ce petit atelier et mon respect pour le travail que ELIM y accomplit. Le wagonnet qui emporte le billot de bois jusqu’à la scie à ruban ravive mes yeux comme quand j’avais 10 ans et que la scierie s’animait sous les mains de monsieur Milleret. C’est le gagne pain d’ELIM. J’aimerais voir tourner tout cela. Mais voilà qu’AITAB doit aller chercher ses 2 vaches et les traire. Il m’emmène donc pour me montrer où est ce que chez CIVOJ habitent. Il est convenu avec ELIM que demain matin avant que je ne reparte, je viens boire le café dans son atelier avec AITAB.
Suite demain
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