Le mercredi 10 octobre 2012 à Cazenard
Ce sont les paroles de l’âne Isidore lorsque je l’ai laissé hier soir dans l’étable de ASSIVOJ 2 : « Tu ne me laisseras pas trop longtemps dans cette situation ». Depuis notre rencontre avec Sacha à la sortie de KOVIN, le jeudi 20 septembre il se crée presque chaque jour comme une chaîne d’amitié et solidarité à notre égard. Chaque jour un maillon attache rapide vient s’accrocher au maillon précédent auquel l’âne et moi nous sommes reliés. Quelqu’un est là à l’étape du soir pour nous accueillir. J’ai l’impression que sur initiative de Sacha et Maja, ils ne veulent absolument pas nous laisser tomber durant tout le temps qu’ils pourront, jusqu’à notre passage en Macédoine et même après. Il y a du souffle dans leur attitude à notre égard. J’en suis touché et émerveillé.
Et en même temps, notre marche en direction du sud de la Serbie se réalise en profondeur, en ce sens que j’ai l’impression de marcher de plus en plus dans une terre de désolation et de détresse sur cette petite route adjacente à l’autoroute, aux mugissements incessants des camions et voitures. Il y a comme 2 ou 3 mondes qui se croisent sans interférer. Le niveau de vie de ceux qui roulent à fond la caisse sur l’autoroute n’est pas du tout le même que celui des gens que je vois partir dans leurs petits lopins de terre ou en revenir, avec de petits tracteurs tirant des remorques bringuebalantes, rapportant des récoltes de misères, l’homme pilotant le tracteur et la femme assise dans la remorque en serrant contre elle le peu de maïs ou de paprikas récoltés ? Cette année de sécheresse, où il n'a pas plu, disent les gens depuis la mi-juin, me rappelle les années 1947 et 1949 où en France, nous avions nous aussi dans la ferme familiale, comme dans beaucoup d’autres, expérimenté ce que c’est qu’une « année de vaches maigres ». Hier, je voyais une femme et son fils, « mettre en mayettes » des petites bottes de ramures de maïs. On ramasse ce que l’on trouve. Il ne faut rien laisser perdre. C’est ce qui va être donné à manger aux animaux, déjà dès maintenant, et durant l’hiver qui va vite venir. Ça me rappelle en 1947 quand avec notre papa on allait faucher à la taule, le petit peu de regain qui avait poussé dans nos prés. « Il faut se dépêcher de le ramasser » disait notre papa « avant qu’il ne fonde ».
Et en même temps dans cette région de détresse, il y a comme un cumul de misères. Les fossés et les talus qui jalonnent les routes que nous prenons sont remplis de détritus plastiques, comme jamais je n’ai vus. Pas un brin d’herbe pour les dissimuler. Ce qui est terrible, c’est que les gens qui ont une voiture roulent à tombeaux ouverts. Les canalisations et parapets de ponts sont dans un état de défectuosité et par là de dangerosité que me font vraiment mal aux tripes. Ça fait déjà un moment que je remarque que, certaines bouches d’égout en ciment ont été brisées et n’ont pas été remplacées, et d’autres en fonte, ont été volées et elles n’ont pas été remises non plus. Tout le long de ces routes de misère, il n’y a presque pas de panneaux indiquant l’approche de tel ou tel village ni non plus à quelle distance kilométrique nous sommes d’une ville ou d’un village à un autre. Par contre, il y a beaucoup de petites plaques de marbre commémoratives avec le nom et le visage photogravé de la personne qui a été tuée sur la route. L’année de la naissance et la date de la mort de la personne sont indiquées. Beaucoup de morts ont eu lieu de 2006 à 2012. Chaque fois que j’apprends la mort de quelqu’un je fais sortir de mon être cette prière « des profondeurs de ma misère, je crie vers toi Seigneur ! » Ps 129 L’âne Isidore me disait l’autre jour : » Voilà un moment je t’entends souvent dire le « De Profundis … » Tu ne pourrais pas changer un petit peu et chanter le « Magnificat » de temps en temps ? »
« Eh ! bien c’est encore pas hier soir Isidore que j’allais chanter « Magnificat » au moment où tu entrais dans cette étable de ASSIVOJ 2, et que tu m’as dit : » Tu ne me laisseras pas trop longtemps dans cette situation. »
Il s’est passé quelque chose hier que j’ai du mal à décrypter. Comme je m’en remets dans les bras et les mains de ELAG, AKIJARD et AJIRAM et qu’ils m’avaient dit : « Quand vous arriverez en direction de NIS au village de CAVERNARD, c’est à l’hôtel NAIRAM que vous serez hébergés, votre âne et vous. »
Les 9 et 10 novembre 2012 à ETNO SELO
Merci à vous ZORICA pour le travail d’interprète et médiatrice que vous réalisez entre nous :
- Avec VLADIMIR pour le maintien de la situation toute précaire qu’elle soit dans laquelle nous sommes, en attendant de pouvoir en créer une autre plus stable et durable.
- Avec MAJA de JAGODINA en SERBIE qui multiplie les démarches pour que nous ne nous enfoncions pas dans une impasse et que nous puissions trouver une solution qui permette qu’à ETNO SELO, l’âne y passe l’hiver et moi, quelques jours en y attendant Adrien BAYE, journaliste au Pèlerin, venu faire une interview.
- Avec SUSANA et LILIANA, les épicières qui veillent à ce que je mange bien.
- Avec ELISABETH qui coordonne le blog : lui expliquer pourquoi nous pouvons donner l’impression de stagner aux portes de KUMANOVO, mais qu’en fait, nous envisageons une pause et non un arrêt.
C’est alors que le mardi 6 novembre, ZORICA m’emmène à ETNO SELO. Il se trouve que la personne qui nous reçoit dans ce lieu d’accueil, la maman du directeur de ETNO SELO, est une ancienne collègue de ZORICA. Cette femme s’appelle VERA. Elle prend le temps de causer avec nous. Elle écoute grâce à la médiation de ZORICA le but de mon voyage. Elle nous offre à manger sur le coup des 11h. Et elle nous dit :
- Que je vais pouvoir venir être hébergé à l’hôtel durant ces 4-5 jours qui viennent en attendant la venue d’Adrien BAYE, journaliste au Pèlerin les 10 et 11 novembre. Ça permettrait de le recevoir et faciliterait son travail de journaliste.
- Que l’âne Isidore, non seulement sera hébergé dans l’étable avec les autres animaux pendant ce temps, mais encore tout l’hiver, pendant que je retournerai à JAGODINA et KOVILJ, et qu’il y sera très bien nourri comme les autres âne et chevaux.
Et lorsque je demande quel sera le prix de tout cet hébergement, car nous sommes dans un lieu d’accueil où le travail des gens qui nous reçoivent est un travail rémunéré, j’entends de la bouche de VERA, et ZORICA m’aide à bien l’entendre :
- Que je paierai la pension des 5 jours à l’hôtel-restaurant,
- Mais que l’hébergement de l’âne dans l’étable d’ETNO SELO avec les autres animaux, sera gratuit pendant tout le temps que l’herbe mettra à repousser à la surface de la terre si éprouvée par la sécheresse présente. La gratuité de l’hébergement de l’âne durant l’hiver signifie de la part de ces gens leur partage du sens donné à ce voyage en direction de l’étable de Bethléem pour la paix : « Ton voyage devient ainsi le nôtre… Tu nous emportes dans ton cœur et sur le bât de l’âne. »
Après le repas, VERA nous accompagne à l’étable pour voir où l’âne Isidore passera l’hiver et il est convenu que l’âne et moi, nous pouvons venir à ETNO SELO dès demain mercredi 7 novembre.
Ça me fait un certain pincement au cœur de quitter l’abri qui nous a été offert par VLADIMIR dans l’annexe de son garage. Nous avions créé de très beaux liens de fraternité grâce à ZORICA ;
- Avec VLADIMIR et les gens travaillant au garage,
- Avec les élèves du collège de ZORICA,
- Avec beaucoup de gens qui passaient dans la rue,
- Avec les 2 épicières SUSAN et LILIANA,
- Avec la journaliste qui vint m’interviewer : SUSANA NIKOLIK à VEST (journal local).
Mercredi à 9h, nous quittons cet abri pour reprendre la route qui va en direction de la Bulgarie, de SOFIA. Nous mettons 5 h à parvenir à ETNO SELO. La pluie est froide et fine. Elle rentre sous la peau. Mais nous savons que nous serons accueillis au chaud. Et si seulement il pouvait tomber une pluie abondante. La terre en a tellement besoin. Nous n’aurons pas ce soir à jouer, à chercher et trouver un abri qui se tienne caché à nos recherches. Cet abri nous est offert à l’âne et à moi jusqu’à ce que l’herbe repousse et que nous puissions reprendre la route en direction de Bethléem. Alors c’était vrai ce que disait des amis avant mon départ du 25 mars : « est-ce que tu vas arriver à Bethléem le 25 décembre 2012 ? Est-ce que ça ne serait pas plutôt le 25 décembre 2013 ?! »
Les 9 et 10 novembre 2012 à ETNO SELO
Au fur et à mesure que l’âne Isidore et moi nous nous approchions de la frontière serbo-macédonienne, nous nous trouvions devant un fait évident : les touffes d’herbe verte se faisaiten de plus en plus rares. Je l’avais déjà remarqué dans le sud de la Serbie. La terre qui devait être fertile en temps normal était devenue très sèche. Elle s’était craquelée, il n’y poussait plus rien. Encore quelques endroits où on apercevait un peu de luzerne pouvait permettre que l’âne se nourrisse comme il convenait à un marcheur tel que lui. Il y eut encore un beau champ de luzerne au monastère de Saint Prokor en Serbie. Je me disais naïvement : l’herbe verte va peut-être réapparaître une fois que nous aurons passé la frontière ! Mais il y eut le moment où, dans le premier village macédonien qui nous accueillait si fraternellement, un des hommes me dit : « je vais donner du foin à l’âne Isidore ». Lorsque je vis la teneur en qualité nutritive du foin que ces gens donnaient à leurs animaux, je compris à quoi, ils en étaient réduits. L’humiliation que subissaient ces petits éleveurs me blessait dans mon être de fils de petit paysan. Je me mis à craindre pour l’avenir de notre voyage.
Au fur et à mesure que nous avancions en direction de KUMANOVO, grande ville de MACEDOINE, je me mettais à l’évidence. L’herbe au contraire de ce que l’âne et moi nous espérions, se faisait très très rare. Quand mercredi 31 octobre, à la nuit tombante, j’avais été heureux de trouver l’abri, (maison non terminée d’être construite) que nous offrait VLADIMIR le garagiste dans une cour dépendante de son garage, et que je dus attacher l’âne à la corde coulissante et qu’il tirait dessus au risque de la casser car il n’y avait pas du tout d’herbe verte, et que l’herbe sèche ne devait pas avoir beaucoup de saveur et de valeur, je me dis : « il faut trouver une solution ! » Quand le lendemain, je tentai de chercher et de trouver un peu de foin à acheter, et que je saisis que les petits paysans à qui je m’adressais me faisaient comprendre (ce qu’il me fallait accueillir) : « on n’a pas le foin nécessaire pour nos animaux… on ne peut pas vous en vendre… il y a la sècheresse… le manque terrible de pluie pendant 4 mois… Vous voyez bien que nous ne pouvons même pas labourer nos champs, tellement la terre est sèche et dure… Fera-t-on nos semailles ? Nous sommes fin octobre… début novembre arrive… et les quelques gouttes de pluie qui sont tombées les nuits dernières ne vont pas faire repousser l’herbe de sitôt. Surtout qu’en plus, voilà que le vent du nord se met de la partie pour boire et pomper le peu d’eau qui vient de tomber ces quelques nuits dernières. »
Le temps que je mettais pour que l’âne trouve le long des routes l’herbe nécessaire, la nuit tombant vite et tôt, le temps qu’il me fallait pour trouver quelqu’un qui nous
dans un coin où de toute façon, c’était sûr qu’il n’y avait ni herbe, ni foin non plus… tout cela assombrissait beaucoup, beaucoup nos horizons de camps-volants. A 2 ou 3 reprises, ces jours derniers, nous étant arrêtés l’âne et moi devant des maisons où il y avait quelques touffes de luzerne, quelqu’un était sorti de la maison et m’avait signifié de partir : « cette herbe que ton âne mange, j’en ai besoin pour mes animaux. » J’entendais comme si on me disait : « qu’est-ce que c’est que ces Français qui viennent manger le peu d’herbe qui a pu pousser devant notre porte… » Je tirais sur la cordelette du licol de l’âne. Lui tirait encore plus fort en sens inverse, et il me disait : « Tu vois bien que je n’ai pas mangé à ma faim… » J’étais allé chez un marchand de graines, et j’avais rapporté de l’orge et du maïs concassé et moulu. Ça irait bien durant les quelques jours que nous allions pouvoir encore rester sous l’abri du garage de VLADIMIR. Mais ça ne pouvait pas durer. Et si, oiseaux migrateurs que nous étions, l’âne Isidore et moi, nous venions à quitter la branche sur laquelle, nous étions perchés (je veux parler de l’abri qu’était l’annexe du garage de VLADIMIR), il n’était pas sûr du tout que le prochain soir, nous pourrions retrouver une autre branche à laquelle nous raccrocher.
Par la médiation de ZORICA, professeur de français au collège Magdalena Antona, auprès de qui VLADIMIR m’avait conduit, nous pouvions expliquer par téléphone notre situation critique à
, professeur de français au collège à JAGODINA en Serbie. Depuis notre passage à JAGODINA, du 2 au 4 octobre, en raison de l’accueil qui nous avait été donné, du séjour qui avait été offert à l’âne, dans le zoo de la ville et du rêve qu’il y avait fait, cette ville était restée à nos yeux, comme une oasis.
MAJA comprit tout de suite l’impasse dans laquelle nous ne voulions pas courir le risque de nous enfoncer davantage. Oh ! Que les paroles que prononça MAJA, mettaient du baume sur nos blessures de marcheurs. Je lui confiais que je me rappelai qu’elle m’avait dit que viendraient des jours difficiles au fur et à mesure de notre avancée dans le sud. Je lui dis que justement arrivait le moment que j’envisageais, non pas d’arrêter notre voyage, mais de faire étape et d’attendre que l’herbe repousse.
Très vite, MAJA me proposait d’essayer de mettre l’âne au zoo de JAGODINA, de revenir à l’oasis en quelque sorte. Mais que de transports aller et retour, ça allait nous demander et combien de frais et de risques de ne pas pouvoir repasser la frontière serbo-macédonienne, quand il faudrait renouveler l’opération en sens inverse au printemps, lorsqu’on repartirait depuis KUMANOVO, en direction d’ATHENES. Et si on essayait de se faire accueillir au zoo de SKOPJE (capitale de Macédoine). Là aussi, MAJA et ZORICA furent de merveilleuses coordinatrices. Elles durent en donner des coups de téléphone pour faire leur travail d’interprètes.
Christophe GIRARDIER qui, grâce à la médiation de MAJA et de ZORICA me dit : « ce n’est pas un arrêt de ton voyage, n’est-ce pas ! mais une pause ! Car à l’impossible nous nous tenons ! » Tout cela me réconforte beaucoup. Mais voilà qu’au zoo de SKOPJE, il nous était répondu : « Ce n’est pas possible dans notre zoo ! Seulement, il y a un village à 14 kms de KUMANOVO, un endroit qui s’appelle ETNO SELO, où il y a quelques animaux, tenus par des gens qui accueillent la visite des enfants des écoles… Allez donc voir, si de ce côté, il y a possibilité qu’ils accueillent votre âne avec leurs chevaux et leur âne… » Voilà qui faisait resurgir l’espérance. Et je dis à MAJA : « Et si mon âne peut ainsi rester bien soigné en Macédoine, je redescendrai chez vous, MAJA et GALE, à JAGODINA et à KOVILJ chez NICOLE et BRACHA. »
L’âne Isidore marche d’un bon pas. On a l’impression qu’il aime se situer entre les deux hommes que nous sommes. Il semble nous dire, en laissant se dodeliner ses deux grandes oreilles, l’une pour l’un, l’autre pour l’autre :
Isidore : Il en est de nous les ânes ce qu’il en est de nos sœurs les abeilles : notre condition aux unes et aux autres dépend de la manière dont “vous élevez votre Humanité”, vous les hommes. Mais vous ne devez pas oublier que sans la présence médiatrice des ânes et des abeilles au cœur de vos vies, vous risqueriez grandement de perdre goût à la marche, et lorsque vos membres sont blessés, ainsi que les nôtres, de ne plus savoir comment les soigner et les guérir, si le miel venait à manquer.
Vendredi 5 octobre 2012 à Paraćin.
Réveillé vers 6h, la nuit chez GRADIMIR (GRADA) fut très bonne. Il faut que j’aille détacher l’âne pour le faire paître sur les talus et dans les fossés que j’ai repérés hier soir. « Il y eut une belle soirée pour que naisse un merveilleux matin » (Gn 1)
En laissant retentir l’Angélus, en mon cœur je me sens relié à toi ami aussi Jésus et à toutes ces personnes qui m’accueillent. Nous avons tous grandes difficultés à nous regarder les uns les autres avec la tendresse et le respect avec lequel ton Père, l’Esprit d’Amour et toi vous vous regardez et nous considérez.
Il me revient le profond cheminement et partage vécu avec BAPTISTE sur la berge-digue du DANUBE à notre sortie de KOVILJ, sur notre recherche de nous envisager les uns les autres, hommes et femmes, à la manière dont Jésus nous regarde avec clarté. L’ANGELUS nous rappelle ce moment lumineux de l’Histoire de notre Humanité où « Dieu lui-même » contemple avec son regard d’amour « la femme, qui est en train de concevoir ‘son fils’ lui qui au commencement a façonné de ses mains de tendresse l’homme et la femme avec la glaise du sol « en voyant que cela était bon » (Gn 1, 31) Elisabeth dit à Marie en la regardant : « Tu es bénie entre toutes les femmes » (Lc 1, 42) Ce qui veut dire « toutes les femmes sont bénies en même temps que toi. » En regardant Marie en ce moment clef de notre Histoire, la conception virginale et originale de Jésus, Dieu regarde cette femme en ce que, comblée de grâce (Lc 1, 28) elle porte l’avenir de l’Humanité. Ce regard de Dieu rejaillit sur toutes les femmes qui constituent notre Humanité. Depuis mon départ de Dampierre où nos parents nous ont conçus et mis au monde, depuis ce berceau de mon Humanité d’où je suis parti au moment de l’Angélus du matin, le jour du l’Annonciation, entouré d’une plénitude d’amis de qui je continue à naître, renaître et reconnaitre, depuis ce moment-là, mais déjà avant de partir, je continue à tenter de me laisser habiter par cette délicatesse et ce respect qui rayonne « des paupières de Dieu » à l’égard de la femme, mère de son fils, et par là à l’égard de toutes les femmes de la terre.
Voilà un regard tout neuf qui est en train de naître : celui de Dieu sur la femme. Cela va impressionner ce fils en train de naître, dans la manière dont il regardera les femmes qu’il rencontrera, dans la façon dont il les envisagera. Le regard de l’homme Jésus sur les femmes s’origine à ce moment de l’annonciation. Il regardera les femmes comme son Père regarde la femme qui est étonnée de ce qui se passe en elle, découvrant que c’est par grâce qu’il s’agit de cela : rien de moins que ça, pour mettre au monde celui qui vient remettre en son sens originel et original, ce monde-là. C’est à ce moment-là que renait l’espérance que nous les hommes nous allons pouvoir regarder les femmes comme Dieu les regarde, comme Jésus les regardera, dans leur avenir, qui est aussi le nôtre, comme au commencement.
Ce regard tout neuf sur les femmes vient s’originer à l’Annonciation, dans le regard que l’ange de Dieu vient nous traduire, nous disant comment Dieu voit la Vierge Marie. Il la voit dans son avenir. Il voit la Vierge Marie concevant son fils, se préparant durant 9 mois, travaillée par la grâce, à le mettre au monde. Et à travers ce fait historique nous découvrons grâce à l’écho qui retentit dans l’être d’Elisabeth au moment de la Visitation de Marie, que toutes les femmes sont regardées ainsi par Dieu. Toutes, elles sont « bénies à travers Marie, voilà comment nous sommes appelés, nous les hommes, à regarder toutes les femmes que nous rencontrons, dans la clarté de ce regard.
« Ces choses cachées depuis le commencement du monde » (Ps 77) voilà qu’elles sont claires aux yeux de Dieu et le deviennent aux nôtres.
Ce qui va se traduire par le regard de Jésus pour toute femme qu’il rencontrera, Marie-Madeleine et les autres, ceci fera dire à Jésus : « Quiconque regarde une femme pour la désirer a déjà commis dans son cœur l’adultère avec elle. » (Mt 5,28). C’est merveilleux comment Jésus veut nous faire tendre à avoir comme regard sur les femmes le regard que son Père et lui-même ont dans la luminosité de l’Esprit. Il nous appelle à ne pas rester « fixés » dans nos désirs, comme JOB en a fait « contrat » avec ses yeux. (Job 31,1)
J’en suis à ce moment de contemplation qui humblement m’apporte une joie et un bonheur intenses, lorsqu’arrive vers moi, Ivan, dans le pré où je fais paître l’âne Isidore. Ivan, comme beaucoup de ces hommes « facilitateurs » de mon voyage me semble bien seul. Beaucoup de ces hommes que je rencontre, qui m’accompagnent avec beaucoup de tact et de respect, riches dans leurs manières de voir les choses, me paraissent éprouvés dans leur vie affective. Ils me semblent pauvres de présence féminine. Je me sens « avec eux » dans notre quête de la façon de regarder les femmes en nous élevant. Je suis en train de dire à Jésus : « Ne nous laisse pas où nous en sommes avec les femmes. » lorsqu’arrive Ivan. Je sens que cet homme veut m’exprimer quelque chose de profond. Je vois qu’avec sa main droite, il va chercher quelque chose dans la poche intérieure de son gilet. Il en sort comme un petit coffret en papier. Il le dépose dans sa main gauche comme en un reposoir, à la manière dont Saint CYRILLE de JERUSALEM l’écrivait dans ses catéchèses. Puis il le présente sous mes yeux. Il en retire un morceau de pain, pour moi qu’il me tend, et un pour lui. Il se signe de la croix avec ce morceau de pain, puis le mange. Je fais de même. Nous ne pouvons rien nous dire. Nous nous regardons. Puis nous fermons les yeux l’un et l’autre, contemplant par quels détours de chemin, Dieu vient nous combler de sa grâce, pour que nous nous regardions hommes et femmes, les uns les autres, avec la clarté de son regard. Moi, Lulu, prêtre de l’église catholique, qui n’ai pas communié au Corps du Christ depuis longtemps, ma faim d’apprendre à regarder les femmes comme toi, ami Jésus, tu sais si bien les voir dans la plénitude de leur dignité et de leur avenir, cette faim qui me tenaille, voilà qu’elle est nourrie par Ivan, fidèle de l’église orthodoxe qui m’explique au cours de ce moment « d’élévation », que ce pain de Dieu lui a été rapporté par ses enfants depuis le monastère où ils sont allés célébrer la messe.
Voilà comment sur les berges de la MORAVA qui pleure pour que vienne la pluie, notre sœur l’eau après des mois de sécheresse, voilà comment « nous faisons Eucharistie » avec Ivan, reconnaissant ta « présence réelle » ami Jésus. Je ne sais pas ce qui se passe dans la tête et dans le cœur d’Ivan. Je sais qu’il veut continuer aujourd’hui à venir marcher avec moi en conduisant l’âne Isidore de CUPRIA à PARACIV. Ivan ne sait pas ce qui se passe dans ma tête et dans mon cœur à son égard. Il sait que je suis heureux qu’il soit mon guide encore aujourd’hui comme il l’a été hier de JAGODINA à CUPRIA. En nous recevant l’un l’autre, Ivan et moi, en nous recevant l’un de l’autre, nous signifions et expérimentons en cette fraction du pain qu’il vient de m’offrir que tu es là où nos vies sont cassées, ami Jésus, dans la fragilisation de nos existences, en ces extrémités si difficiles de nous regarder hommes et femmes avec la luminosité de tes yeux. Nous te reconnaissons présent réellement, là où souvent nous nous cassons les uns des autres, les hommes des femmes, alors que « depuis le commencement tu nous as fait pour nous attacher les uns aux autres, hommes et femmes » (Gn 2, 24). Nous te reconnaissons présent réellement là où tu vas pouvoir nous permettre de réenvisager avec ta tendresse et ta délicatesse les visages des femmes que nous avons défigurés.
Dans ces moments où nous nous sommes cassés la figure les uns aux autres, lorsque nous nous sommes mal vus les hommes et les femmes, et que nous avons mal dit les choses, quand le verbe entre hommes et femmes a tant de difficulté à se faire chair, comme il fait bon que tu viennes te présenter réellement, humblement, toi ami Jésus, interprète des écritures à nous qui sommes tout brûlants de refaire nos vies, toi le VERBE fait CHAIR, pour nous qui cherchons nos mots afin de sortir de nos maux.
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Pastorale des personnes en situation de Handicap
Peuples solidaires Jura et Doubs
MAN : Mouvement pour une Alternative Non-violente
Action des Citoyens pour le Désarmement Nucléaire
Campagne pour l'Education à la non-violence et à la paix
Institut de recherche sur la Résolution
Réseau pour une paix juste au Moyen Orient
4ACG : Anciens Appelés en Algérie et leurs Amis Contre la Guerre
Journée de jeûne pour demander le désarmement nucléaire unilatéral de la France,
tous les 1ers lundis du mois de 14h à 17h en hiver, de 16h à 18h en été, à Dampierre (39) avec un temps de partage et de réflexion animé par Lulu.
Et commémoration des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki entre les 6 et 9 août, chaque année.
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