Jeudi 20 septembre 2012 à KOVIN
« Chez mes parents, on n’a jamais laissé les voyageurs dehors » (Rumenka)
Réveillé aux environs, je resterais bien encore un moment à essayer de me rendormir. Je suis tellement bien en train de récupérer des forces pour la route quand je passe une bonne nuit. Mais voilà que l’âne Isidore que j’ai laissé libre dans cette petite cour fermée, vient rôder vers ma tente. Il a entendu le bruit que j’ai fait en ouvrant la fermeture éclair de mon sac de couchage. Il me fait comprendre : « J’ai faim ! Je voudrais manger de la bonne herbe de la pelouse du square où tu m’as conduit hier soir. » Je lui réponds : « Ne te mets pas à braire à cette heure là, au milieu de la ville où nous sommes. Tu vas réveiller tout le quartier et faire aboyer les chiens ! Je viens ! Je viens ! »
Nous sortons après avoir refermé la grande porte de la cour. Le jeune prêtre qui m’a accueilli avant hier très fraternellement, CSIPA CSABA, m’a confié les clefs. Je les rendrai tout à l’heure quand nous partirons. Je les remettrai à la voisine qui tient la pharmacie d’à côté. C’est convenu ainsi.
Nous voilà dans le square tout proche de l’ancienne cure où nous avons été hébergés. Dans l’immédiat l’âne trouve et goûte ses herbes préférées. Et moi je tends vers la naissance du jour et déjà je me prépare à laisser l’Angélus résonner dans ma vie, dans la vie de beaucoup de gens qui passent à cette heure là. Je sens à leur démarche qu’ils font partie de ceux qui ont un petit boulot. Ils y tiennent. Ils s’y rendent à pied ou sur un vélo très rustique. Je me sens en communion avec tous ces gens, les petites gens comme on dit. J’ai envie de leur dire, je leur dis : « Vous êtes de grandes gens. Très tôt, avant même que le soleil ne luise, vous permettez que notre Humanité se lève, se relève et tienne debout. »
Après un bon petit déjeuner fait de fruits secs et fromage avec un bon pain, les sacs bien amarrés sur le dos bâté de l’âne, la clef rendue à la pharmacienne, nous voilà en train de quitter Kovin… sous la pluie ! Mais c’est un beau temps qu’il pleuve ! Il n’y a pas plu voici quatre mois. Elle est attendue, Madame la Pluie. C’est sûr que les voyageurs que nous sommes préfèreraient qu’elle tombe la nuit et qu’elle s’arrête quand nous commençons de marcher… Nous croisons beaucoup de gens qui nous demandent où nous allons. Je sors chaque fois de ma poche le texte de DANIČA. Beaucoup aiment prendre des photos, avec l’âne à côté d’eux. Nous voilà presque à la sortie de Kovin. L’âne a repéré une pelouse de luzerne. Je ne peux pas l’empêcher d’y aller. J’en profite pour me mettre un peu à l’abri en m’asseyant sur le seuil de la maison qui est à côté et casser la croûte. Je n’ai pas trop d’heure pour ça. L’appétit est toujours là. Ça me fait plaisir de voir l’âne manger la luzerne comme il le fait. C’est vrai que nous n’en avons pas vu du tout ces jours derniers sur la pelouse du square.
Voici que dans mon dos j’entends le ronronnement d’un moteur d’une voiture. Ce sont les gens de la maison qui vont sortir de chez eux. Je me lève du seuil où je suis assis. La porte s’ouvre. Je salue la dame qui vient d’ouvrir la porte. Ce sont des mots en français qui sortent de ma bouche : « Bonjour Madame ! » Et c’est comme tout naturellement que la dame me répond : « Bonjour Monsieur. » Je dis alors : « Oh madame, vous parlez français… !?
- Je suis française, serbe d’origine, j’ai épousé un français… Nous venons d’acheter cette maison et nous l’aménageons. Et vous-même avec un âne ?
- Je pars pour Bethléem avec mon âne pour trouver et faire la paix… »
Je tends à cette femme le texte de DANIČA. Elle lit et me dit : « C’est que nous partions faire les courses. Je vous aurais fait entrer et offert un café… Enfin si vous êtes encore là quand nous rentrerons… » Nous nous saluons !
Puis Isidore s’arrête de manger la luzerne. Mais la pluie, elle, ne s’arrête pas. Il faut que je trouve un abri plus conséquent que le petit prunier sous lequel Isidore vient de se loger. Nous repartons. Et 300 mètres plus bas je vois l’auvent d’un magasin dont le commerce est arrêté. Nous y sommes bien à l’abri. Mais mon Dieu que c’est long d’attendre ainsi. Voilà que j’ai envie de revenir devant la maison où la dame m’a parlé en français tout à l’heure. Je frapperai et je verrai bien car la pluie ne cesse toujours pas de tomber.
Après avoir attaché l’âne sous le prunier afin qu’il soit un peu à l’abri, avant que je ne frappe à la porte des gens, une voiture s’arrête. Un homme en sort et d’emblée me dit comprenant ma situation de voyageur sur la route avec un âne : « Quand vous arriverez un peu plus loin à VELIKO ORAŠCE, vers VELIKA PLANA, vous pourrez vous arrêter chez moi. Je m’appelle SAŠA. Vous serez hébergé ainsi que votre âne. » Cet homme me parle comme s’il savait notre histoire. Je l’invite à écrire son prénom et nom, le lieu où il habite et il ajoute son téléphone. Nous nous sourions. Je lui signifie que je serai heureux de m’arrêter chez lui, mais pas avant 2 ou 3 jours. Ce qu’il comprend. Il repart.
suite demain