Neufchâteau, mardi 10 mai 2016, suite ...
En écoutant les sœurs Denise, je trouve la confirmation que Jean-Marie Lassausse est actuellement dans une situation très grave à Tibhirine en Algérie.
Denise G. : «Voilà l'article dans le journal local Vosges Matin du 7 mai dernier : Le prêtre vosgien de Tibhirine, bloqué au monastère … Les autorités algériennes lui refusent le renouvellement de ses papiers … » C'est le même article que Rosaline m'a communiqué la veille, avant notre départ sur Neufchâteau envoyé par Henryelle de Poligny et Antoinette de Saligney.
Lucien : «Le déplacement de Jean-Marie Lassausse à Milan en mars dernier serait-il un motif du blocage qu'il subit actuellement ? » Je raconte aux sœurs Denise que c'est Jean-Marie qui m'a conduit d'Alger à Tibhirine en mars 2014 avec Nelly, Bernard et Claude Chauvin. Les sœurs m'expliquent comment elles sont allées à Tibhirine en 1974. Elles y sont retournées en 1985 alors qu'Alphonse est le vicaire général de Léon-Etienne Duval archevêque d'Alger… qu'il est curé aussi de la cathédrale d'Alger…
Denise D. «Nous avions fait la petite boucle : Alger, Cherchell, Médéa, Tibhirine, Djelfa, Laghouat, Ghardaïa, Ouargla, Touggourt, Biskra, Bou Saada, Alger... »
Nous avions rencontrés à Tibhirine plusieurs des frères qui ont disparu en 1996. Lorsque mon frère Alphonse a été ordonné évêque en 1998, Jean-Pierre Shumacher est venu à Metz pour son ordination …»
Les deux sœurs Denise sont bien en train de continuer à m'aider à chercher et trouver les sentiers de la non-violence. J'évoque alors l'amitié profonde qui me relie à Jean-Marie Muller. Cela fait sourire ces deux femmes car elles connaissent très bien «L' Évangile de la non-violence » et ce que Jean-Marie n'a cessé d'écrire depuis. C'est le signe de la reconnaissance que nous buvons à la même source dans le sillage des gens engagés dans la lutte non-violente.
Je trouve confirmation dans ce que me partage Denise G. aidée par Denise D., qu'Alphonse, né à Sarreguemines en Moselle en 1936, est ordonné prêtre en 1965. Après des études à Fribourg en Suisse, à Echterbach au Luxembourg, il revient en Algérie continuer ses études à Alger-Kouba. Il choisit alors de vivre en Algérie où il sera curé de Cherchell, vicaire général de Léon Etienne Duval puis directeur du centre diocésain d'Alger … C'est là qu'il accueillit en 1996 Jean-Pierre et Amédée au lendemain du rapt des moines de Tibhirine, durant les deux mois d'éprouvantes recherches, du 27 mars au 21 mai 1996. En 1998, il devient évêque d'Oran en remplacement de Pierre Claverie, assassiné avec son chauffeur Mohamed, deux mois et demi après la disparition des frères de Tibhirine. Alphonse sera évêque d'Oran jusqu'en 2012. Il sera remplacé par Jean-Paul Vesco, qui en 2014 nous accueillera dans la maison diocésaine d'Oran, alors que j'arrivais dans cette ville avec Nelly, Bernard, et Claude Chauvin.
Avec beaucoup de limpidité et de clarté, nos deux amies religieuses sortent de leur mémoire de sœurs une multitude de noms et de faits de vie, personnels et collectifs, et me les partagent. Tout cela est confirmé par des documents écrits et bien rangés dans la corbeille en osier … et donc faciles à retrouver. Elles font surgir de merveilleuses photos de manifestations auxquelles elles ont participé durant leurs engagements et leurs partages de vie, ouvrières ou rurales. Parmi les personnes auxquelles elles se réfèrent, je vois la photo d'Henri Godin, d'André Depierre de la Mission de Paris qu'ils ont fondé en janvier 1944 à Lisieux avec le cardinal Suhard... Je raconte à ces deux sœurs comment Henri et André sont des francs-comtois, des gens de chez nous. Henri est né à Audeux, (25) et André, à Vadans (39) Ils ont marqué la vie de l'abbé Jean Jourdain qui lui-même au petit séminaire de Vaux sur Poligny a marqué la vie de Gaby Maire, notre ami prêtre originaire de Port Lesney, assassiné au Brésil à Vittoria, le 23 décembre 1989. Puis j’entends et je lis dans les documents qu'elles mettent sous mes yeux, les noms des Rices, d'Henri Perrin, de Jean Legendre … C'est alors que Denise G. dit « C'est ce dernier qui est à l'origine de ma demande de passer à la vie de salariée … Quand je suis allée voir Alphonse en Algérie, j'ai vu des hommes venir embrasser mon frère, tellement ils avaient partagé la vie ensemble »
Nous reparlons de sœur Martine Ortigues, venue habiter aux Rousses dans les années 1980-1990 … Je dis aux sœurs que je l'ai connue grâce au C.A.P.C.O.
( Cercle d'Approfondissement pour Prêtres en Classe Ouvrière ) … puis je l'avais retrouvée lorsqu'elle était venue en retraite dans la communauté des sœurs dominicaines d'Orchamps. Sœur Denise D. me dit alors : « Martine faisait partie des sœurs de notre ordre qui sont allées au boulot … comme elle et avec elle, nous avons eu la chance de pouvoir nous exprimer, de pouvoir nous engager en associations et syndicats, et ainsi, nous avons fait avancer les choses dans l'Eglise et dans la société. »
Je repense à Sœur Madeleine d'Orchamps, quand elle s'est engagée comme institutrice de jeunes enfants, puis d'enfants et d'adolescents en difficulté à l'école Jean Bosco de Dole. Si des personnes comme Jean-Luc lisent le journal chaque jour et essayent de ne pas laisser le monde comme ils le trouvent, l'engagement de ces religieuses n'y est pas pour rien.
Nous revenons avec les sœurs Denise sur un des voyages qu'elles ont accompli en Algérie lorsqu'Alphonse était vicaire général du cardinal Duval. « Mon frère nous avait emmenées à Tibhirine, nous avions alors rencontré Christian de Chergé, le frère Luc, le frère Amédée et le frère Jean-Pierre Schumacher. Celui-ci était venu à Metz quand Alphonse a été ordonné évêque. »
En ramassant toutes ces graines d'action non-violente, nous nous redisons combien il est urgent et important de continuer à les semer et planter en nos jardins intérieurs et communaux … Nous pressentons en nous disant Au Revoir que la venue d'Alphonse à Neufchâteau au 12 rue du Moulinot, vers la fin du mois de juillet, va nous permettre d'enfin nous envisager l'un l'autre.
Déjà, nous nous reconnaissons ...
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