L’ALGERIE, LE PAYS Où JE SUIS Né à L’OBJECTION DE CONSCIENCE
C’est en Algérie, en plein djebels et dans le fond des oueds, que je suis né à l’objection de conscience. C’est là que dans quelques jours je retourne chercher et ramasser les graines d’action non violente qui ont été semées par les femmes et les hommes de bonne volonté, chrétiens et musulmans qui ont donné leur vie pour que la justice et la paix poussent et croissent sur cette terre.
Quand notre papa, petit paysan à Dampierre dans le bas du Jura, voulait semer un blé ou une orge qui pousse bien, il allait chercher un sac de ces graines de semence dans les plateaux du Doubs, à Belmont et Chaux les Passavant, là où notre maman et lui étaient nés. Et nous, les enfants, nous étions émerveillés de voir comment, humblement, ça poussait bien dans nos champs ces graines qu’ils étaient allés chercher dans leur pays natal.
De même, j’aime beaucoup chercher avec vous mes amis à ce que dans nos terrains de vie la non-violence, cette force d’aimer dont nous avons tous faim et soif, nous pousse et nous bouscule les uns vers les autres, dans un rapport les uns avec les autres, en sorte que nous fassions de la place à ceux qui n’ont pas encore trouvé la leur. Nous essayons d’ôter nos incompréhensions mutuelles très empêchantes, ces murs de séparation qui nous cassent les uns des autres. Elle est belle cette soif de bâtir des ponts entre nous, de créer au cœur de nos vies, de nos villages et de nos cités des terrains d’asile et d’accueil à ceux qui n’arrivent pas à trouver un coin de terre pour y enraciner leurs enfants, une école pour y apprendre le sens de leur vie, un hôpital pour y soigner leur santé.
C’est pour cela que je pars en Algérie à Oran le 8 décembre. Nous célébrerons et reconnaîtrons ce jour-là la façon non-violente dont les moines de Tibhirine et leurs 12 compagnons chrétiens ont donné leur vie à ceux avec qui ils essayaient d’exister… Nous nous dirons qu’il y eut en même temps beaucoup de musulmans et de gens de bonne volonté qui donnèrent eux aussi leur vie pour que les plus petits et les plus pauvres puissent donner le minimum de dignité à l’existence de leurs enfants.
Je pars en Algérie dans cette terre qui me vit naître à l’apprentissage du refus de la violence. Je pars voir, écouter, envisager une multitude d’agents de la non-violence. Je sais que les portes des maisons où loge la petite fille espérance me seront ouvertes.
Dans mon cœur, dans mon sac à dos, dans ma valise je rapporterai des petits sacs de graines de cette non-violence, de cette façon d’agir qui nous fait refuser l’implacable fatalisme de la guerre et de l’injustice. Je rencontrerai des femmes et des hommes travaillés par l’art de bâtir, guidés par une stratégie de l’action non violente. Nous ferons mémoire des gens qui ne se sont pas laissés vaincre par la haine, qui ont été des résistants à la violence des armes.
Je vous emporte tous dans mon cœur d’ami reconnaissant. Vous le sentez nous allons faire un beau voyage ensemble.
Je vous rapporterai ce que j’aurai ramassé afin de l’ensemencer dans nos terrains de vie.
Je vous raconterai tout cela avec d’autres personnes, le 16 décembre, à l’abbaye d’Acey durant la journée tournée vers ce sacré témoin de la non-violence qu’est Gaby Maire. Lui aussi a donné sa vie au Brésil pour nous tous, comme l’ont fait avec les Mères de Mai ; Léonie Duquet et Alice Domon en Argentine.
Lulu, le 3 décembre 2018
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