Mercredi 18 novembre 2015
Le texte sur le terrorisme, intitulé « Au delà de la dissuasion, en deçà de la guerre », est un texte ancien que j’ai écrit il y a déjà plusieurs années. En le relisant aujourd’hui, j’ai pensé qu’il avait gardé une grande part d’actualité. Je le publie donc à nouveau en écrivant ces quelques lignes d’introduction.
« La France est en guerre ! » C’est en martelant ces mots que François Hollande a commencé son discours devant les parlementaires réunis en Congrès à Versailles le 16 novembre 2015. Et tous les médias ont salué le ton martial du Président de la République qui s’est exprimé en véritable « chef de guerre ». Certes, l’ignominie des actes meurtriers qui ont tué à Paris des dizaines d’innocents porte la violence à son paroxysme. Mais, face à cette tragédie qui bouleverse chacun de nous, qui peut penser que c’est le moment d’appeler le peuple français à prendre les armes du meurtre pour partir à la guerre ?
Certes, l’apparition de Daech sur la scène du Moyen-Orient change la configuration classique du terrorisme. Daech n’est pas l’État qu’il prétend être mais il s’agit d’une organisation militaire et politique structurée qui occupe certains territoires et mènent des actions de guerre en Irak et en Syrie. Pour autant, Daech ne viendra pas faire la guerre en France et la France n’envisage aucune intervention au sol au Moyen-Orient. Ainsi l’action de Daech en France restera une action terroriste. Si la nécessité impose certains actes de violence contre les terroristes, ils n’impliqueront que des agents de l’État et non l’ensemble des citoyens.
En France, et un peu partout dans le monde, la Marseillaise a retenti comme un chant de solidarité et de résistance. L’air était juste, mais jamais les paroles guerrières de notre hymne national n’ont résonné de manière aussi fausse : qui peut croire, en effet, que les citoyens français soient appelés à prendre les armes et à former des bataillons pour abreuver nos sillons d’un sang impur ? Non, face à la violence du terrorisme, les citoyens ne sont pas mis en demeure de répondre par la violence de la guerre. Nous devons certes surmonter toute peur et nous mobiliser, mais pour résister à la logique de la terreur qui est la logique de la violence. L’arme des terroristes est d’abord une arme idéologique et c’est cette arme qu’il faut briser. Face à l’inhumanité du terrorisme, l’urgence est d’affirmer les valeurs universelles d’humanité qui fondent la civilisation. Et ce sont les mots de notre devise républicaine qui doivent inspirer notre action : « Liberté, Égalité, Fraternité ».
Le malheur, c’est précisément que la culture qui domine nos sociétés est structurée par l’idéologie de la violence nécessaire, légitime et honorable. Désarmer le terrorisme, c’est d’abord désarmer cette idéologie afin de construire une culture fondée sur une éthique de respect, de justice, de fraternité et de non-violence.
Car le véritable réalisme est de voir dans l’extrême ignominie de la violence du terrorisme, l’évidence de la non-violence.
« Le sang, disait Victor Hugo, se lave avec des larmes et non avec du sang. »
Jean-Marie MULLET Philosophe et écrivain,
Dernier ouvrage paru : Entrer dans l’âge de la non-violence, préface de Stéphane Hessel (Le Relié).
Lire le texte « Au delà de la dissuasion, en deçà de la guerre » en cliquant ici