23.09.2016
Retour de Midelt, au Maroc. Envie d’écrire…
Par où commencer ?…
Par ce qui est doux quand on est dans un pays musulman…
L’appel du muezzin me provoque toujours une émotion intense : au monastère, parfois je l’entendais pendant l’office où nous étions en train de prier. J’imaginais alors les musulmans aller à la prière et je rêvais que leurs prières se mêlent aux nôtres… Quelle belle image… Parfois je l’entendais en étant dans ma chambre, le soir, ou quand nous étions ensemble à discuter en petit groupe, dans la cour intérieure ou dans le réfectoire. Parfois j’avais envie d’aller directement à la mosquée me joindre à eux, me rappelant dans mon for intérieur, la fois où cette femme en Malaisie, m’a accompagnée pour que je puisse prier avec elle, à la mosquée… Je me souviens… Que d’émotions dans nos regards partagés, une fois la prière terminée. La prière se poursuivait encore en secret je pense, dans nos cœurs, souhaits de vie pour l’une et pour l’autre. Deux inconnues en communion totale dans le profond de leur cœur. Parfois j’ai envie de retourner prier avec eux, nos amis musulmans, pour retrouver cette force et cette union.
Le matin où mon papa a été malade, quelle ne fut pas mon émotion quand, dans toute mon inquiétude, étant retournée dans ma chambre prendre quelques affaires, avant de partir à l’hôpital, j’ai entendu l’appel à la prière…
Les musulmans allaient prier pour moi, pour nous, c’est cela que je ressentais au plus profond de mon être, en lien avec tous les amis musulmans de notre beau voyage. Comme s’ils étaient connectés à nous, sans ne s’être rien dit par la parole, et que nous allions prier ensemble. C’est comme si cet appel à la prière, interrompant mes tourments, me rappelait : « Tu sais ce que tu as à faire ! Je suis là pour vous ! Et à travers vous. Vous êtes là pour vous soutenir entre vous. Vous êtes tous frères. » C’est comme si cet appel me rappelait que la seule chose qui restait à faire était de prier, en communion les uns avec les autres.
Ce qui me marque chez les musulmans, c’est cette confiance et lâcher-prise totale en Dieu. Ils ont cette reconnaissance éternelle, que nous avons il me semble beaucoup perdu : reconnaissance pour ce qui fonctionne, reconnaissance d’avoir notre famille, nos proches, notre santé, d’avoir notre travail, notre maison, nos amis…
Un sourire, toujours, et cette douceur dans le regard, relié à Dieu en disant : « Hamdoulah ! » « Grâce à Dieu, tout va bien ! ». Ça, je l’ai encore découvert chez Fatima, ses filles Nadia et Marya de 19 et 29 ans, chez Addi le mari et père, qui tient le café, et leur fils Mehdi. Quelle énergie et quelle douceur ! Dans l’ouverture et la simplicité. J’ai été tellement marquée par cette joie profonde en chacun d’eux que j’ai exprimé à Nadia mon étonnement et mon émerveillement de tout ce qu’ils dégageaient dans leurs yeux et dans leurs rires, avec sa famille. Je trouve des étincelles dans leurs yeux, une force et un bonheur profond et immense ! Une confiance et une Reconnaissance ! Nadia les yeux pétillants et en riant m’a dit : « C’est grâce à Dieu tout ça, oui ! Il nous comble de joie, moi et ma famille ! Hamdoulah ! On a beaucoup de chance, oui ! » Et elle continue de rire ! Quelle incroyable beauté cette famille ! Surprenant !
Inversement, quand ils parlent de l’avenir, de quelque chose d’incertain ou de l’amélioration de la santé de quelqu’un : « Inch’Allah » rappelle toujours que l’Avenir est dans les Mains de Dieu : « Si Dieu le veut !»
J’aime cette formulation qui rappelle que nous n’avons pas le pouvoir sur tout comme nous aimerions parfois. Que tout ne nous appartient pas. Accepter que ça nous échappe. Dans la confiance cependant que ça peut s’améliorer, car Dieu peut faire de grands miracles ; ou dans la confiance que si ça ne s’améliore pas, une force venue d’Ailleurs pourra incroyablement nous aider pour traverser tout cela. Une force qu’on n’estime pas sans l’avoir connue.
« Inch’allah » nous ramène à notre Nature d’Homme, dans nos fragilités et notre grandeur, si l’on accepte de recevoir ce qui nous est donné, à travers le Lâcher-prise et l’accueil tout à la fois de l’extraordinaire venu d’Ailleurs !
Le troisième mot, qui est celui qui m’est venu en premier auprès de papa à l’hôpital de Midelt est « Bismillah ar-Rahman ar-Rahim ». Comme une demande, pour le soigner, le confier entre Ses Mains et qu’Il agisse du mieux possible pour sa santé. Etrangement, je n’arrivais à prononcer que ces paroles, alors que le reste du temps, je n’arrive pas à bien les formuler. Je le disais sans crocher, sans balbutier, ça sortait tout seul et en flot… Incroyable cadeau encore de Notre Dieu, Allah, à tous …
Bismillah est aussi une manière de confier de manière générale nos actions dans les mains de Dieu, tout en reconnaissant ce qu’il nous donne. On peut ainsi le dire avant de manger, avant de conduire, ou en rentrant dans une maison. C’est une relation encore, avec Dieu, pour signifier qu’il est avec nous au quotidien, en reconnaissant sa Présence, en étant en communion dans nos actions, avec Lui.
C’est d’ailleurs par le mot « Bismillah » que frère Jean-Pierre Schumacher a commencé notre Rencontre. En confiant ce partage aux Mains de Notre Dieu, Dieu des Hommes.
RL
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