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11 janvier 2019 5 11 /01 /janvier /2019 15:47
Photo tirée de l'interview réalisée par KTO

Photo tirée de l'interview réalisée par KTO

Orchamps, le 1 janvier 2019

 

« ON NE SAVAIT PAS QUE TU ETAIS NE EN ALGERIE ! » (Myriam)

 

C’est la parole que m’adresse Sœur Myriam de la communauté des sœurs Dominicaines d’Orchamps, en ce jour de l’an tout neuf de relations de paix et de justice que nous nous souhaitons pour toute notre humanité. 


Nous sommes venus avec Jeannot présenter nos vœux et exprimer notre reconnaissance à Sœur Madeleine, celle qui a été son institutrice à l’école Jean Bosco, durant les années 1970-1980. Et autour de Madeleine, il y a quelques-unes des religieuses de la communauté : Sœurs Jeannine, Anne-Marie, Myriam. Elles viennent de voir et entendre à l’émission KTO, l’interview de Jean-Paul Vesco l’évêque d’Oran, suite à la béatification des 19 témoins-martyrs, le 8 décembre.


Sœur Myriam me dit : « Tout de suite après ce que dit l’évêque Jean-Paul   Vesco, l’animateur de KTO nous annonce des témoignages, et c’est toi que nous voyons et on entend ce que tu commences à dire … Je ne savais pas que tu étais né en Algérie, tu ne nous l’avais jamais dit … » Les autres sœurs et moi nous écoutons Sœur Myriam … Et sœur Jeannine dit : « On n’a pas bien entendu … Tu dis Lulu que tu es né en Algérie … Mais veux-tu dire que c’est à la non-violence que tu es né, pendant que tu étais à la guerre d’Algérie ? »


Je prends la parole et je dis : «  Vous ne pouvez pas savoir mes sœurs, comment ce qui vient de m’arriver grâce à vous en ce moment, me touche. En effet, mes paroles ont été court-circuitées en raison de l’émotion qui m’est venu au moment où j’étais interviewé… mais ça donne vraiment ce que je voulais. »


Grâce à beaucoup d’amis et particulièrement à des amis musulmans, j’ai eu la possibilité d’aller à Oran pour la béatification. Mais sachant que l’église Santa Cruz était trop petite pour contenir le monde qui aurait voulu participer à la célébration, je ne voulais pas prendre la place des membres des familles des frères et sœurs martyrs, ni non plus celle des membres des communautés religieuses, ni bien sûr la place des musulmans d’Oran. Les places revenaient en premier à tous ces gens. Mais il me suffisait de me trouver dans la cour de la maison diocésaine d’Oran et de me situer dans les endroits où je pourrais rencontrer grâce à Amilton des témoins comme frère Jean-Pierre Schumacher, Fadila Semaï, quelqu’un de la famille de Mohamed Bouchkri, et pouvoir ramasser, en m’approchant de ces personnes et en les écoutant, quelques graines de non-violence dont m’avait parlé Jean-Marie Muller. Voilà pourquoi je tenais tant à être en Algérie à Oran, ces jours-là de la béatification, les 7 et 8 décembre. Pour ça. Pour ramasser ce qui se ferait et se dirait à teneur de non-violence. Car c’était en Algérie, à quelques kilomètres d’Oran que j’étais né à l’objection de conscience. 


En effet, c’est durant la guerre d’Algérie que j’avais commencé d’apprendre à résister à la violence que l’on nous imposait dans le régiment parachutiste où j’étais affecté. C’est en Algérie que j’avais appris à refuser de haïr les membres de ce peuple algérien que l’on nous faisait prendre pour des ennemis et des terroristes. C’est en Algérie que j’avais commencé d’arrêter d’abîmer mon humanité en détruisant celle des autres. Mes sœurs, Jean-Luc, c’est bien en Algérie que je suis né... à l’objection de conscience. 


Quant à la fin de la célébration de la béatification le 8 décembre, dans l’église de Santa Cruz, une caméra-man de l’émission KTO me demande si je voulais bien être interviewé, j’ai répondu oui dans l’immédiat, tellement je ramassais des graines de non-violence en voyant et écoutant tout ce dont j’étais témoin. Je venais d’entendre Youssef, jardinier à Tibhirine dire à frère Jean-Pierre Schumacher : « Tu sais, la source qui fait pousser les arbres et les légumes dans le jardin, elle coule toujours, elle ne s’est jamais arrêtée. » J’avais compris que c’était la source de la non-violence qui ne s’arrêtait pas de couler jusqu’à nous. Je vivais ce pourquoi j’étais venu. Mais ça me donnait  beaucoup d’émotions que cette personne de la télévision s’arrête à moi, je ne m’y attendais pas. Surtout quand elle me dit : « Vous avez l’air heureux d’être venu à Oran aujourd’hui, voulez-vous nous dire pourquoi ? » En commençant de répondre, je dis : « Parce que c’est en Algérie que je suis né … » et les mots que je voulais adjoindre à ce que j’avais commencé à exprimer n’arrivaient pas à sortir… Ça y était … Ça venait quand même …  « C’est en Algérie que je suis né … à l’objection de conscience … Je suis venu aujourd’hui afin de ramasser des graines de non-violence… Du fait que je suis fils de Dieu, je suis aussi héritier de cette manière d’aimer, vécue par les fils et les filles de Dieu que sont les 19 martyrs, ainsi que les 114 imams que nous reconnaissons aujourd’hui à Santa Cruz à Oran … Je tenais à venir chercher ma part d’héritage.


Je suis venu recevoir mon héritage en ramassant les graines de non-violence, la force d’aimer qui a poussé ces hommes et ces femmes à rester sur les lieux de fractures et d’épreuves où ils vivaient … Tout ce que j’aurai ramassé de non-violence, toutes ces graines, je les rapporterai et les mettrai dans un endroit commun et avec mes amis, nous les ensemencerons, nous les sèmerons au souffle de l’Esprit des quatre vents, pour que ça pousse là où nous vivons, comme ça pousse sur la terre d’Algérie … où je suis né à la non-violence. »


Voilà que j’avais pu engranger en moi comme beaucoup de gens le faisaient, ces graines de non-violence. C’est en vivant à la manière de ces témoins-martyrs, en parsemant à la surface de la terre, et de la mer Méditerranée, et du détroit de la Manche, ces actes d’évangile et de non-violence, comme les étoiles parsèment le ciel, que nous pourrons vivre une année juste et vraie. Nous nous pousserons les uns les autres, pour que chaque femme, homme et enfant, trouve sa place.
 

icône des martyrs d'Algérie

icône des martyrs d'Algérie

L'émission que les soeurs d'Orchamps ont visionnée...

Veillée de prière du 7 décembre 2018

Messe de béatification du 8 décembre 2018

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  • : Lulu en camp volant
  • Lulu en camp volant
  • : Lucien Converset, dit Lulu est prêtre. A 75 ans, il est parti le 25 mars 2012 avec son âne Isidore en direction de Bethléem, où il est arrivé le 17 juin 2013. Il a marché pour la paix et le désarmement nucléaire unilatéral de la France. De retour en France, il poursuit ce combat. Merci à lui ! Pour vous abonner à ce blog, RDV plus bas dans cette colonne. Pour contacter l'administrateur du blog, cliquez sur contact ci-dessous.
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