2ème partie du discours de Nurit Peled au Parlement Européen le 11-09-2014
Sous-commission des Droits de l’Homme
Session spéciale sur les enfants de Gaza.
Nurit Peled-Elhanan prix Sakharov 2001
...Nous savons que depuis des années la vie à Gaza a été pire que le pire ghetto, et que l’assainissement dans la bande de Gaza est périlleux. Gaza a été sans un système d’égout ou d’électricité ou d’eau potable depuis plus de cinq ans maintenant parce qu’Israël a détruit ses centrales d’électricité et ne les laisse pas être reconstruites, en dépit de ses déclarations.
Permettez-moi de vous renvoyer à un excellent site israélien appelé Access qui publie chaque semaine les allées et venues vers et en provenance de Gaza, les restrictions sur les produits importés et exportés, contre la désinformation que vous obtenez de la propagande israélienne. Je crois que vous avez tous vu les photos de l’hiver dernier dans lequel les habitants de Gaza ont dû naviguer dans leurs rues qui étaient devenues des rivières d’eaux usées, portant leurs enfants à l’école sur leurs épaules, et allant au travail ou au marché en pataugeant dans des eaux usées, sales, contaminées et boueuses qui leur montaient jusqu’aux genoux ou à la taille. Ces conditions entraînent toutes les sortes possibles de maladies, d’épidémies et de pénuries.
Dans le raid 2008-2009 et dans cette dernière attaque impitoyable, où les médecins palestiniens et internationaux ont affirmé qu’elle était la plus vicieuse et la plus violente qu’ils aient jamais vue dans l’histoire de l’agression israélienne contre la bande de Gaza, médecins et experts ont révélé l’utilisation d’armes inconnues jusqu’à présent. Les soldats qui sortent de Gaza disent que c’est un laboratoire pour toutes sortes d’armes mortelles. J’ai vu des enfants et des adultes pleins de trous et blessures sans éclats dans leur corps. Une famille entière sans jambes, des bébés brûlés, une fille dont les yeux ont été effacés. Les enfants et les adultes qui ne sont plus que des morceaux de chair sans vie, avec des épines cassées et les cerveaux brûlés. J’ai vu une femme dont la jambe a explosé et un jeune homme dont les organes internes ont éclaté. Avant de venir ici, j’ai parlé avec le Dr Haitham Al Hassan - président du département de chirurgie générale à l’hôpital Makassed, et un spécialiste de la chirurgie vasculaire qui s’est porté volontaire pour traiter les patients dans la bande de Gaza pendant une semaine. Le docteur Haitham suppose, tout comme le docteur Mads Gilbert et le docteur Erik Fosse, qui ont traité les blessés dans la bande de Gaza au cours du raid Israélien de 2008-2009 et, cette fois encore, que les blessures inhabituelles ont été causées par une arme, dont ils ont spéculé que c’étaient des DIME, bombes qui sont interdites dans les zones surpeuplées.Toutefois, a-t-il dit, les bombes et leur contenu auront probablement disparu dans le sable au moment où la communauté internationale obtiendra la permission des auteurs de l’agression d’envoyer ses comités et des observateurs pour faire une enquête et les rechercher. Malheureusement, les blessures ne guériront pas aussi vite. Beaucoup de survivants, disent les médecins, peuvent difficilement être guéris en raison des multiples infections causées par des bactéries qui sont résistantes aux antibiotiques, et la ruine de leur système immunitaire. L’hôpital Makkased que j’ai visité dépense autour d’un demi-million de dollars chaque mois juste pour les médicaments, dans leur tentative de soigner ces personnes. Pas de doute que ce soit une entreprise rentable pour certains.
L’année dernière, j’étais ici pour le 25e anniversaire du prix Sakharov. Nous avons eu une semaine très intense pendant laquelle nous avons entendu tous les comités et sous-comités pour les droits humains et les droits des enfants, des experts en droit international et les juges de la Cour internationale de justice. Mais chaque fois que j’ai mentionné Israël et la Palestine, la réponse a été : "C’est un cas particulier". En effet, c’en est un, mesdames et messieurs et la question est pourquoi ? Pourquoi faut-il que, dans d’autres cas, les criminels de guerre soient traînés devant les tribunaux et que les victimes soient invitées à témoigner, alors que dans ce cas, les victimes sont constamment blâmées pour leur propre misère et les auteurs bénéficient d’une totale impunité ? Pourquoi, au lieu de punir les criminels de guerre qui règnent sur Israël et la Palestine comme des gangsters qu’ils sont en contrevenant à toutes les lois et conventions internationales - en rasant des quartiers entiers et en tuant les femmes et les enfants des commandants de leurs ennemis, en infligeant une punition collective à des millions de personnes par pure vengeance, les Etats de l’Union européenne font-ils tout ce qu’ils peuvent pour empêcher les victimes de porter plainte contre les bourreaux ? Pourquoi, au lieu de se demander quel genre d’éducation raciste transforme de belles filles juives et des garçons juifs en meurtriers en uniformes sans scrupules, le Parlement européen supervise-t-il, contrôle-t-il et censure-t-il le système éducatif des victimes, sans même jeter un coup d’œil dans celui des agresseurs.
Permettez-moi de vous dire puisque c’est le domaine de mon expertise, que les enfants Israéliens sont éduqués dans le racisme le plus fondamental et le plus violent, dont les meilleurs élèves sévissent maintenant dans nos rues, multipliant le harcèlement, et les coups et jusqu’à brûler vif un garçon palestinien, incités par des rabbins qui les encouragent, des ministres et des membres de la Knesset. Ce racisme est le terrain sur lequel les soldats et les pilotes se sont mis à croire que des enfants palestiniens ne sont pas des êtres humains comme nous, mais un problème qui doit être éliminé. Mais cela ne semble pas intéresser la communauté internationale. Pourquoi faut-il qu’au lieu de soutenir les opprimés avec des moyens de subsistance et de la protection, au lieu de se battre pour leur liberté et leurs droits fondamentaux le monde occidental éclairé continue à armer leurs occupants, à prendre leurs oppresseurs de plus en plus comme partenaires et après chaque massacre, accentue la mise à niveau de leur statut dans l’Union européenne qui fait entrer leurs représentants au sein des comités comme celui-ci - si ce n’est pas du cynisme alors qu’est-ce que c’est ???
.... (à suivre...)