Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
30 juillet 2012 1 30 /07 /juillet /2012 09:15

Samedi 9 juin 2012

Réveillé à 5H30. Il fait déjà jour dans le square aux portes de la ville de Straubing où je viens de passer une bonne nuit sous l’abri où je me suis réfugié hier soir, alors que ça allait recommencer à pleuvoir. L’âne Isidore a passé la nuit à manger l’herbe du verger attenant à ce square. Je l’avais attaché par la corde coulissante entre 2 pommiers.

Pourquoi je n’ai pas monté la tente ? Pour ne pas alerter, provoquer quelqu’un à me « désigner-dénoncer » à la police et être obligé de décamper sous la pluie. D’autre part les bagages qui étaient sur le dos d’Isidore attachés et sanglés sur le bât, ne pourraient pas être à l’abri sous la tente. Je ne me trompe guère dans mes craintes. En effet, en train de me laisser habiter et nourrir par le Psaume 79 « Pasteur d’Israël écoute… fais luire ta face… fais voir en sorte que chacun des êtres humains, tes enfants puissent trouver une place à la surface de la terre… Seigneur Sabaoth, fais nous revenir, fais luire ta face et nous serons sauvés » Qu’est-ce qu’il fait bon à l’aurore du jour au moment où s’éveille le concert du chant des oiseaux, dans les arbustes et fourrés avoisinants, de se laisser travailler par la parole de Dieu à l’Humanité et par la réponse que tentent de lui faire les hommes que nous sommes… de l’homme que je suis.

Mais le temps de méditation apaisante ne va pas durer beaucoup ou plutôt il va se muer en des versets bouleversants, ceux-là même de membres de notre Humanité qui trouvent que la surface de la terre  n’appartient qu’à quelques-uns, à eux qui pensent être les premiers occupants, que ceux qui viennent après ou qui passent par là n’ont pas droit d’accès, même l’espace d’un moment, d’une nuit qui risque d’être pluvieuse et froide, se figurant être arrivés les premiers, ils pensent que ça leur donne le droit de propriété. Ils ne veulent pas connaître la pensée profondément  humaine des indiens d’Amazonie et de la Cordillière des Andes, qui après avoir été spoliés par les colonisateurs pendant des siècles maintenant que la terre est à tous. Ils ne veulent pas voir non plus ce que le bisontin Proudhon veut dire quand il proclame au XIème siècle : « la propriété c’est le vol. » Ils vous saluent par ces mots « Begruss Gott » « Dieu vous bénisse ». Ils le font écrire aux portes de leurs villages. Mais ils vous envoient effectivement aux enfers…

Je suis en train de lire le verset 7 du psaume 79 : « Tu fais de nous une question pour nos voisins… » quand surgit par le sentier avoisinant l’endroit où je suis à l’abri, une femme promenant son petit chien. Cette femme devait être belle avant qu’elle ne me voie avec l’âne. Mais son visage vient de se muer en une colère dirigée contre moi et l’âne. Le petit chien ne dit rien. Même pas l’amorce d’un léger aboiement. Il semble même dire à sa maitresse : « qu’est-ce que je voudrais bien m’amuser avec l’âne… il a l’air si paisible… » Mais il n’a pas le temps de dire cela, qu’en allemand bavarois exprimé par cette femme « je suis dans l’obligation immédiate de comprendre que c’est un scandale que je sois dans ce lieu avec mon âne, que je n’ai rien à y faire… Je suis en délit d’occupation illicite… » Tout cela est débité à une allure vertigineuse… Comment se fait-il que je comprenne tout cela ? C’est l’expression du visage de la dame qui est bouleversant… je suis verbalement et ‘visagement’ agressé… Et je suis obligé, l’ordre m’en est donné, de « quitter les lieux dans l’immédiat sinon je préviens la police ».

Ni le petit chien, ni l’âne Isidore, ni moi non plus, ne saisissons que les humains n’arrivent pas à s’entendre parce que quand je vais détacher l’âne Isidore, il me fait comprendre qu’il se serait bien amusé avec le petit chien de la dame. Et il ajoute : « On a eu la chance qu’elle ne soit pas venue promener son petit chien hier soir… Parce que tu sais, une nuit tranquille comme nous venons de vivre… un foin aussi bon et abondant… et puis j’ai bien vu que tu passais une bonne nuit sous l’abri quand je me suis réfugié sous le pommier parce que la pluie était revenue.

Une maille à l’envers, une maille à l’endroit. Ainsi se tricoterait le tissu social.

Une maille à l’endroit : nous étions heureux hier soir de trouver cet abri aux portes de la ville de Straubing, et de voir passer plein de gens faisant footing en promenant leurs chiens… Personne ne nous faisait objection concernant notre présence en ces lieux.

Une maille à l’envers : une femme, ce matin nous intime l’ordre de déguerpir sinon, elle prévient la police.

 

straubing.jpgPhoto du Marche de Straubing trouvée sur Internet

Une maille à l’endroit : Entrant dans la ville de Straubing, une heure après nous sommes accueillis par beaucoup d’enfants et leurs parents. C’est jour de marché. Beaucoup de gosses spontanément désirent caresser l’âne Isidore qui ne demande que ça. Surtout qu’avec les caresses beaucoup veulent adjoindre une carotte. Comme le marché est tout près de l’endroit de la jointure des 2 places principales de la ville où nous avons stationné, il y a abondance de biens pour Isidore. Même qu’une dame apporte une botte de carottes. L’âne Isidore me fait comprendre : « T’as bien fait de venir en ville le jour où il y a marché. T’as vu le monde qui passe ! Une botte de carottes ! Mets-la vite sur le bât. Comme ça j’en aurai durant toute la journée… » Je dis dans l’après-midi à Isidore : « J’aime beaucoup venir en ville avec toi les jours de marché. Ça nous rappelle quand à Dole on voulait que quelque chose soit connu, on venait aussi le samedi matin dans la rue piétonne entre la place aux fleurs et la place du 8 mai. C’est là qu’on distribuait nos tracts ou bien qu’avec la JOC de Dole, Fabrice, Brigitte, Laurent, Raymond, Michel, Marie-Jo, Denise, Adeline et combien d’autres on venait le samedi avant Noël proposer le gui et le houx de la solidarité, en donnant à savourer un jus de pommes chaud de notre confection. On y venait aux pas des ânes Grisette, Gervaise et Gamin. Qu’est-ce qu’on rencontrait comme monde ! C’était grâce au Nicolas Renner de Brevans et à sa famille qu’on avait pu amener les ânes de Dampierre… Et bien ici à STRAUBING, là où se rejoignent les 2 places THERESIENPLATZ et LUDNIGSPLATZ, c’est comme à Dole où on fait le cercle de silence le 1er samedi du mois. Il y a comme ça des lieux, des endroits qui sont porteurs de messages. C’est là que se tricotent les mailles à l’endroit. Pendant que les enfants te caressaient et t’écoutaient faire du bruit avec tes dents en mangeant les carottes, moi j’écoutais les questions des gens qui se demandaient pourquoi je cheminais avec toi… Pourquoi on allait jusqu’à Bethléem. Je leur ai dit : « parce qu’à Bethléem c’est là que la Terre s’est ouverte au ciel. C’est là que la terre des hommes a été ensemencée d’amour pour toujours. C’est de là que le fils de Dieu, Jésus, est né en sortant du ventre de sa maman, de Marie que nous aimons tant saluer à l’heure de l’angélus… Elle est de notre Humanité. J’essayais de dire cela en allemand. Heureusement il venait d’arriver une dame qui s’est mise à me poser des questions en français… Ça fait du bien au milieu de tant de gens rassemblés autour de nous et qui te posent des questions fondamentales sur la destinée de notre Humanité, qu’il arrive quelqu’un qui parle en allemand et en français. Quelle médiatrice ! Alors je lui demandai : « Ihre Vorname ? Quel est votre prénom ? – Maria ! » Nous rayonnons de joie en entendant le prénom de cette femme. Parce que beaucoup de gens profitaient de notre partage, particulièrement de ce que Marie, mère de Jésus nous a donné et transmis comme possibilité de donner sens à notre vie, dans la personne de ce gamin qu’elle mettait au monde sous le regard et le souffle d’un bœuf et d’un âne de tes ancêtres. Et tu ne sais pas ce que cette femme m’a dit, parce que tu étais très préoccupé par les caresses et les carottes quand elle m’a dit ça. Cette femme Maria m’a dit : « Vous allez à Bethléem avec votre âne. Mais Bethléem, c’est aussi ici, partout où il y a des gens qui s’aiment, où on vit l’amour de Jésus. » Alors j’ai dit à Marie : « Dites à tout le monde qui est là autour, ce que vous venez de dire. Dites-le en allemand : « Gott ist da, wo die Leute leben und lieben. » C’était comme l’autre jour sur la place St Peter à REGENSBURG avec Christa et Thomas et les gens qu’ils avaient rassemblés, nous n’avions pas envie de nous quitter. Mais Heinrich le mari de Maria lui signifiait qu’ils étaient attendus. Cette maille à l’endroit que nous venions de tricoter allait contribuer à bien faire tenir le tricot. Elle allait permettre de bien tenir le coup pour assumer les mailles à l’envers qui surement viendraient s’adjoindre à notre recherche d’Humanité. Je repensais à ce que Jésus avait dit un jour d’ouragan, où le tricot social risquait de s’effilocher le jour où des apôtres demandaient à ce que les foudres du ciel tombent sur un village samaritain qui ne les avait pas accueillis, et les fasse disparaître. Jésus leur dit : (en Luc, 9,51) « je ne suis pas venu pour ça. Allons dans un autre village. Et en chemin il leur raconta, justement, « une maille à l’envers, une maille à l’endroit » : la parabole du bon samaritain, afin de répondre à leur question : qui est mon prochain ? Regardez avec qui notre vie est tricotée ! N’arrachez pas de la Terre celles et ceux qui n’ont pas encore compris que le bonheur et la joie envahissent nos vies lorsque, avec ce que l’on a comme « emplacement », on fait de la place à ceux qui n’en ont pas. C’est alors que Jésus s’était mis à raconter la parabole d’une maille à l’envers, d’une maille à l’endroit : « L’ivraie et le bon grain ». Il n’y a que Mathieu qui la raconte 13, 24. « Attention ! En voulant arracher l’ivraie vous risquez d’arracher le bon grain. » Tu vois Isidore ! Déjà Jésus était contre l’agriculture intensive. Exactement ce que tu disais l’autre jour en mangeant le sainfoin sur les talus qui longeaient le Danube : «Avec tous leurs pesticides et insecticides on ne trouve presque pas de sainfoin ni d’abeilles. »

C’est alors que Isidore me dit encore : « C’est beau cette histoire de tricot social : une maille à l’envers, une maille à l’endroit ! J’ai bien aimé l’autre jour quand tu ajoutais en parlant de toi : « Il ne faut pas oublier que des fois c’était moi Lulu qui avait tricoté des mailles à l’envers ! Heureusement que l’on ne m’a pas arraché à ce moment là ! »

Et voilà qu’en dressant une oreille dans la direction où nous nous dirigions avec les nuages qui risquaient de nous envoyer la pluie, et l’autre oreille en direction  de l’endroit où la dame avait voulu nous déloger (les ânes ont de sacrés capacités), Isidore tu m’apprends à faire beaucoup de choses : nous projeter dans le temps, tout en faisant référence à ce qui vient de nous arriver… oui ! En regardant la pluie qui risquait de bientôt nous tomber dessus et en nous reportant à ce que nous venions de vivre : deux mailles à l’envers, Isidore je t’entends encore en train de me dire : « Tu sais la dame qui est venue se promener avec son petit chien et qui voulait nous faire partir de cet endroit si beau, peut-être qu’en ce moment, en retournant promener son petit chien et en voyant qu’il va pleuvoir, peut-être qu’elle est en train de changer de sentiment à notre égard et qu’elle voudrait tricoter une maille à l’endroit pour nous. Peut-être que si le temps continue à vouloir nous dégringoler dessus, une maille à l’envers, peut-être que les sentiments nouveaux de la dame vont inspirer une attention accueillante chez quelqu’un d’autre pour nous, une maille à l’endroit en quelque sorte. »

Partager cet article

Repost0

commentaires

D
Bonjour LULU et Isidore, nous éspèrons que tout se passera bien pour la suite de votre longue promenade et que la paix s'éveille sous vos pas... Merci LULU de m'avoir appris a faire du jus de<br /> pomme, et puis aussi de m'avoir permi aussi de marcher au pas de l'ane lorsque nous avons fait des petites sorties. LOIS
Répondre
S
soyez prudent Lulu et Isidore<br /> le plus beau reste à venir
Répondre
N
bon courage Lulu, tu es formidable, il y en a Alice là haut qui te suit...<br /> <br /> bon courage
Répondre
J
Il m'arrive parfois d'être effrayé par Lulu, au point de craindre quelque fâcheux évènement survenant dans la suite de son parcours, s'il ne se montre pas plus prudent: Citer Proudhon pourrait<br /> heurter quelques oreilles délicates et provoquer quelques réactions non moins heurtantes en retour, Abel fut tué pour moins que ça.<br /> La référence en matière de propriété, du moins en France, reste l'article 17 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789, débutant ainsi "La propriété étant un droit<br /> inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, etc."
Répondre
T
je vous souhaite un beau tricot tricoté à l'endroit,tout au long de votre voyage .
Répondre

Présentation

  • : Lulu en camp volant
  • Lulu en camp volant
  • : Lucien Converset, dit Lulu est prêtre. A 75 ans, il est parti le 25 mars 2012 avec son âne Isidore en direction de Bethléem, où il est arrivé le 17 juin 2013. Il a marché pour la paix et le désarmement nucléaire unilatéral de la France. De retour en France, il poursuit ce combat. Merci à lui ! Pour vous abonner à ce blog, RDV plus bas dans cette colonne. Pour contacter l'administrateur du blog, cliquez sur contact ci-dessous.
  • Contact

Commentaires

Vous pouvez laisser un commentaire sous les articles. Les commentaires sont modérés avant publication. C'est-à-dire que tout commentaire injurieux, insultant publicitaire ou inadéquat n'est pas publié Merci.

Recherche

Désarmement nucléaire

Journée de jeûne pour demander le désarmement nucléaire unilatéral de la France,

tous les 1ers lundis du mois de 14h à 17h en hiver, de 16h à 18h en été, à Dampierre (39) avec un temps de partage et de réflexion animé par Lulu.

Et commémoration des bombardements d'Hiroshima et Nagasaki entre les 6 et 9 août, chaque année.

L'anti-pub

Les pubs sur les blogs ou les sites que vous consultez sont trop agressives ? Il existe un moyen de respirer à nouveau, en téléchargeant le pare-pub Adblock Plus (clic). Vous ne supprimerez pas les pubs imposées, mais vous ne les verrez plus.