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11 mai 2016 3 11 /05 /mai /2016 19:42

Vendredi 11 septembre 2015

 

VEUX-TU NOUS DIRE ENCORE JEAN-PIERRE, CE QUE TU AS VU EN CHEMIN ?

 

Il est dix heures, Omar vient de nous appeler à boire le thé, tous ensemble, les moines et tous les gens présents dans le monastère.

Ayant conscience que c'est un plein panier de trésors de graines de non-violence que je viens de recevoir de la part de Jean-Pierre, et que c'est encore un autre panier qui est en train de se remplir d'autres trésors de partage. Je veille à ce que rien ne se perde. 

Je dis à Jean-Pierre.

Lucien : « Veux-tu nous dire encore Jean-Pierre ce que tu as vu en chemin grâce à Christian ? »

Jean-Pierre : « Le frère Christian nous a accueillis et reconnus tels que nous étions. Nous n'étions pas novices par rapport à l'Islam. Il nous regardait et nous rencontrait sur un plan d'égalité dans notre connaissance de l'Islam, afin de progresser ensemble. Nous avions quelque chose de très important à recevoir de lui. Et lui, voulait beaucoup recevoir de nous. Nous ne voulions pas de la relation maitre-élève. Il avait cette qualité spirituelle et nous aussi. Nous avions à apprendre et à progresser ensemble. Chacun avait sa propre richesse. Il avait la sienne, nous avions la nôtre. Ça  ne veut pas dire que nous n'étions pas unis. Il y a l'image de la roue et du moyeu. Il y a aussi l'image du moteur électrique. S'il n'y a pas de tension dans un moteur électrique, c'est plat, ça ne marche pas. Il faut le positif et le négatif. S'il n'y a pas de différence de potentiel, le moteur ne peut pas tourner.  En présence des capacités de chacun, il ne faut pas que l'un ou l'autre soit éliminé. Pour que le moteur tourne, il faut mettre les capacités ensemble. Coopérer ensemble, avec les capacités de chacun pour faire un tout. C'est à faire ça, qu'est appelé un vrai supérieur. Ce sont Saint Pierre et Saint Paul, s'il n'y avait eu que Saint Pierre ou que Saint Paul, quelle pauvreté ça aurait été. Paul avait le souci de garder le lien avec Jérusalem.

 

Photo du net :  Bruno Zanzottera

Photo du net : Bruno Zanzottera

Lucien : « Veux tu me dire Jean-Pierre comment a été vécu le Ribat es Salam à Tibhirine ? »

Jean-Pierre : « Il y a surtout eu Christian, Christophe et Michel de notre communauté, qui y ont été engagés. J'y étais très ouvert. Je craignais que ce soit un pôle unique. Le Ribat es Salam avait été fondé par Christian et Claude Rault, devenu évêque de Ghardaïa – Sahara. Nous voulions rester des cisterciens, mais aussi continuer d'entrer en devenir. Christian a demandé aux soufis s'ils voulaient bien venir à Tibhirine deux fois par an. Nous ne voulions pas que tout soit tiré dans ce sens-là. Mais ça ne veut pas dire que nous étions fermés. Nous vivions une tension tout en cherchant à garder l'unité. Nous cultivions les deux tendances.

Lucien : « Une sorte de tension créatrice ? »

Jean-Pierre : « C'est ça. »

Lucien : « Et en plein milieu de ces années noires, c'est quoi qui a contribué à ce que vous restiez ? »

Jean-Pierre : « Il fallait chercher l'unanimité sans exclure celui qui n'est pas conforme à la tendance la plus forte. Il a fallu plusieurs séances pour savoir si, unanimement, nous restions ou pas. En 1993, nous avions déjà choisi que si nous partions, nous nous rejoindrions à Fes au Maroc. Si nous ne pouvions pas revenir en Algérie, nous irions ensemble dans un autre pays musulman. Nous voulions rester ensemble, quoi qu'il arrive. Nous avons choisi de rester. Nous voulions ne pas abandonner la population. Il y a eu des pressions pour que nous partions, de la part du gouvernement algérien et de l'ambassade de France. A Rome, les autorités de notre ordre cistercien nous ont laissé libres de choisir, « selon votre conscience commune ». Les autorités algériennes ont poussé très fort pour que nous partions, ainsi que certaines opinions françaises. «  Qu'est-ce que vous fichez là-bas en Algérie ? … Vous êtes fous … » , nous disait-on. Un jour, c'est Christophe qui causait avec un algérien, un habitant de Tibhirine. Il lui disait : « Nous ne sommes pas sûrs de rester, nous sommes comme les oiseaux sur la branche. » Mais l'algérien lui a dit : « En fait, la branche, c'est vous, et les oiseaux, c'est nous. 

« Quelqu'un a dit aussi : » Est ce que le pasteur se sauve lorsque les brebis sont en danger ? » et en plus, nous avions fait un vœu dans la stabilité, celui-là d'être fidèle au peuple algérien. C'est comme dans la vie conjugale. Quand le GIA en 1993 a dit : « Ordre aux européens et étrangers de partir d'Algérie » nous avons dit : «  Est ce que c'est le GIA ou notre maitre Jésus qui nous a envoyé en mission ? »

Lucien : «  Je suis émerveillé et touché ami Jean-Pierre de tout ce que tu rends possible que je puisse ramasser de graines de non-violence en t'écoutant. Tu n'es pas trop fatigué ?

Jean-Pierre : « Non ! J'aime bien parler de tout cela. C'est le Seigneur qui nous porte tous et qui est à l'origine de tout cela. »

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28 avril 2016 4 28 /04 /avril /2016 13:36
Photo de frère Jean-Pierre prise par Caroline le jour de Pâques à Midelt

Photo de frère Jean-Pierre prise par Caroline le jour de Pâques à Midelt

Vendredi 11 septembre 2015

 

 

DIS-NOUS, FRERE JEAN-PIERRE ! QU'AS TU VU EN CHEMIN ?

 

Ces paroles que j'adresse au frère Jean-Pierre Schumacher, survivant de Tibhirine, en ce matin de présence intense dans le monastère de Midelt, ce sont les paroles que, dans sa liturgie pascale, l'Eglise adresse à Marie-Madeleine. L'Eglise  pose cette question à Marie-Madeleine au matin de Pâques, quand elle revient de prendre soin du corps de Jésus, déposé dans le tombeau et que, Jésus lui-même lui apparaît ressuscité dans le jardin.

 

Dis-nous Jean-Pierre ce que tu vois sur ce chemin sur lequel tu continues de marcher, depuis, voilà bientôt 20 ans que tes compagnons de vie ont été enlevés à ton regard pour être mis à mort. A voir ton humble comportement, ne sont-ils pas vivants à tes yeux ? La vie leur a-t-elle été prise ? Ne l'avaient-ils pas donnée pour Dieu et pour l'Algérie ? Et la manière dont vous avez vécus et dont vous vous êtes aimés avec les gens de Tibhirine, la façon dont, ni la violence ni la haine n'ont eu raison de vous, le comment vous êtes restés branchés avec les habitants, tout cela n'est-il pas chemin d' Emmaüs où Jésus est en train de nous rattraper ? Merci d'être là Jean-Pierre, de prendre le temps de causer avec nous. Nous avons l'impression que tu chemines avec nous afin de mieux nous laisser rattraper par Jésus.

 

Dis-nous Jean-Pierre comment tu es arrivé à Tibhirine ?

Jean-Pierre : « J'ai été ordonné prêtre à Lyon en 1953 chez les frères maristes. Certains supérieurs dans notre ordre, après l'indépendance de l'Algérie voulaient faire arrêter l'expérience de l'abbaye de Tibhirine, où le frère Luc était présent depuis 1946... En 1955, Luc est fait prisonnier par le FLN avec le frère Matthieu. Ça dure une semaine. Ils sont mis en prison par représailles de la part du FLN en raison que l'armée française a tué un de leurs chefs fellaghas. Mais frère Luc a soigné la femme de l'un d'entre eux. Cet homme dit aux membres du FLN : « Ne touchez pas à cet homme. » C'est alors qu'un autre homme du groupe en libérant frère Luc lui dit : « Tu pourras nous demander tout ce que tu voudras ... » Luc leur dit : « Des cerises ! » La saison était passée. Ils lui en trouvèrent quand même. Ils sont libérés de la manière suivante : « Demain matin l'armée française va ouvrir la route. Vous montez dans le car qui va passer après. » En fait, c'est l'armée qui les a ramenés à Tibhirine. Tout cela a bouleversé frère Luc. Il devra aller se reposer en France.

 

J'ai été ordonné prêtre chez les frères maristes à Lyon en 1953. Quand j'arrive à Tibhirine en 1955 frère Luc n'est pas là. Comme je te l'ai dit, certains supérieurs de notre ordre voudraient faire arrêter l'expérience de Tibhirine, mais le cardinal Duval veut garder et que soit maintenue l'abbaye. Quand Luc revient de France, des frères de Tibhirine disent : « Il ne faut pas que frère Luc continue d'exercer son métier. Le père Lebeau qui prêche notre retraite dit : « Il est bon qu'il y ait un dispensaire à l'ombre du monastère. » Il avait bien raison. Je venais d'être nommé commissionnaire. Quand j'allais en ville, je me rendais bien compte comment le travail de frère Luc rayonnait à Tibhirine, à Médéa et aux environs. C'était le seul médecin d'Algérie à ne pas être dépendant du ministère de la santé.

 

Lucien : « Et c'est en 1971 que vous voyez arriver Christian de Chergé ? »

Jean-Pierre : « Christian avait fait son séminaire chez les Carmes. Il avait été soldat dans l'Ouarsenis. »

Lucien : « Vers Tiaret ! »

Jean-Pierre : « Oui, dans une SAS. Il faisait le lien avec la population. Il était aidé par un homme qui s'appelait Mohammed, un supplétif. Cet homme pouvait être considéré comme traitre à la population par certains membres du FLN. Un jour, le FLN a voulu descendre Christian. Mohammed s'y est opposé en disant : « Cet homme fait du bien à notre peuple. » le FLN a laissé Christian tranquille, mais quelques jours après, Mohammed ce père de famille de 10 gosses, était égorgé. Cette expérience a marqué toute la vie de Christian. Il ne nous en parlait pas. Il y a des choses, je les ai sues par après, récemment. Christian a relié cela à la passion du Christ, à sa parole lorsqu'il dit : « Il n'y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu'on aime. »

Ce sommet de notre foi a été vécu par un musulman, pour moi. Depuis ce jour, Christian avait pris la résolution : « Quand je serai prêtre, je reviendrais servir l'Algérie, me mettre au service du peuple algérien jusqu'à la fin de ma vie. » C'est ce qu'il a fait. Il n'a jamais démordu de cette résolution, jusqu'au martyre.

Christian est devenu prêtre. Son premier poste a été la basilique de Montmartre à Paris. Là, il était responsable de la liturgie et de la manécanterie.

Un beau jour il dit à sa maman : « Je vais à Aiguebelle pour devenir moine pour l'Algérie. »

 

Tibhirine ne pouvait pas avoir de noviciat. C'était une communauté en voie de disparition et de fermeture. Nous étions après l'indépendance de l'Algérie. Avec quelques moines, nous avions été envoyés de Timadeuc pour empêcher cette fermeture. Nous étions demandés par le cardinal Duval. Nous étions envoyés au nombre de dix : quatre de Timadeuc, quatre d'Aiguebelle, et deux de Cîteaux. Il y en avait trois qui étaient déjà là, trois seulement de « stabilisés ». Nous étions des religieux prêtés. Lorsque Christian arrive en 1971, nous nous sommes dit : «  Il faudrait qu'on ait un frère qui sache bien l'arabe et qu'il ait une bonne culture du monde musulman et du peuple algérien. » Christian est resté deux ans à Rome.

En 1976, Christian fait sa profession solennelle, il voulait faire profession pour Tibhirine. Il fallait alors qu'il y ait avec lui, six religieux « stabilisés ». Il n'y en avait que trois. C'est alors que trois nouveaux ont alors accepté de l'être : Aubin, Roland et moi.

 

Le 1er octobre, pour la fête de sainte Thérèse, Christian fait profession solennelle à Notre Dame de l'Atlas à Tibhirine. Nous réalisons alors, une vraie communauté monastique : ça a tout changé (sourire apaisant de Jean-Pierre).

Il fallait donc nommer un abbé. On a demandé que ce soit un prieur. On a alors réduit l'abbaye à être un prieuré.

En 1984, on élit le 1er prieur, c'est Christian.

 

Lucien : « Vous étiez déjà très ouverts au monde musulman ! »

Jean- Pierre : « De Rome, Christian était revenu très motivé dans ce sens-là. Les anciens avaient des relations avec l'islam, mais pas comme celles de Christian.  Nous n'étions pas uniformes dans le prieuré, mais nous étions amis. Dans toute communauté, c'est un frère, André, venu nous voir qui nous le dit : « Dans toute communauté, il doit y avoir des tensions … »

Pour les anciens, l'union se faisait par la convivialité avec le monde musulman. Il y avait eu jusqu'à 50 ouvriers avant l'indépendance. Les anciens c'était Luc, Etienne, le cellérier, ingénieur agronome … Christian lui, son orientation était dans le sens des soufis. L'Eglise après le concile, recherchait les rencontres avec l'Islam. L'orientation de Christian, c'est la spiritualité, l'intérieur. Il faut relire son testament. Nous le trouvons idéaliste, naïf. On lui disait de ne pas regarder avec des lunettes roses, mais de regarder objectivement. Christian citait des paroles du Coran dans la messe. Certains lui disaient : » Le Coran et l'Evangile, ne les mets pas au même plan. Christian ne voulait pas que l'on prononce et que l'on entende le mot Israël dans la liturgie, à cause des résonnances politiques. Il était toujours en avance.

 

Le frère Christian de Chergé dans son testament dit : « Ceux qui me traitaient de naïf et idéaliste, doivent savoir que maintenant mon vœu est exaucé, ma curiosité en amont est satisfaite. Je vois les fils de l'Islam avec le regard de Dieu. »

Ce n'est pas Christian uniquement qui a fait évoluer la communauté dans l'accueil de l'Islam. Ce n'est pas Christian uniquement qui nous a appris à aimer les musulmans. On était parmi eux depuis 1946, avec une très bonne compréhension de l'islam. On ne voulait pas être traités de novices dans la relation avec l'Islam. On est restés ce que nous étions. La preuve que j'étais ouvert, c'est moi qui ai découvert les soufis. Il y a eu le concile. Quand j'ai su que j'étais appelé à vivre à Tibhirine, j'étais heureux.

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8 avril 2016 5 08 /04 /avril /2016 08:17

Des nouvelles de Notre-Dame de l'Atlas

 

avec le père Jean-Pierre FLACHAIRE

 

Prieur du monastère de Midelt

 

dans le Moyen Atlas au Maroc

 

(interview du 2 avril 2016)

Merci à frère Benoît de l'abbaye d'Acey qui nous a fait connaître cette vidéo.

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4 avril 2016 1 04 /04 /avril /2016 06:51

« LA VIOLENCE N'EST PAS UNE FATALITE.

L'HISTOIRE PEUT DEVENIR NON VIOLENTE »

(Guy RIOBBE, cité par JEAN MARIE MULLER)

 

Lettre commencée à Midelt le vendredi 11 septembre 2015

Durant mon voyage de Dampierre à Bethléem en 2012- 2013, en quête de la paix, il me revenait souvent des paroles fortes de l'évangile, des psaumes, de Job et des prophètes ou d'autres endroits de la bible.

 

Certaines venaient éclairer les ruelles sombres ou les sentiers ténébreux dans lesquels parfois je me trouvais, les passages chaotiques que j'avais à assumer à certains jours. D'autres paroles venaient éclairer et mettre en lettres de lumière, des attitudes et des gestes ainsi que des moments porteurs de bonne nouvelle, comme lorsque j'ai appris la naissance d'un petit enfant chez des amis qui m'étaient chers, quand des gens aux yeux de qui j'étais « camp volant », m'ont fait une place avec grand cœur dans leut tout petit lieu de vie. 

 

Aujourd'hui, un peu de la même manière, c'est dans la liturgie des heures partagées avec les moines de Midelt, car ils m'ont fait entrer dans leur communauté, que des paroles vives viennent éclairer ma vie, par exemple quand tout à l'heure le frère Antoine nous a aidés à chanter : « Ami Jésus, continue en nous ce que tu as commencé » et hier soir, dans la célébration des complies au psaume 90 Dieu nous disait à chacun : « Plus tu chercheras à t'unir à moi, plus tu deviendras toi même : libéré, libérant et libre » Et ces autres mots égrenés et semés dans l'inquiétude de ma chair blessée :  « Toi qui es mon allié, tu es aussi mon libérateur. » ( Ps 143 )

 

Dans les partages de 10h30 et de 16h sur invitation d'Omar : « Venez boire le thé que Baha a préparé », j'aime entendre comment Jean-Pierre Flachaire ( le jeune ) et Omar ont travaillé à la réfection de la chapelle, en gravissant l'un et l'autre le musulman et le chrétien, les barreaux de l'échelle à deux battants. Et c'est aussi dans la lecture du livre d'Alphonse Georger : « Journal d'un séminariste en Algérie, en 1960-1962 » que Jean-Pierre m'a prêté hier, que je trouve aujourd'hui : « Ma lumière et mon salut » ( Psaume 26 ) à propos de ce que j'ai vécu moi aussi séminariste en Algérie en 1959-1960. Je viens de lire ce livre en pleurant, parce que Alphonse nous révèle à partir de la situation dans laquelle il se trouve, quelle horreur répand la guerre que l'on nous a fait faire et que nous avons faite en Algérie. En même temps, la lecture de ce livre intensifie en moi, cette conviction qu' « à l'impossible nous sommes tenus ». Devant l'attitude des officiers qui étaient ses chefs, Alphonse a appris à s'opposer à des ordres injustes, à oser dire non alors qu'il était mêlé à une ambiance dégradante, à faire objection de conscience, tout en étant un homme très relié à tous ses camarades de compagnie et section.

La violence n'est pas une fatalité

Et parmi toutes les ressources que je découvre contenues dans ce journal, voici à mes yeux le trésor des trésors.

 

Alphonse raconte qu'un jour, il quitte son casernement de Castiglione pour venir à Alger. Il vient y rencontrer des aumôniers, des séminaristes et des chrétiens et aussi des hommes de bonne volonté, ne se reférant pas forcément à l'évangile, mais étant tous des lutteurs pour se défaire et démunir de la violence, de la haine et de la guerre. Il y est accueilli fraternellement et sur la table de la salle de réunion, parmi les revues et documents mis à leur disposition, il tombe sur un petit livre : «  Témoignage d' Amour » de Jean-Marie Buisset.

 

Vous devinez ma stupéfaction quand à mon tour, là, à Midelt, ce vendredi 11 septembre, en lisant ce journal d'un séminariste en Algérie, je tombe sur la recension du livret que nous avions fait au sein de l’aumônerie de la caserne de Bayonne avec le père Jégo, Bernard Robbe, Jean-Claude Paulay et moi.

 

Ce petit livre est constitué des lettres que Jean-Marie nous adressait en avril-mai 1959 depuis l'Algérie, là où il était venu soldat au 2ème RPIMA six mois avant nous. En effet, avec Jean-Marie Buisset, nous avions scellés une amitié merveilleuse dès notre arrivée à la caserne Bosquet de Mont de Marsan dès le 2 septembre 1958, jour de notre incorporation. Tout de suite, l'étincelle de l'amitié s'était allumée entre nous deux, ainsi qu'avec Jean-Claude et Bernard et avec combien d'autres camarades.

 

Parti en Algérie à la fin mars 1959, Jean-Marie nous écrivait à l’aumônerie de la caserne de Bayonne où nous poursuivions notre stage pré AFN ( Afrique Française du Nord ). Les faits et paroles écrits par Jean-Marie dans les lettres qu'il nous adressait nous révélaient dans quel drame cette guerre nous faisait plonger.

 

A chaque lettre reçue, nous sentions ce qui déchirait le cœur de notre ami Jean-Marie et nous devinions ce qui nous attendait lorsqu'à notre tour nous arriverions de l'autre côté de la méditerranée. Ces lettres, par l'amitié et la prière qu'elles recelaient nous préparaient à entrer comme Jean-Marie dans la résistance à la haine et à la violence. Nous étions touchés par l'amour qui continuait de résider et habiter dans l'être de notre ami et dans son attitude face à la guerre. Nous nous prêtions ces lettres les uns aux autres (les photocopieurs n'existaient pas) Je me souviens que nous nous disions que c'était comme lui qu'un jour nous serions appelés à agir et réagir. Nous lisions ces lettres dans nos rassemblements d’aumônerie avec le père Jego et nos groupes d'amis. Nous nous racontions que ça ressemblait au partage des lettres des apôtres Pierre, Paul et Jean dans les 1ères communautés chrétiennes de l'église naissante. Nous sentions bien que nous étions en train de constituer une église qui continuait de naître. Les lettres, une fois lues, nous revenaient et à nouveau nous les partagions avec d'autres.

 

A la fin mai, quand nous avons appris que Jean-Marie était tué (tombé en embuscade dans le massif de l'Ouarsenis, ses parents, ses sœurs et son frère  apprenant sa mort le 29 mai 1959, jour de la fête des mères) nous avons rassemblé toutes les lettres et avons cherché à constituer un petit livre que nous avons offert et envoyé à une multitude de camarades et amis en Algérie et en France dans les équipes d’aumônerie avec lesquelles nous étions en lien. Elles atteignirent le cœur de beaucoup et déposèrent en chacun un souffle d'amour et de résistance à la violence. Cependant, ces amorces d'pobjections de conscience, ne me conduisent pas à penser refuser de partir en Algérie . Dans l'ambiance où nous vivions ce n'était pas pensable.

 

Cinquante sept ans après, là au Maroc, à Midelt, je trouve le livre écrit par Alphonse Georger : « Journal d'un séminariste-soldat. » Ce livre m'est prêté par Jean-Pierre Schumacher, survivant de Tibhirine, et dans ce livre je découvre page 128, la reprise du petit cahier « Témoignage d'Amour » constitué des lettres que Jean-Marie Buisset nous avait envoyées à Bayonne depuis Boghari Castiglione, Aïn-Dahlia du cœur de l'Ouarsenis, montagne dans laquelle était cachée Tibhirine ! Quelle convergence !

 

Bien sûr qu'un jour j'espère pouvoir rencontrer Alphonse Georger. C'est lui qui a accueilli Amédée et Jean-Pierre au lendemain de la disparition des 7 témoins de l'Atlas. Amédée et Jean-Pierre ne pouvaient plus demeurer à Tibhirine. Alphonse, alors évêque co-adjuteur de Léon Etienne Duval à Alger, leur avait offert un lieu de vie aux Glycines. Alphonse devint par la suite évêque d'Oran, succédant à Pierre Claverie, assassiné le 1er août 1996, avec son chauffeur Mohammed. Alphonse est aujourd'hui évêque-ermite dans la région de Cherchell. C'est Jean-Paul Vesco qui lui a succédé comme évêque d'Oran. Nous avons rencontré Jean-Paul et été accueilli par lui à l'évêché d'Oran en mars 2014 avec Nelly et Bernard et Claude Chauvin.

 

A la veille du jeudi saint de cette année 2016, Jean-Luc Bey me dit : « Si on allait voir la Madeleine ? Elle m'a souhaité mon anniversaire hier. » Sœur Madeleine a été institutrice de Jean-Luc, Eric, Brigitte et de combien d'autres de nos amis à l'école Jean Bosco durant les années 1970-1980. Il y avait aussi dans l'équipe éducative, Odile, Vivianne, Christine, Fabienne, Gaby … Sœur Madeleine est depuis plusieurs années en retraite dans la communauté des sœurs dominicaines d'Orchamps, à deux pas de chez nous. Jean-Luc et son épouse Béatrice et moi, nous sommes infiniment reconnaissants à Madeleine de nous avoir appris à lire et à écrire, à faire lecture et écriture des humbles évènements fondamentaux de nos vies, à la lumière de l'évangile de Jésus. Nous ne voyions pas d'emblée l'essentiel de ce nous vivions. Souvent, cela demeurait caché à nos yeux. C'est alors que Madeleine nous disait : « En vous écoutant raconter ce que vous me dites, voyons donc ! » Merci Madeleine de continuer à chercher dans le fouillis de nos vies le sens de notre existence.

 

 

Et me voilà heureux de raconter à Madeleine et aux religieuses dominicaines d'Orchamps en cette veille du jeudi-saint, l'émouvante histoire qui m'est arrivée avec Jean-Pierre Schumacher à Midelt en septembre 2015, grâce au frère Benoit de l'abbaye d'Acey : l'offrande du livre d'Alphonse Georger : » Journal d'un séminariste soldat ». Je leur raconte ma découverte que dans ce livre est serti le »témoignage d'amour » de Jean-Marie Buisset, tout petit livre réalisé par l'équipe de l'aumonerie de Bayonne et le père Marcel Jégo dont je suis le secrétaire. » Et voilà qu'en entendant le nom d'Alphonse Georger, les sœurs me disent : « Mais nous le connaissons Alphonse Georger. Il est le frère d'une de nos sœurs, religieuse à Neufchateau dans les Vosges. Plusieurs disent : « Je l'ai lu ce livre. »

 

Me voilà profondément heureux de trouver le chemin qui me permettra de rencontrer un jour très prochain je l'espère, celui qui devient notre ami Alphonse.

 

C'est grâce à une plénitude d'amis !

 

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19 mars 2016 6 19 /03 /mars /2016 08:55
Un pressoir et un broyeur pour Midelt

Suite au voyage de Lulu à Midelt en septembre dernier, des liens se créent... Un groupe ira à Midelt en septembre 2016.

Et Caroline va fêter Pâques avec les communautés présentes là-bas. Lire son article ici.

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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 20:24

Alors que Lulu prépare un nouveau voyage à Midelt pour emporter broyeur et pressoir pour presser les pommes de la non-violence voici la suite des textes qu'il a écrit en septembre dernier.

 

MIDELT, le mercredi 9 septembre 2015

 

« ON VA SE TUTOYER »

parole créatrice d'un véritable PASSAGE A NIVEAU

 

Pendant ce merveilleux séjour au Maroc (du 8 au 22 septembre 2015 ) comme le gingko biloba de Dampierre m'avait interpellé à le faire l'an dernier, j'ai ramassé, pour les mettre dans mon sac à dos, une multitude de petites feuilles d'or durant mes rencontres avec les moines du monastère de la KASBAH MERIEM et les habitants de la cité de Midelt. J'en ai fait un cahier. C'est merveilleux ce que je trouve d'écrit en chacune de ces feuilles. Je vais continuer à vous les partager. En voici quelques-unes du 2ème jour.

 

Nous sommes au matin du mercredi 9 septembre. Nous venons de célébrer la messe avec Jean- Pierre Schumacher, survivant de Tibhirine, Jean-Pierre Flachaire, le prieur venant d'Aiguebelle, Antoine qui chante les psaumes comme si ils habitaient tout son être. A certains moments, en voyant Antoine et en l'entendant, on a l'impression qu'il va se mettre à danser, et on a envie de faire de même. Il y a aussi José-Luis qui vient de Valencia en Espagne. C'est dans cette ville que j'étais parti avec ma 2 CV baptiser la petite Estrella Torres en septembre 1973. Et le 5ème moine de ce monastère cystercien est Nuno, novice originaire du Portugal. Il parle beaucoup mais rien qu'avec son sourire. C'est dans cette petite communauté d'hommes, qu'en ce début septembre, je m'entends appeler à entrer avec comme guide le frère Benoit de l'Abbaye d'Acey.

 

 

Lulu et le frère Benoît

Lulu et le frère Benoît

J'ai contemplé hier soir durant le chant des complies le visage de ces 5 hommes, particulièrement celui de Jean-Pierre Shumacher en raison du témoignage qu'il nous donne de Tibhirine. Rien qu'en regardant son visage, je voyais celui des 7 moines de Notre Dame de l'Atlas. Avec une humble audace, celle-là de tout être qui a conscience qu'il est enfant de Dieu, j'avais dit : » Cet homme a beaucoup, beaucoup, beaucoup à m'apprendre de la vie, de la mort, et de la résurrection de nos êtres, du sien, du mien Lucien, de celui de ses compagnons, et aussi de votre être à chacun de vous tous avec qui nous avons la joie de nous rencontrer »
 

Après la messe, le petit déjeuner, l'heure de Tierce, nous nous retrouvons comme convenu entre Jean-Pierre Shumacher et moi, dans une pièce adjacente à la chapelle. Ce « rendez-vous « , surtout à cause d'un petit mot prononcé par Jean-Pierre au tout début de la rencontre, va produire un moment merveilleux, où les deux personnes que nous sommes, vont se tendre l'une vers l'autre et se rendre l'une à l'autre. Un véritable « rendez-vous »

 

En effet, je viens de dire à Jean-Pierre, dans l'immédiat de la rencontre : « Qu'est ce que je suis heureux de vous voir Jean-Pierre, de vous rencontrer et de pouvoir causer avec vous. Je sens que je vais pouvoir vous écouter me raconter ce que vous avez vécu avec les frères de Tibhirine ... » C'est alors que Jean-Pierre me dit, comme ça, d'emblée : « ON VA SE TUTOYER ! »

 

Oh, ce que ta parole m'a touché Jean-Pierre ! Tu venais par tes mots, d'ouvrir toutes grandes des barrières qu'il n'y avait que toi qui pouvais les ouvrir. Tu venais de rendre possible la communication entre nous de manière inouïe, parce que tu en faisais une communication non violente. La manière dont tu me disais ces mots nous rendait frères l'un de l'autre. Ces mots ne pouvaient venir que de toi : « on va se tutoyer » Tu m'ouvrais les barrières comme faisait Madame Orsat la garde barrière du passage à niveau de la voie SNCF à Dampierre, lorsque enfant, je conduisais notre troupeau de vaches dans la pâture qui se trouvait de l'autre côté de la voie. Cette femme m'ouvrait le passage à niveau. Jean-Pierre, tu nous mettais toi et moi à niveau l'un de l'autre. Ça n'arrêtait pas mon regard qui me faisait « te voir supérieur à moi » (Phi. 2, 3.) Tu continuais d'être quelqu'un qui a beaucoup de trésors de non-violence à me faire découvrir. En cela consistait ta supériorité. Ça nous transformait l'un et l'autre. Tu as vécu des choses que je n'ai pas vécues et qui me font t'estimer, te considérer, t'aimer. Mais voilà que ta parole me touchait étonnamment. Elle devenait créatrice, elle me rentrait dans la peau, « Ta parole se faisait chair » (Jo. 1. 14 ), dans ma chair, dans mon être. Jean-Pierre, tu nous mettais à niveau l'un de l'autre. Nous allions pouvoir communiquer tout autrement que s’il n'y avait pas eu cette parole, ces mots : « On va se tutoyer. » Tu te démettais de ton pouvoir. Tu t'en démunissais pour le rendre serviteur« Tu ne retenais pas le rang qui t'égalait à Dieu » (Phi 2, 6) Tu sortais de ce rang où tu te trouvais pour venir me chercher là où j'en étais. Je ne saurais pas dire si tu t'abaissais à mon niveau ou si tu m'élevais au tien. Peut-être un peu des deux.

 

Ça me rappelait ce qui s'était passé de totalement semblable entre André Depierre et moi au printemps de l'année 1966 au tout début où je devenais prêtre. La 1ère fois où j'étais allé voir à Montreuil cet homme, originaire de Vadans dans le Jura, de 15 ans mon ainé. 

Prêtre ouvrier, fondateur de la mission de Paris en janvier 1944, avec Henri Godin né à Audeux dans le Doubs, lui aussi originaire du Jura par ses parents. André m'avait dit « On va se tutoyer » dès le début de notre première rencontre. Déjà à ce moment-là j'avais expérimenté quelque chose de fondamental dans la dimension relationnelle de ma vie d'homme et je m'étais dit : « N'oublies pas ce que t'a donné André par sa parole … et fais de même. » J'avais un jour découvert la source de cette communication de la non-violence dans les psaumes, lorsque celui avec qui nous commençons de nous relier nous permet de nous libérer parce qu'il crée un passage à niveau avec nous : « Mon allié est devenu mon libérateur »(PS 143, 2 )

 

Rien n'avait été enlevé de l'estime que j'éprouvais pour Jean-Pierre. Mais un verrou venait de sauter, une barrière empêchante disparaissait d'entre nos êtres, et elle ne se refermerait jamais : ce qui donnait autorité ne s'était pas effacé, mais allait pouvoir entrer en action et réaliser son œuvre. Il se passait comme sait si bien nous le faire deviner René Girard, quelque chose de semblable à ce qui se passe entre le PERE et le FILS. L'ESPRIT-SAINT peut entrer en action, ça peut souffler entre eux, parce que le Père et le Fils sont à niveau. Ils ont fait de leur POUVOIR, un AMOUR pour TOUJOURS.

 

Comme ce serait libérant de nous débarrasser de tout ce qui est très empêchant dans l'exercice de ce satané pouvoir. Nous y tenons tant les uns par rapport aux autres, qu'il nous joue de vilains tours, parce que nous nous maintenons à l'exercer dans la violence accaparante, au lieu de le vivre de façon servisante. Et comme nous le chantons le dimanche soir aux complies ( il n'est jamais trop tard de le réaliser) : « Nous expérimenterons que plus nous ôterons les barrières entre nous, plus nous nous approcherons les uns des autres, plus nous serons à niveau les uns avec les autres, davantage nous deviendrons libres. » (PS 90, 14)

 

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8 janvier 2016 5 08 /01 /janvier /2016 10:30
Dans le Progrès du 8/01/2015

Dans le Progrès du 8/01/2015

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5 novembre 2015 4 05 /11 /novembre /2015 22:05

Dampierre, le 06 octobre 2015 (Jour anniversaire de ta naissance, chère Maman)

 

1ère partie de la lettre ici

 

Je suis allé appuyer mon dos contre le tronc du Ginkgo Biloba, ce merveilleux arbre qui se trouve dans la cour de la maison commune, à quelques pas de l'endroit où la chouette est revenue habiter dans le clocher de cette autre maison qui nous est commune : l'église.

 

Revenir où nous avons été conçus, mis au monde et entourés de tendresse #2

Depuis deux ans bientôt, chaque 1er lundi du mois, justement dans une salle de la mairie de Dampierre, nous nous retrouvons avec toute une équipe d'amis, dans le sillage du M.A.N.V. (Mouvement pour une Alternative Non Violente) nous vivons en ce jour un jeûne non pas privatif, mais partageur. Nous menons une action pour nous démunir, nous défaire, et nous désincarcérer de l'enfer-mement du nucléaire. Un de nos amis, Pierre, a proposé que le groupe s'appelle A.D.N. Nos partages sont axés sur nos façons d'Agir pour que nous français, nous Désarmions notre pays du Nucléaire de manière unilatérale. De temps en temps, en mettant mon dos contre l'écorce du tronc du Ginkgo Biloba, je frotte mes côtés et ma colonne vertébrale contre la rugosité de l’écorce de cet arbre. Je fais les mêmes gestes qu'accomplissait notre papa en s'appuyant tout contre le tronc de tel ou tel cerisier ou pommier qu'il avait plantés. Qu'est ce que pouvaient bien se raconter notre papa et ses arbres ? Beaucoup de choses de la sagesse " Ces choses cachées depuis le commencement du monde".

 

Je parlais l'autre jour avec le Ginkgo Biloba. Des enfants me voyant appuyer mon dos contre cet arbre me demandèrent ce qui arrivait. Je leur racontais que j'étais en train de crier ma révolte à l'arbre, contre mon propre comportement qui abime ma vie et celle des autres. Avec les enfants, je me laissais étonner par la capacité de résistance qui habite cet arbre, jusque dans le fait qu'il ne s'est pas laissé briser lorsque des hommes ont fracturé la matière, et par là ont cassé et notre histoire et notre humanité, quand ils ont  déclenché la déflagration d'Hiroshima et de Nagasaki. Adossé à l'arbre Ginkgo Biloba, je me souvenais alors, que tout homme et donc moi même est habité de résilience. En appuyant mon dos d'homme contre la colonne de l'arbre, je recevais comme une douce secousse. Quelque chose de la sève de résistance de l'arbre aux ouragans de violence, cherchait à se transfuser en mon être. En mettant mon corps tout contre l'arbre " je ne prenais pas un chemin de grandeur ni de prodiges qui me dépassent" (Ps 130) mais celui là de la non violence et de la tendresse comme l'ont si merveilleusement réalisés la petite Thérèse de Lisieux et le Povorello d'Assise. J'entendais que le Ginkgo Biloba voulait m'aider à changer mon regard sur les gens de mon village et sur ceux qui s'y arrêtent ou le traversent. A nous tous, l'arbre nous disait: " Enfants de Dampierre et d'ailleurs, je ne vais pas tarder un jour de grand vent, à vous donner à chacun une petite feuille d'or où le soleil aura écrit les noms de celles et ceux qui vous attendent. Lorsque vous ramasserez cette petite feuille d'or, vous recevrez en même temps quelque chose de cette sève qui m'a été donnée et qui continue de l'habiter, à condition que je ne la garde pas pour moi tout seul. Si je n'étais pas prêt en permanence à vous communiquer cette petite feuille, porteuse de la sève de résilience, il y a longtemps que je serai mort. Et je crois bien que ce sont les oiseaux migrateurs qui sont venus se loger en mes ramures, depuis mon plus jeune âge, comme l'ont expérimenté mes ancêtres depuis des millénaires, ce sont ces oiseaux migrateurs qui m'ont donné d'être habités de cette sève et de cette capacité de résistance à toute violence.

 

En ne mettant pas de barrière à la venue des oiseaux migrateurs, jusque chez moi ni non plus aux alentours, je prends conscience d'une plénitude de choses possibles. C'est inouï ce que le vent qui a poussé ces oiseaux jusque là me souffle de choses réelles auxquelles je n'avais pas pensé.

Depuis que je suis petit arbre, c'est cet apprentissage qui continue de me faire pousser et résister aux violences. J'ai besoin de vous, sœurs et frères humains, pour que soit maintenue ma résistance et que se réalise celle des autres en notre " maison commune " jusqu'à la finition du monde dans la durée des temps."

Je m'étais mis à sourire et les enfants aussi. L'arbre Ginkgo Biloba avait deviné. Il nous dit encore " Je vous parle comme Jésus dans l'évangile. C'est vrai que j'ai beaucoup puisé à cette source " Laudato Si " dit le pape François. Martin Luther King. Gandhi, Tolstoï et combien d'autres le disent aussi: La source de la non violence a jailli au flanc de la montagne de Galilée. C'est sur ces sentiers qu'il nous faut apprendre à vivre et à aimer, afin de tracer d'autres chemins là où nous vivons.

C'est alors que me revinrent les pensées, les paroles et les actes des moines de Tibhirine rencontrés au printemps de l'année dernière avec Bernard, Nelly et Claude.

Et quelle ne fut pas ma joie aussi, il y a quelques jours, de laisser s'entremêler nos pas, nos pensées et nos prières avec ceux de Jean-Pierre Schumacher et des moines du petit monastère de Midelt au Maroc en compagnie de Frère Benoit de l'abbaye d'Acey. J'ai été très touché de pouvoir ramasser en ces lieux, plein de petites graines de non violence, une multitude de feuilles d'or comme celles du Gingko Biloba.

Les hirondelles, la chouette, le Ginkgo Biloba de Dampierre, le pommier de Midelt nous disent en arbres et en oiseaux de bon augure, que c'est là où nous vivons, en nos jardins intérieurs et communaux, qu'il nous faut ramasser ces feuilles et ces grains, et faire pousser ces semences et instaurer la culture de la non violence. « Si tu veux la paix, fais la paix »

 Lulu

 

 

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29 octobre 2015 4 29 /10 /octobre /2015 21:15

Au lendemain de notre arrivée au Monastère de MIDELT avec le frère Benoît de l’Abbaye d’ACEY, le 8 septembre 2015, une profonde joie habite en mon être. C’est celle de trouver ce mot « RESURGENCE » pour signifier la continuité de prière aimante et de travail humble qui existent entre les moines de TIBHIRINE et ceux de MIDELT. En Franche-Comté, nous avons appris à l’école que la Loue est une résurgence du Doubs ; c’est dans le sous-sol de la plaine karstique de Pontarlier, que l’on se rend compte qu’une partie de l’eau du Doubs se perd. Cette eau ressort à OUHANS. C’est la source de la Loue. De même, lors du drame de la disparition des sept moines de Tibhirine, on a pu penser que c’en était fini de la vie des moines, de ce qu’ils avaient initié, de ce ruisseau de la non-violence qui, grâce à leur engagement irriguait notre humanité. Au mieux, on garderait des traces de ce qui s’était vécu à Tibhirine, à travers les écrits de Christian De Chergé, et des autres moines :« Sept vies pour Dieu, Sept vies pour l’Algérie ». On essayerait de se laisser travailler par ce courant étonnant. Mais c’était sans compter sur « L’Invincible espérance », tellement vécue par les moines de Tibhirine. Cette humble espérance cherchait à sourdre ailleurs pour que nous puissions y étancher notre soif, sans cesser de continuer à couler à Tibhirine. C’est alors que les deux moines Amédée et Jean-Pierre, survivants de Tibhirine, sont venus rejoindre les membres du petit monastère marocain de FEZ qui se transféra par la suite à MIDELT. J’avais beaucoup lu les écrits de Christian de Chergé et des autres moines dans le livre de Christine REY. J’avais vu plusieurs fois le film « DES HOMMES ET DES DIEUX ». Et puis, j’étais allé à Tibhirine avec Nelly, Bernard et Claude, en Mars 2014.

 

Dans l’immédiat de notre arrivée à Midelt avec le frère Benoît de l’Abbaye d’ACEY, le mardi 8 Septembre, je sentis le trait d’union entre Tibhirine et Midelt. Il y a comme un courant souterrain qui se faufile dans le ventre de la terre, d’un lieu à l’autre, sous la chaine de l’ATLAS. Il y a comme un souffle persistant qui anime d’un endroit à l’autre, en traversant les frontières estimées impénétrables. D’où me venait cette impression, au point que je pus dire avec joie à la poignée des moines qui nous accueillaient : « en franc-comtois que je suis, je voudrais vous dire que Midelt est une résurgence de Tibhirine. » ? Fort probablement, ça nous venait du fait de l’habitation d’Amédée et de Jean-Pierre en ce lieu, eux qui ont vécu de nombreuses années à Tibhirine. Ça venait aussi du fait que le Maroc, comme l’Algérie est imprégné de la culture Berbéro-Arabe, et de la religion de l’Islam. Aussi, très vite, j’ai senti à Midelt que, si l’espace du monastère était clos et ramassé, c’était pour être offert et ouvert. Je me rappelai les mots de Jésus à la multiplication des pains : « ramassez les morceaux afin que rien ne se perde » ( Jean, Ch 5). Il me revenait aussi les mots de notre papa sous les pommiers à Dampierre : « on va ramasser les pommes… comme ça elles ne seront pas perdues. On va ramasser sans amasser, on va ramasser pour donner ». Ce que je voyais vivre à Midelt, c’est bien ce que j’avais senti qui s’était vécu à Tibhirine.

Et de fait, je ne tardai pas à me rendre compte que, discrètement, mais efficacement, des liens se sont tissés et continuent de se créer à Midelt entre les membres de la population de la ville et des environs et la petite poignée des moines, comme à Tibhirine. Il ne faut pas oublier non plus qu’aujourd’hui à Tibhirine, entre Jean-Marie LASSAUSSE et les gens qui travaillent à la ferme, ainsi qu’avec les personnes qui assurent la permanence, beaucoup de monde qui passe peut se ressourcer au souffle des « sept vies pour Dieu et sept vies pour l’Algérie ».

 

Dès notre arrivée le mardi au soir à Midelt, après le repas à l’hôtellerie, je fus marqué durant les complies par le chant des psaumes et du « Salve Regina » … Nous vivions la reconnaissance de ta présence, Ami Jésus, et celle de ta Mère, au cœur de nos vies, comme c’était chanté à Tibhirine, comme c’était traduit dans le film « des hommes et des dieux ».

J’étais aidé dans tout ça par le fait que je voyais le visage du frère Jean-Pierre Schumacher. En vivant ce moment intensément, je me disais, et c’était ma prière : « Ami Jésus, merci de me permettre de rencontrer le frère Jean-Pierre, il est là sous mes yeux, à quelques mètres de moi. Il est le frère qui a vécu avec Amédée, Christian de Chergé, et les autres moines : Christophe, Michel, Célestin, Luc, Bruno et Paul, il y a une vingtaine d’années … J’espère bien qu’il me racontera dans les jours qui viennent ce qu’il a vécu de ton amour dans la non-violence, en compagnie de ces sept hommes sur la tombe de qui je suis allé ramasser ce qui reste de mon être, moi, qui ai malheureusement fait la guerre d’Algérie. Il me racontera ce qu’avec ses frères, ils ont vécu d’amour et de mort, de relations et d’affrontements avec les gens de la région. Tu es notre Espérance, Vierge Marie, et notre Avocate : « Salve Regina …. Spes nostra salve … Advocata nostra … » Avant de m’endormir dans l’Hôtellerie, j’ai voulu relire le testament de Christian de Chergé : « Quand un A-DIEU s’envisage »

 

Ça ressemblait étonnamment à ton testament, Ami Jésus, que j’allai chercher au chapitre 17 de l’évangile de Jean : « Père, l’heure est venue… ». Toi, Christian de Chergé, et toi, Christ Jésus, qu’est-ce que vous vous ressemblez ! Faites que nous, Chrétiens, nous vous ressemblions.

Lulu le 8 septembre 2015

 

Testament de Christian de Chergé extrait de l'album "slams mystiques"

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28 octobre 2015 3 28 /10 /octobre /2015 20:45

Prochainement, Lulu nous rendra compte de son séjour à Midelt. En attendant, il vous invite à découvrir cette vidéo de KTO.

A la suite des évènements de Tibhirine, en Algérie, où sept moines Cisterciens furent assassinés, la communauté des martyrs de Notre-Dame de l'Atlas s'installe en 2000 à Midelt, dans l'Atlas marocain. Au programme de la vie quotidienne des six moines cisterciens, "être des priants parmi les priants " en osmose avec la population musulmane locale. Agé de 92 ans, le dernier survivant de Thibhirine, le père Jean-Pierre Schumacher témoigne de sa joie retrouvée. Une coproduction KTO/La huit productions, 2014. Réalisé par Lizette Lemoine et Aubin Hellot.
 

Documentaire du 08/12/2014.

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  • : Lulu en camp volant
  • Lulu en camp volant
  • : Lucien Converset, dit Lulu est prêtre. A 75 ans, il est parti le 25 mars 2012 avec son âne Isidore en direction de Bethléem, où il est arrivé le 17 juin 2013. Il a marché pour la paix et le désarmement nucléaire unilatéral de la France. De retour en France, il poursuit ce combat. Merci à lui ! Pour vous abonner à ce blog, RDV plus bas dans cette colonne. Pour contacter l'administrateur du blog, cliquez sur contact ci-dessous.
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