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11 février 2016 4 11 /02 /février /2016 20:24

Alors que Lulu prépare un nouveau voyage à Midelt pour emporter broyeur et pressoir pour presser les pommes de la non-violence voici la suite des textes qu'il a écrit en septembre dernier.

 

MIDELT, le mercredi 9 septembre 2015

 

« ON VA SE TUTOYER »

parole créatrice d'un véritable PASSAGE A NIVEAU

 

Pendant ce merveilleux séjour au Maroc (du 8 au 22 septembre 2015 ) comme le gingko biloba de Dampierre m'avait interpellé à le faire l'an dernier, j'ai ramassé, pour les mettre dans mon sac à dos, une multitude de petites feuilles d'or durant mes rencontres avec les moines du monastère de la KASBAH MERIEM et les habitants de la cité de Midelt. J'en ai fait un cahier. C'est merveilleux ce que je trouve d'écrit en chacune de ces feuilles. Je vais continuer à vous les partager. En voici quelques-unes du 2ème jour.

 

Nous sommes au matin du mercredi 9 septembre. Nous venons de célébrer la messe avec Jean- Pierre Schumacher, survivant de Tibhirine, Jean-Pierre Flachaire, le prieur venant d'Aiguebelle, Antoine qui chante les psaumes comme si ils habitaient tout son être. A certains moments, en voyant Antoine et en l'entendant, on a l'impression qu'il va se mettre à danser, et on a envie de faire de même. Il y a aussi José-Luis qui vient de Valencia en Espagne. C'est dans cette ville que j'étais parti avec ma 2 CV baptiser la petite Estrella Torres en septembre 1973. Et le 5ème moine de ce monastère cystercien est Nuno, novice originaire du Portugal. Il parle beaucoup mais rien qu'avec son sourire. C'est dans cette petite communauté d'hommes, qu'en ce début septembre, je m'entends appeler à entrer avec comme guide le frère Benoit de l'Abbaye d'Acey.

 

 

Lulu et le frère Benoît

Lulu et le frère Benoît

J'ai contemplé hier soir durant le chant des complies le visage de ces 5 hommes, particulièrement celui de Jean-Pierre Shumacher en raison du témoignage qu'il nous donne de Tibhirine. Rien qu'en regardant son visage, je voyais celui des 7 moines de Notre Dame de l'Atlas. Avec une humble audace, celle-là de tout être qui a conscience qu'il est enfant de Dieu, j'avais dit : » Cet homme a beaucoup, beaucoup, beaucoup à m'apprendre de la vie, de la mort, et de la résurrection de nos êtres, du sien, du mien Lucien, de celui de ses compagnons, et aussi de votre être à chacun de vous tous avec qui nous avons la joie de nous rencontrer »
 

Après la messe, le petit déjeuner, l'heure de Tierce, nous nous retrouvons comme convenu entre Jean-Pierre Shumacher et moi, dans une pièce adjacente à la chapelle. Ce « rendez-vous « , surtout à cause d'un petit mot prononcé par Jean-Pierre au tout début de la rencontre, va produire un moment merveilleux, où les deux personnes que nous sommes, vont se tendre l'une vers l'autre et se rendre l'une à l'autre. Un véritable « rendez-vous »

 

En effet, je viens de dire à Jean-Pierre, dans l'immédiat de la rencontre : « Qu'est ce que je suis heureux de vous voir Jean-Pierre, de vous rencontrer et de pouvoir causer avec vous. Je sens que je vais pouvoir vous écouter me raconter ce que vous avez vécu avec les frères de Tibhirine ... » C'est alors que Jean-Pierre me dit, comme ça, d'emblée : « ON VA SE TUTOYER ! »

 

Oh, ce que ta parole m'a touché Jean-Pierre ! Tu venais par tes mots, d'ouvrir toutes grandes des barrières qu'il n'y avait que toi qui pouvais les ouvrir. Tu venais de rendre possible la communication entre nous de manière inouïe, parce que tu en faisais une communication non violente. La manière dont tu me disais ces mots nous rendait frères l'un de l'autre. Ces mots ne pouvaient venir que de toi : « on va se tutoyer » Tu m'ouvrais les barrières comme faisait Madame Orsat la garde barrière du passage à niveau de la voie SNCF à Dampierre, lorsque enfant, je conduisais notre troupeau de vaches dans la pâture qui se trouvait de l'autre côté de la voie. Cette femme m'ouvrait le passage à niveau. Jean-Pierre, tu nous mettais toi et moi à niveau l'un de l'autre. Ça n'arrêtait pas mon regard qui me faisait « te voir supérieur à moi » (Phi. 2, 3.) Tu continuais d'être quelqu'un qui a beaucoup de trésors de non-violence à me faire découvrir. En cela consistait ta supériorité. Ça nous transformait l'un et l'autre. Tu as vécu des choses que je n'ai pas vécues et qui me font t'estimer, te considérer, t'aimer. Mais voilà que ta parole me touchait étonnamment. Elle devenait créatrice, elle me rentrait dans la peau, « Ta parole se faisait chair » (Jo. 1. 14 ), dans ma chair, dans mon être. Jean-Pierre, tu nous mettais à niveau l'un de l'autre. Nous allions pouvoir communiquer tout autrement que s’il n'y avait pas eu cette parole, ces mots : « On va se tutoyer. » Tu te démettais de ton pouvoir. Tu t'en démunissais pour le rendre serviteur« Tu ne retenais pas le rang qui t'égalait à Dieu » (Phi 2, 6) Tu sortais de ce rang où tu te trouvais pour venir me chercher là où j'en étais. Je ne saurais pas dire si tu t'abaissais à mon niveau ou si tu m'élevais au tien. Peut-être un peu des deux.

 

Ça me rappelait ce qui s'était passé de totalement semblable entre André Depierre et moi au printemps de l'année 1966 au tout début où je devenais prêtre. La 1ère fois où j'étais allé voir à Montreuil cet homme, originaire de Vadans dans le Jura, de 15 ans mon ainé. 

Prêtre ouvrier, fondateur de la mission de Paris en janvier 1944, avec Henri Godin né à Audeux dans le Doubs, lui aussi originaire du Jura par ses parents. André m'avait dit « On va se tutoyer » dès le début de notre première rencontre. Déjà à ce moment-là j'avais expérimenté quelque chose de fondamental dans la dimension relationnelle de ma vie d'homme et je m'étais dit : « N'oublies pas ce que t'a donné André par sa parole … et fais de même. » J'avais un jour découvert la source de cette communication de la non-violence dans les psaumes, lorsque celui avec qui nous commençons de nous relier nous permet de nous libérer parce qu'il crée un passage à niveau avec nous : « Mon allié est devenu mon libérateur »(PS 143, 2 )

 

Rien n'avait été enlevé de l'estime que j'éprouvais pour Jean-Pierre. Mais un verrou venait de sauter, une barrière empêchante disparaissait d'entre nos êtres, et elle ne se refermerait jamais : ce qui donnait autorité ne s'était pas effacé, mais allait pouvoir entrer en action et réaliser son œuvre. Il se passait comme sait si bien nous le faire deviner René Girard, quelque chose de semblable à ce qui se passe entre le PERE et le FILS. L'ESPRIT-SAINT peut entrer en action, ça peut souffler entre eux, parce que le Père et le Fils sont à niveau. Ils ont fait de leur POUVOIR, un AMOUR pour TOUJOURS.

 

Comme ce serait libérant de nous débarrasser de tout ce qui est très empêchant dans l'exercice de ce satané pouvoir. Nous y tenons tant les uns par rapport aux autres, qu'il nous joue de vilains tours, parce que nous nous maintenons à l'exercer dans la violence accaparante, au lieu de le vivre de façon servisante. Et comme nous le chantons le dimanche soir aux complies ( il n'est jamais trop tard de le réaliser) : « Nous expérimenterons que plus nous ôterons les barrières entre nous, plus nous nous approcherons les uns des autres, plus nous serons à niveau les uns avec les autres, davantage nous deviendrons libres. » (PS 90, 14)

 

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commentaires

G
Je suis Lulu depuis le premier jour de son périple ,si tout le monde était comme lui,ce monde serait le paradis.Que devient Isidor ?
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C
Bravo pour "ton" texte Lulu<br /> Michel CUENOT
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C
C est toujours émouvant de lire tes articles cher Lulu, dans lesquels passe tant de bonté. Là, ce soir je découvre un petit passage sur "LE TONTON" et j ai les larmes aux yeux, ce 11 fervrier est le jour de sa naissance...je t embrasse.Colette.
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Présentation

  • : Lulu en camp volant
  • Lulu en camp volant
  • : Lucien Converset, dit Lulu est prêtre. A 75 ans, il est parti le 25 mars 2012 avec son âne Isidore en direction de Bethléem, où il est arrivé le 17 juin 2013. Il a marché pour la paix et le désarmement nucléaire unilatéral de la France. De retour en France, il poursuit ce combat. Merci à lui ! Pour vous abonner à ce blog, RDV plus bas dans cette colonne. Pour contacter l'administrateur du blog, cliquez sur contact ci-dessous.
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