Lettre du 30 juillet à Tata en Hongrie.
Touché, intensément par ce qui vient de se passer hier et qui se continue ce matin, je l’écris, assis sur un banc public pendant que l’âne Isidore mange une herbe verte abondante qui n’a pas été broyée par la tondeuse hebdomadaire de la ville de Tata.
Hier donc, sur la longue route qui va de Szöny à Tata, sous une chaleur accablante, pas un endroit pour nous arrêter, et nous asseoir et cela durant des kms. Et puis, une voiture venant à notre encontre ralentit… et s’arrête. Sortent de cette voiture une femme et sa petite fille. Merveilleuse éducatrice que cette maman. Elle m’explique en hongrois mêlé à un peu d’allemand que tout à l’heure, allant dans la ville de Tata, elle nous a dépassés. Elle a pensé que nous pouvions avoir faim et soif : « Je suis revenue à votre rencontre. Voici une bouteille d’eau fraîche et de quoi manger ! » Elle me tend sous le regard épanoui de sa petite fille ce cadeau qui me rappelle ce qu’a fait la veuve de Sarepta pour le prophète Elie (1 Rois 17, 7-14) Non pas que je me prenne pour un prophète, mais ne sommes-nous pas tous appelés à le devenir. Je me sens au contraire dépourvu, bien petit et pauvre. C’est ce que nous vivons qui a valeur prophétique, ce que nous vivons par la grâce de la présence de ceux qui veulent et prennent le temps de s’arrêter pour nous. En ce don de temps et de signes, il y a prophétisme, il y a des femmes et des hommes qui nous racontent l’action créatrice de Dieu continuant à travers eux ce qu’il a commencé, de nous susciter pour que nous nous mettions debout, pour que nous marchions en direction les uns des autres. Je n’avais pas pu durant la longue marche de Velké-Kosiny à Schöny, faire quelques achats. J’avais durant le matin à travers les psaumes 126 et 127 et la prière du Notre Père, dû dire et reconnaître que tu ne me laisserais pas seul sans pain ni eau, ni sourire, ami Jésus. J’avais laissé trotter en moi ces paroles :
« Donne-nous aujourd’hui notre pain de ce jour !» (Mt 6)
« En vain, tu avances ton lever
En vain tu retardes ton coucher
Mangeant le pain des douleurs
Quand il comble son bien-aimé qui dort.
Si le Seigneur ne bâtit la maison
En vain peinent le maçon » (Ps 126)
Ton Père, Dieu en toi Jésus, grand marcheur devant l’Eternel ne me disait pas de roupiller dans un fossé. Mais il me disait : « Continue ta marche au pas de l’âne… Je ne te laisserai pas. Je te suis présent par ceux qui viendront à ta rencontre, là et au moment où tu ne t’y attends plus ou pas du tout, alors que tu es dans un besoin extrême. Ma manière de continuer ce que j’ai commencé, elle se réalise par grâce. Ce que tu es et ce que tu vis, c’est toujours grâce à quelqu’un. « Qu’as-tu que tu n’aies reçu ? Qu’es-tu que ça ne te vienne de quelqu’un d’autre ? » Tu avanceras dans cette compréhension dans la mesure où comme mon fils Jésus, comme le fils que tu es devenu grâce à lui, « tu t’en remettras entre mes mains. » (Ps 30, 6) Je ne te dis pas de ne pas être prévoyant. Mais quand tu n’as pas pu l’être davantage que les moineaux du ciel (Mt 6, 26), sache que par quelqu’un ou quelques-uns je te serai proche. Je ne te laisserai pas tomber où ta marche et tes épreuves t’auront conduit et emmené, ni non plus quand tu en auras plein le dos. »
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Merci à Mark pour ses photos