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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 19:00

Jeudi 17 mai 2012 

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Jamais encore jusqu’à ce matin-là, la Terre et le Ciel ne s’étaient sentis si bien ensemble : il se passait un événement inouï : Jésus fils de Dieu le Très-Haut descendait du ciel jusque très bas, plus bas que sur la terre, dans le terre, dans ce qu’elle a d’enfer-mant. La terre lui offrait un berceau, un bassin de vie. La terre s’entrouvrait au ciel, en sortant de son enfermement.

La Vierge Marie était saluée par l’envoyé de Dieu,

il la reconnaissait toute remplie de grâce,

elle accueillait dans son être, dans son corps de chair, celui-là même qui sortait du sein de Dieu.

Cet événement inouï, impensable, impossible, était devenu concevable.

La terre et le ciel travaillés en même temps par l’Esprit soufflant sur la glaise, Dieu et l’Humanité s’engageant à cohabiter pour toujours dans la personne de Marie. C’est alors que le Verbe se faisait chair ? Et comme Dieu continue toujours ce qu’il a commencé, il se faisait chair pour de notre chair blessée ne cesse de jaillir la parole qui nous libère.

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22 juin 2012 5 22 /06 /juin /2012 07:14

 

Début de la lettre : 

 

Où peut bien crécher le frère du pape ? #1                               

Où peut bien crécher le frère du pape ? #2                                 

Où peut bien crécher le frère du pape ? #3                              

Où peut bien crécher le frère du pape ? #4

 

Regensburg les 4 et 5 Juin 2012

Et mardi matin 5juin, je revenais sur les marches de l’évêché. Je sonnais pour essayer de faire sortir quelqu’un qui puisse me renseigner. Personne. C’est alors que passait un homme, habillé tout de noir. Je lui demandai, devinant qu’il pouvait être prêtre si il connaissait l’adresse du frère du pape. Il me répondit : « C’est à côté de la synagogue. Vous en êtes à un quart d’heure… » Une fois fans le quartier de la synagogue, je dus demander à plusieurs personnes pour arriver à trouver celle qui allait précisément m’indiquer le n° de la rue : Luzengasse n°2.

Je me trouvai devant une belle maison avec le nom : Georg Ratzinger sur la boîte aux lettres. Je sonnai. Une dame vint ouvrir la porte. Je lui expliquai ce que je venais faire, moi prêtre français : rencontrer le frère du pape pour le saluer et lui remettre un message pour le pape. La dame me fit entrer dans un salon et lentement le frère du pape descendit du 1er étage pour me recevoir au rez-de-chaussée. Je lui expliquai le pourquoi de ma visite de reconnaissance à l’adresse de son frère en ce qui concerne la paix dans notre Humanité pour que ça interpelle nous-mêmes et nos évêques et que j’attendais de lui Georg qu’il remette ma lettre dans les mains de son frère Benoît XVI. Très ressemblant à son frère je le trouvai aussi très fatigué. C’est pourquoi je ne restais pas longtemps. Mon but était atteint. J’étais heureux. Je lui demandai que nous prions ensemble : Vater Unser et Heilige Maria. Ce que l’on fit ensemble et je le saluai en le remerciant et en lui demandant de me bénir. Ce qu’il fit. J’étais heureux d’avoir trouvé « où le frère du pape pouvait bien crécher » et de lui remettre la lettre pour son frère.

  georg.jpg

Assis sur un banc public dans le square de Straubing où je viens de passer la nuit, je rassemble et finis d’écrire les messages pour le blog que je vais essayer d’envoyer tout à l’heure. Et je trouve, écrit au feutre sur le dossier du banc, en belles lettres, ces mots, probablement d’un jeune homme à une jeune fille : « Ich liebe dich : Je t’aime ». Moi Lucien, qui essaye de devenir homme, chrétien, prêtre dans l’église catholique, je reprends ces mots pour les adresser à toi Eglise : « Ich liebe dich, je t’aime Eglise de Jésus-Christ. Tu es ma mère. Tu m’as engendré à la foi-confiance en Jésus, et à la solidarité avec toute l’Humanité. Mais de même que je me suis affronté à ma maman de chair, que j’aime, elle qui m’a mis au monde de ce qui me passionne, je m’affronte à toi Eglise de Jésus. Que ce soit en France  ou en Allemagne et sûrement ailleurs, il nous faut absolument faire de nos lieux institutionnels des services et nous défaire en même temps de nos connivences avec les instances de pouvoir. L’empereur Constantin t’a joué église de mauvais tours. En te protégeant, il t’a enlevé ta liberté de parole et d’engagement, connivence du sabre et du goupillon. Mais il n’est pas fatal de continuer à tomber dans ces impasses graves pour l’avenir de notre Humanité. Des hommes et des femmes de bonne volonté ont commencé de créer des chemins nouveaux et libérants nous faisant respirer à pleins poumons à notre destinée. Empruntons au plus vite celui-là entre autres : exigeons de notre gouvernement en France d’arrêt de l’armement nucléaire et avec cet argent créons des postes de travail pour stopper et arrêter de faire de « la faim » une arme de destruction massive comme l’exprime Jean Ziegler. « Ich liebe dich » Et à vous tous je dis avec joie : « Ich liebe sie alles. »

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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 19:02

Début de la lettre :

Où peut bien crécher le frère du pape ? #1                               

Où peut bien crécher le frère du pape ? #2                               

Où peut bien crécher le frère du pape ? #3

 

Regensburg les 4 et 5 Juin 2012 

 

Et là aujourd’hui à Regensburg, je viens essayer de voir le frère du pape pour qu’il remercie son frère de « s’être mouillé » pour empêcher notre Humanité de continuer à sombrer dans l’attitude criminelle qui met tous les peuples en danger de mort, et que nous tous, en commençant par nous et nos évêques, et toutes les femmes et hommes de bonne volonté, nous nous « mouillons » de manière unilatérale pour arrêter l’armement nucléaire. Surtout que nous voilà avec un nouveau gouvernement en France.

 

Assis sur les marches de l’évêché, je continuais à écrire la lettre qu’il me semblait important d’envoyer à Benoît XVI par les propres mains de son frère. C’est alors que je me rends compte de la venue et l’approche d’un homme, assez jeune, qui me demande en allemand si il peut prendre des photos de l’âne, puis de l’âne et moi. Je lui raconte ce que j’essaye de réaliser en allant à Bethléem, que nous avons tous à œuvrer pour la réalisation de la paix, et qu’en traversant la ville de Regensburg, il me faut absolument pouvoir rencontrer le frère du pape afin de remettre entre ses mains la lettre que j’écris en ce moment sur mon cahier. Je lui montre le dernier article de journal, et nous nous présentons : il s’appelle Erdogan, il est scout, manager de foot, m’offre sa carte et moi le nom du blog.

 

Comme si cet homme comprenait que je n’arrivais peut-être pas avant ce soir à trouver le frère du pape, il me demande :

-          Où allez-vous manger et dormir ce soir, vous et  votre âne ? Dans cette grande ville de Regensburg ?

-          Je ne sais pas encore ! Peut-être à la belle étoile, dehors, le long du Danube… Il semble bien qu’il ne pleuvra pas cette nuit… Je finis ma lettre au pape et je vais me mettre à la recherche.

-          Donnez-moi un moment… je reviens,… en attendant acceptez cette somme d’argent pour faciliter votre voyage.

-          Non, je ne veux pas d’argent : Kein Geld.

Trop tard ! L’argent est spontanément donné et enfoui par lui dans ma poche de veste. Erdogan me redit :

-          Donnez-moi un moment, je reviens !

 

A peine 10 minutes se sont écoulées lorsque revient Erdogan. Il est 18h30 environ. Il sourit et me dit (tout cela en allemand bien sûr. Mais dans ces situations, c’est incroyable comme on comprend vite !) :

-          Vous allez pouvoir passer la nuit à l’auberge de jeunesse de la ville « Jugendherberge » à Wohrdstr. 60 – 93059 Regensburg. Je vous ai retenu une place : chambre, douche, petit déjeuner et il y a beaucoup d’herbe tout près le long du Danube pour votre âne… Tenez cette dame va vous indiquer le chemin et vous accompagner.

 

En un bon quart d’heure nous enjambons un pont immense, nous longeons le Danube rive gauche… La dame qui m’accompagne me dit en arrivant : "Voilà Erdogan qui est venu pour vous accueillir à l’auberge de jeunesse".

 

  regensburg-auberge-jeunesse.jpg

 

Ce jeune homme est devant l’auberge de jeunesse qui m’attend. Il me présente à l’hôtesse d’accueil : Julia. L’âne dans la cour fait l’émerveillement des nombreux enfants et adolescents venus avec des profs en stage, en vacances avec leurs parents : 140 personnes sont accueillies en ce moment dans cette auberge.

 

Erdogan et moi nous nous saluons. Je lui exprime mon émerveillement et ma reconnaissance. Il sourit ! Lui et moi sommes profondément travaillés par l’émotion. « Mais d’où vient que le mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ?... »

 

Erdogan est déjà parti, discrètement, comme il est arrivé, il y a à peine deux heures devant l’évêché où j’étais assis sur les marches en train d’écrire au pape… Il est parti comme si il me faisait comprendre : « Ainsi comme ça tu vas avoir du temps pour finir ta lettre et pour continuer à chercher où peut bien crécher le frère du pape, le trouver et lui raconter l’objet de ta visite… » Erdogan est parti comme si il me disait encore ce qui doit se comprendre dans toutes les langues : « T’as raison de t’étonner, de t’émerveiller et de vouloir rendre grâce pour ce fait que nous nous soyons rencontrés. Moi aussi Erdogan, je suis habité par les mêmes sentiments que toi Lulu, travaillé par le même questionnement et je me dis avec toi : n’as-tu pas l’impression que nous les membres de l’Humanité, tous nous sommes reliés les uns aux autres en permanence, comme toutes les branches et brindilles d’un même arbre. Et qu’un peu chaque jour, il est important que nous nous asseyons sur la rive du fleuve ou du ruisseau, que nous écoutions le clapotement  de l’eau, que nous sentions la pulsation du sang, que nous sachions voir l’éclosion du bourgeon et l’éclatement du fruit, la joie de la rencontre, la prise de conscience, la reconnaissance… »

 

Il avait raison Erdogan ! Je pus finir ma lettre au pape, partager tout cela ainsi que d’autres questions avec Julia, l’hôtesse d’accueil de l’auberge de jeunesse, avec Steffen prof de latin, accompagnateur de tout un groupe d’adolescents venus faire des travaux pratiques sur la civilisation à Regensburg à l’époque de Marc-Aurèle, avec Christophe et ses parents qui mènent avec amour et tendresse une lutte de chaque jour pour que Christophe soit debout, marche et sourie.

 

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21 juin 2012 4 21 /06 /juin /2012 07:00

Début de la lettre : Où peut bien crécher le frère du pape ? #1  et Où peut bien crécher le frère du pape ? #2

 

Regensburg les 4 et 5 Juin 2012

 

regensburg-Cathedrale.jpg

 

La sœur religieuse qui m’accompagne au pas de l’âne sait qu’elle a à me faire rencontrer le frère du pape. Il y a un endroit dans la ville de Regensburg qui doit être détenteur de la connaissance de l’adresse du lieu « où peut bien crécher le frère du pape ». C’est l’évêché ou bien la cure où habitent les prêtres de la cathédrale. Nous voilà arrivés entre des 2 maisons. J’attache l’âne Isidore à la rambarde d’un des escaliers. Ce ne sont pas les moments ni les endroits les plus marquants et rigolos pour Isidore. Pas d’herbe à manger. Des pavés sous les pieds ! Ça n’a rien de confortable pour l’âne. Heureusement qu’un gamin en compagnie de sa maman de temps en temps lui apporte une carotte ou une pomme à manger. J’explique à Isidore « que nous risquons d’en avoir pour un moment. La religieuse va nous aider dans notre cheminement pour la paix, afin d’arriver à trouver le frère du pape et lui remettre la lettre pour son frère en lui expliquant que ça pourra aider les évêques de France à vouloir entrer dans la démarche du pape de faire arrêter de manière urgente l’armement nucléaire en France, de manière unilatérale. L’Eglise a un pouvoir prophétique dans ce domaine. C’est fondamental dans sa mission qu’elle en use humblement et en même temps que ça se sache. Le fameux message du sermon sur le Montagne de Jésus, il ne fait pas le laisser caché sous le  boisseau (Mt 5, 15) Gandhi nous l’a souvent rappelé à nous chrétiens ainsi que Martin Luther King. Déjà Tolstoï dans son livre « Le royaume de Dieu est en vous. »

 

J’explique tout cela à l’âne en lui disant combien c’est important que nous sachions patienter et attendre. Je dis encore à Isidore : « Ne recommence pas à braire comme tu viens de faire ! Ça va alerter la police ! Mais après tout ! Recommence de braire ! Peut-être que ça va faire sortir en prêtre de ces 2 maisons immenses, quelqu’un qui va pouvoir me renseigner « où peut bien crécher le frère du pape Benoît XVI ! »

 

La sœur religieuse très sympathique revient essoufflée. Elle a dû courir dans toute la maison. Elle revient sans pouvoir me donner de réponses. Elle refait les mêmes démarches dans la 2ème maison. Sort de la maison une autre sœur religieuse à qui nous expliquons le pourquoi de ma démarche et que ce serait merveilleux qu’elle puisse nous indiquer l’adresse du frère du pape. La première sœur religieuse s’en va. Je la remercie et me voilà comptant beaucoup sur ce qui va venir grâce à cette 2ème sœur religieuse, qui rentre elle aussi à nouveau dans cette 2ème grande maison et qui revient un moins essoufflée que la première. Elle me signifie qu’elle est dans l’incapacité de me dire quoi que ce soit concernant le frère du pape.

 

Amis évêques et curés, hommes nous n’avons pas à donner à des femmes, religieuses ou mères de familles des semblants de pouvoirs dans les lieux appelés à être des lieux relationnels d’accueil et de réception. Tout cela est inverse de signes et faux semblants. Rendons possible que les femmes aient leur part de pouvoir dans l’organisation de l’Eglise, en nous défaisant de nos pouvoirs. Elles sauront bien de ce pouvoir faire un service avec toute la délicatesse et l’intuition qui les habitent et apprenons à agir à leur école.

 

La porte de l’évêché s’est refermée actionnée par la sœur. J’ai eu envie de pleurer. De la part de la sœur, pas de mots semblables à ceux que je venais d’entendre de la part de Thomas et Christa : « Wollen sie ein Café trinken ode rein Glass Wasser ?! » Ce fameux verre d’eau de l’évangile. Et surtout il ne m’était donné aucune réponse concernant l’adresse du frère du pape.

Ville de Regensburg, vous venez d’accueillir Benoit XVI qui en vous a tellement œuvré pour que l’Eglise soit signe d’accueil et de paix. Benoît XVI vous d dit : « Ici je me sens chez moi ! » Mais il vous l’a dit pour que tout homme puisse dire dans votre cité et particulièrement en vos lieux d’Eglise, surtout le passant, l’immigré, l’errant et le camp volant : « Ici je me sens chez moi. »

 

Le ticlet refermant la porte de l’évêché à notre nez venait de « taquer ». L’âne Isidore se mit à braire une seconde fois et me dit encore : « Elle ne t’a pas fait entrer la dame ? Qu’elle ne l’ait pas fait entrer moi, l’âne, par peur que je me mette à crotter, ou à braire, je comprends, mais toi, prêtre de l’Eglise, t’as même pas eu un café ou un verre d’eau de proposé… Moi l’âne que je n’aie pas eu de carotte comme tout à l’heure chez Christa et Thomas, au bar café… je comprends… la dame de l’évêché, elle n’avait peut-être pas de carottes mais que toi tu n’aies pas eu une chaise, un verre d’eau ou un café… Tu ne venais pas demander des sous. Aux gens qui veulent t’en donner sur le bord du chemin, tu dis bien, oh je l’entends… tu leur dis même en allemand : « Je ne veux pas d’argent : Kein Geld… Kein Geld… » J’ai bien vu ce que tu as fait l’autre jour à Ingolstadt quand on traversait la ville… l’argent qu’on t’avait remis de force dans ta poche, tu l’as redonné à des gens qui mendiaient et à d’autres qui jouaient de la musique dans la rue, parce que tu penses que cet argent ne t’appartient pas… Tu venais demander à la dame de l’évêché l’adresse d’un prêtre, le frère du pape, non pas pour l’agresser, mais pour le remercier de ce que son frère a fait pour la paix et continue de faire et voilà comment nous sommes accueillis dans l’Eglise… Oh ça sera peut-être autrement dans d’autres maisons de l’église. »

 

J’étais dans la joie que l’âne Isidore ait si bien saisi l’objet et sens de notre démarche en chemin pour Bethléem. Je pris dans une poche de mon sac à dos, la pochette qui convenait pour enlever le crottin que venait de faire Isidore sur la chaussée. Je le portai dans le jardinet voisin et me suis assis sur les marches de cette maison qu’est l’évêché.

 

Je me dis 2 choses. Peut-être que quelqu’un va venir entrer à l’évêché et je pourrai demander l’adresse du frère du pape. Et la 2ème chose qui fortifia ma démarche de vouloir absolument rencontrer le frère de Benoît XVI, et lui remettre la lettre qu je continuais d’écrire, c’est qu’il m’était arrivé plusieurs fois après 1997 quand j’étais prêtre à Salins, de faire un bout de chemin libérant et reliant avec des gens « sans-papiers ». Nous avions eu besoin de recours et appui de Dominique Voynet alors ministre du cabinet Jospin, pour empêcher que ces personnes émigrés et sans papiers soient rejetées dans leurs lieux à risques graves pour leur vie. Pour que nos démarches aboutissent le plus vite possible, je venais voir Monique, la maman de Dominique à Dole pour qu’elle fasse parvenir à sa fille qui avait beaucoup de travail, les papiers qui empêchent l’expulsion de telle ou telle personne en danger de mort. C’était souvent une question de jours. Je leur en suis très reconnaissant en union avec les personnes qui ont été sauvées.

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20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 19:22

Suite de la lettre : Où peut bien crécher le frère du pape ? #1

 Regensburg les 4 et 5 Juin 2012

 

regensburg-2.jpg

Assis devant le bar, attablé à ce que j’écris, un homme s’approche de moi de manière très sympathique. Il n’est pas le serveur, mais il me dit : « Voulez-vous boire un café ? Café Trinken ? » Très volontiers ! Vous me faites un grand plaisir ! » Il disparait quelques instants, revient avec un café et en le mettant sur la table à côté de mon cahier, il me demande d’où je viens et où je vais avec mon âne ? Je lui raconte ma démarche pour la paix… Freiden.. Il appelle le serveur du bar, la vendeuse du magasin d’à côté… encore une ou deux, trois personnes… C’est étonnant le partage que nous vivons à propos des aspirations les plus fondamentales de notre vie : que tous les humains nous puissions vivre en paix les uns avec les autres, les uns grâce aux autres, tout ce que ça nous demande : de désamorcer nos violences et armements.

Beaucoup de visages des gens que cet homme a rassemblés autour de la petite table se mettent à sourire… Un peu de paix se met à rayonner en chacun de nous, les uns grâce aux autres. Même l’âne Isidore s’y met en savourant les carottes que des enfants viennent de lui apporter en compagnie de leurs mamans. Nous vivons un moment que nous voudrions éterniser, mais j’ai encore 3 démarches à réaliser dans l’après-midi :

-          Expédier après les avoir fait photocopier mes lettres pour le blog et donc chercher où est la poste.

-          Aller acheter une paire de sandales aussi bonnes que celles que Jean-François et Armelle m’ont trouvées, car ça y est, la sandale de mon pied droit, se casse à nouveau malgré les réparations successives que j’ai tentées.

-          Et 3ème démarche : continuer à écrire ma lettre au pape Benoît XVI pour lui dire ma reconnaissance et pouvoir déposer cette lettre dans les propres mains de son frère Georg. Mais où habite-t-il ? Est-ce si sûr que cela qu’il crèche ici à Regensburg ?

Je confie mes 3 questionnements à l’homme qui m’a offert le café et qui a rassemblé tous ces gens et particulièrement Christa, la vendeuse de céramique du magasin d’à côté. Cet homme est Thomas (Tom) Müller. Pendant que Christa continue de veiller sur l’âne attaché devant son magasin, Thomas m’accompagne et à la poste, et au magasin de chaussures. Je repense à Tobbie dans la bible qui dans sa recherche de la personne qui va donner sens  sa vie et à qui il va pouvoir confier son existence, voit arriver à chaque étape de son cheminement afin de le mener à bien, quelqu’un comme « envoyé », « promis » « accompagnateur » : un « ange » dira Margret à propos de Christoph l’autre jour à Petersworth, afin de répondre à mon étonnement admiratif, à ma reconnaissance.

Puis expliquant à Thomas et Christa que je voudrais bien arriver à trouver où habite Georg Ratzinger, le frère du papa, pour lui remettre la lettre que je suis en train d’écrire, ils dirigent mes pas sur l’évêché en me faisant accompagner par une religieuse qui passe par là. « Au-revoir » tout rempli d’émotion et de reconnaissance à Thomas et à Christa après avoir pris leurs adresses car « je vous écrirai une carte une fois que je serai arrivé à Bethléem pour vous remercier de votre accueil et de votre accompagnement. »

Photo empruntée sur Internet

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20 juin 2012 3 20 /06 /juin /2012 08:54

Cette longue lettre sera publiée en plusieurs articles :

 

 

Regensburg les 4 et 5 Juin 2012

 

 

En allant à Bethléem à la recherche de la Paix, en marchant au pas de l’âne Isidore, nous vivons plein de merveilles chaque jour. Je voudrais vous partager celles qui viennent de nous arriver durant ces 2 jours, 4 et 5 juin, à Regensburg. Un peu avant Ulm, quelqu’un m’avait fit « quand vous serez à Regensburg, vous découvrirez combien cette ville est importante pour le pape Benoît XVI » Ce qui est important à mes yeux c’est la position du pape par rapport à l’armement nucléaire.

 

regensburg.jpg

 

En entrant dans cette ville lundi en début d’après-midi, j’apprends que le frère du pape habite à Regensburg, que son prénom est Georg. Il me vient, comme ça, l’idée que ça pourrait être sympathique de le rencontrer, de lui dire « que nous sommes très attachés en France, à ce que Benoît XVI a dit et fait  par rapport à la possession de l’armement nucléaire. Nous apprécions fortement son message du 1er janvier 2006 où il demande que les nations qui en sont détentrices, s’en défassent, arrêtant d’investir dans ce domaine, la désamorcent et versent cet argent contre la faim.

 

Ce message risquait de passer aux oubliettes. Heureusement que des amis du M.A.N. (Mouvement pour l’Alternative Non-violente) avec Jean-Marie Muller nous interpellent sans cesse pour que nous exigions de notre gouvernement, de manière unilatérale, l’arrêt de cet armement nucléaire. Les évêques de France ont reçu cette lettre ouverte de Jean-Marie Muller datée du 28 novembre 2010, les appelant à prendre position en ce sens, en se référant notamment aux paroles de votre frère le pape Benoit XVI, que « l’armement nucléaire est funeste et fallacieux » Nos évêques ne nous en parlent pas. Nous sommes nous dans l’obligation de le leur rappeler. Or c’est une question cruciale pour l’avenir de la Paix et du devenir de notre Humanité… 

 

Tout cela me trottait dans la tête. Une fois arrivés sur la place de Dom St Peter, j’attache l’âne portant tout notre accoutrement à un arbre devant un bar. Beaucoup d’enfants avec leurs parents viennent caresser l’âne et me demandent bien sûr d’où nous venons et où nous allons. En entendant le mot « Bethléem » c’est beau comment cela suscite étonnement et évocation : « Mais oui ! il faut en parler de cette aspiration qui nous habite tous : de pouvoir vivre en paix les uns avec les autres en notre Humanité, de faire en sorte que chacun des humains que nous sommes, trouve une place, que chaque peuple soit reconnu dans ce qu’il est et non plus par rapport à son avoir. Et que lorsque nous sommes en possession de biens, nos avoirs soient mis au service de le constitution de nos êtres. Non, les guerres ne sont pas fatales ! »

 

Je me suis assis sur une chaise devant le bar, avec un œil sur l’âne, l’autre œil sur mon cahier où je commence à écrire la lettre que je voudrais faire parvenir au pape Benoît XVI par l’intermédiaire de son frère. Mais il faut que je trouve où habite ce frère. Pour moi qui me dirige vers la crèche de Bethléem, en traversant Regensburg, il me faut trouver où peut bien crécher le frère du pape ?

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11 juin 2012 1 11 /06 /juin /2012 21:34

Regensburg le 5 juin 2012

 

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Par l'intermédiaire du frère de Benoit XVI, souvent résident à Regensburg, j'essaye de faire parvenir cette lettre au pape Benoit XVI. Vous pouvez mettre sur le blog, merci !

 

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En-tete.jpg 

            Traversant cette ville qui vous est chère, allant à Bethléem depuis Salins-les Bains -dans le Jura en France- où est évêque Vincent Jordy, je voudrais vous saluer par l’intermédiaire de votre frère prêtre, qui est souvent à Regensburg.

 

            CherBenoît notre Pape, je veux tout particulièrement vous remercier d’avoir dit et écrit, - comme le redit souvent Jean-Marie Muller, l’auteur de « l’évangile de la non-violence »- le 1er janvier 2006  «  que nous devons arrêter dans l’immédiat l’armement nucléaire qui est funeste et fallacieux ».

 

Je pars à Bethléem, avec un âne, lieu source de la paix où Jésus le fils de Dieu né d’une femme de notre Humanité ,est venu nous offrir et nous donner cette paix par sa manière d’aimer puisée à la source de la Trinité, cette merveilleuse relation avec son Père dans l’esprit d’amour et de vérité.

 

Je rencontre sur mon chemin beaucoup de gens m’offrant des moments de paix, comme à Bethléem, par leur accueil fraternel.

 

Par votre frère, je vous transmets cette lettre, espérant que nos évêques avec vous, cher Benoît et  nous tous ensemble nous nous engagions à arrêter tout armement et particulièrement en commençant par l’armement nucléaire en France.

 

            Je vous embrasse fraternellement en ayant déjà reçu fin octobre à l’installation de Vincent Jordy à St Claude dans le Jura, par Dom Luigi le nonce apostolique en France, la paix de votre part. Je vous dis toute ma fraternelle reconnaissance.

 

Lucien Converset

 

blog : luluencampvolant

 

 

 

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Ragensburg, le 4 juin 2012

  

Cher frère du Pape Benoît XVI.

 

Passant par Ragensburg, en me rendant à Bethléempour la paix en cheminant avec un âne, je vous serais très reconnaissant de faire parvenir cette lettre à votre frère notre Pape Benoît XVI, pour le remercier de ce qu’il fait et dit pour arrêter l’armement nucléaire.

 

Toute mon amitié reconnaissante.

Lucien Converset

 

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Le 5 juin, Lulu nous écrit à nouveau, et cette deuxième lettre arrive un jour plus tard  :

 

A force de demander j'ai réussi à trouver où habite le frère de Benoit XVI, ici à Regensburg. j'ai frappé à sa porte. Il est venu causer un moment avec moi. Qu'est-ce qu'ils se ressemblent les 2 frères : lui Georg et Benoît XVI. Je lui ai dit merci de m'accueillir et que je venais lui transmettre cette lettre que je lui ai remis dans ses mains pour son frère, dont je vous ai envoyé la photocopie il y a quelques instants. Je lui ai dit merci pour ce que son frère Benoît a fait et dit pour la paix, notamment ces paroles que rappelle et transmet Jean-Marie MULLER et que nous avons tant de mal à en tenir compte, à demander instamment l'arrêt de l'armement nucléaire qui est "funeste et fallacieux". Vous pouvez mettre tout cela sur le blog, le transmettre à Jean-Marie Muller.....

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9 juin 2012 6 09 /06 /juin /2012 14:57

Mardi 23 mai 2012

 

Nous vivons un long moment de marche entre Renhertshofen et Neuburg, l’âne Isidore et moi en longeant le Danube. Nous ne sommes que les deux. Il fait chaud. Les gens d’habitude si nombreux sur la véloroute ont dû se mettre à l’ombre.

 

C’est alors que je comprends à la manière dont Isidore vient se cajoler contre moi qu’il a plein de choses à me dire. Et le voilà qui commence :

« J’en profite que l’on n’est que tous les deux pour te dire : tu trouves pas qu’on a l’air de camps volants !

- Mais Isidore ! Nous n’avons pas seulement l’air de camps volants : nous sommes des camps volants. Nous n’en avons pas seulement l’air, nous en avons le souffle !

- Je trouve que tu vas un peu vite à justifier ce que nous vivons. T’as pas tout vu ni entendu hier soir. Pendant que tu commençais à t’endormir dans la cabane, tous ces gens qui passaient et s‘interrogeaient sur notre présence dans le jardin d’enfants pour la nuit. Tu sais avec mes grandes oreilles j’entends des choses que tu ne perçois pas.

J’ai même l’impression qu’avec tes 75 ans tu es devenu un peu sourd. Depuis le temps que nous marchons en Allemagne, avec tout le monde que nous saluons et qui nous saluent, j’arrive à comprendre ce qu’ils disent. Hier soir ils se demandaient d’où on venait et où on allait. Certains, qui ont dû aller à la boulangerie où la dame t’a offert le thé et le gâteau, savaient répondre ce que la boulangère avait dû leur dire : « Ils vont à Bethléem… à pied…l’homme pieds nus dans ses sandales et l’âne ferré des 4 pieds… sie gehen nach Bethléem zu Fuss… une geburtstag Jesus… à Noël ! » Certains se demandaient ce que nous pouvions bien aller y faire. Il y en a même qui disaient : « Ils ne vont jamais y arriver ! C’est pas tous les jours qu’ils font 20 kms comme ça a été écrit dans les journaux. »

J’avais envie de leur dire : venez porter ce que je porte et vous verrez comme on aspire à s’arrêter au bout de 12, 15 kms ! Mais tu m’as bien dit de ne pas répondre quelque chose qui pourrait passer comme agressif. Tu n’as pas tout entendu. Tu dormais déjà dans la cabane quand la pluie est arrivée. Alors ils sont tous partis. Mais il en est revenu en voitures, pleins phares sur moi. Je m’étais couché paisiblement dans l’herbe. J’entendais le conducteur qui disait à celui qui était à côté de lui : T’as vu comme l’âne est attaché ? C’est pas mal. Comme ça il peut manger, se coucher sans qu’il s’emmêle les pattes dans la corde… il  a dit d’autres mots… je n’ai pas tout compris Mais ça voulait dire : « Faut être camp volant pour faire comme ils font ! » Et puis il y  en a un des 2 qui a dit : « C’est dommage que la femme du paysan leur ait dit qu’il n’y avait pas de place dans leur ferme quand ils sont allés frapper à leur porte un peu avant de s’installer dans le jardin d’enfants comme ils ont fait. Mais ils ont l’air d’avoir bien trouvé leur place… et puis ils ne gênent personne… Même que l’âne tond l’herbe qui nous coûte très cher à la commune… puisqu’on la broie plusieurs fois dans l’année… pour personne… »

J’avais envie de leur dire que ces erreurs de gestion qui chargent les budgets municipaux existent de la même manière en France. Et mon imaginaire allait loin. Mais tu m’as bien dit de ne pas blesser les gens qui nous accueillent. J’avais envie de leur dire nos histoires d’ânes et que peut-être avec Monsieur Hollande comme nouveau Président de la République… tout ça arriverait sur un bureau à Bruxelles… et que certains s’en saisiraient : mais oui ! Voilà des chemins pour faire des économies en créant des emplois.

J’ai toujours gardé ce que ma vieille mère m’a transmis d’un de nos ancêtres surnommé « Anawin » qui disait dans la bible que pour réaliser une véritable économie politique il faut sans cesse repartir des cris, des paroles et des intuitions des pauvres et des petits… Ce qui se fait dans le mouvement ATD Quart Monde. Oh tu sais ! A Dampierre, à Dole, à Aresches et Thésy, à Cogna, au Frasnois, à Mesnay, Arbois. Je ne perdais rien de ce que vous disiez avec les gens de la Bise… Quand tu disais, en accueillant les gens qui venaient pour la première fois de leur vie en vacances en famille : « Nous autres les enfants du vent nous écoutons vos aspirations et vos paroles, de vous, enfants de la Bise… Nous voulons essayer de ne rien perdre de vos intuitions et de vos réalisations… ». A propos, connais-tu les implantations du mouvement ATD quart Monde en Allemagne ?

 

J’étais très touché par tout ce que l’âne Isidore me racontait. J’avais mis mon bras sur son encolure. J’écoutais. Je retenais. C’est incroyable comme durant la marche, le rythme que l’on a pris nous met dans l’écoute de l’autre. On  va très loin, on va même jusqu’à l’écoute de soi-même. C’est pour ça que je ne disais rien. J’écoutais l’âne Isidore. Ça me renvoyait à moi-même. Il a fallu qu’il me demande instamment ce que je savais des implantations ATD Quart Monde en Allemagne pour que je ré empoigne la parole et que je lui dise : « J’ai du mal de te répondre Isidore. Je suis même absolument ignorant. Je ne tarderai pas, veux-tu, à écrire à la famille Chevassu à Poligny pour leur demander déjà des nouvelles du petit bébé qui vient au creux de l’amour de Cathy et David, et pour savoir où c’est en Allemagne, dans le cours de la vallée du Danube, qu’il y a des gens qui réalisent des engagements comme ceux qui se vivent à Mesnay-Arbois, Dole, Poligny … »

 

Et c’est alors que l’âne Isidore me dit encore : « Oh que oui nous avons l’air de camps volants ! Allez ! Comme tu dis nous sommes de véritables camps volants. Je t’ai vu heureux ce matin à 6h30 de retrouver Anna qui arrivait en vélo dans notre campement en même temps que le soleil se levait. Ça, c’est vraiment des bonheurs qui ne peuvent surgir qu’en étant camps volants. Tu l’as dit combien de fois « Ich bin sehrfrenlich ! ». Je comprends que tu dises cela en sa présence ! C’est vrai qu’elle est sympathique ! Elle a surgi sur notre chemin comme un zéphyr. Elle a disparu l’après-midi de la même manière… pour réapparaître au matin avec l’aurore. Comme toi je m’étais demandé ce qui avait pu lui arriver de ne pas être réapparue le soir de notre arrivée à Altisheim. Et tu me dis donc que c’est des rayons de la roue arrière de sa bicyclette qui ont cassé. Qu’est-ce qu’elle a été sympathique de nous chercher comme elle a fait « Ich habe gesucht sie » Et elle t’a bien dit : « C’est grâce à l’âne Isidore que je vous ai retrouvés ».

 

Oh tu sais je vois de mieux en mieux comme c’est important pour la réussite de ton cheminement, que moi l’âne je t’accompagne. Ma présence fait réussir beaucoup de choses dans ton voyage. J’ai remarqué la délicatesse et le doigté de fée de cette personne à la manière dont après un simple regard elle a soigné tes doigts de pied là où malencontreusement je t’avais marché dessus et un peu blessé. Pendant que je mangeais la bonne herbe du voisin de notre campement, j’ai remarqué qu’Anna avait apporté votre petit déjeuner à tous deux. Je l’ai même entendue dire : « J’ai apporté des graines de céréales pour Isidore ! » Tu as bien fait de lui proposer de me les donner elle-même de ses mains. Qu’est-ce que les graines étaient bonnes et ses mains douces ! »

 

Je pensais que c’était pleinement acquis pour l’âne Isidore que nous étions de véritables camps volants avec toute la dignité qui habite notre être de chercher à développer la dimension nomade de notre existence. Mais j’ai compris à la manière dont l’âne revint à la charge qu’il faudrait encore du temps et du respect du rythme avec lequel nous avancions.

 

En effet Isidore continua en me disant : « Quand je te dis que nous avons l’air de camps volants ! T’as vu qui c’est qui est arrivé après le départ d’Anna : la police municipale ! Ça alors ?! Qui c’est qui a bien pu les prévenir de notre présence ? On ne le saura jamais ni non plus en quels termes ça  s’est dit. Mais enfin ça m’a blessé. Je craignais leur réaction, qu’ils nous fassent quitter les lieux dans l’immédiat. L’herbe était si bonne et abondante. Et je voyais que de toutes nos affaires, aucune n’était prête pour le départ. Tu avais vraiment pris tes aises dans c’te cabane du jardin d’enfants et je voyais tous tes cahiers étalés sur la grande table. Un véritable bureau de campagne que tu avais installé. C’est que tu en as, des choses à écrire…. Mais en fait, il n’y avait aucune réaction agressive de leur part. C’est vrai que je t’entendais leur parler, leur parler de moi… ça a dû y faire quelque chose qu’ils me voient là en train de manger de l’herbe qui risquait d’être broyée et ne servir à rien. Et je t’ai entendu leur expliquer notre but, pourquoi on passe par leur village, que nous nous sentons bien accueillis pour ainsi dire partout. T’as pas insisté sur les quelques fois où on avait entendu dire « Kein platz » « Kein platz » « Kein platz » !

 

J’ai comme l’impression que dans l’humanité on a beaucoup tendance à se constituer par imitation. C’est un grand penseur qui a dit cela, dont je t’ai déjà entendu parler : René Girard. Il dit que nous nous constituons par mimétisme. « Nous » : j’entends « vous » les humains. Mais chez nous les ânes c’est bien aussi un peu comme ça. Alors quand on se met à imiter les bâtisseurs, les constructeurs, ça va merveilleusement. Mais c’est quand se faufilent des destructeurs, des casseurs que ça ne va plus. Imiter dans ce cas là devient une catastrophe. Mais dans notre cas, j’ai l’impression que les policiers, (je ne veux pas dire qu’ils se sont empressés de nous protéger), mais ils n’ont pas laissé monter la pression que certains ont tenté peut-être d’exercer sur eux pour nous expulser en nous vidant du terrain. Ils se sont plutôt laissés comme impressionner par les articles des journaux que tu collectionnes.

 

Tu te rappelles dans les jours derniers, le père de famille des gens de Nouvelle Calédonie avec qui nous avons causé quand mon bât s’était tout démantibulé, cet homme t’avait dit : « Vos articles de journaux, vous verrez, ça va vous servir de passeport. » Là je crois que ça a vraiment joué dans ce sens. J’avais peur d’entendre des mots comme on entend parfois en France. « Vous savez quand même bien que le camping sauvage est interdit » Mais non rien de tout cela. Comme toi je les ai entendus dire en repartant : « Kein Problem, kein Problem, kein Problem. » J’ai même été très touché qu’ils aient appris mon nom. Je les ai entendus en repartant dire avec le sourire « Aufwiedersenhen Isidore ! » avec un petit salut qui n’avait rien de militaire. C’est alors que j’ai eu envie de braire de satisfaction. Mais tu m’as appris à être discret dans les situations difficiles. Ne pas triompher fait fait partie de l’action non violente qui nous est si chère à tous les deux en cet étonnant voyage jusqu’au bout de nous-mêmes.

J’ai donc continué à paître dans les abords du pré où tu venais me changer de place. Qu’est-ce que le foin y était bon ! Tout en graines. Qu’est-ce qu’il y en est allé dans mon estomac. Qu’est-ce qu’on était bien ! Moi à collecter toutes ces graines pour les mettre dans mon ventre, et toi à ramasser tous ces mots vifs  que nous entendons dans nos rencontres, un peu comme si c’était des grains de soleil. Toi tu t’étonnes de ce que je peux mettre comme brins et grains d’herbe dans mon ventre. Moi je n’en reviens pas de ce que tu engranges comme brins et grains de vie dans ton cahier. Dis, ça en fait des pages que tu envoies pour mettre sur le blog. J’ai l’impression que c’est comme si tu avais commencé un livre. Enfin on a le temps de voir. Nous ne sommes qu’au début de notre chemin !

 

Thomas Warnack 2

 

Nous savourions l’un et l’autre un moment de bonheur. C’est alors qu’est arrivée encore une voiture. Tous doucement elle s’est arrêtée. Il y avait sur la voiture des mots écrits en allemand bien sûr, un peu tout neufs pour moi qui ne sait pas tout lire : « ….Zeitung…. » que je suis arrivé à lire. J’ai dit « ça y est ! C’est encore une journaliste ! » Une belle jeune femme en est descendue. Elle tenait à la main un important appareil photo et un bloc notes avec un crayon. J’ai dit « ça y est ! Qu’est-ce que les bruits courent vite quand même. On va encore avoir droit à la photo de famille dans le journal local. Chouette ! Je vais encore avoir droit à des carottes et à des pommes le long de notre chemin le jour et le lendemain de la parution de l’article et de la photo quand les gens nous reconnaîtrons. Nous allons entendre aussi des paroles d’estime dans le genre : « Wir haben gesehen am am Zeitung ! » Je la sais par cœur en allemand cette parole maintenant. « On vous a vus dans le journal… Sie gehen nach Bethléem. Vous allez à Bethléem ! » Et elle t’a même dit que c’étaient les policiers au retour de leur visite auprès de nous qui l’avaient prévenue de notre présence dans le jardin d’enfants et lui avaient conseillé de venir faire un reportage sur notre " mission ". C’est la première fois depuis que l’on chemine ensemble que j’entends quelqu’un parler de notre voyage à Bethléem en ces termes. Tu lui as même dit d’écrire sur ton cahier les paroles qu’elle venait de te dire, enfin de nous dire. Redis voir ce qui est écrit sur ton cahier par cette femme. »

 

Je m’exécutai et je recherchai dans mon cahier ce que l’âne Isidore voulait réentendre de la considération de cette femme pour ce que nous partons faire à Bethléem. Je venais de dire à cette femme journaliste : « Ich glaube an ihre Arbeit, mit Zeitug mit macher den Frieden ». Elle se mit à me dire qu’elle aussi elle croyait en ce que nous partions faire. Je lui dis : écrivez donc ce que vous venez de nous dire. Je lus : « Ich glaube an die gutte und richtig mission von Lucien den Frieden in die welt zu tagen ! » Je crois à votre bonne et droite mission Lucien qui est de porter la paix à notre monde… »

 

Je sentis qu’à l’approche de la ville de Neuburg, l’âne Isidore voulait encore me dire ce qu’il aurait beaucoup de mal à faire avec tout le brouhaha de la cité et la difficulté de ne pas glisser sur les pavés. Isidore me dit alors : « T’as raison de prendre le temps de causer avec les journalistes comme tu as encore fait avec cette femme. J’ai entendu que tu lui expliquais les raisons de notre cheminement. Tu m’as bien expliqué l’autre jour : ça donne sens à notre voyage. Qu’est-ce que je suis content de découvrir tous ces pays, tous ces gens et de leur signifier qu’à travers la manière dont ils nous accueillent, ils contribuent à la paix du monde. Il n’y a peut-être pas souvent des gens qui leur révèlent cela. Et je remarque que tu essayes comme tu le peux d’entendre et comprendre comment là où nous les trouvons et où ils nous accueillent, que quand ils sont des résistants à ce qui n’est pas juste, ils sont des bâtisseurs de paix.

 

Quand vous êtes venus me prendre en photo, j’ai entendu que tu appelais cette journaliste " Barbara ". Elle t’a même dit qu’elle connaissait Peter Von Neubeck, le journaliste que nous avons rencontré à Gundelfingen le 18 mai. Est-ce qu’elle va mettre dans son article ce que vous demandez avec Jean-Marie Muller et la cinquantaine de personnes engagées en France exigeant l’arrêt de l’armement nucléaire de manière unilatérale ? Démarche essentielle où vous demandez instamment aux évêques de France de se mouiller, de s’inscrire, de s’engager. Je t’ai entendu dire : c’est là que l’Eglise est attendue. Que nos manières de faire procession se muent en ce type de manifestations, comme les cercles du silence.

 

Est-ce qu’elle va citer les paroles de Benoît XVI, le Pape, disant que cet arrêt de l’armement nucléaire est extrêmement urgent « parce que l’armement nucléaire est funeste et fallacieux. » ? Est-ce qu’elle écrira dans son article que Bethléem c’est partout dans le monde où des gens luttent et recherchent une société juste et fraternelle : « Bethléem ist übercall ».

Nous verrons demain ce qu’elle a écrit, enfin ce qu’elle a pu écrire. Parce que tu sais, ça doit bien être comme dans le Progrès, les Dépêches ou la Voix du Jura : les directions de journaux font pression sur les journalistes. Leur travail ne doit pas être facile : ne pas pouvoir écrire comme on voudrait le faire. Voilà encore une sacrée lutte à mener : la liberté de la presse pour ne pas être dépendants des puissances financières ! Tu trouves pas ? On a encore du pain sur la planche durant notre cheminement à Bethléem ! »

 

Nous n’allions pas tarder d’arriver par le chemin de hallage dans les abords immédiats de la ville de Neuburg. C’est alors qu’Isidore voulut me dire encore : « Tu as raison. Il nous faut continuer ainsi notre marche en direction de Bethléem en étant de vrais camps volants. C’est tellement urgent pour les petits enfants des hommes et des ânes de s’atteler ensemble à la réalisation d’une paix véritable. »

 

Photo empruntée à un autre reportage de Thomas Warnach

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5 juin 2012 2 05 /06 /juin /2012 16:46

Jeudi 17-5-2012  Ascension

 

« Ceux qui nous élèvent sont souvent ceux qui ont été abaissés, minimisés. »

 

            A partir de la ville d’Ulm, le Danube s’est beaucoup élargi, du fait qu’en amont de la ville, l’Iller est venu lui apporter son eau. La beauté des rives du Danube charme nos regards, à Isidore et à moi, et à combien de promeneurs à bicyclette, et particulièrement en ce jour férié de l’Ascension !

            Il y a aussi ce qui se passe sur le fleuve : l’envol des canards et des cygnes, et aussi des mouettes.

Il y a aussi tout ce qui se passe en silence dans ces coins de forêts magnifiques. Ça procure un calme étonnant aux marcheurs que nous sommes. Les oiseaux de partout nous offrent un concert perpétuel qui nous accompagne. Le bruit du petit train rouge semble ne jamais vouloir quitter la vallée du Danube.

Dommage qu’en arrivant dans les parages de la ville d’Offingen d’avoir laissé envahir ce si beau coin de la terre par une centrale nucléaire. C’est pourquoi il y a un barrage afin de capter l’eau du fleuve.

 

Et il y a encore tout ce qui se passe lorsque nous nous arrêtons dans un petit village afin d’y faire étape. Après Offingen nous cherchons à faire étape dans un village avec pour premier objectif : trouver une place pour l’âne Isidore. C’est très difficile dans ces coins où les paysans gardent les bêtes à longueur d’année dans les étables. Il n’y a pas de pâtures dans la proximité du village comme en Franche-Comté. Et souvent les box ou stabulations sont pleins. Du coup il n’y a pas de place pour l’âne. C’est le cas de la situation du petit agriculteur à qui je demande au milieu du village. Il veut bien mettre l’âne dans un coin de la grange. Mais je connais notre âne Isidore. Durant la nuit il va fouiner partout. Il trouvera de la graine et en mangera par trop. Il me faut absolument trouver un petit clos pour qu’il puisse pâturer cette nuit. Je dis à cet homme que je m’en vais chercher un coin pour l’âne mais que je serai heureux de revenir dormir dans la paille dans sa grange.

 

            Je tiens l’âne au licol et me mets en quête d’un endroit clos pour cette nuit dans le village. Il est 19 h environ. Nos pas se croisent avec ceux d’un jeune homme qui est attiré par l’âne. J’essaie de lui dire en allemand l’objet de ma recherche. Il m’écoute. Je me rends compte que c’est un jeune en difficultés. Mais est-ce que je n’y suis pas moi aussi, en difficultés ? En tous cas il comprend tout de suite ce que nous cherchons. Et comme si il montait dans le train où nous sommes embarqués, le voilà marchant avec nous. Il me fait beaucoup penser à Bruno. Il caresse l’âne du regard puis de la main. L’âne apprécie. Je suis un vieux qui ai beaucoup de mal à comprendre, et lui un jeune qui a beaucoup de mal à s’exprimer, mais en même temps il voudrait faire quelque chose pour nous aider, afin de nous tirer du pétrin dans lequel il sent bien que nous sommes.

 

            Nous passons devant une maison avec des box pour chevaux. Nous nous arrêtons. Ce n’est pas dit que c’est là que le jeune a voulu me conduire. Il y a là un jeune garçon de 13 ans à qui j’explique ce que je cherche. Il est au milieu de cinq chiens féroces qui aboient à tue-tête et me font peur et à l’âne aussi. Je dis à ce jeune de demander à ses parents s’il y aurait un box pour l’âne. J’espère un peu en voyant comme l’endroit gardé par les chiens est vaste. Il doit bien y avoir une place ! Le jeune garçon appelle son père par téléphone. A la mine que le jeune garçon fait je comprends très vite qu’il n’y a pas de place pour notre âne. Le jeune me dit « <Kein platz… »

            Je suis peiné que des parents missionnent leurs enfants de faire une telle réponse. Dommage que nous ne nous soyons pas mis à chercher ensemble une solution, surtout dans une surface où il y a tant de places. Je dis au revoir et je demande à un autre petit paysan qui dans l’immédiat me fait une réponse négative. Je demande encore à un autre pour entendre la même réponse « Kein platz ». La douche est froide. Je m’en reviens tout rempli de peine et de tristesse. L’humanité c’est quand même pas ça !

 

            Et voilà que sur mon chemin de retour vers la première ferme où moi je vais pouvoir dormir dans la paille mais où il n’y a pas de place pour l’âne, sur mon chemin je suis rattrapé par le jeune en difficultés qui insiste pour qu’on rebrousse chemin, et qu’on aille demander à d’autres personnes qui ne sont pas forcément des paysans ou des éleveurs de chevaux.

            Je me laisse interpeler par ce jeune homme en difficultés, peut-être parce que je me laisse travailler par ce fait constant à la surface de la terre qu’ « une fois encore » le soleil peut bientôt se lever, alors qu’il ne va pas tarder à faire nuit.

            Le jeune homme m’attire avec l’âne jusque près d’une maison d’où des gens sont en train de sortir, probablement parce qu’ils ont entendu la voix du jeune homme appelant. Ni ce jeune, ni ces gens ne parlent français, ni moi non plus suffisamment pour expliquer nos difficultés. Comment expliquer une situation aussi difficile à des gens qui ne sont pas du métier : qu’un âne pour être bien la nuit a besoin d’un box ou d’un coin de pâture ?

 

            Et voilà qu’en un rien de temps nous nous mettons les uns les autres à répondre à la demande de l’âne. Mais oui, ce coin de verger qui est clôt « à côté de chez nous », c’est ce qui va bien aller « pour votre âne »

            Est-ce le jeune homme qui a désigné le coin ? En tous cas ces gens ont aussitôt donné leur accord. Et moi je n’ai eu qu’à dire « C’est exactement ce qu’il faut pour l’âne ! » Il y a eu tout de suite, dans une immédiateté une correspondance entre nous tous, une convergence de nos regards,  même celui de l’âne en voyant la belle herbe verte et un coin de poussière pour se rouler dedans. En tous cas cela était initié par le jeune homme. Aussitôt la barrière du verger s’ouvre, l’âne Isidore y fait son picotin. Tous nous sourions et éclatons de joie.

 

P1-10 Isidore 1ère halte

 

            Je demande à ces gens leurs prénoms. Le jeune homme est Christophe, la dame Margaret et le monsieur Georg. Mais qu’est-ce que nous pouvons rire tous les quatre ! Nous nous signifions notre joie naturelle quand quelques humains vivent l’hospitalité : la donnent et la reçoivent. Surtout Margaret Georg et moi Lulu nous exprimons notre reconnaissance à Christophe. Qu’est-ce qu’il est heureux, et il nous le signifie. Cela nous rend tous heureux même l’âne Isidore qui nous entend rire.

            J’apprends que Christophe travaille dans un foyer spécialisé dans la ville voisine. Il habite avec ses parents, voisins de Margaret et Georg. je dis à ces gens qui voudraient m’offrir une chambre avec un lit pour m’y reposer, que je vais aller dormir dans la paille comme convenu avec le 1er paysan rencontré.

            Le lendemain, quand je reviens chercher l’âne, Margaret et Georg m’offrent le petit déjeuner. Je leur dis mon émerveillement et mon étonnement devant l’attitude de Christophe  Margaret me dit un mot Angélus ! Christophe Angélus ! Christophe est celui qui hier soir nous a été envoyé pour nous signifier. Et pas rien qu’en ce jour de l’Ascension « ceux qui nous élèvent sont souvent ceux qui ont été abaissés, minimisés ».

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4 juin 2012 1 04 /06 /juin /2012 15:49

Mercredi 16 mai

 

De mémoire d’âne. Ça ressemble à ce que ma mère m’a raconté de ce qui s’est passé à Bethléem.

 

            Il fait très frais pour la saison. Peut-être en raison des saints de glace ! Dans la très grande forêt que nous sommes en train de traverser entre Weissbingen et Leipheim, personne ne se promène en ce moment. Profitant que nous ne sommes que les deux c’est alors que l’âne Isidore me dit encore :

 

            « C’était beau ce que nous avons vécu hier. Après la très bonne nuit dans l’étable d’Helmut et de Eva, j’ai entendu qu’ils t’avaient invité à déjeuner dans leur maison lorsque tu accrochas la cordelette de mon licol à la grande corde coulissante pour que je mange l’herbe du fossé adjacent à la ferme.

 

            A la mine rayonnante que tu avais quand je t’ai vu revenir de chez eux, vous avez dû causer de choses importantes pour l’avenir de la planète, pour nous les ânes, comme pour vous les humains.

 

            Et durant le trajet de Lugwigsfeld à Ulm c’était beau tous les gens qui à pied, à bicyclette ou même en voiture, s’arrêtaient pour nous dire : « On vous a vus dans le journal ! Continuez ce que vous faites, d’aller à Bethléem pour que ça suscite partout où vous passez un mouvement, une démarche, un déplacement pour que la paix se réalise partout à la surface de la terre… »

 

            J’étais en train de manger l’herbe que les tondeuses des cantonniers avaient laissée sur un talus quand une dame arrêta sa voiture pour nous saluer. J’ai entendu avec mes grandes oreilles ce qu’elle t’a dit : « Merci Lulu et Isidore ! » J’en croyais pas mes oreilles qu’elle nous appelle ainsi, alors qu’elle ne nous avait jamais vus, sinon dans le journal du matin, et qu’elle croise notre chemin, s’arrête parce qu’elle nous a reconnus.

 

            Je pense que c’est à cause de ce que nous demandons que ça l’a fait s’arrêter. Elle t’a dit qu’elle était pasteure protestante, qu’elle croyait à ce qu’on faisait. Et toi, tu lui as dit : « Je suis prêtre catholique… Ich bin einen catholisch Priester.  Ich sage dir :  Du bist mein Schwester… Tu es ma sœur…» Ce langage de fraternité était merveilleux. La dame t’embrassa et me fit une caresse sur la tête. Je me réjouissais de ce que je te permette de faire ce chemin d’humanité. Parce que c’est vrai, que si je n’étais pas là, visible avec tout ce que je porte sur mon dos, tous ces gens ne se seraient pas arrêtés. Tu te rends compte ce qui ressort d’un tel parcours. Je trouve qu’avec les gens, quand nous disons pourquoi nous allons à Bethléem, nous nous regardons autrement  les uns les autres.

 

             Mais alors la traversée de la ville d’Ulm, c’était un peu difficile, pour moi sur les pavés. Certains ça va. Mais ils en ont mis des nouveaux. C’était très glissant avec les pointes de tungstène que Damien Rollet a mis sur les fers pour qu’ils s’usent moins vite. Ma démarche devait ressembler à celle des dames et jeunes filles qui mettent des hauts talons quand elles vont danser…

 

            Je n’étais pas fier du tout d’apprendre qu’ici à Ulm, Napoléon avait entraîné ses armées, des gens de chez nous, la France, pour détruire et piller ces gens d’Allemagne qui nous accueillent aujourd’hui comme ils nous accueillent.

 

            Malheureux aussi de voir tout ce qui a été détruit , et qu’il n’était resté, après les bombardements américains de 1945, que la cathédrale et un petit bout du quartier du centre ville : le Götisches Münster.

 

            Puis il y a eu la balade dans les beaux jardins publics qui longent le Danube ! Super ! Surprenante et rigolote l’arrivée de ces deux hommes avec leur caméra. Quand ils ont dit qu’ils étaient de la T.V. j’ai tout de suite pensé à l’équipe de FR3 de la gare d’eau à Besançon avec Catherine Schulbaum et Florence Petit si chères à Bruno Guipponi, Gilberte Chopard et à toi… et à nous de la tribu des ânes qui sont venus nous filmer à notre départ de Salins…

 

            J’aurais bien voulu continuer de manger l’herbe que les collègues allemands des Espaces Verts comme Fabrice Justin et tous ses amis de la Ferme du Creux Vincent, Patrick Mercet et Daniel Leguidec à la ferme de Cramans et aux ateliers d’Arbois, avaient laissé au milieu des massifs exprès. Mais il a fallu se prêter à la demande de ces gens de la T.R :

« Passez par là !

Revenez par ici !

Passez plutôt par là ! »

 

            Mais j’ai bien compris que tu nous faisais nous prêter à ce jeu pour que soit traduit et transmis le message de paix que je t’avais entendu exprimer au journal : « SÜDWEST ». Tu as raison de leur dire et redire ce que tu as appris par Jean-Marie Muller et que beaucoup ne savent pas : que c’est notre pape Benoît XVI qui, nous appelant à faire la paix pour protéger notre planète, le berceau de notre humanité, demande instamment d’arrêter l’armement nucléaire. Sais-tu si les évêques allemands sont humblement plus audacieux que les évêques français pour s’engager à stopper tous les armements, à le commencer de manière unilatérale…

 

            Ensuite j’ai trouvé que nous avons bien marché à longer le Danube comme nous avons fait pour sortir d’Ulm et parvenir à Thalfingen. En grimpant la côte de ce village je te sentais presque sûr de trouver un coin pour nous héberger dans l’immense stabulation pour chevaux. Je ne comprends pas encore très bien l’allemand mais quand j’ai entendu prononcer ces paroles par un homme, puis par une femme : « Nichts Platz ! », je t’ai vu peiné, en souci, vu le temps qu’il faisait. Ça menaçait beaucoup de pleuvoir une pluie froide.

 

            Et nous nous sommes mis à continuer à travers champs à chercher une ferme en direction d’Oberelchingen. Le long du chemin je t’entendais bougonner et maugréer. Tu n’étais pas content, et tu le manifestais tout fort. Je remarque bien que ce n’est pas toujours le Magnificat, ou le Je vous salue Marie de l’Angelus, qui sortent de ta bouche sur les chemins que nous parcourons ensemble depuis bientôt deux mois. Je n’ai pas de grandes oreilles pour rien.

 

            Quand on arriva dans les hauteurs du village d’Oberelchingen, devant toutes ces maisons fermées telles des blockhaus, avec personne dehors à qui demander notre chemin, je t’entendais crier tout fort : « Mais où allons-nous ? Vous n’allez pas continuer à emmener l’Allemagne et l’Europe dans de tels enfermements ? ! »

 

            Et à nouveau dans ce village, quand tu as frappé à la porte d’une ferme et que tu as renouvelé ta demande, et que nous avons entendu toi et moi la même chose qu’une heure avant : « Nichts platz », je voyais bien que tu pensais : « Et si ça se trouve ils passent en ce moment la petite séquence sur nous à la télé ! »

 

            Mais alors comme tout a changé sur ton visage quand tu frappas à la porte d’une grange chez le petit paysan qui est au centre du village : une toute petite ferme, sur presque rien de surface. Un mouchoir de poche. Et c’est là que tu as entendu ce que tu es venu me redire, au coin de la rue où tu m’avais attaché, tu venais d’entendre : « Oui ! Il y a ce petit box pour votre âne, et cette paille pour vous coucher ! »

 

            Voilà que tout changeait. Ça se lisait sur ton visage ! La perspective de passer une bonne nuit à l’abri nous transformait.

 

            Après avoir déchargé les sacs du bât de dessus mon dos, tu m’emmenais garnir mon estomac de l’herbe des fossés. Je trouve cette herbe délicieuse. Tu as remarqué : il y a des herbes comme les pois de 100 heures (ou senteur !), le lotier, le sainfoin, les bzettes, les chardons, avec lesquelles je me régale. On ne les trouve pas dans les prés.

 

            Qu’est-ce que nous étions bien une fois dans l’étable ! Il y faisait bon au milieu des

vaches, des veaux, des poules. On entendait même le piaillement d’une multitude d’hirondelles apportant encore la becquée à leurs petits dans les nids accrochés au plafond de l’étable. 

            Je t’ai entendu raconter à ces gens que tu étais enfant de paysans. Ils t’ont dit que leurs vaches, une trentaine de laitières qu’ils nourrissent d’ensilage, étaient de race simenthal. J’ai beaucoup apprécié quand la dame a mis pour moi dans un seau une pelle de farine d’orge. Ça faisait un moment que je n’en avais pas mangé.

 

            Mais alors une chose que j’ai remarquée : ce sont des petits paysans qui travaillent sur une petite surface. Il n’y avait que ces 2 petits bouts de place de libres dans leur étable : le petit box où j’ai passé la nuit, et le petit endroit où tu as mis ton sac de couchage sur la paille et ce sont ces deux seules places qui restaient libres et ils nous les ont offertes.

            Ça me rappelait ce que ma mère m’a raconté de mémoire d’âne, ce qui s’est passé à Bethléem, là où nous nous dirigeons, quand Jésus le prince de la Paix est né. C’est pas les gens qui avaient beaucoup de place qui ont donné une part à ceux qui n’avaient rien. Mais c’est ceux qui n’avaient presque rien qui ont su donné le peu qu’ils avaient : les bergers.

 

            Cette nuit déjà nous avions l’impression d’arriver à Bethléem comme j’en ai entendu parler dans la tribu des ânes. J’ai envie de dire que Bethléem se trouvait dans le village d’Oberelchingen, chez Rudi et Monika et leurs cinq enfants. »

 

Isidore-et-Lulu.jpg

 

 

            Je ramassais sur mon cahier les brides de l’essentiel de ce que me racontait Isidore. J’allais mettre mon cahier dans la poche latérale de mon sac à dos afin de bien garder ces trésors d’Isidore, alors il voulut me dire encore : « Peut-être que l’Humanité toute neuve ça pourrait être que les gens qui ont presque tout se mettent à faire comme ceux qui n’ont presque rien ! »

 

            Je dis alors à l’âne « Paroles d’or Isidore ! » Comme tout le monde serait heureux ! C’est pour ça qu’il nous faut continuer d’aller chercher l’Esprit de Bethléem car « Seul l’Esprit, s’il souffle sur la glaise, peut créer l’Homme ». Ces mots sont ceux qui sous tendent tout le livre d’Antoine de Saint-Exupéry : Terre des hommes.

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Présentation

  • : Lulu en camp volant
  • Lulu en camp volant
  • : Lucien Converset, dit Lulu est prêtre. A 75 ans, il est parti le 25 mars 2012 avec son âne Isidore en direction de Bethléem, où il est arrivé le 17 juin 2013. Il a marché pour la paix et le désarmement nucléaire unilatéral de la France. De retour en France, il poursuit ce combat. Merci à lui ! Pour vous abonner à ce blog, RDV plus bas dans cette colonne. Pour contacter l'administrateur du blog, cliquez sur contact ci-dessous.
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