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18 juillet 2017 2 18 /07 /juillet /2017 07:23

Lettre de Lulu au Président de la République Française, Mr Emmanuel MACRON

 

Dampierre, le 8 juillet 2017

 

Monsieur le Président,

 

C’est avec une joie profonde, où est venu se loger quelque chose d’existentiel, que j’apprends que 122 états du monde, en session à l’O.N.U., viennent de s’engager dans un traité pour demander et exiger que nous arrêtions la fabrication et le commerce des armes nucléaires. N’est-ce pas un signe fort que nous voulons arrêter de tomber dans une attitude criminelle les uns par rapport aux autres, en nous menaçant de la mort nucléaire ?

 

Mais en même temps que la joie prenait place dans mon cœur à l’annonce de cette bonne nouvelle, une grande et profonde tristesse venait se loger à ses côtés. J’apprenais que la France qui se veut ambassadrice de paix ne signait pas le traité et qu’elle doublera le budget de l’armement nucléaire.

 

Alors je vous écris Monsieur le Président. J’espère profondément que le secrétariat auquel cette lettre arrive vous la fera parvenir. C’est un droit à mes yeux de vous écrire et c’est même un devoir. Je suis citoyen de la France. J’ai voté pour vous quand vous vous présentiez à nous pour devenir président de la République, les 23 avril et 7 mai 2017. Mais mon vote n’est pas un blanc-seing.

 

Je vous écris pour vous dire que ce que vous décidez entre autre par rapport à l’armement nucléaire de la France a un tel impact sur l’avenir de notre humanité que par conséquent vous ne pouvez être seul, avec une petite oligarchie autour de vous, à prendre de telles décisions qui menacent de mort notre humanité. Votre attitude est peut-être constitutionnelle. Elle n’en est pas moins injuste et usurpatrice. Vous êtes-vous déjà dit en conscience qu’il est criminel pour nous, la France, de menacer ainsi de mort certaine et atroce notre humanité ?

 

Où puisez-vous ce droit de décider de doubler le budget de l’armement nucléaire de la France ?

Pensez-vous que c’est ainsi que nous enrayerons le terrorisme ?

Croyez-vous mettre la France en marche  en agissant ainsi ? En marche pour accélérer notre décadence humanitaire ?

 

Avec mes amis œuvrant à un désarmement nucléaire de la France de manière unilatérale, nous vous soufflons à l’oreille que vous seriez un vrai président de la république si vous vous engagiez à faire stopper l’adage latin « si vis pacem para bellum », en préparant la paix par des actes de paix, celui notamment de ne pas alimenter le budget militaire nucléaire de la France, mais d’entrer effectivement dans le traité qui vient d’être signé à l’O.N.U. par 122 états.

 

Dans plusieurs de vos déclarations vous nous dites que vos personnes référentes sont Paul Ricœur, Emmanuel Mounier. Ils ont été et demeurent les aiguilleurs de ma prise de conscience d’homme. Déjà pendant le drame de la guerre d’Algérie que j’ai faite avec deux millions d’hommes de France, c’est sur eux que je m’appuyais pour résister, et refuser que la fin justifiât les moyens dans notre triste vie de soldats.

 

Croyez-vous que ces penseurs bâtisseurs de notre humanité avec des Théodore Monod, Jean-Marie Muller, Albert Camus, Georges Bernanos soient fiers de vous quand vous vous faites héliporter afin d’entrer dans un sous-marin nucléaire français il y a quelques jours ?

 

Il est fort probable que le général De Gaulle auquel vous aimez vous référer aussi a pu dire au moment de mourir : « Je n’aurais pas dû engager la France dans la fabrication et l’éclatement de la bombe nucléaire dans le Sahara algérien, ni non plus penser pouvoir être fier de devenir capable de faire disparaître de la vie des cités entières d’hommes, de femmes et d’enfants. 

 

Les conséquences en sont trop graves pour l’avenir de notre humanité. » Comme le général Massu avait dit à propos de la torture pendant la guerre d’Algérie, quelques temps avant de mourir : « C’est vrai que nous aurions pu ne pas nous laisser entraîner à torturer sous prétexte de désarmer le terrorisme. »

LA FIN NE JUSTIFIE JAMAIS LES MOYENS

 

Monsieur Emmanuel Macron, devenez un « déclareur » de paix, vous serez alors un véritable président de la république.

 

Croyez à mes sentiments respectueux, et à ceux des amis du mouvement ADN MAN avec qui je vous écris cette lettre.

 

Lucien Converset

 

Lire aussi sur le blog de Paul Quilès :

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6 mars 2017 1 06 /03 /mars /2017 22:32

Dampierre, mardi 13 décembre 2016

 

C'est grâce à Marie-Emmanuelle 6 ans, que j'ai fait connaissance avec Diana, 10 ans. « Elles sont toujours ensemble », dit la grand-mère de Diana.

 

Un jour de cet été 2016, alors que nous préparions avec les amis du groupe ADN-MANV l'inauguration de la plantation du Ginkgo Biloba, que nous avions fixée le 6 août (anniversaire bouleversant de l'éclatement de la bombe à Hiroshima), ces deux filles me disent : « Est ce qu'on pourrait mettre de l'eau sur les pieds du petit arbre ? » Diana et Marie-Emmanuelle avaient dû voir et remarquer comment Alain, Jeannot et moi nous avions le souci d'arroser et irriguer les pieds du petit Ginkgo Biloba, depuis que nous l'avions planté. Peut-être nous avaient-elles un jour ou l'autre, accompagnés… et regardés … et nous n'avions pas pris le temps de leur proposer que ce soient elles qui versent l'eau sur les pieds du petit arbre… Et voici que ce jour, avec un regard aussi limpide et pur que l'eau qu'elles désiraient déposer sur les racines du petit Ginkgo Biloba, elles me disent : « Est-ce que nous, on pourrait mettre de l'eau sur les pieds du petit arbre ? »

 

Grandes personnes que nous sommes ou que nous croyons être, pourquoi ne sommes-nous pas spontanément les « facilitateurs » que les enfants attendent que nous soyons ?

« C'est le temps que tu as perdu pour ta rose qui fait ta rose si importante »

Pourquoi paraissons-nous toujours si pressés aux yeux des enfants ? Pourquoi ne rendons-nous pas possible que ce soit eux, les enfants, qui « fassent »… « réalisent »… et « créent » ?

 

Ce jour-là, je me laissai toucher et marquer par le regard et la parole de ces deux petites filles.

 

Jusqu'à ce jour, je les avais rencontrées très souvent lorsqu'elles allaient à l'école du village ou en revenaient. Nos rencontres avaient été ponctuées par de simples salutations. Désormais, le croisement de nos chemins n'allait plus être des rencontres sans importance. Il s'était passé quelque chose de très fort, quand, sur leur demande, j'avais apporté deux petits seaux d'eau... que j'avais déposés tout près du petit Ginkgo Biloba. Ainsi ce n'était pas trop lourd ni difficile à porter par elles. J'avais laissé et fait en sorte, que ce soient elles qui versent l'eau sur les pieds du petit arbre. Chacune d'elles, à la ressemblance du Petit Prince, s'étaient mises au service d'une cause commune pour notre humanité. Le petit Ginkgo Biloba était devenu leur arbre, sans exclure du tout, qu'il puisse continuer d'être le nôtre. Plus que ça ! Le petit arbre était apparu celui de tous, parce qu'il était devenu le leur. Ce qui se passait grâce à elles, rayonnait sur tout le monde. Nous avions lu ensemble le petit panneau que nous avions inséré aux côtés du petit arbre.

"J'aime bien être amie avec tout le monde" (Diana 10 ans)

Quand je marchais dans les rues du village de Dampierre en compagnie d'amis venus le voir et que nous rencontrions Marie-Emmanuelle et Diana, j'étais heureux de les présenter à mes amis en disant: « Voici les deux grandes filles qui prennent soin du petit Ginkgo Biloba, en mettant sur son terrain d'enracinement, l'eau dont il a tant besoin." Il se passait chaque fois quelque chose de très beau : la reconnaissance de qui sont les enfants par nous adultes, mais aussi, l'estime des adultes par les enfants, la découverte que les uns et les autres ont beaucoup à donner aux autres, mais aussi et surtout, beaucoup à recevoir les uns des autres.

 

Il me revenait la parole de l'artisan par excellence de la création des liens entre les humains, mais aussi de l'apprivoisement des humains par les animaux, les végétaux, et tout ce qui pousse à la surface de la terre: « Je vous ai envoyés ramasser, là où d'autres ont plantés »

 

Et voilà qu'un jour d'automne, alors que je suis de retour de la Fin Basse où j'étais allé contempler le lever du soleil, passant devant l'école de Dampierre un peu avant 8 heures et demi, des enfants accourent pour venir me saluer...

Et parmi tous ces enfants, Marie-Emmanuelle et Diana ... ce jour-là, Diana me dit : « Dans ma classe notre institutrice nous demande de choisir, d'interviewer quelqu'un qui est important pour nous. Il y a une liste avec des noms, il y a ton nom. J'ai dit que j'aimerais bien t'interviewer, est-ce que tu serais d'accord ? »

Lucien : « Je suis très touché de la démarche de votre institutrice et de la tienne. Je te répond : Oui, tout de suite ! »

Diana : « J'ai déjà préparé mes questions. »

Lucien : « Je prendrai tout le temps qu'il faudra pour y répondre. »

Diana : « J'ai écrit les questions que je veux te poser sur une feuille de cahier. »

Lucien : « Je ne vais pas te demander maintenant quelles sont tes questions. Je serai heureux de les découvrir quand on fera l'interview. »
Et j'ajoute :

Lucien : « L'endroit de l'interview pourrait-il être chez Marie-Emmanuelle ? Veux-tu en parler avec ta famille ? »

 

Diana est radieuse que nous envisagions de réaliser cet interview et Marie-Emmanuelle aussi. L'une et l'autre le signifient par un merveilleux sourire.

Et j'ajoute encore.

Lucien : « Ça me touche d'être pour vous, dans l'école, quelqu'un d'important, mais je voudrais que vous gardiez ce que je vais vous dire : Pour moi, à mes yeux, vous êtes tous et chacun, quelqu'un de très important, vous Diana et Marie-Emmanuelle, vos frère et sœur, vos parents, vos institutrices et instituteurs et tous vos camarades... »

 

Quelques jours plus tard, je rencontre Diana chez Marie-Emmanuelle. La maman de Marie-Emmanuelle, Agnès, me dit : « Ta famille, n'est-ce pas, Diana, est très contente que Lulu réponde à l'interview que tu lui as demandé. Mais ta grand-mère serait ravie que l'interview se fasse chez elle. »

Lucien : « Je me réjouis de cet artisanat et travail de dentelière que vous réalisez, afin que nous vivions cet interview »

 

La rencontre est prévue pour samedi 10 décembre. Mais voilà que j'apprends la mort d'un ami de Foncine-le-Haut, Jean-Daniel Senot. Je vais à l'enterrement mais je ne préviens que tardivement le soir Diana et sa famille par la médiation d'Agnès que je n'ai pas pu me rendre à l'interview ce samedi après-midi comme convenu. Je présente mes excuses. Il nous faudra trouver un autre jour.

Chance ! Tout va se rattraper ce mardi 13 décembre. En effet j'aperçois Diana et Marie-Emmanuelle en train de jouer à côté du petit Ginkgo Biloba. Je les salue et leur propose d'arroser les pieds du petit arbre. Leurs mines sont réjouies. Je dis : « Est ce que nous pourrions réaliser l'interview maintenant ? »
Diana: « Je vais voir ma grand mère et je reviens. »

 

Gilbert et Ginette ainsi que Alain et Véronique, avec qui nous venions de mettre à l'abri les derniers stères de bois d'affouage sont ravis de me voir partir vivre cet interview avec Diana et Marie-Emmanuelle. En effet, ils ont été plusieurs fois témoins des soins que ces deux grandes filles prodiguaient à l'égard du petit Ginkgo Biloba.

"J'aime bien être amie avec tout le monde" (Diana 10 ans)
"J'aime bien être amie avec tout le monde" (Diana 10 ans)

Quelle joie de nous retrouver avec Diana et Marie-Emmanuelle chez la mamie de Diana. Diana est en CM2, elle est née en 2006. Marie-Emmanuelle est en CP, elle est née en 2010.

Lucien : « Raconte-moi Diana, comment c'est venu cette belle histoire d'interview. »

Diana : « Notre institutrice voudrait qu'on apprenne à parler devant nos camarades en classe. Elle nous a dit un jour : « Voici une liste de gens importants pour nous. Choisissez celui que vous voulez. Vous aurez à le présenter devant vos camarades en classe. » « Elle nous a donné une liste. Quand j'ai vu ton nom dans la liste, j'ai dit : Je vais faire un exposé sur toi. J'aurais pu aller sur ton blog. Mais je me suis dit, je vais l'interviewer. Pour moi, c'est une chance de faire une interview avec toi. »

Lucien : « Eh bien pour moi, d'être interviewé par toi c'est un grand bonheur. J'en suis très touché. Et je te redis ce que je t'ai dit l'autre jour Diana : Vous êtes tous et chacun, quelqu'un de très important à mes yeux. »

 

Et Diana commence à me poser des questions qu'elle lit sur son cahier. Elle me demande ma date de naissance, où je suis né, où j'ai grandi… et où j'ai vécu mon enfance. Nous constatons que mon enfance a été vécue là où Marie-Emmanuelle et elle Diana, vivent la leur. Souvent, depuis l'endroit où elles habitent, elles gravissent la côte, pour venir jouer sur ce beau terrain communal que l'on appelait dans mon enfance « le vieux cimetière ». De ce champ des morts, elles continuent ce que nous en faisions, avec mes sœurs, mon frère et nos camarades, un champ de création et de recréation. Elles continuent de faire de ce champ des morts, le champ de la vie, du jeu de la fraternité avec leurs camarades.

Lucien : « Il n'est pas étonnant que ce soit là que nous avons planté le petit Ginkgo Biloba et que ce soit vous qui l'arrosiez. Tout ça, pour continuer à nous défaire de nos violences en faisant de la place dans nos jeux à ceux qui n'en n'ont pas. »

Diana : « Veux-tu me dire Lulu, où tu as été à l'école quand tu étais enfant. »

Lucien : « C'est dans la même école que vous que j'ai appris à lire, à écrire et compter … dans cette école-là, où vous-mêmes vous apprenez à lire, écrire et compter. J'ai aimé aller à l'école publique de mon village. J'appréciais beaucoup mes maîtres d'école. Encore aujourd'hui je les vénère pour ce que, en union avec mes parents, ils m'ont appris à découvrir de la beauté de la vie... C'est dans cette école aussi, que j'ai appris à ne pas laisser de côté les copains qui traversaient de durs moments et des choses difficiles... C'est par mes maîtres avec qui mes parents venaient causer, c'est grâce à eux ensemble, que j'ai découvert combien c'était passionnant de développer de toutes nos forces ce que la vie a déposé en chacun de nous. Ainsi, nous pouvons mieux l'offrir aux autres et recevoir d'eux les trésors qui les habitent eux aussi et qu'ils veulent nous donner. »

 

Voilà un petit peu comment j'essayais de répondre aux questions que Diana me posait et qu'elle avait écrites sur son cahier. J'étais étonné par la façon dont elle me questionnait et aussi par la manière vive dont elle récoltait et écrivait ce que je disais. C'est alors qu'arriva de sa part la question suivante. Etait-elle écrite sur la feuille de son cahier ? Je n'en sais rien. Je n'en ai pas l'impression.

Diana : « Qu'est ce qui t'a marqué le plus dans ta mémoire ? »

Lucien : « C'est quand j'ai vu des enfants abimés par la guerre en Algérie. Je ne pouvais pas supporter. Je me suis engagé dans mon cœur, à faire tout ce que je pouvais avec d'autres amis, pour arrêter la guerre, comme on pouvait, là où on était. Je voulais rendre possible que les enfants que je rencontrais, aillent à l'école, que leurs parents aient du travail, et qu'ils puissent donner à leurs enfants un beau logement lumineux … Que les enfants puissent jouer beaucoup avec les autres, qu'ils puissent s'amuser et qu'ils découvrent que c'est comme ça qu'ils sont des bâtisseurs de paix. Pour arriver à cela, il faut que nous les adultes, nous arrêtions de fabriquer et vendre des armes.

 

Devant la façon dont Diana me pose ces questions et la manière dont elle ramasse ce que je luis dis en l'écrivant sur les feuilles de son cahier, je dis à Diana : « Que penses-tu faire comme profession un jour ? Peut-être que tu as déjà une idée ? »

Diana : « Je voudrais être coiffeuse… »

Lucien : « Oh, c'est beau comme métier ! Est-ce que ça t'es déjà venu aussi de vouloir devenir journaliste ? Je te dis ça, c'est parce que je vois la vivacité avec laquelle tu nous fais réaliser cet interview. »

Diana : « J'ai pensé être journaliste car je voudrais interviewer tous les gens qui sont connus et célèbres... »

Lucien : « Tu es sans doute quelqu'un qui aime lire ! »

Diana : « Oui , je vais à la médiathèque. »

Lucien : « En continuant à lire et à écrire comme tu le fais, tu te prépares à être journaliste ou à faire un autre métier… Celui de ton choix. »

Diana : « Je suis heureuse de t'interviewer. »

Lucien : « Tu deviens toi aussi bâtisseuse de la paix. »

Diana : « Pourquoi se faire la guerre ? Ça sert à rien, il faudrait se pardonner entre pays pour qu'il n'y ait plus de bébés morts, d'adolescents morts. Ils méritent d'avoir la vie.

Nous, on vit beaucoup, et pas eux … Et tous ces migrants qui sont obligés de quitter leur pays à cause de la guerre ! »

 

Lucien : « Qu'est-ce que je suis marqué de pouvoir causer comme ça avec toi, Diana. Je voudrais que tous les enfants de la terre puissent faire ce que tu fais : interviewer un adulte, écouter ce qu'il dit, mais aussi que l'enfant puisse dire à l'adulte ce qui est au fond de son cœur, comme tu es en train de le faire à mon égard. Il en existe, mais il en faudrait encore d'avantage. »

Diana : « C'est grâce à mon papa que je pense que la guerre n'est pas bien, qu'on doit arrêter de se faire la guerre pour rien ! Je pense aux enfants qui sont malheureux dans des pays qui sont en guerre. C'est pas eux qui l'ont déclenchée. Ils voudraient bien que ça s'arrête. Nous on aimerait pas vivre la guerre. Je me mets à leur place, c'est horrible pour eux. C'est comme si tout éclatait vers eux… »

Est arrivé le moment où l'interview que Diana a initié se poursuit de manière réciproque.

Lucien : « Pour moi c'est un grand moment que nous vivons chez vous, mamie de Diana. Votre petite fille Diana a eu l'idée de réaliser cette interview. Merci à sa grande sœur qui a pris des photos. C'est très beau ce que l'institutrice de ta classe, Diana, a suscité… Et je sens comment tes parents vont être heureux, eux aussi , que de tels moments se vivent chez eux »

Diana : « Pour moi aussi, c'est un moment très important. Je me disais : « Enfin, il vient ! »

Lucien : « Diana, avec Marie-Emmanuelle, vous êtes fabricatrices de la paix, et vous nous mettez tous dans le coup. »

La Mamie : « Diana, ma petite fille s'entend avec tout le monde. »

Diana : « Dès que je suis arrivée dans l'école, j'ai dit à tout le monde que j'étais leur amie, parce que j'aime bien être amie avec tout le monde. »

« C'est pas la différence d'âge qui fait, on peut être ami avec tout le monde. »

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16 janvier 2017 1 16 /01 /janvier /2017 17:35
De Tibhirine...

De Tibhirine...

Dampierre, le samedi 24 septembre 2016

 

D'UN ATLAS A L'AUTRE, DU FLANC DES DJEBELS ALGERIENS AU CREUX DE L'OUED AYACHI MAROCAIN

 

Lorsque j'étais allé en Algérie en mars 2014, grâce à Luc Chauvin, en compagnie de ses parents Nelly et Bernard et de son oncle Claude, nous avions eu la chance de pouvoir aller à Tibhirine par la médiation du " jardinier de Tibhirine" lui-même: Jean-Marie Lassausse. Nous avions été aidés par Jean-Marie Muller et son épouse Hélène qui nous avaient mis en lien avec Anne et Hubert Ploquin. Ils nous avaient permis d'expérimenter que si nous voulions être des constructeurs d'humanité, il fallait faire habiter en nous et entre nous tous, le souffle de Tibhirine, celui-là de la non-violence.

 

Jean-Marie Muller m'avait dit: "Christian de Chergé et ses compagnons, c'est de l'or pur" Il ne nous avait pas fallu beaucoup de temps pour expérimenter que Tibhirine est un endroit- phare, un lieu-source pour les chercheurs et bâtisseurs de paix. J'avais un peu plus pris conscience (en ce temps-là) qu'un témoin du drame qui s'était passé dans la nuit du 26 au 27 mars 1996 : le rapt des 7 moines de l'Atlas, un témoin demeurait dans le petit monastère de Midelt au Maroc. Et grâce au frère Benoit de l'abbaye d'Acey, j'allais pouvoir rencontrer ce témoin : Jean-Pierre Schumacher. En effet, la communauté d'Acey, est en liens très étroits avec celle de Midelt. L'une et l'autre sont des abbayes cisterciennes.

 

Avec Benoit, nous étions partis à Midelt en septembre 2015, afin de rencontrer le frère Jean-Pierre et les membres de sa communauté, et beaucoup de gens avec qui ils sont en lien d'humanité et de foi. J'y étais resté 15 jours.

 

J'apprenais par le frère Jean-Pierre lui-même que les deux survivants de Tibhirine qu'ils étaient le frère Amédée et lui, avaient été accueillis aux Glycines à Alger, tout de suite après le rapt de leurs frères moines, par le père Alphonse Georger, qui était à l'époque vicaire épiscopal de Léon Etienne Duval, archevêque d'Alger.

 

Durant ce séjour du 9 au 23 septembre 2015, j'avais continué de goûter et expérimenter, que le souffle de Tibhirine qui avait travaillé les flancs des djebels et le creux des oueds algériens du massif de l'Ouarsenis et de l'Atlas Blidéen, ce souffle et cet esprit ne se laissaient pas encombrer de nos empêchements de frontière, ni non plus, par nos raisonnements casaniers. Je sentais ce souffle à Midelt, dans la manière de vivre et d'aimer qui habitait les membres de la petite communauté des moines de Notre Dame de l'Atlas, Kasbah Meriem, au cœur de la cité de Midelt. Je découvrais que la meilleure façon de capter l'eau vive de Tibhirine, de laisser couler sur nos pieds, en nous et entre nous la non-violence, c'était de se mettre à vivre à la manière des gens de la communauté de Midelt dont la joie secrète sera toujours d'établir la communion et de rétablir la ressemblance en jouant avec les différences dans le sillage de ce qui s'était passé à Tibhirine. J'avais alors dit à nos amis moines, en franc-comtois que je suis, que je trouvais en me laissant rencontrer par eux, que la communauté de Midelt était une résurgence de celle de Tibhirine.

 

J'ai essayé et j'essaie toujours de rapporter avec moi, de pleins seaux de cette eau vive (Jean, 4,10-24). Ou pour prendre une autre image de jardinier qui corrobore celle de la source, je dirais que pendant ce séjour à Midelt, j'avais ramassé non seulement sur mon cahier mais aussi dans mon cœur, un plein-sac de graines de la non-violence. J'ai beaucoup écrit à propos des trésors ainsi ramassés, et, l'incendie de nos maisons le 9 juin de cette année 2016, n'a pas emporté en fumée, la confirmation de la préparation du projet né durant l'hiver 2015-2016 : aller à Midelt avec une quinzaine d'amis, réaliser un jus de pommes dans cette capitale de la pomme marocaine. Mais notre projet était aussi et surtout, de rencontrer le frère Jean-Pierre Schumacher, survivant de Tibhirine, au sein d'une petite communauté dont les frères auraient, eux aussi , beaucoup à nous apprendre. Ce que j'avais vu et entendu, goûté et savouré de ce qu'est la non-violence, la tendresse de vivre et d'aimer, le respect du droit, allait pouvoir être expérimenté par d'autres.

 

Ce que j'avais puisé dans la façon qui habite les moines d'admirer Jésus et de le contempler, allait couler dans l'être de mes amis, eux aussi. J'allais savourer la joie en plénitude, que mes amis accèderaient à des trésors que je n'avais pas encore perçus. Et par là, humblement, le monde entier en serait touché et nourri.

 

Voilà ce qui avait orienté et guidé la préparation, la réalisation de notre voyage du 13 au 20 septembre 2016, en direction de Midelt au Maroc, dans la communauté cistercienne Kasbah Meriem, avec les moines de Notre Dame de l'Atlas.

 

Ce qui allait beaucoup me marquer c'est la tournure communautaire que prenait la préparation de ce voyage. Nous prenions tous des responsabilités selon nos aspirations et nos compétences, pour que soit facile et accessible le voyage des autres et le nôtre. En ramassant sur mon cahier ce que j'écris ce 24 septembre, quelques jours après notre retour, je dis qu'il me semble bien, que ce que j'espérais, s'est réalisé. Nous avons tous fait une sacrée expérience. Chacun des amis-compagnons de voyage, sont en train d'écrire ce qu'ils ont goûté, expérimenté et savouré en se mettant tous proches et à l'écoute de frère Jean-Pierre et de ses compagnons. Quelque chose, comme une sève, nous a été offerte. Nous l'avons reçue, et nous sentons bien que c'est dans le quotidien que nous sommes attendus, pour la faire couler en nous et entre-nous. Tous nous essayons de nous démunir de nos violences et de nos prises de pouvoir. Nous laissons ruisseler la paix entre nous, en faisant place à l'autre, aux autres. Ainsi, nous trouvons notre place.

Ainsi l'humanité se construit.

 

Comme le frère Jean-Pierre, chacun de nous a connu et expérimenté de grandes épreuves, voire des naufrages où tout a semblé sombrer. Nous nous disons : "Mais comment donc, avons-nous pu nous en sortir ?"

 

L'écoute du frère Jean-Pierre, "survivant du drame de Tibhirine", met en chacun de nous, un peu ... beaucoup ... de lumière et de force, pour que nous nous ramassions nous-mêmes, que nous collections les morceaux de nos êtres qui ont volé en éclats, et que nous trouvions raison et sens à notre condition de "survivants dans nos nouvelles embarcations".

Lulu

... à Midelt

... à Midelt

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27 décembre 2016 2 27 /12 /décembre /2016 18:11
Les voeux de Soeur AEL ce 28 décembre

A vous tous, les amis qui liront ce faire-part de Soeur AEL, qui veut dire A Dieu.

Je viens de recevoir ce magnifique faire-part qui me touche profondément.

Il m'a été envoyé par Stéphanie Maillard, une jeune fille de l'Oise qui m'a précédé sur le chemin de Bethléem en l'année 2009 . Elle était partie avec un âne, sac à dos, depuis sa maison familiale de Courtevil dans l'Oise, elle avait 19 ans et cherchait quel sens donner à sa vie.

 

En arrivant moi-même à Bethléem en juin 2013, j'avais été heureux d'être accueilli par elle au sein du monastère Bet Gémal, à 30 km à l'ouest de Jérusalem, là où elle était entrée comme novice suite à son pèlerinage-voyage avec son âne.

 

Ce faire-part écrit en hébreu, français et arabe a une belle signification: Aimer Dieu ne nous appelle-t-il pas à prier et à agir afin que place soit faite à chaque être humain, à chaque Etat à la surface de la terre "Que ce soit sur la Terre comme au Ciel".

 

Je viens vous souhaiter une bonne fête de la nativité et de jour de l'an, de paix dans nos relations entre gens de toute notre humanité, de pays à pays, d'états à états, dans le souffle de la non-violence venant de Tibhirine, Midelt, Bet Shemesh (monastère de Bet Gémal, en Israël) de Bethléem en Palestine, Rome et de tous les points de la terre.

 

C'est dans ce sillage que nous disons à Soeur AEL, sa famille et sa communauté, notre communion dans l'amour du Christ.

 

Elle m'écrit en effet: "C'est le jour des Saints Innocents que je réalise ma première profession monastique, car ce mystère m'est cher".

 

Je viens de l'appeler au téléphone au sein de sa communauté en Israël pour lui dire combien demain 28 décembre en ce jour des Saints Innocents, nous serons tous avec elle par la prière et par l'action pour que cessent les massacres des Innocents à la surface de toute la terre.

 

A la revoyotte chers amis.

Lulu 

Les voeux de Soeur AEL ce 28 décembre
Les voeux de Soeur AEL ce 28 décembre

Comment ne pas associer soeur AEL à toutes ces femmes qui posent des actes de courage pour qu'advienne la paix ?

 

Le 19 octobre 2016, près de 10000 personnes se sont rassemblées à Jérusalem avec le soutien de la Libérienne Leymah Gbowee, prix Nobel de la paix 2011,  invitée d’honneur, venue présenter un film sur le combat des femmes du Libéria.

Les manifestantes ont conclu leur marche devant le domicile de Benjamin Netanyahou, pour l’aider à penser autrement, à ne pas penser « guerre » mais « négociations ».

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3 septembre 2016 6 03 /09 /septembre /2016 12:07

 

Dampierre samedi 27 août 2016

 

« ET SI NOUS NOUS REJOUISSIONS

DE CE QUE LES AUTRES REUSSISSENT » (Gil ROUX)

 

C’est la parole d’un ami, Gil Roux, à qui j’aime me référer. Je laisse chanter dans mon cœur cette parole, lorsque j’apprends que quelqu’un de mon âge ou de très jeune a réussi une animation, a réalisé un changement, a apporté de la lumière dans un domaine où je m’étais beaucoup investi et dans lequel je n’étais pas arrivé à faire sortir grand-chose.

 

La première fois que j’avais entendu cette parole de Gil, c’était au cours d’une « révision de vie ». La révision de vie c’est un exercice qui est exigeant, mais auquel nous tenons dans les mouvements d’action Catholique tels que la JOC, l’ACE, l’ACO, et le MRJC. Jean Marc BALICOT, notre ami diacre, y tenait beaucoup dans l’équipe d’ACO à laquelle lui et moi nous appartenions. En raison de son coltinage à la réalité dans le quotidien qu’il a à affronter, Jean Marc nous aidait beaucoup à avancer. Quand ça faisait un bout de temps que nous n’avions pas réalisé une telle réunion, Jean Marc s’impatientait et il fallait sortir nos agendas et absolument trouver une date pour faire une révision de vie en ACO.

 

Le jour où la parole : «  Et si nous nous réjouissions de ce que les autres réussissent » est venue pour la première fois habiter dans mon être, c’est le jour où nous avions appris qu’un tout jeune aumônier, Michel,  avait réussi à constituer une équipe de J.O.C. avec des jeunes en grande précarité. Il avait su trouver le filon et la veine pour déceler les capacités et les compétences de ces jeunes. Il n’en était pas resté aux regards premiers qui sont souvent des préjugés. Oh que c’était beau ce que Michel nous partageait ! Des paroles découlaient d’engagements de la part de jeunes en grande difficulté, de qui on n’attendait pas qu’ils accomplissent de tels actes. La tendance aurait pu être aussi de nous lamenter sur nous-mêmes parce que nous n’y étions pas arrivés. C’est là que Gil avait dit dans son souci de coordination et d’avancée dans le mouvement : « Michel, nous nous réjouissons que tu aies réussi dans un domaine ou nous n’avons pas su ou pas pu y arriver ».

 

Et quelqu’un de nous avait dit à Michel : « Raconte-nous davantage comment tu y es arrivé. » C’était simple et étonnant en même temps ce qu’il nous racontait. Et de continuer à l’écouter nous faisait nous réjouir de ce qu’il avait réussi. Cette joie communicante nous rendait tous acteurs et réalisateurs, collectivement avec Michel, de ce qui surgissait de neuf dans notre communauté. Nous participions à la réussite de Michel. Sa réussite devenait nôtre. Il n’avait pas gardé pour lui les raisons de sa réussite. Nous apprenions à faire comme lui, parce que nous faisions avec lui.

 

Tout cela m’avait marqué. J’avais dû l’écrire sur mon cahier d’aumônier de J.O.C. du moment… Et bien que ce cahier fasse parti des écrits qui sont partis en fumée et devenus cendres dans l’incendie qui a ravagé nos maisons, il y a un peu plus de deux mois, la parole de Gil est restée écrite dans mon cœur, à tout jamais. Et elle continue de m’apporter beaucoup de lumière en ce matin où je pars à la recherche du lever du soleil, avec trois amies, en marchant aux pas des ânes Gamin et Rameaux. Durant notre marche, nous portons dans nos cœurs : Philippe et les gens du spectacle, les artistes intermittents et les autres, les membres de nos familles, nos amis, et aussi les personnes arrachées au flanc de l’humanité oubliée, particulièrement, ceux qui sont maintenus en esclavage à travers le monde. Notre visite, hier à Champagney, de la maison de la négritude et des droits de l’Homme, nous empêche de sombrer dans l’indifférence. Nous tentons d’accrocher les prénoms et les noms de tous ces gens là, ainsi que leur appartenance, aux étoiles scintillantes dans le ciel, dorlotant pour quelques instants encore le sommeil des habitants de mon village.

 

«  Et si nous nous réjouissions de ce que les autres réussissent… » Ce refrain va continuer de nous aider durant notre marche en direction du lever du soleil. En effet, parmi les gens dont nous avons attaché le prénom à une étoile, il y a celui des quinze personnes avec qui nous nous préparons à partir à Midelt au Maroc du 13 au 20 septembre. Nous allons là bas essentiellement pour rencontrer le frère Jean Pierre Schumacher, survivant de Tibhirine, et les membres du petit monastère Cistercien, de Notre dame de l’Atlas. Ce sera dans le sillage de ce qui s’est vécu et réalisé à Tibhirine. Le film « Des hommes et des Dieux » nous a interpelé à ce que nous prêtions le flanc afin de recevoir l’ensemencement  de ces graines de la non violence, qui continuent de germer et pousser en ces lieux de vie et d’espérance.  Nous sommes de différents mouvements, groupements et associations : ADN, MAN, Cercle de silence, Siloé, lecteurs de livres. C’est un peu comme des corbeilles de fruits, et des sacs de graines, qui nous sont offerts tous ces jours. Roberte, une des amis de notre équipée, dans son souci de se préparer à un tel voyage, a été la première de nous tous, à lire le livre de Fadila SEMAÏ : « l’ami parti devant » aux éditions Albin Michel.

 

Dans ce livre, Fadila Semaï recherche la famille, et l’endroit où cet homme : MOHAMED, musulman,  a donné sa vie, pour sauver celle de CHRISTIAN, chrétien, parce qu’ils s’aimaient. Dans quel endroit de la terre, Mohamed a-t-il bien pu planter ses racines, dans quel sol rocailleux du massif de l’Ouarsenis, repose son corps ? Comment trouver trace du puits auprès duquel cet homme est tombé en donnant sa vie pour Christian et par là, pour combien de membres, du peuple Algérien, et par voie de conséquence  pour combien d’entre nous ?

 

Roberte a été marquée, par la lecture du livre de Fadila. A l’issue de la réunion de ADN  du premier août à Dampierre je dis à Roberte : «  Et si tu écrivais à Fadila, pour lui exprimer l’enthousiasme que tu as ressenti à la lecture de son livre, ainsi que ta reconnaissance, pour un tel ouvrage… » Roberte écrit à Fadila, et Fadila, répond à Roberte. Les voilà l’une et l’autre, auteures à nos yeux, de la découverte des traces et des empreintes d’humanité laissées par ces deux hommes : Mohamed et Christian.

 

C’est ça qui illumine mon regard ainsi que le profond de mon être, et pas seulement le mien. Quelque chose de l’ensemencement de la non violence est en train de s’enraciner en nous, grâce à la façon de faire de Roberte. La parole de Gil Roux répand une lumière sur nous tous. Chacun de nous découvre dans ce jeu d’écriture et de lecture, de travail et de partage qu’ « un ami est parti devant ». Un jour, quelqu’un a donné sa vie pour moi. Je ne l’ai pas toujours su et vu tout de suite. Et souvent, c’est aussi quelqu’un que je n’attendais pas qui me l’a fait découvrir. Je suis appelé à me réjouir de ce que quelqu’un d’autre, ait réussi à me faire découvrir. « Roberte tu nous apportes beaucoup de lumière par le partage, de ta lecture et de ta correspondance avec Fadila. Merci Roberte, de ne pas le garder rien que pour toi. En partant ensemble pour Midelt, la capitale de la pomme, au Maroc, fabriquer et presser quelques litres de jus de pommes dans la cour du monastère de Notre Dame de l’Atlas, nous découvrons que beaucoup d’amis sont partis devant nous. Nous allons avoir à cœur de le reconnaître. Et comme me le disait Guenièvre et Adrien,  à propos de leur terrain de maraîchage : «  les champs de Vigearde où nous cultivons nos légumes, tout cela nous vient de beaucoup de gens qui ont vécu avant nous, qui ont travaillé et se sont organisés  et qui ont donné d’eux-mêmes... »

 

L’apôtre Paul, dans une de ses lettres aux Corinthiens, se demande à lui-même : « qu’as-tu que tu n’aies reçu ». 1 Cor. 4-7.  Et j’aime ajouter : « qu’es tu que ça ne te vienne de quelqu’un d’autre ? »

 

Ça y est. Nous voici arrivés au lieu dit : la Fin Basse où le soleil nous attend pour se lever. Ce matin il y met beaucoup de temps, car de nombreux nuages, et beaucoup de brumes, se sont accumulés à l’endroit de la terre, d’où il va sortir. Nous attachons nos ânes dans un bosquet voisin et nous attendons, assis sur la berge du Doubs. Ça ressemble à l’attente vécue par nous lorsque nous sommes au théâtre, et que nos êtres sont tendus vers le lieu et le moment du commencement de la pièce. Dans le silence qui s’instaure, beaucoup de choses peuvent nous être dites. Il dut y avoir des moments d’une telle intensité comme celui-là, au commencement du monde, et sans doute aussi au moment de notre naissance à chacun. Et voici qu’une toute petite lumière très vive, un peu comme un point de soudure à l’arc, perce l’épaisseur des nuages. La lumière devient très vite incandescente. Avec beaucoup de délicatesse, au fur et à mesure que le soleil sort de la terre et monte à l’horizon, Madame Nature, avec je ne sais quelle baguette magique, rend possible que se forme l’image du soleil, afin qu’Il se mire dans la rivière, et qu’elle y atteigne les profondeurs de l’eau. Alors seulement, nous pouvons voir le soleil, grâce à ce reflet. Ça me fait penser au dialogue de Moïse avec Dieu sur le mont du Sinaï pour préparer l’entrée du peuple dans la terre promise. Moïse demande à Dieu : « Fais-moi, de grâce, voir ta face. » Dieu lui dit : «  Tu ne peux pas voir ma face, car l’homme ne peut me voir et demeurer en vie ». Mais Yahvé Dieu, par amour de Moïse et de son peuple, tient à leur communiquer son amour et sa gloire, sa présence et son mystère. Il dit à Moïse : « Je vais faire une place à ta demande. Quand passera ma gloire, je te mettrai dans le creux du rocher. Je t’abriterai de ma main durant mon passage. Puis j’écarterai ma main et tu me verras de dos. Mais ma face, on ne peut la voir. » Ex. 33 18-23.

 

A notre retour, avec mes trois amies nous nous émerveillons de ce qui se passe durant cette marche aux pas des ânes.

La première dit : « je n’avais jamais remarqué ça… C’est étonnant comment sur le dos des ânes, dans la descente de leurs épaules, tout le long de leur échine, il y a une croix qui les enveloppe… ».

La seconde : « comme je suis heureuse d’avoir tenu l’âne Rameaux… ».

Et la troisième : «  Et moi, d’avoir tenu un âne pour la première fois de ma vie ».

Il me revient alors avec une profonde émotion la parole de Jean et Michou, les amis qui nous ont offert les ânes il y a 35 ans, le 29 juillet 1981.

Jean, toi aussi, « l’ami parti devant », tu m’avais dit : « tu verras, l’âne c’est une véritable médiation… ». Votre présence d’amis s’est logée dans mon cœur de manière originale, en votre compagnie Michel et Andrée, Alain et Danielle, Jean et Bernadette et vos chers enfants et petits enfants. C’est vous qui nous avez offert les autres ânes, et les bâts, et tous les trésors d’amitié que l’on peut mettre dedans. J’ai confiance, non seulement que cette présence est en moi pour toujours, mais aussi, qu’elle va tenir une place dans le cœur de tous ces gens qui un jour ou l’autre se sont mis à tenir un âne, à expérimenter les merveilles réalisées et offertes, d’entrer dans le rythme de la marche aux pas de l’âne, de sentir tout ce qui se dénoue et se déligote, afin de nous relier les uns aux autres. De combien de violences nous allons pouvoir continuer à nous démunir pour envisager une manière de vivre et d’aimer, qui soit originelle et originale. « Ici petits et grands se confondent ». Job 3 19.

Photo de Patricia le 23 mars 2013 lors de la marche de la paix

Photo de Patricia le 23 mars 2013 lors de la marche de la paix

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31 août 2016 3 31 /08 /août /2016 07:15

Dampierre mardi 23 aout 2016

 

POURQUOI CE SERAIT MOI ?

 Mais… Aussi… POURQUOI ÇA NE SERAIT PAS MOI ?

Photo de Lulu prise sur son chemin le 25/04/2013

Photo de Lulu prise sur son chemin le 25/04/2013

1ère partie ici

En empruntant cette fois le chemin du retour, je ne veux pas tourner le dos à ce que je viens d’entendre une fois encore. Si je suis venu écouter et contempler cet éveil à la vie, c’est pour que ça se continue, dans une interpellation à l’amour, et à la solidarité, au respect du droit et de ce qui est juste pour tout être humain et tout être vivant.

 

Il y a toute une illumination qui se réalise dans mon dos, grâce au soleil, pour me faire voir ce que j’ai à faire et à dire. La bise me pousse à agir de manière concrète, et à m’engager de manière précise, envers mes proches, mon prochain, mes sœurs et mon frère, mes neveux et mes nièces, et mes voisins. Dans notre recherche d’action non violente où nous nous racontons, qu’il y a une résistance quotidienne à laquelle nous sommes appelés et tenus, nous ne devons pas passer à côté des artisans de paix sans les reconnaitre, et savoir les déceler, dire tout ce qui fait que le monde tient, et continue à se fabriquer, comme dans le film « Demain ». Et si de la bouche d’un proche, surgit une parole violente : « Il y aura toujours des guerres, vous ne pouvez pas l’empêcher… Les terroristes il faut tous les zigouiller… La peine de mort, on n’aurait jamais dû la supprimer… Vous ne pourrez pas empêcher que la France continue à se doter de l’arme nucléaire ». Nous devons chercher comment, d’une manière non violente, aider à ne plus entretenir une telle ambiance. Car dans les paroles fatalistes, la frontière entre ce qu’on dit et ce qu’on fait est très poreuse. Pourquoi ça ne serait pas moi, pourquoi ça ne serait pas nous, qui remontions le courant fatalisant ?

 

Avant de nous trouver au pied du mur du djihadisme et de la radicalisation des jeunes de notre entourage, pourquoi ne serait-ce pas moi, pourquoi ne serait-ce pas nous qui entreprendrions de faire des ponts entre nous tous : « Viens boire le café, qu’on prenne le temps de causer de tout ça » ?

 

C’est alors que me revient le poème de Zacharie, à l’adresse de son enfant, Jean, qui deviendra : « le Baptiste ».  Zacharie ne pouvait plus causer depuis neuf mois. Il avait eu du mal de croire que dans leur union, sa femme et lui mettraient au monde, un enfant. « Pas nous » pensait-il. Nous ne sommes pas capables. Et lorsque l’enfant Jean sort du ventre de sa mère Elisabeth, voici le poème qui sort de la bouche de Zacharie son père. Au moment où sa langue commence à se délier, il dit : « Et toi petit enfant, tu seras appelé prophète du Très Haut ».

 

Chaque fois que je vis un moment comme celui-ci, que je suis témoin du lever du soleil, ce poème jaillit lui aussi de ma bouche à moi. Ça vient du fait que Zacharie, dans ce poème, dit en parlant de son fils :  « Il nous amènera d’en haut, la visite du soleil levant. » Tout cela est dit d’une manière très drôle, où la part de ce que fera ce petit enfant, et la part de l’intervention de Dieu, sont très entremêlées. Oui c’est Dieu qui fait se lever le soleil et qui fait sortir de la terre d’esclavage, les membres de son peuple. Oui c’est Dieu qui met de la lumière dans le cœur des gens du peuple qui marchaient dans les ténèbres. Mais n’est-ce pas aussi Jean-Baptiste qui fera tout cela. Etonnante conjonction de la part de Dieu et de la part de l’homme dans l’œuvre salvatrice qui fait se mettre debout, notre humanité.

 

Quand je reçois un faire-part de naissance, d’un petit garçon ou d’une petite fille de mes amis, je leur adresse ce poème dans ma prière, ou dans ma réponse à leur lettre. Parce que chers petits enfants, vous êtes les acteurs de notre libération, avec la Grâce de Dieu.

 

J’aime bien aussi, ce poème, lorsque Jean-Baptiste est reconnu par son père comme quelqu’un « qui marche devant le Seigneur ». De nombreux témoins et prophètes prendront le même chemin que Jean-Baptiste, pour que : « vérité et justice soient faites quoi qu’il en coûte ». Ils s’appelleront Gaby Maire, Alice Domon, Léonie Duquet, Christian et ses compagnons, les moines de Tibhirine. Et nous apprendrons que quelqu’un, pour eux et pour nous, aura été : « l’ami parti devant ». En laissant retentir en cet angélus, les paroles du livre de Fadila Semaï, à propos de Mohamed « l’ami parti devant Christian De Chergé » je prends conscience qu’avant moi, « un ami aussi, est parti devant » : Jean-Marie Buisset. Et pourquoi je ne serai pas un jour, pour vous aussi, « l’ami parti devant »? Pourquoi ça ne serait pas moi ?

 

A mon retour dans mon village, je suis arrêté par Henri et Anna : « Reste déjeuner avec nous. » Et ils me partagent que leur filleul à eux, est venu les voir la semaine dernière. C’est un homme qui en porte lourd sur ses épaules. Plutôt que d’attendre que les autres fassent la démarche d’entreprendre de refaire l’unité de la famille, il a dit à ses parrain et marraine : « je prends conscience que c’est à moi de commencer à entreprendre la démarche du pardon qui refera l’unité de notre famille. »

 

En remettant un seau d’eau sur les pieds du petit Ginkgo Biloba, je m’apprête à relire les paroles que nous avons gravées sur le petit écriteau, planté à coté de lui… A ce moment-là, je l’entends qui me dit : « Vous m’avez planté le 09 janvier 2016, ici à Dampierre, dans une ambiance communale, afin de demander l’arrêt de l’armement nucléaire de la France de manière unilatérale. Continuez à ne pas être des gens qui attendent que ce soient les autres qui commencent à se désarmer ! N’attendez pas que les autres enrayent l’injustice, mais faites en sorte que ce soit nous, qui commencions à nous démunir de nos violences. »

 

Pourquoi ça ne serait pas moi ? Pourquoi ça ne serait pas nous qui commencions ?

 

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30 août 2016 2 30 /08 /août /2016 07:06

Dampierre mardi 23 aout 2016

 

POURQUOI CE SERAIT MOI ?

 Mais… Aussi… POURQUOI ÇA NE SERAIT PAS MOI?

 

Cette question « bessonne », ou jumelle, va me travailler durant tout le long du chemin, que je viens d’emprunter afin de m’aventurer comme j’aime le réaliser « à l’aurore de chaque matin. »

 

Il est un peu plus de six heures quand je pars marcher sur le chemin du hallage, devenu vélo route, qui passe au pied de mon village natal. Je pars ainsi afin de voir le soleil se lever, à peine au dessus du village de Salans, au tout début de « la Fin Basse ». Il y a quelques instants, j’étais tenté de rester couché, me disant : « C’est important que tu te reposes » Mais j’entendais aussi au fond des cavités de mon être : « Pourquoi tu ne te lèverais pas ? Tant de merveilles attendent ceux qui se lèvent de bonne heure. » Heureux sommes-nous de pouvoir nous lever tôt. Je pense à vous, qui ne pouvez plus, pour une raison ou pour une autre, vous lever ou vous relever. Tout mon respect à vous, amis, ainsi que ma solidarité.

 

Il n’y a pas de brouillard ce matin. Je suis heureux de voir s’allier la rose de l’aurore avec le bleu du ciel, comme il est raconté dans les poèmes homériques. Ils sauront de leurs doigts, à tous deux, faire naitre le soleil, pour l’émerveillement de nos yeux. Je dis : « Nos yeux. ». En effet pourquoi il n’y aurait-il que « mes yeux » à qui serait offert ce spectacle ? Mon questionnement s’appuie sur un fait. Nous avons si souvent accompli cette démarche, d’aller voir le lever du soleil, durant nos campements, dans le pourtour des lacs glaciaires et des plateaux calcaires du Jura, ou dans le sillonnement de la montagne hercynienne de la Serre, ou encore à l’orée des forêts de Chaux ou de la Joux. Il arrivait même que les enfants conviaient les ânes à un tel spectacle.

 

Il y a quelques jours encore, Christophe Girardier et moi, sommes revenus comblés, d’avoir été invités, très tôt le matin, par Madame Nature, à un tel lever de rideaux ! Quel théâtre !

Aujourd’hui, durant cette marche, en direction de l’endroit où le soleil va se lever, je suis confiant, comme je l’étais au matin du 25 mars 2012, quand je partais, grâce à vous tous, amis, depuis Dampierre, l’endroit où je suis né, en direction de Bethléem, lieu où est né le Prince de la Paix.

 

 

Lever du soleil le 25 mars 2012 sur Dampierre

Lever du soleil le 25 mars 2012 sur Dampierre

Je sais que le soleil sera au rendez-vous, à la rencontre qu’il nous fixe, depuis une grande part de l’éternité, et probablement, pour encore une autre grande part de durée, si toutefois nous nous maintenons en vigilance afin que la terre ne soit pas cassée, elle que le Pape François appelle « Notre maison commune ». Et justement je me dis : « Pourquoi ce ne serait pas moi, qui ce matin, monte la garde dans ce but de sauvegarde ? » On me l’a tellement fait monter la garde, pendant la guerre d’Algérie, dans un but de maintien de l’ordre, qui était en fait un désordre établi au profit de quelques nantis, dans le mépris d’une multitude de gens, appauvris et anéantis. Mais déjà alors, je commençais d’entrer en objection de conscience.

 

Pendant que je marche, il me vient plein d’événements de la vie que je mène, dont je cherche le sens, et pour lesquels je voudrais parfois modifier le cours. Pourquoi cet homme m’a appelé afin que j’aille les voir, sa femme et lui, et leurs enfants, en famille ? Probablement, pour que ne les laissant pas de côté, sa famille et lui, je chemine avec eux afin d’avancer en conscience et confiance au sein de leur couple. Afin qu’elle, femme et mère, permette à l’homme qu’il est d’être père, en disant : « Non », aux comportements parfois envahissants de leurs enfants. Comme il est important dans nos familles, que l’homme fasse son travail de père, qu’il soit « point de repère ». Ainsi, personne ne s’écraserait. Je suis tenté ce matin de dire : « Qu’ils se débrouillent ! Pourquoi ce serait moi, qui les aiderais à faire cette découverte ? » Mais voilà que j’entends aussi que dans cette question d’humanité il y a souvent besoin d’un tiers. Alors je me dis : « Pourquoi ça ne serait pas toi le tiers ? » C’est incroyable comment les choses de la vie se mettent en place, durant une marche comme celle que je suis en train de réaliser.

Pourquoi ce ne serait pas lui l’homme qui ferait son travail de père ?

Pourquoi ça ne serait pas moi qui ferais mon travail de tiers ?

Pourquoi ce ne serait pas elle, la femme, qui ferait son travail de mère ?

Pourquoi l’homme ne se lèverait-il pas en appelant un de ses amis en lui disant : « viens voir m’aider à ce que je ne laisse pas ma femme tout faire ? »

Alors seulement, se feront les enfants !

 

Il me revient un dessin que François Pageaut m’avait offert, réalisé de ses mains, pour illustrer ce fait bien connu des paysans des plateaux du Jura : afin de pouvoir tirer l’eau d’une grande citerne, ne faut il pas un petit broc d’eau venu d’ailleurs à mettre dans la pompe pour amorcer ?

 

Et voici qu’« un héron au long bec, emmanché d’un long cou » prend son envol majestueux. La présence de cet oiseau échassier, en cet endroit, est peut être le signe que nos mesures, pour empêcher l’eau du canal du Rhône au Rhin d’être par trop polluée, porteraient du fruit. Cela nous encourage à continuer d’être vigilants et de le signifier, afin de stopper l’empoisonnement de la vallée du Doubs, et par là, l’envahissement de la culture du maïs. « Pourquoi on ne peut plus manger les panouilles de maïs ? » demandait l’âne Gamin l’autre jour, alors que nous nous baladions avec des enfants, en longeant un champ de maïs entre Fraisans et Rans. Ça devait causer entre les enfants et les ânes. Ça avait dû souffler dans les oreilles de l’âne Rameau, qui avait répondu à Gamin : « Parce qu'on répand sur le maïs, un produit qui a un nouveau nom, mais qui vient toujours du même Round-up, qui veut dire si on lit bien entre les lignes poison violent… qui occasionne la mort… Car aucune herbe ne lui résiste… »

Et dire, que des gens disent : « Bête comme un âne… Bougre d’âne… Tu ne sauras donc jamais lire ! » L’âne Gamin s’était mis à braire : « Hi-han Hi-han » Il criait : « Pourquoi ça ne serait pas nous avec les hérons et les abeilles, les blaireaux et les putois qui tirions la sonnette d’alarme aux oreilles des hommes ? »

 

Me voilà un peu plus loin que l’ancienne usine Calor-Tefal. J’allais bientôt arriver à l’endroit magique où mon filleul Jacques accroche sa barque. Rencontré il y a une quinzaine de jours, il m’a fait voir comment il a fait de ce coin de la planète son port d’attache. C’est de là qu’en remontant légèrement le fil de l’eau, il va taquiner le sandre et le brochet. Déjà lorsque nous étions enfants, j’entendais dire que Jacques, qui habitait alors Châteaux Neuf, était un familier des poissons, des batraciens et des roseaux. Il était déjà maitre dans l’art de manier le moulinet et le requillou. Il savait dans quels enrochements le poisson se logeait et se cachait. C’est dans cet endroit fabuleux que je viens ce matin contempler le soleil au moment où il sort du ventre de la terre, afin de se mirer dans l’eau de la rivière.

 

Ça y est, je viens d’entrer dans le royaume de Jacques. C’est un plan d’eau large et spacieux. Il est comme une petite mer intérieure qui permet au Doubs de continuer à faire rivière en direction des forges de Fraisans, et au canal, de poursuivre la jonction, qu’il réalise entre le Rhône et le Rhin.

 

L’angélus se met à sonner. Une légère bise s’est levée il y a quelques instants. Elle me souffle que c’est la cloche de l’église d’Evans qui sonne à l’instant. Alors je suis heureux de chanter ce que me raconte cette cloche : « Voici que l’ange Gabriel devant la Vierge est apparu… » C’est avec joie que je fais écho à cette voix argentine qui me dit qu’un soleil de droit et de justice s’est levé un jour dans notre histoire, pour le bien-être de tous les hommes. A partir de la naissance de Jésus, avant et après, nous nous sommes mis à dater les événements de nos existences. Tel fait s’est passé tout juste : « avant Jésus-Christ » tel autre événement s’est réalisé bien « après Jésus Christ » Il me revient que le prophète Isaïe avait dit, justement bien avant la venue de cet enfant : « le peuple qui marchait dans les ténèbres, a vu se lever une grande lumière. Sur les habitants du sombre pays, une grande lumière a resplendi. Toutes chaussures de combat, tous manteaux roulés dans le sang, sont brûlés et dévorés par le feu. Le bâton oppresseur est broyé. Car un enfant nous est né. On lui donne ce nom : Prince de la paix, avec plein d’autres noms de même consonance » Isaïe 9 1-5.

 

C’est alors que le relais de cet hymne est soutenu cette fois par la cloche de l’église de Salans. Un matin où je reviendrai, et qu’il y aura grand vent, c’est la cloche de Fraisans que j’entendrai et peut être celle de Dampierre ou de Rans. Je pense à l’instant aux hommes, aux femmes et aux enfants qui ont été obligés de prendre le bateau en mer Méditerranée pour se sauver de la guerre et de la terreur. Non seulement nous ne facilitons pas leur migration, mais dans beaucoup de cas, nous ne faisons pas ce qu’il faut et beaucoup coulent en mer. C’est cette mer Méditerranée qui me permit de parvenir dans le port de Haïfa. Je prie pour que nous arrêtions de faire de la mer Méditerranée, un grand cimetière marin. Quelle soit au contraire : « mare nostrum… mater nostra… » Mais « il ne suffit pas de prier »

 

Le soleil vient de se lever. Il sort du rideau d’arbres, qui longe la rivière du Doubs. Je me laisse interpeler par la fidélité de sa présence à l’éveil de la terre. La convergence de ces appels de l’angélus, me tarraude. Et moi comment je vais vivre la fidélité dans la réponse à de tels appels des membres blessés, oubliés, noyés de notre humanité ?

 

.../...

Suite demain

 

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2 août 2016 2 02 /08 /août /2016 19:40
Oh ! Qu'il est beau ce tas de fumier !

A l'orée de la forêt de Chaux, lundi 27 juin 2016

 

Ce sont les paroles des deux ânes Rameaux et Gamin avec lesquels je suis en partance, afin de traverser la forêt de Chaux, en direction de la Vieille Loye.  Nous venons de quitter le village de Rans. Nous passons en bordure d'un champs. Et là, sur un tas de fumier, pousse en se dodelinant dans le frémissement de la bise, toute une pelouse de coquelicots.

 

Ça fait du bien à nos yeux d'ânes et d'homme, de les voir ainsi danser dans le vent. On s'arrêta pour mieux les contempler.

 

C'est l'âne Rameaux qui tout en exprimant son admiration, demanda aux coquelicots : «  Comment ça se fait que vous êtes venus pousser ici sur ce tas de fumier » 

 

Les coquelicots :  «  Ce n'est pas souvent que des ânes passent par là et prennent le temps de causer avec nous »

 

L'âne Gamin :  «  L'homme que vous voyez avec nous et que nous accompagnons, nous invite souvent durant les ballades que nous réalisons avec les enfants, leurs institutrices et leurs éducateurs, à contempler et à reconnaître les merveilles à côté desquelles nous passons. Nous partons aux baraques du 14, retrouver en ce jour, à côté de la Vieille Loye, tout un groupe d'enfants de l'école Montessori de Mesnay-Arbois. Nous leur raconterons ce que nous sommes en train de vivre avec vous. Nous le dirons aussi aux enfants du village de la Vieille Loye qui sont en train de préparer leur petit campement qui aura lieu à la fin de la semaine prochaine à la maison forestière du grand contour. Ils le répéteront sans doute à leurs parents sur lesquels ils comptent beaucoup pour la réalisation de ce temps fort du début de leurs vacances, avec Stéphanie et Joël, Bénédicte et Ludovic.  »

 

L 'âne Rameaux : «  Coquelicots si beaux, dites-nous donc comment c'est venu que vous ayez trouvé domicile sur ce tas de fumier ? »

 

Les coquelicots :  «  C'est par un beau jour de grand vent, que les graines dont nous sortons, ont été apportées jusque là. Plusieurs graines avaient été répandues dans ce grand champ de blé que vous voyez. Elles avaient poussé en même temps que nous. Nous venions du même coin de la terre. Nous étions heureux de pousser ensemble, elles dans le champ de blé, et nous, sur notre tas de fumier.

Nous nous faisions des signes de joie et de bonheur.

Après un jour d'orage, un homme est arrivé dans un gros tracteur.

Il déploya à l'arrière de son engin des bras articulés et tuyautés immenses.

Un produit vaporisé ressemblant à une nappe de brouillard, fut répandu à profusion sur le champ de blé.

Lorsque l'homme fit tourner son tracteur à ce bout ci du champs, nous avons craint que des giclées de ce produit tombent aussi sur le tas de fumier.

Puis, très vite, nous n'avons plus reçu aucun signe de la présence de nos voisins coquelicots du grand champ de blé.

Ils avaient été anéantis par le produit. Ils avaient disparu ...

Quelques personnes en vélo s'arrêtent, comme vous venez de le faire et nous prennent en photo. Ils disent comme vous «  Qu'est ce qu'il est beau ce tas de fumier ! » Nous essayons de causer avec elles comme nous sommes en train de le faire avec vous, mais ça ne dure pas longtemps. C'est dommage ! Au jour d'aujourd'hui, qu'est ce que les grandes personnes sont pressées ! Elles disent, même alors qu'elles se promènent : « Faut qu'on y aille ! On n'a pas le temps de s'arrêter davantage … le temps presse… »

 

L'âne Rameaux : «  L'homme que nous accompagnons dit des choses très ressemblantes à ce que vous dites. Il se réfère souvent à un homme qui existait il y a longtemps  mais qui est très d'actualité : C'est Saint François d'Assise. Il le surnomme le Povorello. Il causait avec les fleurs, les petits oiseaux et les poissons . Il parlait même avec le loup, dont les gens de Gubiot avaient très peur.  François disait que ça lui faisait apprivoiser le loup qui était en lui. Ça l'aidait à arrêter la violence à lui-même …

Les coquelicots : « Arrêter la violence à nous-mêmes ? Qu'est ce que c'est important ce que vous dites ! C'est donc ça que vous allez répandre comme ambiance quand vous partez comme aujourd'hui. Qu'est ce qu'elle est belle et vraie votre attitude. Et vos paroles aussi ! »

 

L’âne Gamin : « Vous nous faites du bien, coquelicots si beaux ! Vous nous confortez dans les raisons que nous trouvons de faire ces randonnées, d'aller à la rencontre les uns des autres, de planter des graines de non-violence, les uns entre les autres, de tout faire pour nous aider les uns les autres à pousser dans la tendresse et le respect de la vie qui anime chacun de nous. »

 

Les coquelicots : «  Avant que vous ne partiez, nous avons encore une belle histoire à vous raconter. Promettez-nous de la transmettre sur votre passage. C'est notre frère le vent qui nous l'a apprise l'autre jour, car il vient sou-vent nous voir le vent ! Il est assez fier de l’œuvre qu'il a accomplie en cet endroit où vous êtes en train de vous émerveiller. Et il nous a appris aussi une très belle histoire qui s'est passée dans un village du pourtour de la Serre. Une femme qui lutte et milite pour la sauvegarde de la bio-diversité, a dû demander à l'employé communal, de ne pas répandre, au moins devant chez elle, le sulfate de ce maudit poison issu de Monsanto, surnommé Round-Up. Elle a dit à cet homme, avec beaucoup de délicatesse et de respect pour son travail : «  Savez-vous ce que vous répandez dans la commune ? Un produit qui tue tout : les fleurs au pied des murs, les herbes des fossés et des trottoirs, les vers de la terre, les escargots et les batraciens dans les caniveaux, les poissons dans les ruisseaux ... Ce produit est en train de vous faire du mal à vous-même et à moi. »

L'employé communal avait écouté la dame. Il n'avait pas répandu le produit funeste devant chez elle et il avait ajouté qu'il voudrait bien n'en répandre nulle part ailleurs et qu'il en parlerait au maire de la commune.

Devant chez la dame, quelques temps après, quelques touffes de coquelicots, nos frères, avaient poussé. La dame avait dit en souriant, que c'était à la fois un cadeau du ciel qui lui était fait, mais elle avait aussi ajouté que l'employé communal y avait été pour quelque chose.

Le vent nous a même raconté que l'autre soir, durant la réunion du Conseil Municipal de cette commune, la fenêtre de la salle étant ouverte, il avait entendu qu'une des principales questions en débat était : «  Ne faut-il pas arrêter de répandre le Round Up dans notre commune, même s'il a changé de nom »

 

Les ânes Gamin et Rameaux : «  Au revoir merveilleux coquelicots qui rendez si beau ce tas de fumier ! Merci pour tout ce que vous nous avez raconté. Promis ! Nous transmettrons. »

 

Les coquelicots : «  Merci à vous aussi les ânes et à l'homme que vous accompagnez, ce que vous nous avez dit, donne du sens à notre présence sur notre si bon tas de fumier ! »

 

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3 juillet 2016 7 03 /07 /juillet /2016 14:35

Dampierre, le 29 juin 2016

 

Le soir même de l'incendie où le feu brûlait nos maisons, mon neveu, mes voisins et moi-même, nous étions bouleversés et nous le sommes toujours, par le drame qui nous arrivait.

Nous nous sommes dit en nous envisageant : « Nous sommes là … Il n'y a pas de morts, ni de blessés …»

Nous ne sommes pas allés jusqu'à dire : « Estimons nous heureux …»

Nous ne le pouvions pas. Nous pleurions. Nous cherchions à relativiser le drame.

Je pense en fait, qu'il nous faut tous, amis qui nous êtes solidaires et nous-mêmes, non pas relativiser ce qui nous arrive, mais le relier.

 

Il me semble que dans notre élan de solidarité les uns avec les autres, il est fondamental de nous rattacher à celles et ceux dont les maisons ont brûlé ou sont encore en train de s'écrouler en raison du feu de la guerre.

Des hommes continuent de déverser sur des enfants et sur leurs parents le feu provoqué par l'invention, la fabrication, et le trafic de nos armes.

Il revient dans ma conscience les milliers de mechtas qui ont brûlé sous le feu de nos armes pendant la guerre d'Algérie.

Qu'est-ce que j'ai fait pour empêcher qu'on y mette le feu ?

Je repense aux milliers d'abris qui continuent de brûler en Syrie et ailleurs.

A ce feu-là, nous pouvons quelque chose.

 

Le feu qui a déchiqueté ma maison natale ne doit pas dévorer mon âme et ma conscience d'homme.

A ceux qui nous placardent que ces guerres sont fatales, en notre âme et conscience, ne devons-nous pas faire objection ?

Ne sentons-nous pas comme un appel à inventer une stratégie de paix dès aujourd'hui, stratégie de l’action non-violente ?

Et il est un feu encore pire que celui-là.

Un feu où nous risquons de délabrer l'humanité par pans entiers, probablement même en totalité. C'est le feu du nucléaire.

A celui-là aussi, nous pouvons quelque chose, en commençant par demander immédiatement, l'arrêt de l'armement nucléaire de la France de manière unilatérale.

 

Avec une profonde amitié solidaire, vous êtes nombreux à me dire ces jours-ci quand nos regards se croisent et que nous nous envisageons : « Te voilà donc relogé … T'as retrouvé une partie de tes affaires … Ça va aller ? »

Vous sentez bien que ça ne peut pas aller.

Merci bien sûr, pour ce que vous m'avez aidé à retrouver : un logement, une partie des cahiers où j'avais ramassé vos paroles dans nos cheminements et nos luttes.

Mais si nous ne nous prenons pas davantage par la main pour empêcher le déferlement du feu de la violence et de la guerre, il nous manque l'essentiel.

 

Vous nous avez aidés à retrouver un logement. Pour cela, nous tous, nous vous disons notre profonde reconnaissance. Mais si un jour, malheureusement nous laissions venir le feu du nucléaire, la possibilité de reloger les sinistrés serait anéantie elle aussi. Après nous un déluge de feu risquerait de tout emporter. Nous risquerions de ne plus pouvoir dire : « il y eut un soir, il y eut un matin…» Nous ne pouvons pas nous accommoder de cela. A l'impossible, ne sommes-nous pas tenus ?

 

Je vais de temps en temps frotter mon dos contre l'écorce du ginkgo biloba sur la place de notre commune. Je demande à cet arbre qu'il me communique de son huile essentielle, qui est de résister au feu du nucléaire, feu de l'anéantissement du sens de l'humain.

Et je vais causer aussi avec le petit ginkgo biloba que nous avons planté le 9 janvier de cette année. Je trouve qu'il pousse bien dans ce sens-là, de la résistance à la violence et je lui dis en l'admirant, combien les enfants de l'humanité que nous sommes, ont grand besoin de ce qu'il nous donne.

 

Les 2 ginkgos bilobas de Dampierre
Les 2 ginkgos bilobas de Dampierre

Les 2 ginkgos bilobas de Dampierre

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29 juin 2016 3 29 /06 /juin /2016 17:00

MIDELT, mardi 15 septembre 2015

 

TIBHIRINE DANS LES ANNEES NOIRES,

ATELIER DE LA NON-VIOLENCE

 

Très heureux de retrouver Jean-Pierre afin de continuer nos partages et ainsi pouvoir remporter les graines d'action non-violente que tout cela me permet de ramasser.

Lucien : "J'aimerais parler avec toi, Jean-Pierre, de votre relation avec votre prieur Christian, durant ces années fondamentales vécues à Tibhirine en communauté."

Jean-Pierre : "J'ai apporté ce livre de Christine RAY : "Christian de Chergé, prieur de Tibhirine" afin de pouvoir davantage encore répondre à tes questions."

 

 

Tibhirine dans les années noires

Lucien : "J'ai écrit sur mon cahier les questions que je vais essayer de ne pas manquer de te poser Jean-Pierre ! J'ai remarqué beaucoup de délicatesse et de respect entre vous les moines, entre votre prieur et vous-mêmes, mais je suis frappé aussi par toute l'exigence qui règne entre vous. Qu'est-ce qui t'a beaucoup marqué dans l'attitude de Christian pendant que vous étiez à Tibhirine ? Qu'est-ce que tu voudrais qu'en notre humanité nous n'oublions pas de ce que vous avez vécu, vous les moines, avec votre prieur et grâce à lui ? Christian ne nous a-t-il pas appris à nous désarmer, à ressembler à Jésus qui est Dieu désarmé, et non pas dieu des armées ?"

Jean-Pierre : "Le livre de Christine RAY m'a fait beaucoup connaitre Christian, j'ai passé une matinée à parler avec Christine quand elle a écrit son livre en 1998. Elle était journaliste à La Croix, en équipe avec Bruno CHENU. Tu voulais Lulu, qu'on reparle de Christian... de ce qu'il nous avait..."

Lucien : "De ce qu'il vous avait apporté de spécifique ?"

Jean-Pierre : "Ce qui est mauvais dans une communauté, ce sont les divisions, quand on travaille les uns contre les autres. L'échelle double, si nécessaire entre les musulmans et les chrétiens, afin de réaliser la rencontre avec Dieu, cette échelle double est déjà nécessaire et valable entre nous dans la communauté. C'est comme dans un couple, on va vers le même but, on monte chacun de son côté afin de parvenir au même endroit."

 

 

Tibhirine dans les années noires

Lucien : "Oui, le rôle d'un supérieur, d'un prieur, c'est important. Cette importance, vous l'avez trouvée chez Christian, mais pas comme ça d'emblée."

Jean-Pierre : "Son attitude a avancé. C'est venu de plus en plus. Au début, il était désireux de donner tout ce qu'il avait trouvé, ce qui lui donnait force et dynamisme, à cause de ce que Mohamed en mourant l'avait protégé, empêché de mourir. Cette force-là qui était en lui et qui donnait sens à sa vie, il voulait nous la communiquer, ainsi que toute sa relation avec l'Islam et sa connaissance du monde arabe, qu'il avait acquise à Rome par l'I.P.E.A. (Institut Pontifical des Etudes Arabes) pendant les 2 ans que nous l'avions envoyé là-bas. Il voulait nous former selon son modèle à lui. Nous, nous avions nos personnalités et nos expériences personnelles de la relation avec l'Islam. On avait une communauté qui fonctionnait avant que Christian n'arrive. Notre modèle fonctionnait aussi. Il fallait faire un tout avec ça. Au départ, ce n'était pas ça. Christian était très motivé, il voulait nous initier à ce qui le motivait et passionnait. On résistait, on ne voulait pas se laisser faire. On voulait que la relation se fasse entre nous, sur un plan d'égalité par rapport à l'autorité."

Lucien : "Sur le plan comportemental, vous sentiez qu'il y avait des choses sur lesquelles il fallait avancer ?"

Jean-Pierre : "On était désireux de progresser dans la connaissance de l'Islam et de la relation qu'on devait avoir en tant que chrétiens, français, moines, avec la culture musulmane et algérienne. Tous, nous avions à apprendre. Nous étions tous des novices, tout en ayant déjà une expérience. Personne ne pouvait dire : "Je", ou "Voilà ce qu'il faut faire" Nous étions tous assis sur le même banc, dans la même école, chacun devant amener sa part sur un plan d'égalité. C'est ça qui était le nœud de la bonne relation en communauté et dans l'unité. C'était quelque chose de vivant."

Lucien : "Nous l'avons senti dans le film "Des hommes et des dieux", ce que tu es en train de me dire."

 

Jean-Pierre : "Nous n'avions pas choisi Christian pour... on ne t'a pas choisi pour que tu décides seul ! "Ce problème se posait beaucoup au moment de décider si nous partions de Tibhirine ou si nous y restions. Christian a bien compris que ce n'était pas encore l'unanimité, qu'il fallait encore prendre le temps de réfléchir, pour que les plus timides ne se laissent pas influencer par la majorité... "

Lucien : "...ou par ceux qui sont persuasifs !"

Jean-Pierre : "C'est ça !"

Lucien : "Alors, comment Christian a-t-il su et pu coordonner ?"

Jean-Pierre : "Christian a beaucoup évolué, surtout, à partir du moment où il est devenu prieur. Un supérieur ne doit pas être directif, il doit être attentif à la personnalité de chacun, et avec ça, faire l'unité, tendre vers l'unité. Christian l'a très bien réalisé et accompli, au moment où on devait prendre cette décision grave : PARTIR ou RESTER."

Après le 1er échange, il a vu que ce n'était pas mûr, il n'a rien imposé. Il aurait pu dire : "Selon l'avis de la majorité...  Il a voulu l'unanimité. Il a appris à patienter pour écouter ce que chacun avait en lui... Il est parti parler avec Christophe... Je ne sais pas ce qu'ils se sont dit. Peut-être lui a t il dit : "Tu as décidé de donner ta vie... c'est pas le moment de..." Il nous a tous écoutés."

La décision engageait les frères, c'est leur vie qui se jouait. Lui, Christian, ne disait pas qu'il voulait rester. On a levé la main pour s'exprimer. Il y a eu des mains un peu timides à se lever, mais toutes étaient levées...

Lucien : "Vous avez votés à main levée que vous décidiez et vouliez rester à Tibhirine."

Jean-Pierre : "C'est un don de soi qui s'exprimait à travers ça."

Lucien : "Tu as levé la main Jean-Pierre..."

Jean-Pierre : "...A cause de tout mon passé avec le Seigneur, et la présence au peuple algérien. J'avais fait le voeu de stabilité. Cet échange, on l'a vécu en 1993..."

Lucien : "...Après la venue de Satya... Quelle trempe d'homme habitait l'être de Christian !"

Jean-Pierre : "Il était très ... pour faire fonctionner la communauté dans les moments difficiles. On le voit avec les militaires et avec Satya, le chef local du GIA. Il ne voulait pas qu'on s'engage, ni avec les uns (les membres du GIA, Groupe Islamique Armé) ni avec les autres (les militaires) Il les appelait : " Frères de la montagne (les gens du GIA), et frères de la plaine, (les militaires). Christian voulait les réconcilier les deux, et l'armée et les maquisards...

Lucien : "...en les désarmant..."

Jean-Pierre : "...en s'envisageant, en leur montrant qu'ils étaient frères. Le mot ENVISAGER ! On a vu Satya surgir tout bardé d'armes. Christian est arrivé ... C'est là qu'on a vu que Christian était fils d'un général. Christian est arrivé en bas de l'escalier au-dessus duquel il y avait Satya. Il s'est mis à crier : "AH NON ! ON N'ENTRE PAS ICI AVEC DES ARMES !..."

Lucien : "...Tu l'entends encore..."

Jean-Pierre : "Oui, il y avait devant Satya, des hommes armés de coutelas et de mitraillettes. Christian leur a dit : "Si vous voulez qu'on discute, il faut mettre les armes dehors. Jamais personne n'est entré ici avec des armes !"

 

Alors Satya a pris Christian par le bras, ils ont descendu vers une statue de la Sainte Vierge à l'entrée du monastère. Ils se sont envisagés. Christian a dit : "Non" aux 3 choses que demandait Satya :

- Le docteur frère Luc, ne pourra pas aller dans la montagne. Il est âgé et asthmatique... Venez ici, le docteur vous soignera.

(Christian ne jouait pas à celui qui commande. Les membres du GIA auraient réagi... Christian agissait et parlait plus discrètement que ce n'est exprimé dans le film.)

- Satya demandait à emporter des médicaments. Christian lui a dit : "les médicaments, c'est pour les gens qui viennent se faire soigner ici. Si vous avez besoin de vous faire soigner, venez ici !"

- Satya demandait de l'argent. Christian lui a dit : "On n'est pas riches. On gagne notre vie avec le jardin." Satya lui a dit : "Mais si, vous avez de l'argent !" Puis Christian a détourné la conversation et il a dit : "Vous savez quel jour nous sommes ? Vous savez à quel moment vous arrivez ? C'est le jour où nous nous préparons à fêter le prince de la paix : Aïssa. Satya a répondu : "Oh, excusez-nous, on ne savait pas. Mais on reviendra !"

 

Après cet évènement, Christian nous a dit qu'en envisageant cet homme violent qui avait beaucoup de sang sur les mains, en l'envisageant avec douceur et courtoisement, cet homme avait été apaisé parce qu'ils étaient entrés dans une relation d'homme à homme. Christian étant désarmé, il respectait l'homme. On arrivait à un dialogue d'homme à homme. Christian a gardé ce principe de l'importance de s'envisager. Christian est venu à la rencontre de cet homme avec une force non-violente, la volonté de se désarmer soi-même.

Lucien : "Qu'est-ce que tu réponds profondément à mes questions !"

Jean-Pierre : "Le Wali (préfet) voulait que notre maison, le monastère, soit protégé par un groupe de militaires. Alors un jour, un groupe de militaires s'est installé dans la pièce à côté de celle où j'étais portier. Christian arrive : "Non ! on n'entre pas ici avec des armes ! Pour vous coucher, allez dans la salle du dispensaire." Le lendemain, leurs chefs arrivent. Christian les a reçus dans la rue. Il est sorti les attendre dehors et leur a dit : "Si vous voulez vous installer ici, il y a assez de place dans la montagne." Arriver à persuader l'autre de ce qu'on veut en le respectant. C'est dans ce sens que Christian a évolué.

Lucien : "Je suis en recherche de la non-violence, afin de la cultiver en moi, de la laisser travailler, entre les gens que je rencontre et moi. C'est pour ça que je suis venu ici afin de chercher auprès de vous les sentiers de la non-violence. Je suis venu pour te rencontrer et écouter ce que tu es en train de me donner, particulièrement ce que vous avez vécu à Tibhirine, et que vous continuez de vivre ici à Midelt. C'est pour ça, que je vous ai dit l'autre jour en franc-comtois que je suis, que Midelt est comme une résurgence de Tibhirine."

Jean-Pierre : "La non-violence, c'est ça: Dans chacun de nous, il y a une pointe de cristal comme dit Guy Gilbert. Elle n'est pas abimée par la violence. C'est ça qu'il faut considérer, reconnaitre, mettre à jour, ce meilleur de nous-même."

Lucien : "Je t'embrasse Jean-Pierre pour te remercier."

Jean-Pierre : "On n'est pas loin de l'échelle à double battant. Voici le livre de Christine Ray."

Lucien : "Je vais me replonger dedans, même que je l'ai relu avant de venir à Midelt avec le frère Benoit pour vous rencontrer."

Jean- Pierre : "J'avais écrit à Christine pour la remercier de m'avoir fait découvrir et apprendre des choses de l'enfance de Christian de Chergé, que je ne connaissais pas."

 

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  • : Lulu en camp volant
  • Lulu en camp volant
  • : Lucien Converset, dit Lulu est prêtre. A 75 ans, il est parti le 25 mars 2012 avec son âne Isidore en direction de Bethléem, où il est arrivé le 17 juin 2013. Il a marché pour la paix et le désarmement nucléaire unilatéral de la France. De retour en France, il poursuit ce combat. Merci à lui ! Pour vous abonner à ce blog, RDV plus bas dans cette colonne. Pour contacter l'administrateur du blog, cliquez sur contact ci-dessous.
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